Without you

Les grandes portes de métal s'ouvrirent tristement et une douce lumière illumina la sale de danse. La jeune fille s'avança lentement dans cette pièce qu'elle avait tant aimé auparavant et qu'elle haïssait tant aujourd'hui. Ses chaussons de danse usés glissaient sur le parquet morne et terne. Elle jeta un œil vers la glace, son reflet n'était plus que l'ombre d'elle même. Ses longues jambes, son joli corps, son visage rond, ses lèvres rosés, ses yeux verts et ses longs cheveux miels n'étaient plus qu'une illusion. Derrière cette jolie façade, son âme pleurait, hurlait au désespoir. Elle saisit la télécommande et alluma la musique. Mais aussitôt elle l'éteignit et jeta le petit boîtier. Pourquoi ? Pourquoi cette chanson ? Sa chanson… Elle baissa la tête et la releva, les yeux embués de larmes. Depuis quand n'avait-elle pas rit ou même sourit ? Depuis si longtemps. Et la dernière fois c'était dans cette salle. Mais elle chassa ce souvenir, bien trop douloureux pour son cœur. A présent elle détestait cette salle, cette école, cette ville. Tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à la danse la répugnait. Elle qui avait tant aimé danser ne pouvait plus amorcer un pas sans fondre en larmes. Sa passion lui avait tout enlevé. Un petit coup la fit sursauter. Elle se retourna et écarquilla les yeux, surprise.

-Tomoyo ? murmura t-elle

La jeune fille aux longs cheveux noirs s'avança timidement vers son ancienne amie. Elle ne savait pas vraiment comment agir avec elle. Rester comme avant ? Etre distante et froide, comme une inconnue ? Elle ne savait pas que faire. La jeune fille qui se tenait devant elle venait de vivre une terrible épreuve et elle le savait très bien.

-Bon retour parmi nous... Sakura. Dit-elle finalement

-Merci.

Sakura tourna le dos à la jeune femme, ne supportant plus son regard bleu ciel posé sur elle.

-Tu… tu me pardonnes ?

Tomoyo releva la tête, surprise. Elle lui demandait si elle lui pardonnait ? Mais…

-Bien sûr… fit-elle

Sakura ravala un sanglot. Elle avait la meilleure amie du monde et ne s'en était jamais rendue compte, jamais jusqu'à maintenant. Elle l'avait faite souffrir, souffrir comme jamais elle n'aurait du le faire. Elle lui avait menti, l'avait trahie. Puis elle l'avait insulté. Elle se sentait si monstrueuse, si sale. Elle sentit une larme couler lentement le long de sa joue. Avait-elle eut raison de revenir ici ? Elle n'en savait rien mais elle n'avait aucun autre endroit où aller.

-Saki ?

-Oui ?

-Je suis vraiment heureuse que tu sois de retour. J'ai eut très peur pour toi.

La jeune fille en fut profondément touchée. Malgré tout elle s'inquiétait pour elle. Elle s'avança vers Tomoyo, doucement, timidement. Elle avait tellement peur que tout cela ne soit qu'un rêve, une illusion. Elle avait tellement peur de se réveiller dans ce lit d'hôpital, hurlant de douleur. Ou alors dans cet autre lit… Elle secoua la tête, chassant cette atroce pensée. Avant qu'elle n'ait pu prononcer le moindre mot, son amie la serra dans ses bras. D'abord surprise, elle finit par se détendre et répondre à cette étreinte pleine d'amitié et de tendresse. Elle ferma les yeux. Peut-être était-ce ici sa vraie maison après tout. Malgré la douleur de cette épreuve, elle devait réapprendre à vivre. Ici elle avait ses amies. Oui, elle devait réapprendre à vivre. Mais avant cela, elle avait encore une chose à faire, une douleur à endurer. Et c'était la pire de toutes les douleurs. Elle se sépara de son amie à regrets.

-Tomoyo.

-Oui ?

-Est ce que…

Elle s'arrêta, prise d'une sorte de malaise. Les mots ne sortaient plus de sa bouche. Elle prit une profonde inspiration en même temps qu'une deuxième larme roulait sur sa joue et allait s'écraser sur le sol.

-Est ce que, reprit-elle, tu sais où est Syao ?

Tomoyo la fixa tristement.

-Il est en train de finir le ménage dans la salle des professeurs.

Sakura acquiesça et sortit de la pièce. Dès qu'elle eut passé la porte, Tomoyo s'effondra sur les genoux et fondit en larmes. Elle savait que ce moment allait arriver. Elle savait que son amie allait revenir. Dès le début elle avait prévu de lui pardonner toutes les souffrances qu'elle lui avait faite endurer. A présent, elle ne pleurait pas pour ça, ou peut-être juste un peu. Elle s'était faite à l'idée de ne plus jamais pouvoir faire confiance à l'homme qu'elle aimait. Mais et Sakura ? N'avait-elle pas plus souffert encore qu'elle ? Si, bien sûr que si. Elle plaqua sa main sur sa bouche, retenant ses sanglots autant que possible. Sa meilleure amie avait traverser des épreuves si dures pour une jeune fille de dix sept ans. Et la revoir ainsi ce soir, si faible. Elle avait tellement mal pour elle. Pour elle-même aussi sans oublier Syaoran.

Syaoran se figea en entendant quelqu'un frapper à la porte. Il était minuit, plus aucun professeur n'était là, pas même la directrice ou le concierge alors qui pouvait venir le déranger ? Il sourit en pensant que c'était sûrement Meilin qui voulait les copies des examens. Il se retourna, un grand sourire sur les lèvres mais changea d'expression aussitôt. Sakura se tenait devant lui. Il resta immobile tandis qu'elle l'observait. Il n'avait pas changé pendant son absence. Toujours aussi beau et candide. Ses yeux ambre pétillaient toujours de la même lueur innocente et son corps paraissait plus frêle que jamais dans son grand tablier vert. Elle baissa les yeux un instant, se triturant les doigts afin d'évacuer le stress, puis monta les quelques marches qui les séparaient.

No I can't forget this evening Or your face as you were leaving But I guess that's just the way The story goes You always smile but in your eyes Your sorrow shows Yes it shows

-Je suis content de te revoir. Lui dit-il

Elle leva les yeux vers lui. Elle qui l'avait tant aimé, et qui l'aimait encore et toujours. Elle ne savait plus quoi faire. Elle réfléchissait sans arrêt depuis l'incident.

-Moi aussi. Finit-elle par répondre

Il fit un pas vers elle.

-Pourquoi n'as tu pas voulut que je vienne te rendre visite ?

Elle plissa les yeux, les larmes menaçant de couler la piquaient. Le moment était venu. Cet instant qu'elle avait tant repoussé depuis qu'elle savait qu'il devait avoir lieu.

-Syaoran. Il faut qu'on arrête.

Il eut un sourire pendant quelques secondes. Quoi ? Que lui racontait-elle ? Pourquoi parlait-elle d'arrêter ? Etait-ce une blague ? Encore un exercice tordu pour le professeur d'art dramatique.

-Pourquoi ? réussit-il à articuler

No I can't forget tomorrow When I think of all my sorrow When I had you there But then I let you go And now it's only fair That I should let you know What you should know Elle s'assit lentement sur le canapé alors qu'il restait debout, incrédule. Ses cheveux formaient un rideau devant son visage déformé par la douleur. Elle sentait son cœur se briser en milles morceaux. Mais pire encore, elle sentait le sien à lui, prêt à éclater pour ne plus jamais se reconstruire. Elle voyait ses ailes d'anges, ses plumes plus blanches que la pureté elle-même, en train de disparaître. -Tu ne comprends donc pas ? demanda t-elle -Non. Répondit-il sincèrement Elle posa ses deux mains sur son ventre, puis leva des yeux pleins de larmes vers lui. Ce qu'elle vit la sidéra. Ses yeux à lui étaient clos mais une larme venait de s'en échapper. Elle aurait tant voulut courir vers lui, le serrer dans ses bras, lui dire que tout était faux et le consoler. Mais elle ne le pouvait pas. Elle ne le pouvait plus. -Syaoran… je viens de perdre le bébé ! s'exclama t-elle Il écarquilla les yeux. -Quoi ? Tu étais enceinte ? I can't live If living is without you I can't live I can't give any more I can't live If living is without you I can't give I can't give any more Voila, la machine était enclenchée, la destruction de l'ange commençait. -Oui. J'étais enceinte. -Mais pourquoi tu ne m'as rien dit ? -Parce que ce n'est pas toi le père ! s'écria t-elle Elle plaqua ses deux mains sur sa bouche. Non ! Elle ne voulait pas le dire comme ça. Elle ne voulait pas qu'il l'apprenne comme ça. Des larmes coulaient à flots sur ses petites joues de femme. Elle baissa à nouveau la tête. Comment avait-elle pu lui faire ça ? Elle ne le savait pas et ne le saurait sans doute jamais. Mais elle le regrettait. De toute sa tête, de tout son corps, de toute son âme, elle le regrettait et se maudissait chaque jour pour cela. Lui restait interloqué. Normal. Un être si pur ne pouvait qu'être blessé. -Quoi ? répéta t-il -Je t'ai trompé Syaoran ! J'ai couché avec Eriol et… c'était lui le père. Quand elle repensait à cette nuit, elle n'avait plus qu'une envie : mourir. Elle sentait encore les mains d'Eriol sur son corps, ses lèvres sur sa peau. Ses larmes redoublèrent d'intensité, il pleurait lui aussi. Lui qui était toujours si tendre avec elle. Lui que tous qualifiaient de parfait, elle l'avait trahi, souillé. Syaoran gardait son calme, du moins en apparence. Son âme brûlait, son corps brûlait, sa tête brûlait. Il se sentait si mal. Comme si plus jamais le jour ne pourrait illuminer sa vie. Il n'était plus rien. Juste une loque. -Pourquoi ? questionna t-il en essuyant une de ses larmes -Je… je ne sais pas ! -Tu as couché avec lui mais tu ne sais pas pourquoi ? Tu étais enceinte de lui mais tu ne sais pas pourquoi ? -Syaoran ne complique pas les choses. Il eut un rire ironique. Un rire qui ne lui ressemblait pas. Well I can't forget this evening Or your face as you were leaving But I guess that's just the way The story goes You always smile but in your eyes Your sorrow shows Yes it shows Elle gardait le silence. Ce bébé, elle ne l'avait jamais voulut. Lorsqu'elle avait appris qu'elle était enceinte, le monde s'était effondré pour elle. Mais comment avorter alors qu'elle devait suivre ses cours ? Elle ne l'avait pas pu. Alors elle l'avait tué à petits feux. Elle avait continué à danser, autant que possible. Elle avait détruit ce petit être en elle, elle s'était détruite. Elle était devenue un monstre ou en tout cas elle avait achevé sa transformation. Elle essuya ses larmes et se releva. -Tout est finit entre nous. Dit-elle, se retenant tant bien que mal d'éclater en sanglots. -Non ! s'exclama t-il aussitôt. If living is without you I can't live I can't give any more I can't live (Live) If living is without you I can't live I can't give any more

Il ne voulait pas. Non, il ne pouvait pas vivre sans elle. Il avait mal, tellement mal. Mais comment lui en vouloir ? Oui l'amour le rendait aveugle, idiot et il ne savait quoi encore. Mais il ne pouvait supporter cela. Il sentait la vie le quitter. Il la rattrapa par le bras.

-Restes. Murmura t-il

-Syaoran.

-Je t'en supplie. On peut tout recommencer à zéro ! Dis moi ce que j'ai mal fait, je me corrigerai. Lui dit-il, désespéré

-Syaoran, ce n'est pas ta faute… mais c'est finit.

-NON !

No, I can't live) (No, I can't live) No I No no no no I I can't live (No, I can't live) If living is without you... (No, I can't live) I can't live I can't give any more I can't live

De rage, il saisit un vase et le lança de toutes ses force dans la vitre qui se brisa sur le coup. Sakura resta muette un instant, les bras devant son visage pour se protéger. Puis elle le fixa quelques secondes, les larmes coulant à nouveau. Elle ne pouvait plus rester avec lui. Son cœur saignait, son âme s'évaporait mais elle ne méritait pas cet ange. Non. Elle ne voulait plus le faire souffrir ni le détruire. Cette épreuve lui ferait mal, leur ferait mal longtemps, mais il finirait par guérir. L'ange se reconstruirait. Et elle, elle continuerait à hurler en silence. Elle sortit de la salle en courant, le laissant seul. Syaoran devint fou. Il envoya son poing dans le mur puis le miroir. La main en sang, il détruisit tout ce qui lui passait sous la main. Pourquoi ? Pourquoi avait-il aussi mal ? Pourquoi bon sang ? Il finit recroquevillé sur le canapé, les larmes coulant sur ses joues, des sanglots s'échappant de ses lèvres tremblantes. Il ne voulait plus vivre, il ne le pouvait plus. Comment pouvait-on endurer autant de malheur? Ses épaules ne le supportaient pas. Mais c'était son cœur le plus touché. Plus jamais il ne serait le même. Plus jamais il ne serait… sans elle.