Slave.

La jeune fille tira le micro vers elle et entama sa chanson. Lorsqu'elle chantait elle devenait une autre personne. Elle oubliait la dure loi de la vie. Cette bande de requins qui gardaient toujours leurs yeux rouge sang braqués sur elle, leur grande gueules ouvertes, prêts à la dévorer, disparaissaient. Tous ces regards critiques pleins de haine, de mépris et de préjugés ne se tournaient plus vers elle. Tout ce monde de fous, de pervers et d'idiots n'était plus. Il n'y avait plus qu'elle et sa chanson. Au moins durant quelques minutes. Elle même était bien différente. Elle n'était plus méchante ni arrogante. Elle devenait l'esclave de son micro et de sa musique. Elle devenait un pion dans ce grand jeu de chance, une carte entre les mains de ce flambeur de destin. Son visage prenait une autre teinte. Ses lèvres maquillées de rouges ne montraient qu'un sublime sourire et ses yeux verts, savamment soulignés d'un trait noir, brillaient de milles feux, la malice s'y reflétant.

No sé que fue,
que se llevó.
Hoy ha caído en el olvido.
Si es la pasion que no se va
la sensación de quererte tanto.

Elle observa les personnes présentes autour d'elle. Toujours les mêmes. Son manager, le réalisateur du clip, la costumière, son professeur de chant, la chorégraphe, la maquilleuse et tous ces gens débiles qui comptaient la transformer en star sans même lui demander son avis. Lorsqu'elle était tombée dans cette océan, elle n'avait qu'une dizaine d'années et ne comprenait pas ce qu'on lui disait. Elle ne savait pas que signer ce contrat signifiait, en fait, signer son arrêt de mort. Elle ne comprenait pas que jouer les petites starlettes allait devenir un jeu dangereux. Elle ne comprenait pas que sa petite chorégraphie innocente deviendrait un tango endiablé entre le mensonge, la vanité, la luxure et le pouvoir.

No sé que te esta pasando,
que todo tu lo echaste a perder
y loca tú me quieres volver.

Elle serra sa main autour du petit tube de plastique comme si sa vie en dépendait. Mais sa vie en dépendait réellement. Tout se jouait à travers ce micro, ces paroles et cette musique. Sa carrière, son avenir et même sa survie étaient sur cette table, attendant de voir si son numéro allait être tiré. De quelle côté allait-elle partir ? Quelle camp allait la prendre sous son aile ? Le camp des gagnants ? Celui qui lui offrirait la gloire pour l'année à venir. Ou celui des perdants ? Là elle serait directement exposée avec les objets usés, vieux et sales que plus personne ne regardait. Ce monde était bien cruel, personne ne pouvait dire le contraire. Un flambeur avait plus de chance qu'elle. Ses probabilités à elle étaient très restreintes. Ou rester et gagner le gros lot tout en remplissant les poches de la banque ou alors perdre mais tout de même remplir les poches de cette satané banque. Dans tous les cas c'était elle la gagnante. Cette traîtresse aux mains d'argent. Elle, la jeune chanteuse, n'avait qu'un atout en main, son public. Un atout bien vicieux, elle en était consciente. Il pouvait lever le pouce et augmenter ses probabilités ou le baisser et tout réduire à néant. La tuer.

Desnudándome quemaré
roces de tu piel.
Y queriéndome seguiré
siempre en pié.

Comment ne pas changer en entrant dans cette mer glacée ? C'était impossible. Lors de l'échec du célèbre Titanic dans l'océan, comment toutes ces personnes avaient-elles fait pour survivre ? Réponse simple, elles avaient changé. La triche et la trahison étaient devenues leurs plus précieuses alliées. Elle devait faire pareil. La gentille petite fille qu'elle était avait sombré, emportée vers les méandres de l'océan, oubliée. Elle était devenu aussi froide que la glace. Arrogante, prétentieuse, vaniteuse et insupportable. Elle était devenue ce genre de petite peste qu'elle haïssait tant. Alors elle se haïssait. Oh oui ! Elle se haïssait plus que quiconque. Seules, ces quelques minutes de véritable gloire face à un micro la maintenaient en vie. C'était cela, son gilet de sauvetage. A la fois son assassin et son sauveur. La chanson l'avait entraîné dans ce cauchemar mais elle la berçait de doux et beaux rêves.

Lerelerele

-Coupé !

Elle ouvrit les yeux. Voilà que maintenant les requins venaient mordre dans son gilet de sauvetage. Voilà qu'ils essayaient de la couler, pour mieux la dévorer, en lui enlevant son seul moyen de rester hors de l'eau. Elle lâcha rageusement son micro et descendit de la scène. Une coiffeuse vint immédiatement discipliner ses longs cheveux miels mais elle la repoussa d'un geste impatient.

-Laisse moi ! gronda t-elle

Elle s'en alla, laissant la jeune chanteuse redevenir la sale capricieuse qu'elle était la plupart du temps. Elle s'avança vers le réalisateur, toujours assis sur son éternel fauteuil, un peu comme les sauveteurs guettant les futures victimes. Il ancra ses yeux bleus dans les siens et passa un doigt dans ses cheveux noirs comme l'ébène.

-Pourquoi m'as-tu interrompue Eriol ? demanda t-elle, passablement énervée

-Parce qu'on a assez tourné pour ce matin, j'ai une faim de loup. On reprendra tout cet après-midi.

Elle soupira. Encore un gamin à qui l'on avait toujours tout donné et qui n'était jamais sortit de son cocon doré. La pire épreuve qu'il devait connaître était de choisir quelle chemise mettre le matin ou quel scène tourner avant telle autre. Elle le détestait. Comme elle détestait tous les autres idiots. Ruminant toujours ses sombres pensées, elle se rendit à sa loge. Cependant, sur le chemin, elle heurta quelqu'un de plein fouet. Elle tomba lourdement sur les fesses dans un cri un peu trop aigu.

-Vous auriez pu faire attention espèce d'idiot ! s'énerva t-elle

-Je suis désolé.

Elle écarquilla les yeux en entendant une voix pareille. Jamais un tel son n'avait aussi agréablement chatouillé ses oreilles. Une voix si douce et tendre, presque féminine. Elle releva la tête et rencontra deux yeux ambre. Ce qu'elle lisait dans ce regard la laissa pantoise. Tant de gentillesse, de candeur et d'innocence.

-Je… je… balbutia t-elle. Mais ce n'est pas possible d'être idiot à ce point ! se reprit-elle

Elle regard plus en détail le jeune homme qui se tenait face à elle. Il était grand mais pas trop et assez mince. Son corps était beau mais presque irréel. Il était si délicat et vulnérable pour un garçon. Ses cheveux chocolats en bataille retombaient sauvagement devant ses yeux et sur sa nuque. Son visage était fin, parfaitement dessiné et sa peau légèrement halé le rendait encore plus beau. Elle se releva, refusant catégoriquement la main qu'il lui tendait et le toisa le plus méchamment possible.

-Au lieu de me fixer comme vous le faites, allez me chercher un café ! ordonna t-elle, faignant l'outrance

-Mais je…

-Il n'y a pas de mais ! coupa t-elle. Allez-y et plus vite que ça !

Il baissa la tête, comme un petit garçon le ferait alors que sa mère lui fait le pire des sermons. Puis il la releva et acquiesça. Sans un mot, il s'éloigna d'elle, prenant la direction des distributeurs de boisson. Elle le fixa encore surprise de cette drôle de rencontre. Existait-il réellement un gentil dauphin dans ce monde de requins ? Elle soupira. Oui, mais il ne lui restait que deux solutions. Soit il devenait lui même un affreux monstre des mers, soit il se faisait manger. Et s'il choisissait la deuxième solution, elle s'en occuperait elle même.

Le jeune homme se rendit jusqu'au distributeur de boisson. Il restait encore étonné de la rencontre qu'il venait de faire. Pourtant, cela n'avait rien de si particulier. Du moins, s'il la comparait avec toutes les autres rencontres qu'il avait faites, depuis ce matin. Il était arrivé dans ce nouveau monde comme un ignorant entrerait dans une classe de surdoués. Il ne savait pas comment être, comment parler ni comment agir. Il savait bien qu'il n'était pas comme les autres. Exactement comme pour le cas de l'ignorant, il se sentait démuni, faible et petit. Il ne connaissait rien des personnes qui l'entouraient et était effrayé à l'idée d'être inférieur à eux. Il avait ressenti cela tellement de fois en quelques heures qu'à présent il pouvait supporter n'importe quel sermon en se contentant de baisser les yeux. Gros progrès. Lui qui n'aimait pas que l'on ne l'aime pas, il avait été servi et avait du s'y habituer dans son nouvel emploi.

-Bonjour.

Il se retourna, surpris, et se retrouva nez à nez avec une jeune femme aux longs cheveux noirs et aux grands yeux bleus nuit. Le sourire qu'elle affichait le rassura, elle était peut-être différente des autres. Peut-être était-elle aussi ignorante et perdue qu'il l'était.

-Bonjour. Répondit-il

-Vous êtes le nouvel assistant de la starlette ?

-Oui.

Elle prit le café qu'il venait de payer et s'éloigna avant qu'il ne puisse réagir.

-Bonne chance ! lança t-elle par dessus son épaule.

Il s'affaissa. Pas si différente que ça. Elle était plutôt la surdouée qui ne veut pas le laisser paraître mais qui ne peut pas s'empêcher de montrer son intelligence. Il remit une pièce dans le distributeur et attendit à nouveau. Il espérait vraiment pouvoir réussir ce nouvel emploi. Il n'aimait pas l'échec et était d'un naturel très persévérant. S'il avait prit ce boulot c'était surtout pour aider sa famille. Sa mère s'était retrouvé seule alors qu'elle était enceinte de son cinquième enfant. Il était né et elle n'avait jamais montré le moindre signe de faiblesse. Bien que pas très riche, il avait toujours eut ce dont il avait besoin. Mais à présent, ses sœurs dispersées aux quatre coins du monde, sa mère n'avait plus ni la force, ni les moyens de survivre comme elle l'avait toujours fait. Vivant toujours avec elle puisque encore mineur, il s'était senti redevable. Ainsi il avait recherché un emploi, un petit quelque chose pour arrondir les fins de mois. Ce job d'assistant pour une star nouvellement formée lui avait parut simple quoi que bien payé. Et puis il avait trouvé intéressant de découvrir un nouveau monde. Il ne le regrettait pas vraiment. Il saisit le gobelet empli de liquide noir encore fumant et se dirigea vers l'endroit où il avait rencontré la jeune femme. Il repensa à elle. Il avait été si surpris en la voyant. Ses pensées furent interrompues par une voix.

-Vous en avez mis du temps !

-Je suis désolé. Murmura t-il

-Arrêtez avec votre manie de vous excuser.

Il releva la tête vers elle, lui offrant un magnifique sourire. Elle en fut touchée plus qu'elle ne le désirait. Comment un jeune homme pouvait-il avoir un sourire si angélique ? Alors il avait réellement choisis de rester le gentil petit dauphin qu'il était ? Une voix en elle lui hurlait que c'est ce qu'elle aurait du faire mais elle ne l'écouta pas. Il voulait se faire dévorer tout cru ? Très bien, elle allait se régaler. Comme le disait si bien Eriol, elle avait une faim de loup.

-Merci.

Toutes ses pensées disparurent alors qu'elle entendait ce simple mot. Le jeune homme s'en rendit compte. Finalement, c'était peut-être celle qui voulait passer pour une surdouée qui était en réalité la plus ignorante de tous.

-Pourquoi me dites-vous merci ?

-Parce que vous refusez mes excuses, donc vous refusez le fait que j'ai tort. Je vous en remercie.

Elle ne trouva rien à lui répondre. Non pas que les répliques cinglantes lui manquent, bien au contraire, mais aucunes ne lui semblaient pertinentes. Comme si l'une des ces phrases, quelle qu'elle soit, ne pouvait être aussi pure que lui. Comme si elle, non pas ses mots ou ses phrases mais bien elle, ne méritait pas de connaître un tel être. Elle se gifla mentalement, chassant ces pensées idiotes de son esprit. Il semblait que trop travailler ne lui réussissait pas.

-Qui êtes vous d'abord ? finit-elle par demander d'un ton sec et froid

-Je suis Syaoran Li, votre nouvel assistant.

Surprise elle lâcha son verre. Le liquide se répandit sur tout le sol. La jeune femme s'énerva.

-Vous êtes vraiment un idiot ! Et bien, qu'attendez vous pour tout nettoyer ? Le déluge ?

Il baissa les yeux une nouvelle fois. Loin de l'agacer, cette moue enfantine qu'il l'affichait l'attendrie. Mais le costume de squale qu'elle avait enfilé n'allait pas tomber maintenant. Son masque de cruauté, de brutalité et de férocité ne devait pas tomber. Il en allait de sa propre vie.

Le deuxième jour de tournage se passa comme le premier. Sakura resta toujours aussi froide tandis que Syaoran restait le même jeune « ignorant » innocent. Ces deux êtres totalement différent passaient la plupart de leur temps ensemble, travail oblige. La jeune femme découvrait ce qu'était la compagnie de quelqu'un de sincère. Elle qui n'avait toujours eut que des hypocrites avec elle était étonnée de le voir l'accompagner sans jamais se plaindre. Bizarrement, le requin qu'elle était hésitait à croquer le petit dauphin. Quant à ce dernier, il apprenait tout sur ce monde qu'il connaissait si peu en restant près d'elle. Loin de l'utiliser ou la manipuler il l'étudiait et l'apprenait. Elle était pour lui comme un nouveau livre qu'il voulait découvrir. Chaque facette de sa personnalité était comme un nouveau chapitre, une nouvelle page tournée. Bien sûr, elle gardait toujours ce voile de la parfaite petite chipie. Cependant, il lisait en elle, voyait au plus profond de son âme. Elle qui parlait souvent du Titanic, son film culte, elle était comme l'héroïne. Haïssant le monde auquel elle appartenait mais ne comprenant pas qu'elle pouvait le quitter sans remords. Elle se raccrochait désespérément à ce morceau de bois sur l'océan, ce simple métier dans une mer d'autres possibilités. Sa passion était sa vie. Ce qu'il ne savait pas, c'était que malgré les réticences de sa conscience, elle avait décidé de le manger dès ce soir. Et à faire un repas, autant qu'il soit agréable.

-Syaoran ?

Assis sur les quelques marches menant à sa loge, il l'attendait.

-Oui ?

La porte s'ouvrit. Elle avait revêtue une nouvelle tenue, celle d'un ange. Elle sourit, il semblait que le réalisateur s'était trompé dans la distribution des rôles. C'était son assistant l'ange, pas elle.

-J'aimerais que vous passiez dans ma loge ce soir.

Le jeune homme resta interloqué. Son travail se terminait normalement à seize heures.

-Mais…

-Combien de fois devrais-je le répéter ? Pas de mais ! Je vous veux ici, ce soir à vingt deux heures.

-Vingt deux heures ? Mais pour quoi faire ?

Elle faillit éclater de rire mais se retint tant bien que mal. A ce stade là il n'était plus un dauphin mais un petit poisson. Il était d'une naïveté incroyable et touchante.

-Vous êtres vraiment un idiot ! s'emporta t-elle pour la énième fois depuis qu'elle le connaissait.

Elle se calma et s'approcha de lui, dessinant un dessin imaginaire sur son torse.

-D'après vous, qu'est ce qu'on homme et une femme peuvent faire seuls dans une loge, tard dans la nuit ? demanda t-elle sensuellement en se mordant le lèvre.

-Je…

Mais elle ne lui laissa pas le temps de répondre. La porte se referma devant ses yeux toujours écarquillés. Que venait-il de se passer ? Qu'avait-elle dit ? Avait-il rêvé ? Il était devenu l'esclave de sa propre ignorance. Son esclave à elle. Et il ne pouvait rien y faire.

A vingt deux heures, trois petits coups furent donnés contre la porte de sa loge. Etonnée qu'il ait accepté si facilement, Sakura alla ouvrir. Elle faillit s'étrangler en le voyant. Il portait un jean noir délavé avec une chemise noire dont les premiers boutons étaient défaits. Un ruban noir était noué autour de son cou. A cet instant, le doute s'empara d'elle. Etait-elle vraiment assez forte pour le dévorer ? N'allait-elle pas être piégée ? Le désir qui commençait à couler en elle lui faisait peur. Elle l'avait déjà ressenti mais pas de cette façon. Cela n'avait jamais été aussi ardent, aussi profond. Elle le tira par le col de sa chemise, le plaqua contre le mur et claqua la porte.

-Ce soir tu es à moi. Murmura t-elle

Syaoran ne répondit pas mais un sourire s'étira sur son visage. Un sourire doux. Il avait hésité avant de venir mais tout le menait jusque là. Tous les fils accrochés à son corps et dirigés par cette chanteuse.

No sé que fue.
Algo falló.
Quise vivir siempre a tu lado
y comprendí que no era yo,
porque eres tú el que inquieta
y hace daño.
No sé que te está pasando
que todo tu lo echaste a perder
y loca tú me quieres volver.

La musique allumée, Sakura se sentait mieux. Elle était vraiment dans son monde et ici, personne ne pouvait la faire souffrir. Elle ferma les yeux quelques secondes, enchaîna quelques petits pas de sa chorégraphie. Le jeune homme encore prisonnier entre elle et le mur, elle pouvait sentir son souffle sur sa joue et son cou. Ce souffle la réchauffait. Il était comme une nouvelle source de vie, la vent de chaleur qui ferait fondre la glace qui l'entourait. Ce soir, elle ne chassa pas ses pensées, elle n'en avait plus l'envie. Elle rapprocha son visage de celui de Syaoran. Il avait déjà fermé les yeux, quémandant ce baiser qu'elle tardait à lui donner. Mais elle voulait tout commander, rester le requin et le croquer avec appétit. Elle voulait le savourer avant d'en finir. Elle arrêta ses lèvres à quelques millimètres des siennes. Elle posa sa main sur sa joue et la caressa doucement. Son autre main caressa son cou, la naissance de son torse et de ses épaules. Elle le sentit frémir sous ce doux effleurement. Sakura se colla davantage contre lui, sa poitrine serrée contre son torse, ses jambes entremêlées avec les siennes, leurs souffles mélangés. Lentement, le torturant le plus possible, elle défit les boutons de sa chemise. Ses mains parcourent tout son torse en caresses plus voluptueuses les unes que les autres. Elle le sentait frémir de plus en plus.

Desnudándome quemaré
roces de tu piel.
Y queriéndome seguiré
siempre en pié.

Décidée à enfin lui donner ce qu'il demandait, Sakura posa ses lèvres sur celles de Syaoran. Elle mordilla et lécha ses douces lèvres et glissa sa langue dans cet antre paradisiaque. Elle trouva vite sa propre langue et s'amusa à la taquiner, la chercher, la fuir et l'effleurer. Ses yeux se fermèrent alors que le jeune homme répondait à son baiser, y mettant toute la passion dont il était capable. C'est à ce moment qu'elle comprit. Le piège venait de se refermer sur le requin et ce dernier ne pouvait plus en sortir. Elle sut de suite qu'elle ne pourrait plus jamais oublier ce baiser ni même s'en passer. Le jeune assistant posa ses mains sur les hanches de la chanteuse et remonta jusqu'à sa poitrine. L'ignorant qu'il était allait lui apprendre ce qu'il savait. Même si le chemin sur lequel elle le guidait cette nuit était nouveau pour lui, il s'y sentait sûr. Les ailes de l'ange se noircissaient. Il devenait le démon tentateur. Et elle était la démone débutante charmée par sa beauté et sa sensualité. Il posa sa main sur la bretelle de sa robe et la fit descendre le long de son épaule. Le tissu tomba en même temps que le masque. Le requin devenait sirène. La démone devenait humaine. La chanteuse arrogante devenait femme.

Hoy quisiera huir del tiempo.
De este tiempo que me ahoga.
Hoy quisiera no estar presa.
No estar presa en tu boca.

Sakura ne voulait pas perdre le contrôle, elle voulait rester le requin qu'elle avait toujours fait semblant d'être. Reprenant le peu de lucidité qu'il lui restait, elle recula lentement. Tendant sa main vers lui, elle continua à reculer et s'allongea lascivement sur le lit. Il fallut peu de temps à Syaoran pour la rejoindre. Il s'agenouilla au dessus d'elle. Leurs corps brûlants de désir n'étaient plus qu'allumés par la seule lueur de la lune à travers la petite fenêtre. Il se pencha sur elle et saisit ses lèvres dans un baiser empli d'envie. La jeune femme y répondit et passa ses bras autour du cou du jeune homme, lui offrant de douces caresses sur la nuque. Un nouveau jeu commençait. C'était à celui qui serait le maître et qui réussirait à maîtriser son nouvel esclave. Il descendit des lèvres de la jeune chanteuse, embrassa son menton et s'arrêta au niveau de son cou. Il la sentit frémir de plaisir alors qu'il mordillait un petit morceau de sa peau blanche. Bientôt une marque rosée apparut, trace et preuve de cette nuit. Cette nuit où il s'offrait à elle mais changeait les règles qu'elle avait imposées dès leur rencontre. Ses lèvres descendirent et vinrent embrasser la naissance de sa poitrine, puis sa poitrine. Il s'y arrêta, la torturant à nouveau. Tout le corps de la jeune femme tremblait d'envie et d'appétit. Elle se cambrait, remuait légèrement. Il descendit encore, laissant une traînée le long de son ventre et sur son nombril. Elle se releva de surprise alors qu'il léchait son bas-ventre. Elle posa ses mains sur les joues du jeune homme et le ramena à elle, l'embrassant passionnément. Elle profita de ce baiser pour inverser les positions. Il l'avait torturé, jouant son rôle de séducteur à la perfection mais c'était son tour à présent. Elle allait se venger, le savourer bien plus qu'elle ne l'avait prévu.

Dices que te vas,
vas detrás de mi
quieres que te quiera,
quien quiere quien eres si...

Sakura saisit la main de Syaoran et porta ses doigts à ses lèvres. Elle les lécha, suça et mâchonna délicatement, le faisant frissonner d'impatience. Puis elle se coucha sur lui et embrassa tout son corps parfait. De son ventre, elle remonta sur son torse qu'elle supplicia interminablement et enfin sur son cou, son menton, ses lèvres, ses joues et ses oreilles. Elle reprit ses lèvres d'assaut alors que ses doigts s'affairaient sur le bouton de son pantalon. Elle eut un sourire en sentant son membre gonflé de désir. Lentement, elle descendit la fermeture éclair puis elle vint embrasser le bassin du jeune homme. Il ne disait rien, ne faisait rien à part se voûter sous ses caresses expertes. Elle fit glisser le pantalon sur ses cuisses et ses jambes, les couvrant de baisers au passage. Lorsqu'ils ne furent tous d'eux plus qu'en sous vêtements, elle utilisa toutes les forces qui lui restait pour se relever et s'éloigner du lit. Interloqué, le jeune homme se releva. Sakura dansait et se déhanchait sur la musique qui jouait encore et toujours.

Lerelerele

Syaoran se leva du lit et vint attraper Sakura par la taille. Aussitôt, elle lui fit un sourire plein d'arrogance et l'embrassa fougueusement. Il y répondit avec la même fureur et la souleva du sol avant de la déposer sur la table de maquillage. Assise contre son miroir, elle continuait à l'embrasser sans pouvoir s'arrêter. Il fit glisser ses mains sur sa poitrine, prit ses seins entre ses mains et les caressa avec toute la tendresse qu'il était capable de donner. Elle ne put plus retenir ses gémissements qu'elle retenait depuis de longues minutes déjà. Il s'occupa ensuite de lui ôter sa petite culotte. Nue devant lui, elle s'allongea sur la table faisant tomber tous les rouges à lèvres et autres produits de maquillage. Il monta sur la table et s'allongea sur elle. Elle s'accrocha à lui aussi fort qu'elle le put, lui mordillant le lobe de l'oreille.

-Viens en moi. Lui murmura t-elle

Sur ces mots, elle lui retira son dernier sous vêtement. L'échange qu'ils avaient commencé de façon lente devint pressant, sauvage. Aucun des deux ne pouvait plus résister au corps de l'autre. Il n'y avait plus de maître ou de maîtresse, juste deux esclaves. Le requin était redevenu dauphin. L'ange et le démon étaient de nouveau humains. Il n'y avait plus de chasse, juste le butin. Fiévreux au plus haut point, l'embrassant encore une fois sur les lèvres, il glissa deux doigts en elle, aussi affectueusement qu'il le put. Lorsqu'il la sentit prête, il retira ses doigts et la pénétra d'un geste sec. Elle lâcha un petit cri étouffé et s'accrocha encore plus à lui, enfonçant ses ongles dans son dos. Il commença un va et viens, d'abord très lent et timide. Puis, elle se détendit et se mit à gémir de plaisir, nouant ses jambes autour des hanches du jeune homme. Là, il engagea un mouvement plus rapide, plus sensuel et plus ardent. Ils crièrent tous deux. Ce qu'elle avait espérer être seulement une rencontre sexuelle, un moyen de le dévorer se transformait en autre chose. Une union, quelque chose qui changerait sa vie. Il se sépara d'elle et sa tête retomba contre sa poitrine. Il était couvert de sueur et tremblait légèrement. Le petit ange, le dauphin et l'ignorant reprenaient leur place en lui.

Deux jours plus tard, le tournage était terminé, une petite fête était organisée. Tous trouvaient Sakura différente, sans en comprendre la raison. La jeune chanteuse n'avait jamais été aussi cruelle, méchante et vile. Tous la craignaient. Tous sauf une personne. Syaoran restait toujours auprès d'elle. Il était toujours aussi calme, innocent et débordant de pureté. Il était l'objet de nombreuses moqueries, on le surnommait le « slave ». Mais il ne réagissait pas. Après tout, il savait très bien qu'il était son esclave. Déjà avant qu'il ne la connaisse, sa musique l'envoûtait. Et maintenant qu'il était avec elle, il pouvait lire en elle. Ce que lui disaient les lignes de son âme le séduisait. Cette jeune femme n'était nullement ce démon qu'elle voulait être. Ce petit ange était juste blessé par le monde dans lequel elle avait été envoyée.

-Hey Syaoran !

Le jeune homme se retourna. Il travaillait encore alors que la fête battait son plein mais il ne s'en souciait pas spécialement.

-Sakura te demande, encore ! lui expliqua Tomoyo

Le jeune assistant acquiesça. Bizarrement, depuis qu'ils avaient couché ensemble, la chanteuse le demandait toujours à ses côtés. Comme si elle ne pouvait plus respirer lorsqu'il n'était pas là. Elle avait d'ailleurs déjà fait ce genre de crises deux ou trois fois alors qu'il était partit chercher quelque chose ou discuter avec une personne sur le plateau. Il sourit en repensant à cela et sortit une petite boite de sa poche. Il la fit tourner plusieurs fois entre ses doigts tout en marchant vers le local où se trouvait Sakura. Il la trouva en profonde discussion avec Eriol, mais il se rendit vite compte qu'il y avait quelque chose de bizarre. Ses yeux n'étaient plus les mêmes. Il s'approcha d'elle sans qu'elle ne le remarque.

-Et tu sais quoi ? disait-elle, partant dans un grand éclat de rire

-Non. Répondit Eriol en retenant un hoquet

-Il a accepté de coucher avec moi, juste comme ça, sans raison ! Un vrai gigolo mais gratuit ! Et puis il était vraiment compétent ! Wow ! On dirait pas mais il doit tirer son coup super souvent !

La petite boite tomba sur le sol. Le jeune homme baissa la tête alors que beaucoup de têtes se tournaient vers lui. Ses cheveux voilaient ses yeux, ne montrant pas l'expression qu'ils avaient prise. Toujours dans un silence de mort, il tourna les talons et s'éloigna. Le requin avait finalement eut le petit dauphin.

Sakura ne pouvait détacher son regard de la petit boite blanche tombée sur le sol. Depuis qu'elle avait vu Syaoran, l'alcool ne faisait plus son effet. Elle avait dit des atrocités, des mensonges. Pour se laver de la honte que lui procurait son propre cœur, elle l'avait souillé. Elle avait planté son harpon dans le corps du dauphin. Elle avait tâché les belles ailes d'ange, les avait recouvertes de sang, puis de noir et l'avait finalement déplumer. Elle avait tué cette belle âme. Comment avait-elle pu faire cela ? Elle était devenu le pire des requins. Elle avait noyé la seule personne qui pouvait la sortir de l'océan.

-Sakura, tout va bien ?

Eriol venait de poser une main sur son épaule. Elle se dégagea violemment. S'accroupissant sur le sol, elle saisit la jolie petite boite et l'ouvrit. Une larme coula sur sa joue, répandant une trace noire sur sa peau. Une petite plume blanche trônait dans le coffret. Une simple plume, le plus beau cadeau qu'elle n'ait jamais eut. Elle saisit la plume entre ses mains, cette plume d'ange qu'elle n'avait jamais mérité. D'autres larmes coulèrent sur ses joues. Le mascara et l'eyeliner coulèrent aussi. Elle pleura longuement, au milieu de cette foule de carnivores assoiffés de sang. De son sang à lui, de son sang à elle aussi. Mais elle ne les laisserait plus faire, non plus jamais. Elle comprenait à présent. Lorsqu'ils avaient fait l'amour, il n'avait pas changé. Il n'était pas devenu un démon tentateur, il était resté le même ange de pureté. C'était elle qui avait changé. Elle était devenue, pour la première fois depuis des années, une simple humaine, une femme. Elle se releva et courut vers sa loge, elle savait qu'il était là-bas, elle le sentait. Mais comment le rattraper ? Comment se faire pardonner ? Comment laver les traces noires qu'elle avait elle même dessinées.

No sé que fue,
que se llevó.
Hoy ha caído en el olvido.
Si es la pasion que no se va
la sensación de quererte tanto

No sé que te esta pasando,
que todo tu lo echaste a perder
y loca tú me quieres volver.

Desnudándome quemaré
roces de tu piel.
Y queriéndome seguiré
siempre en pié.

Lerelerele

Syaoran se retourna. Sakura était en train de chanter, une main sur son cœur, à quelques mètres de lui. Elle semblait si différente tout d'un coup. Avec son maquillage éparpillé sur son visage, ses yeux embués de larmes et ses lèvres tremblantes.

No sé que fue.
Algo falló.
Quise vivir siempre a tu lado
y comprendí que no era yo,
porque eres tú el que inquieta
y hace daño.
No sé que te está pasando
que todo tu lo echaste a perder
y loca tú me quieres volver.

Desnudándome quemaré
roces de tu piel.
Y queriéndome seguiré
siempre en pié.

Hoy quisiera huir del tiempo.
De este tiempo que me ahoga.
Hoy quisiera no estar presa.
No estar presa en tu boca.

Dices que te vas,
vas detrás de mi
quieres que te quiera,
quien quiere quien eres si...

Lerelerele

Sakura arrêta sa chanson. S'il pouvait lire dans son âme alors il allait comprendre. Comprendre à quel point elle était une autre quand elle chantait. A quel point elle voulait continuer à chanter, à chanter pour lui. Il allait comprendre que le masque était tombé et que plus jamais elle ne le remettrait. Il devait le comprendre. Mais pour l'instant, il restait là, immobile. Il lisait tant de choses en elle. Il s'avança timidement.

-Tu…

-Je suis désolée ! le coupa t-elle. Je mentais.

-Mais pourquoi ? demanda t-il avec toujours autant de naïveté

-Parce que j'avais honte et peur de mes sentiments. Depuis la nuit que nous avons passée ensemble je ne suis plus la même alors je renforce ma carapace ! Je suis devenue plus dure, plus impitoyable mais il y a une chose qui me trahissait. C'étaient mes crises. Dès que tu n'étais plus là je me sentais si faible, si petite. J'étais comme une petite fille perdue dans l'océan. Je t'en supplie ne me laisse pas, je ne peux plus me passer de toi.

Il ne répondit pas, baissant la tête. Elle se jeta à ses pieds, les larmes coulant à nouveau sur son visage devenu doux.

-En une nuit tu m'as changée, je t'en supplie continues à me changer ! Fais de moi une humaine, tue le monstre qui est en moi. Je… je t'aime !

Syaoran resta silencieux quelques instants. Puis il s'agenouilla à son tour et posa une main sur sa joue baignée de larmes et de maquillage.

-Je t'aime. Murmura t-il avec un sourire.

Heureuse comme jamais elle ne l'avait été, elle sauta dans ses bras. Surpris, il tomba en arrière, la jeune chanteuse accrochée à son cou. Elle avait enfin compris ce que jamais elle n'aurait compris sans lui. Cette mer de requins pouvait facilement devenir un doux fleuve si l'on gardait le sourire. Au lieu de devenir requins, elle aurait du rester poisson. Au lieu de s'accrocher comme une folle à ce morceau de bois, elle aurait du nager et appeler à l'aide. Parfois, les probabilités gagnaient. Parfois, une poussière d'étoile était versée sur cette roulette fatale. Et cela avait été le cas pour elle. Elle était tombé sur le bon numéro.

Fin.