La rencontre avec le père d'Emily m'avait fais perdre complètement et définitivement ma raison. J'étais en adoration devant le docteur Gottreich qui m'apprenait sans cesse de nouvelles techniques de torture. Je ne ressentais plus ni compassion, ni pitié, ni douleur, ni détresse. Je riais pendant les quelques séances de test auxquelles me soumettait encore le docteur. Je riais aux éclats. Plus rien n'avait d'importance et la vie d'un individu, quel qu'il soit, ne comptait plus à mes yeux.
Les semaines passaient, les mois passaient.
J'étais libre de mes allez et venues (dans l'hôpital !) depuis quelques temps grâce au docteur qui estimait que j'avais suffisamment prouvé ma loyauté et ma « stabilité d'esprit ».
Un soir, tandis que je retournais dans la petite pièce qui me servait de chambre après une journée bien chargée, je croisai une petite fille.
…une petite fille ? Ici, toute seule et à cette heure là ! Voilà qui était étrange. Elle me regardait m'éloigner doucement. Je m'arrêtai et lui demandai :
« Qui es-tu petite fille à l'air triste ? »
« Qu'est-ce que tu fais là ? » rajoutais-je d'un ton brusque.
« C'est toi qui es triste. Tu devrais arrêter de faire du mal aux gens. Ca les rend tristes eux aussi. Je suis sûre que tu serais moins malheureux si tu ne les faisais pas souffrir. » me répondit-elle de sa douce voix d'enfant.
« Comment tu t'appelle ? »
« Mary »
« Alors écoute-moi bien Mary, si tu ne veux pas mourir de mes mains après avoir subi les pires douleurs dans la salle que tu vois là-bas, je te conseille de te mêler de tes affaires et d'aller vite rejoindre tes parents. »
« Mes parents sont morts il y a longtemps. Et ce que je viens de te dire, c'était juste pour ton bien. Crois-moi, quand on accumule autant de tristesse, on devient méchant et quand on devient méchant on attire la méchanceté et quand on attire la méchanceté on… »
Je l'interrompis : « Tu as bientôt fini ? »
« …on se retrouve bloqué dans les sous-sols lugubres » acheva-t-elle dans un souffle.
« Vas-t-en ! » lui ordonnai-je.
« A qui parle-tu ? » demanda une voix derrière moi.
Je me retournais : c'était un infirmier.
« A la petite fille » dis-je en la lui montrant du doigt.
« Quelle petite fille ? »
« Pardon ? Mais enfin cette petite fille, là ! »
« Il ne peut pas me voir » intervint Mary.
« Quoi ? »
Je regardais alternativement Mary et l'infirmier. Visiblement, ce dernier ne voyait en effet aucune petite fille. Je restais bouche-bée.
« Je, non, rien, j'ai cru voir quelqu'un mais je me suis trompé, ce n'était qu'une ombre, un jeu de lumières… » finis-je par articuler à l'adresse de l'infirmier.
« Hum…allez, vas te coucher ! » me dit-il.
Je m'exécutai sans jeter un regard à Mary.
La tête me tournait. Je savais que la folie ou peu importe comment on l'appelle, s'était peu à peu emparé de ma raison…mais je n'avais jamais eu de démonstration de ma dégradation mentale…du moins pas si visible, si franche. Des visions ! Voilà que j'avais des visions ! Mais comment réagirais le docteur s'il l'apprenait ? Me ferait-il de nouveau enfermer comme un fou que j'étais ? Pourvu que l'infirmier tienne sa langue ! Oui, il fallait qu'il tienne sa langue !….je l'aiderais à garder le silence si le besoin s'en faisait sentir…
Je ressentis soudain la présence de quelqu'un près de moi. Je levai les yeux : Mary se tenait juste devant moi. J'eus un mouvement de recul.
« N'aie pas peur. » me dit-elle.
« Vas-t-en, vision ! » murmurai-je désespéré.
« Je ne suis pas une vision ! »
« Alors qu'es-tu et que me veux-tu ? »
« Je suis morte…mais je suis bloquée dans les sous-sols lugubres de l'hôpital. Et ce que je veux c'est juste t'aider. »
« M'aider ? Pourquoi ? »
« Le docteur Gottreich t'a fait du mal. Et je veux que tu arrête de faire de faire souffrir tous ces gens ! »
« Comme c'est généreux de ta part…quelle bonté d'âme ! » lançais-je d'un ton ironique. « Maintenant, disparais de ma vie ! »
Mary me regarda d'un air triste et soupira. Puis elle s'éloigna et disparu dans la pénombre.
Elle tint parole : je ne la revis plus de mon vivant !
…à suivre...mais après il ne reste que 2 chapitres !
