……« Qu'en dis-tu ? »
« C'est d'accord »
Je sautais sur l'occasion. Dans la situation dans laquelle j'étais, je n'avais pas vraiment le choix : soit je disais non et j'étais sûr de mourir un jour dans les plus grandes souffrances – de plus rien ne me garantissait que ce jour fus proche et en l'attendant aucune chance de pouvoir mettre fin à mes jours étant trop surveillé…et attaché –, soit j'acceptais et j'avais l'espoir de voir ma vie s'éclairer ne serais-ce qu'un peu.
Le lendemain matin, le docteur Gottreich vint me chercher lui-même dans ma cellule. Un infirmier qui l'accompagnait me délivra de ma camisole de force.
« Je pense que je peux te faire confiance maintenant mon garçon, n'est-ce pas ? » me demanda le docteur.
J'acquiesçai.
« Très bien alors mettons-nous au travail. »
Mes premières taches furent comme l'avait dit le docteur de lui présenter le matériel au bon moment lorsqu'il opérait ou soignait des patients. La vue des boucheries qu'il faisait parfois me dégoûtait mais j'avais vu suffisamment de cadavres dans ma vie pour supporter ces spectacles. De plus, j'avais désormais une vision et jugement détaché des choses.
Mon stoïcisme ne fut réellement ébranlé que lorsque le docteur Gottreich, satisfait de mon travail, me donna la responsabilité de certains travaux sur la douleur. Après avoir été la victime de ces séances de torture (et je l'étais encore parfois car le docteur me considérait comme un sujet d'étude trop intéressant pour stopper complètement ses tests sur ma résistance à la douleur), je devenais à mon tour bourreau. Plus d'une fois j'eus envie de tout arrêter, de libérer le patient, de l'aider à s'échapper….mais le docteur Gottreich n'étais jamais très loin et je redoutais plus que tout de retourner dans cette affreuse cellule et de subir la torture jusqu'à la fin de mes jours. Alors je faisais ce que l'on me disais : je branchais le courant aux moments opportuns, j'enfonçait les aiguilles aux bons endroits, je serrais davantage les liens…Mais tout ceci ne pouvait durer longtemps. Je le savais, si je continuais à donner mon âme au Diable comme je le faisais, je ne pourrais pas y survivre. Ce n'étais pas une question de superstition, simplement ma raison m'interdisait ce genre d'actions et mon esprit et mon corps s'affaiblissaient un peu plus après chaque séance.
J'étais à deux doigts de perdre définitivement le peu de raison qu'il me restais lorsqu'une vieille connaissance entra à l'hôpital pour des crises délirante pendant lesquelles elle avait des visions. Cette connaissance n'était autre que Eric Watson, le père d'Emily.
Je ne ferais jamais de mal à un animal vivant !
Ce bon monsieur, à force d'abuser de la boisson sans avoir toujours les moyens financiers de renouveler son stock avait fini par succomber à ce que l'on appellerais aujourd'hui un delirium tremens. Une vison ou deux ? Pas de problèmes, le bon docteur Gottreich va arranger tout ça !
Je fus, à ma plus grande surprise, chargé de la prise en charge complète de monsieur Watson. « Traitement » et « suivi ». Peut-être que le docteur ne pensais plus à l'histoire commune que le patient et moi-même avions, trop occupé par ses recherches. Ou bien peut-être voulait-il me donner l'occasion de me venger. Je n'ai jamais su vraiment qu'elles étaient ses intentions. Toujours est-il que je prenais grand soin de mon patient. Je ne souhaitais pas qu'il lui arrive quoi que ce soit, préférant me réserver pour les séances.
Quant vint enfin ces heures de « traitement », j'appliquais à la règle tout ce que le docteur Gottreich m'avait enseigné. « la souffrance de chaque partie du corps permet de purifier l'esprit »…oui docteur ; « l'esprit défragmenté du patient ne peut se ré-assembler dans le bon ordre que si le corps est soumis aux plus vives douleurs »…oui docteur ; « un bon médecin n'a pas peur de faire souffrir ses patients si cela peut leur permettre d'obtenir un esprit sain ou…à défaut, un monde meilleur »…oui docteur.
Je tenais enfin ma vengeance contre cet être ignoble qui avait tué ma bien-aimée, mon ange, sa propre fille, et qui m'avait envoyé finir mes jours en enfer.
Entré à l'hôpital complètement hystérique et hallucinant, il ressorti, après être passé entre mes mains, doux comme un agneau…et sans doute avec quelques neurones grillés au passage.
Cet événement eu l'effet inverse de celui auquel on aurait pu s'attendre : au lieu de me soulager et de me rendre un peu de lucidité, il m'acheva, ou plutôt il acheva ma raison.
Je n'avais plus aucuns scrupules à torturer des innocents, au contraire, je désirais plus que tout ces instants délicieux pendants lesquels je dévorais l'âme des pauvres gens qui passaient devant moi.
Je, je voulais juste voir ce qu'il y avait dans son corps !
