Nous entrâmes dans la fameuse salle des hurlements. Je frissonnai. Cette salle me donnait toujours la chair de poule même après y avoir fait tant d'allers et venues.
« Déshabille-toi et plonge dans l'aquarium. » m'ordonna le docteur.
« Mais…je croyais qu'il n'était pas fini…que la solution n'était pas au point ? » remarquai-je étonné.
« Je l'ai améliorée ce soir et maintenant elle est au point. » dit-il de ce même ton ferme.
Des rats morts rassemblés dans un conteneur confirmais les dires du docteur : il avait récemment testé la solution. Mais je ne voyais aucun rat vivant…ce qui n'était pas bon signe.
L'eau saumâtre que contenait l'aquarium était une solution saline sensée régénérer le corps du patient qui s'immergerait entièrement dedans (rien de tel après une bonne séance d'étude de la douleur !…pour recommencer le plus vite possible…). Pour permettre une immersion complète et prolongée, le docteur Gottreich voulait mettre au point un soluté respirable. Y était-il finalement parvenu ? C'est ce que j'allais bientôt savoir.
J'exécutai les ordres : je me déshabillai et m'assis dans l'eau tiède.
« Allonge-toi complètement. Ensuite, expire tout l'air de tes poumons et rempli-les de solution. »
Je suivis les ordres. Mais lorsque je j'emplis mes poumons d'eau, une sensation d'étouffement se fit sentir et je me redressai en recrachant l'eau.
« Que se passe-t-il ? » interrogea le docteur.
« Je ne peux pas respirer dans cette eau ! » répondis-je en m'étouffant.
« Sottise ! Recommence ! Il faut un temps d'adaptation »
« Non, je vous assure docteur, je… »
« Ne discute pas ! Recommence. »
Je plongeai sous l'eau après avoir pris une dernière bouffée d'air.
Je vis le docteur refermer l'aquarium avec une lourde plaque puis s'éloigner. L'air commençait à me manquer mais je savais que j'étoufferais si j'emplissais mes poumons de cette eau lugubre. Je tentai de soulever la plaque au-dessus de ma tête mais rien à faire elle était trop lourde. Je tapai alors sur le côté de l'aquarium pour attirer l'attention du docteur. Il me regardais déjà. Il étais déjà conscient de ma détresse. J'avais beau taper, toujours plus fort, il me regardait, il ne faisait rien pour m'aider à sortir, il me regardait, il me regardait… Alors je compris en croisant son regard qu'il ne bougerait pas, qu'il ne m'aiderait pas, je compris qu'il m'avait vu allumer le feu, qu'il avait sans doute déjà fait le nécessaire pour qu'on l'éteigne et qu'il tenait déjà sa vengeance contre ce garçon complètement fou qu'il avait eu la bêtise de prendre pour assistant et qui l'avait trahis.
Alors je renonçait à toute lutte, je renonçait à la vie, j'expirais le peu d'air que j'avais en moi, j'expirais le peu de vie que j'avais en moi.
Je ne suis pas mort dans l'incendie. Je suis mort noyé lors de la dernière expérience du docteur Gottreich.
Paul Morlock
Paul Morloc
Paul Morlo
Paul Morl
Paul Mor
Paul Mo
Paul M
Paul
Pau
Pa
P
…
Je me réveillai dans l'aquarium. Mais, chose étrange, je pouvais à présent respirer l'eau saumâtre qu'il contenait. Je repoussai sans difficultés la plaque au-dessus de ma tête et m'extirpai avec soulagement de cette cage mortelle. Je m'habillai, bien que ne ressentant nulle sensation de froid et je regardai autour de moi : Je me trouvais toujours dans la salle des hurlements mais celle-ci avait quelque chose de changé… Je n'aurais pas su dire quoi mais cela lui donnait un air encore plus lugubre qu'à l'ordinaire.
Mary apparut soudain à l'entrée de la pièce.
« Je t'avais prévenu…maintenant te voilà prisonnier toi aussi des couloirs lugubres ! » me dit-elle sur un ton de reproche.
« Je suis mort moi aussi c'est ça ? » lui demandai-je sans éprouver le moindre peur.
Elle acquiesça.
En fait, je ne m'étais jamais senti aussi bien. J'étais libre en quelque sorte. J'étais capable de faire ce que….
« Alors mon garçon, ça a marché ? Tu as pu finalement respirer dans l'aquarium ? » me demanda une voix familière derrière moi.
Je me retournais, abasourdi.
« Docteur Gottreich ? Mais…je…je ne comprends pas…vous…vous êtes mort vous aussi ? » demandais-je maladroitement.
Il paru réfléchir un instant.
« Et bien oui il faut croire…ah ! Imagines mon garçon : nous avons toute l'éternité pour mener à bien nos expériences ! N'est-ce pas fantastique ? »
« Mais…comment êtes-vous… »
Il était déjà parti continuer ses expériences
« …mort ? » acheva Mary d'un ton interrogateur. « Ils n'ont pas réussi à éteindre l'incendie et le docteur s'est trouvé au cœur des flammes. Mais il est la seule victime car l'hôpital a pu être évacué à temps »
Je n'avais jamais vu le docteur si heureux…je ne pensais d'ailleurs pas que mourir ait pu lui faire plaisir !…je regrettais de ne pas l'avoir tué plus tôt !…
J'étais mort mais paradoxalement je pensais pouvoir enfin vivre. Mais le docteur m'avait rejoint dans ces sous-sols lugubres et j'avais alors sentis mon âme mourir et mes désirs sadiques renaître. C'étaient eux qui m'avaient permis de survivre lors de mon vivant, ils seraient encore plus indispensables dans ma mort.
J'étais perdu, dans tous les sens du terme…et je veillerai à ce que mes futures victimes le soient tout autant…
Cet oiseau était déjà mort.
Un jour je serai le médecin le plus sadique que la terre ait jamais connu. J'inoculerai des maladies jusqu'à lors incurables ; je tuerai les riches comme les pauvres. Chacun connaîtra la douleur…
FIN…
