Je n'étais plus ne serait-ce que l'ombre du gentil – un peu étrange – garçon que j'avais été autrefois, lorsqu'Emily était encore en vie. Plus rien ne pouvais me ramener à mon ancienne vie. Seuls les rêves que je faisais me rappelaient celui que j'avais été : Emily, magnifique ; Emily et moi-même, heureux ; parfois même des éléments tristes de mon passé, mes parents, l'usine où je travaillais…tout me paraissais si lointain et si simple.

Peut-être que se sont ces songes qui m'ont poussé à allumer le feu.

Je n'avais plus ma raison comme je l'ai déjà dis. Je me nourrissais de la souffrance des autres. Les tourmenter me procurait du bien-être - relatif - et de la sérénité - hypocrite -. J'étais un drogué qui avait besoin de sa dose quotidienne. Mais comme un drogué j'avais des périodes à vide entre chaque séance. Mon esprit, plutôt mon inconscient, commençait alors à s'agiter. Il me criait désespérément d'arrêter, de cesser de reporter ma propre souffrance sur les pauvres gens que je détruisais, quitte à en perdre la vie.

Je ne l'écoutais jamais….Du moins, c'est ce que j'affirmais.

Un soir, tandis que tout le monde dormait, je descendis dans les sous-sol de l'hôpital. Il y avait dans les sous-sol des réserves de pétrole. Il ne me fut pas difficile d'allumer un feu. Quelles chiffons, une étincelles, et quelques minutes plus tard un feu naissait juste à côté des réservoirs de pétrole. Je regardais avec une joie immense les flammes grandir sous mes yeux. En peu de temps, elles gagneraient les étages et tout l'hôpital. J'étais heureux. Pour la première fois depuis ce qui me semblait être une éternité j'étais en paix, soulagé. L'enfer retournerait dans les flammes…et moi aussi. Je remontais dans les étages avant que les flammes ne m'atteignent. Je ne fuyais pas ma mort, je n'avais pas peur, je voulais simplement me retrouver une dernière fois dans les couloirs lugubres de l'asile comme pour leur les narguer, leur dire « vous voyez, vous avez cru pouvoir me détruire mais c'est moi qui vais vous avoir ».

Il se passa néanmoins une chose que je n'avais pas prévue : je rencontrai le docteur Gottreich.

« Paul ? Tu es encore debout à cette heure-ci mon garçon ? »

Je restais là, à le regarder, ne sachant que dire.

« Je, oui, j'ai été réveillé par un drôle de bruit, j'ai voulu aller voir ce que c'était » répondis-je maladroitement. « Je crois qu'il se passe quelque chose de bizarre en bas docteur »

Pourquoi avait-il fallu que je dise ça ? Pourtant, je n'avais pas pu m'en empêcher en le voyant. Si ça avait été en mon pouvoir, je serais même allé éteindre le feu que je venais tout juste d'allumer. Mais il était trop tard. Néanmoins, je n'en dis pas plus au docteur. J'aurais pu lui dire avoir vu un début d'incendie ou senti une odeur de fumée et lui conseiller de quitter les lieux de toute urgence mais non, je restais là, hésitant. Cet homme en face de moi représentait à la fois ce que je détestais le plus au monde et en même temps il étais la seule personne qui me comprenais un tant soit peu et qui – oui, je suis forcé de l'admettre – comptait pour moi. C'était le diable incarné mais je me sentais pourtant lié à lui d'une certaine façon…j'étais devenu un adorateur de Satan…

« Quelque chose de bizarre ? Comme quoi ? »

« Je vais aller me coucher maintenant docteur……bonne nuit »

Le docteur Gottreich me regarda me diriger vers ma chambre.

« Attends, Paul. Puisque tu es debout, j'aimerais que tu essaies ma dernière trouvaille. »

« Maintenant ? »

« Oui, maintenant. Suis-moi. »

« Bien docteur »

Je n'avais pas le choix. Le docteur Gottreich avait un ton ferme, presque agressif. Déjà qu'à l'ordinaire il n'était pas question d'aller contre sa volonté, ce soir là s'aurait été encore plus dangereux.

Moi qui m'imaginait retourner dans ma chambre et me coucher en attendant que les flammes m'emportent…mes plans étaient contrariés.

Avant-dernier chapitre (un peu court, désolée...mais le dernier sera plus long promis !). Suite et fin samedi prochain !...