Hello !~

Déjà, je tiens à dire MERCI à toutes les personnes qui ont reviewé et/ou ont ajouté cette histiore dans leurs favoris ou leur follows, ça me touche énormément ! Merci à Sun Dae V (et à son Daniel Horton que j'aime à la folie), à Constancelcd, à Alena Aeterna, à Docteur Citrouille (quel humour, tu te surpasses à chaque fois haha, heureusement que tu es là pour égayer mes journées et m'écouter râler que je n'arrive pas à écrire, que ferais-je sans toi!), et à TheProudHufflepuff pour leur review, à Sariaa24 et CharlieFreemantheJumperch pour leur follow et leur fav !

Je voulais aussi vous dire que comme feufeupointnet supprime les points virgules, je les remplace par des "-", ce qui ne rend pas toujours la lecture très agréable ou fluide, mais bon, c'est mieux que des phrases qui ne veulent plus rien dire quand on supprime la ponctuation...

Comme promis, voilà le chapitre 1 réécrit huhu. En vous souhaitant bonne lecture !


Chapitre 1 — D'opale et d'aulne


Assise à son bureau dans sa petite chambre bleu pâle, le menton enfoui entre ses bras croisés sur le meuble, Abigail attendait, son regard posé sur l'allée Meadowsweet de la petite ville de Stamford.

La rue était calme, vide, parfaitement à son image habituelle. La lumière pâlissait aussi vite que s'égrenaient les minutes, conférant aux maisons en briques orange un romantisme morose. Les jardins ne tarderaient pas à s'endormir, à défaut de se voir devenir l'hébergement d'un quelconque apéritif estival ou terrain de jeu avant la tombée et la fraîcheur de la nuit. Que ce fût l'endormissement précoce de l'allée ou sa quiétude, rien ne laissait présager la rencontre qui se préparait au numéro 2.

La maison elle-même semblait crouler sous le poids du sommeil, tant ses occupants se faisaient - anormalement - discrets. Will et Katie, la petite dernière des Swann, avaient profité de l'occasion pour s'enfermer dans la chambre de leur père et lancer toutes les parties de Pac-Man dont ils avaient été privés jusque-là - la faute à l'école ou à l'interdiction parentale, qui préférait les voir jouer dehors plutôt que s'enfermer devant un écran. Même Ian se faisait discret, au rez-de-chaussée, délaissant sa cuisine et les bruits de casserole, de four ou de lave-vaisselle qui l'agitaient d'ordinaire.

Un soupir souleva la poitrine d'Abigail : ce silence rendait l'attente presque pesante. À côté d'elle, la lettre à la calligraphie parfaite la prévenant de l'arrivée - imminente, à l'heure qu'il était désormais - d'un professeur de l'école de Sorcellerie Poudlard reposait tranquillement, son enveloppe à demi déchirée par la hâte qu'elle avait eue de l'ouvrir.

Lassée de n'apercevoir que la poussière et l'immobilité du quartier, la fillette délaissa son observation impatiente de la rue. Ses yeux clairs se posèrent sur le parchemin jauni, qu'elle avait trouvé étonnant, voire inutile, au moment de sa première lecture. Après tout, elle savait qu'elle était une sorcière, et savait comment se passait la rentrée, quand, l'année précédente, Will avait reçu la visite d'un certain professeur Brûlopot. Mais le protocole était le protocole, et au vu de son statut de née-moldue, c'était une étape obligée.

Dans un mouvement lent, elle déplia sa main gauche, tendit ses doigts de porcelaine pour suivre du bout de son index le trajet de la plume sur le papier. Avec une tendresse toute particulière, elle repassa le nom de l'école, un pincement d'espoir au cœur. Au contact de sa peau, le papier se recouvrit de minuscules cristaux de glace brillants. La fillette plissa les lèvres à ce constat, mais n'eut de toute façon pas le temps de s'apitoyer sur son sort.

Dehors, un bruit venait de sortir la rue de sa quiétude. Abigail releva aussitôt la tête et son cœur, après tant d'heures à patienter, plongea dans ses chaussettes.

Un homme sorti tout droit d'une autre époque marchait tranquillement au milieu de la rue, loin de s'inquiéter des habitations aux alentours. Tout en lui respirait l'excentricité, si ce n'était la bizarrerie. Sa tête, coiffée d'un chapeau pointu dont la couleur bleu foncé se mariait parfaitement avec la robe ample parsemée d'étoiles brillantes qu'il portait, était encadrée d'une chevelure aussi longue et argentée que sa barbe.

La surprise plus que l'émotion paralysa la fillette. La lettre faisait allusion à un professeur de l'école, mais certainement pas à son illustre directeur…

Son cœur, en parfait traître, s'affola d'un seul coup - aussitôt, le bois pâle de son bureau fut emprisonné par une fine couche de givre à l'épaisseur inégale, et une mousse éthérée s'y accrocha. La fillette jura que le regard du sorcier, derrière ses lunettes en demi-lunes, avait croisé le sien, à demi caché derrière les rideaux et l'obscurité. Dans sa poitrine, un élancement aussi léger et dérangeant qu'un pincement la fit tressaillir, et c'est avec impatience qu'elle se détourna pour quitter sa chambre.

Son père était assis dans un des canapés du salon, une main dans les cheveux, l'autre tenant un stylo avec peu d'entrain, penché sur ce qui ressemblait à un tas de factures. Aucun bruit à part le balancement de l'horloge, vieil héritage d'une arrière-grand-mère, ne troublait sa concentration. Il releva la tête lorsqu'Abigail descendit les escaliers, et un sourire doux illumina son visage quand elle posa son regard glacé sur lui.

— Quelqu'un est arrivé ? s'enquit-il en déposant son stylo.

— Dumbledore est là.

Elle terminait à peine sa phrase que la sonnerie retentit. Le sourire de Ian s'étira davantage - la température du salon en chute libre depuis que la fillette y était entrée trahissait l'instabilité de ses émotions, quand bien même son regard brillait d'une détermination sans failles et que rien sur son visage ne permettait de douter de sa tranquillité. Il repoussa sa feuille et son stylo pour laisser plus de place sur la table, et se leva. L'assurance dont il faisait preuve, celle qui lui avait tant manquée quand le professeur Brûlopot était venu l'année précédente pour Will — la faute à la nouveauté, peut-être, l'avait souvent rassuré le jeune garçon —, tranquillisa la fillette, raide et droite au milieu du salon, près des escaliers.

M. Swann était si grand qu'il dépassait Dumbledore d'au moins une tête. Le sorcier dut lever les yeux pour le saluer.

— Tiens, je ne sens pas de cannelle, cette fois-ci, fit-il remarquer en guise de bonsoir.

— Nous pensions qu'un autre professeur aurait fait le déplacement, pour tout vous avouer, répondit Ian dans un demi-sourire désolé.

— Ça ne fait rien, je me contenterai d'une simple tasse de thé, reprit joyeusement Dumbledore en lui adressant le même regard malicieux que celui qu'il avait lancé à Abigail depuis la rue.

Puis, se désintéressant soudain de Ian – et manquant par la même occasion de l'éborgner avec le bout de son chapeau –, il se tourna vers Abigail, toujours droite comme une statue. Le pincement douloureux dans la poitrine de la fillette lui fit l'effet d'une décharge électrique quand le directeur posa ses yeux sur elle.

— Bonsoir, Miss Swann, la salua-t-il poliment.

Elle répondit d'un signe de tête à peine perceptible, alors que la présence sécurisante de son père glissait hors de la pièce pour faire chauffer de l'eau. Son cœur s'amusait à battre des records de vitesse, lui semblait-il. Une sensation des plus affreuse lui traversa aussi soudainement que douloureusement les poignets et descendit à ses mains. Elle serra les poings mais c'était trop tard – une poignée de flocons duveteux s'était échappée, dansa un instant autour d'elle avant de retomber au sol. La fillette serra les lèvres, plus par réflexe que par pure frustration, et rassembla son courage pour lever les yeux vers le sorcier. Il souriait, le regard brillant, amusé du mélange de défi et de culpabilité qui dansait dans les iris de la fillette.

— N'ayez pas honte de vous, Miss Swann.

Elle ne répondit rien, se contenta de baisser les yeux sur le petit tas de neige qui s'amoncelait à ses pieds. Ressentait-elle vraiment de la honte, comme lui assurait Dumbledore ? Ou bien n'était-ce au fond qu'un profond mépris, comme elle l'avait toujours pensé, pour ce corps dont le contrôle lui échappait ? Pouvait-on se permettre de douter de ses propres émotions, quand Albus Dumbledore semblait si sûr de la pertinence de ses analyses ?

Le regard et le sourire du vieux sorcier furent soudainement attirés par le retour de Ian dans le salon, un plateau entre les mains. Trois tasses fumantes et une théière y étaient déposées, mais ce fut vers la petite colline de biscuits et gâteaux que glissèrent les iris appréciateurs de Dumbledore.

— Asseyons-nous, les invita Ian avec une espèce de demi-sourire gêné en comprenant que sa fille ne l'avait pas encore proposé.

Il aperçut le petit tas de neige fraîche sur le sol mais, malgré une ombre d'inquiétude qui passa dans ses yeux et un coup d'œil à sa fille, il ne fit aucun commentaire. Une fois assis, Dumbledore croisa ses longs doigts les uns entre les autres et leur jeta des œillades, les yeux pétillants.

— Je ne m'étonne même plus de trouver des gâteaux frais à chacune de mes visites, et ce, même quand elles ne sont pas annoncées, remarqua-t-il en étudiant de plus près la madeleine qu'il venait d'attraper entre ses longs doigts.

— Une déformation professionnelle, je suppose, répondit poliment Ian.

Le sourire doux et amusé du directeur le fit rosir. Dumbledore plongea lentement sa madeleine dans son thé avant de reprendre, toujours aussi doucement, quoique plus sérieusement :

— Vous vous doutez que ma présence ici est plus qu'une simple formalité protocolaire.

Le père et la fille hochèrent simultanément la tête, ce qui sembla amuser follement le professeur Dumbledore. Il attendait certainement un mot, une remarque ou une question de la fillette. Ses yeux de glace que l'attente rendait brillants étaient vissés sur son visage, mais sa bouche serrée ne s'ouvrit pas sur son visage fermé.

— Mais chaque chose en son temps, reprit le vieux sorcier en plongeant la main dans une poche de sa robe.

Son air mystérieux fit plisser les yeux de la fillette. Elle se redressa légèrement, au comble de l'impatience.

Il en sortit une enveloppe à l'image de celle qui trainait sur le bureau de la fillette, sertie du blason de Poudlard, et de l'écriture penchée à la calligraphie parfaite. Le cœur d'Abigail remonta si brutalement dans sa gorge qu'il en devenait douloureux.

— Voici votre lettre d'acceptation à l'école, ainsi que la liste des fournitures qui vous seront nécessaires à la réussite de votre première année.

Elle tendit la main, aussi intimidée que fière, et c'est sans réelle surprise qu'elle sentit et vit l'enveloppe se couvrir de gel blanchâtre.

— Merci, marmotta-t-elle d'une petite voix timide, les yeux fixés sur l'enveloppe.

— Si vous ressentez le besoin de recevoir une aide pour vous rendre sur le Chemin de Traverse, je peux demander à un professeur de vous accompagner, proposa ensuite Dumbledore en se tournant vers Ian.

— Merci, mais nous y sommes déjà allés pour Will, je connais le chemin.

Dumbledore hocha poliment la tête et ses yeux se posèrent sur Abigail, qui gardait son regard sur l'enveloppe gelée. Sa petite poitrine se souleva dans un profond soupir avant qu'elle ne se rappelât de la présence du directeur - elle releva la tête, les lèvres plissées, l'enveloppe contre ses genoux.

— Vous pouvez l'ouvrir, Miss Swann, lui dit gentiment le professeur Dumbledore.

— Je sais, répondit-elle seulement, sans toutefois amorcer un geste pour prendre connaissance de la missive.

Dumbledore laissa un silence passer entre eux trois, le regard toujours fixé sur la petite fille. Celui de Ian passait de leur visiteur à sa fille, jusqu'à ce que le silence planant ne le rendît mal à l'aise. Après un raclement de gorge, il s'agita, se frotta les mains dans un geste de réflexe et, à peine avait-il ouvert la bouche que les iris de Dumbledore le transperçaient.

— Excusez-moi mais je… j'ai une question, commença-t-il d'une voix délibérément lente, désireux de ne pas trahir sa nervosité.

— Evidemment, confirma gentiment Dumbledore.

— La dernière fois que vous êtes venu pour parler avec Abby, vous nous avez parlé d'une prise en charge, une fois qu'elle serait entrée à Poudlard. Quelles sont les nouvelles de votre côté ?

Dumbledore prit le temps de manger une nouvelle madeleine et de boire une gorgée de thé. Ian et Abigail échangèrent un regard en biais, et Ian haussa discrètement les épaules, en réponse aux yeux confus de sa fille.

— Miss Swann, reprit soudainement Dumbledore, avez-vous la moindre appréhension quant à votre entrée à l'école ? Concernant votre magie, bien sûr.

La fillette prit le temps de l'observer porter sa tasse à ses lèvres avant de répondre :

— Quelques-unes.

Ses doigts se resserrèrent sur l'enveloppe qu'elle tenait sur ses genoux, geste que ne manqua pas d'observer le professeur Dumbledore.

— Peut-être puis-je y répondre et vous rassurer.

Puis, face au silence de la fillette, il reprit :

— Votre arrivée a bien sûr été préparée. Les professeurs ont été mis au courant. Vous n'aurez aucuns soucis à vous faire. Je vous avais parlé la dernière fois d'une personne référente qui pourrait vous aider à contrôler la magie qui sommeille en vous.

La formulation fit tiquer Abigail, mais elle préféra ne pas relever, et attendit patiemment que Dumbledore continuât. A ses côtés, son père s'était crispé, attentif à la suite.

— Il me semble évident que tous les professeurs seront à votre écoute, mais je suis heureux de vous confirmer que l'un d'entre eux a répondu favorablement à ma requête. Je ne suis pas certain que vous donner son nom sera très informatif, puisqu'il s'agit d'un professeur tout nouvellement arrivé dans notre école, qui prendra ses fonctions en septembre. Je peux sans mal vous affirmer que votre frère ne le connait pas, ajouta-t-il, les yeux brillant de malice.

— Oh, je pensais…, commença Ian dans une exclamation étonnée. Enfin, je veux dire…, ajouta-t-il en regardant sa fille comme pour s'excuser de parler à sa place. Je pensais que ce serait vous qui vous en occuperiez, comme vous êtes venu plusieurs fois pour… pour essayer de comprendre. Mais avec le recul, vous avez certainement beaucoup de choses à faire, en tant que directeur…

En plissant les lèvres et joignant ses doigts les uns dans les autres, il se tut, le rouge lui montant aux joues. Abigail lui lança un regard attendri qui le fit rougir davantage.

— J'aurais évidemment pu me charger moi-même de la formation de Miss Swann, répondit Dumbledore, follement amusé. Soyez assurée, Miss Swann, que le professeur dont je parle a mon entière confiance et je vous sais entre de bonnes mains. Je m'occupe de mon côté… disons de retrouver une personne que le monde a perdu il y a des années, mais je crois être sur la bonne voie pour la retrouver. Evidemment, mes obligations en tant que directeur me prennent également beaucoup de temps.

L'expression d'incompréhension qui flotta sur les visages des deux Swann le fit sourire davantage et il conclut leur échange :

— Tout ce que je peux vous dire aujourd'hui, Miss Swann, est que vous serez prise en charge dès votre entrée à l'école par ce professeur, qui, j'en suis sûr, saura vous aider au mieux. D'ici là, y a-t-il de nouvelles choses dont vous souhaitez me parler ?

La fillette soutint le regard du professeur pendant un long moment, incertaine. Elle pouvait lui parler de ses douleurs à la poitrine et aux mains, qui étaient apparues quelques mois plus tôt, de manière sporadique d'abord, puis de plus en plus régulièrement.

Pourtant, elle préféra secouer la tête, incapable de prononcer un mot. Les yeux du professeur se plissèrent. Elle eut un instant la désagréable impression qu'ils la passaient aux rayons X.

— Bien. Dans ce cas, je ne vais pas abuser plus de votre temps. Merci pour le thé et les gâteaux, M. Swann.

Ian et Abigail restèrent silencieux quelques minutes, une fois le professeur parti et la porte fermée. Comme un peu plus tôt dans la soirée, seule la lourde horloge perçait le silence.

— Papa ?

Ian, qui fermait les volets, se tourna vers Abigail, restée sur le canapé. Elle faisait tourner la lettre entre ses doigts, pensive.

— Oui, chérie ?

— Quand on dit qu'on a perdu quelqu'un, ça veut bien dire que la personne est morte, non ?

Ian haussa les épaules en acquiesçant.

— Dans l'expression moldue, oui, en général. Mais vu qu'il s'agit là d'Albus Dumbledore, je m'attends à tout, tu sais…

La moue perplexe de sa fille le fit doucement ricaner.

— Mais quel est le rapport avec moi ? S'il retrouve cette personne, grand bien lui fasse, mais quel rapport avec moi ?

— Ça, ma puce… si je le savais, je te le dirais. Mais comme je t'ai dit, on parle d'Albus Dumbledore…

— C'est plutôt ennuyeux, un directeur d'école qu'on ne comprend pas, non ?

Un sourire attendri étira les lèvres de Ian. Doucement, il haussa les épaules, et s'assit à côté d'elle, une lueur dans les yeux.

— On ouvre ta lettre ? proposa-t-il.


Evidemment, Will et Katie souhaitaient en savoir davantage sur l'entrevue : Will car il allait débuter sa deuxième année à l'école de sorcellerie, et Katie parce qu'à presque neuf ans, elle n'avait toujours pas montré d'inclinations à la magie et désespérait d'y entrer un jour. Ils descendirent les escaliers en trombe et s'écroulèrent sur le canapé, leurs regards avides d'informations.

— Alors, alors, alors ? répétait Will en emmitouflant une Katie frissonnante dans un plaid - la température ayant drastiquement chuté dans la pièce. Qu'est-ce que le professeur Dumbledore t'a dit ?

Abigail prit le temps de s'installer sur le canapé, les genoux ramenés contre sa poitrine, et montra l'enveloppe encore givrée. Will applaudit à s'en rompre les mains - 'C'est pas comme si on ne s'en doutait pas, hein, mais quand même', prit-il tout de même la peine d'ajouter -, mais Katie, qui avait presque pleuré de joie pour son frère l'année précédente, au moment de sa première rentrée, réagit à peine, le regard et le visage figés dans une espèce d'expression désapprobatrice, les yeux fixés sur l'enveloppe à demi emprisonnée par la glace.

Abigail le remarqua, s'empressa de ranger la lettre dans sa poche, le cœur serré. Le regard qu'elle lança à sa petite sœur, qu'elle espérait suffisamment éloquent pour lui faire comprendre qu'elle était désolée de lui faire peur, fit grimacer Katie - la fillette rougit et se détourna aussitôt, ramenant ses cheveux roux sur son visage. Abigail se renfrogna, honteuse - pas assez éloquent, visiblement, sans surprise mais avec grande contrariété.

— Bon, et à part ça ? Il ne t'a pas juste donné ta lettre ? insista Will, pour qui l'échange muet entre les deux soeurs était passé inaperçu. On a eu le temps de faire plus de parties qu'en une année entière. Il t'a forcément dit autre chose. Il t'a forcément dit quelque chose sur ton arrivée à Poudlard ? Sur ta magie ?

Il chercha le regard de sa soeur sans le trouver, essaya de lire sur son visage autre chose qu'un désolant désintérêt, sans succès.

— Il y a un nouveau professeur qui arrive à Poudlard, l'année prochaine, fut tout ce qu'elle lui répondit. Tu sais de quel professeur il s'agit ?

— Hum, marmonna Will, une moue concentrée sur les lèvres une fois la surprise passée. Je ne sais pas son nom, mais il s'agit du remplaçant des Défenses contre les Forces du Mal, j'imagine.

— Comment, le dernier est parti ? s'étonna faussement leur père revenu de la cuisine pour s'installer avec eux.

Will partagea un sourire de connivence avec son père, que les deux filles ne comprirent pas. Katie, scandalisée de se sentir ainsi flouée, se redressa, les bras croisés, le regard féroce.

— Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? Expliquez-vous !

— Le professeur de Défenses contre les Forces du Mal de l'année dernière était un vieux croûton, répondit Will tandis que Ian ricanait. J'ai appris plus de choses dans les livres que dans ses cours. Et il n'était pas toujours très gentil.

— Je me demande où Dumbledore l'avait déniché, celui-là, marmotta Ian, accompagnant sa phrase d'un haussement d'épaules.

— Les professeurs n'avaient pas l'air de beaucoup l'apprécier non plus, se souvint Will avec un sourire tordu. Surtout avec le professeur McGonagall, leurs rencontres dans les couloirs faisaient toujours des étincelles.

Cette fois, un sourire malin et plein de nostalgie éclaira son visage et ses yeux se voilèrent, perdus dans ses souvenirs. Abigail, une joue dans une main, appuyée contre l'accoudoir, fronça les sourcils.

— Mais… tu l'as vu, papa ? s'indigna Katie, les dernières paroles de son père faisant clignoter les lumières de la confusion dans son esprit.

— Oui, ma puce, sourit doucement Ian devant les yeux plissés de la fillette. Tu te rappelles quand vous êtes allées manger chez Mrs McIntyre, du 007, Abby et toi ?

— Tu sais, pour la rencontre parents-profs du milieu d'année, explicita Will d'un air sombre, comme s'il souhaitait effacer ces souvenirs de sa mémoire. Bon, et à part ça, Abbynette ? ajouta-t-il en se tournant vers sa sœur, désireux de clore ce sujet au plus vite. Qu'est-ce qu'il t'a dit d'autre ? et pourquoi il t'a dit à toi qu'il y aurait un nouveau prof de Défenses contre les Forces du Mal ?

Son air méfiant fit rire la petite Katie, toujours emmitouflée dans son plaid, mais arracha un rictus mécontent à Abigail :

— Pourquoi le professeur de Défenses contre les Forces du Mal est parti ? fut la réponse à la question du jeune garçon.

Se voir éludé ainsi ne lui plut que moyennement. Son visage se tordit en une grimace vexée, agacé du comportement de sa sœur.

— Je répondrai à cette question quand tu auras répondu à la mienne, grogna-t-il en plissant les yeux avec défi.

Loin de se laisser impressionner, Abigail l'imita, sous le soupir désabusé de leur père, et les gloussements de Katie.

— Ma question est pertinente car je rentre à Poudlard cette année. Je ne vois pas en quoi la tienne te regarde, par contre, reprit-elle.

— Je le saurai de toute façon, tôt ou tard, répliqua Will avec désinvolture, un sourire triomphant sur les lèvres. Autant que tu me le dises tout de suite.

— Will.

Les trois enfants sursautèrent d'un même geste, étonnés de la sévérité que leur père avait mis dans cette simple interjection. Le sourire de Will disparut pour laisser place à une grimace. Katie s'emmêla avec son plaid. Même Abigail se redressa et se tint droite, prête à recevoir les remontrances paternelles. Ian ne souriait plus, ni même ne semblait désespéré par leur comportement, et pourtant, aucun trait de son visage ne trahissait la moindre colère — et peut-être était-ce encore pire. Dans un calme déroutant leur faisant bien comprendre qu'ils allaient trop loin dans leurs taquineries et que celles-ci n'en étaient plus, il reprit :

— Je crois qu'Abby n'a pas envie de t'en parler. Respecte son choix, s'il te plaît.

Will ouvrit la bouche pour répondre, mais, au prix d'un lourd effort, la referma. Il hocha lentement la tête, penaud.

— Excuse-moi, Abbynette.

Le regard de leur père le délaissa pour venir se fixer dans celui d'Abigail, la figeant sur place. Un éclair chagriné passa dans les prunelles. La honte serra le coeur de la fillette qui baissa les yeux pour éviter ses iris clairs. Mais la morale n'arriva pas. Elle déglutit toute sa trissesse et se tourna vers son frère :

— Le professeur Dumbledore n'a rien dit de plus que les autres fois, chuchota-t-elle. Il a juste dit que mon arrivée était préparée. Et que le professeur de Défenses m'aiderait, de temps en temps, avec…

Les mots s'étranglèrent dans sa gorge, mais Will hocha la tête, compréhensif, et murmura tout de même un remerciement pour sa réponse. Puis, tous les trois se tournèrent vers leur père toujours froidement immobile. Ian resta muet, jusqu'au moment où il soupira, la mort dans l'âme, et se releva lourdement.

— Un chocolat et au lit ?

Katie hurla son contentement en première, et se releva comme une furie :

— Ok mais c'est moi qui prends la tasse les 101 Dalmatiens !


Enfin. Dans quelques semaines, elle entrerait enfin à Poudlard. Elle aurait enfin droit de plonger dans l'univers des sorciers, qu'elle rêvait follement de découvrir autrement que par l'intermédiaire des livres piqués dans l'armoire de Will, qu'elle avait lus et relus et connaissait déjà plus ou moins par cœur. Il était évident qu'elle chérissait le monde moldu, par l'appartenance de son père à cette culture, mais son esprit et son corps tout entiers se sentaient irrémédiablement attirés par le monde sorcier, qui, elle le sentait, comblerait enfin cette espèce de manque qu'elle ressentait au fond de son cœur, et que les livres ne parvenaient pas à refermer complètement. Et par-dessus tout, entrer dans le monde magique lui permettrait enfin d'essayer de comprendre d' venait sa magie si particulière, et comment la maîtriser pour qu'enfin, elle ne soit plus le fardeau qu'elle avait toujours été.

Bien sûr, l'appréhension tapie au creux de sa poitrine grandissait au fur et à mesure que les semaines se fanaient - pas tant car le château, d'après les dires de Will et de l'Histoire de la Magie de Bathilda Tourdesac, n'était qu'un immense dédale de couloirs, non, ça, elle savait qu'elle saurait s'y retrouver, même s'il lui fallait se perdre les premières semaines. Le système des maisons, que Will lui avait expliqué en long, en large et en travers, ne l'angoissait pas non plus. Peu lui importait où elle se retrouverait, tant qu'on l'abreuvait de savoirs magiques.

Non, ce qui l'inquiétait le plus, au château, c'était les autres élèves. Sa lucidité lui assurait qu'ils se rendraient compte – plus ou moins rapidement – de ses pouvoirs étranges, un moment ou un autre durant sa scolarité, et même si l'idée n'était que peu agréable, elle savait qu'il lui fallait s'y préparer, et le plus vite possible. Plus pernicieuse, l'angoisse de représenter un danger, qu'il fût direct ou indirect, pour ses futurs camarades, lui semblait si insurmontable qu'elle en dormait très peu. D'autant plus que, depuis plusieurs nuits, elle se réveillait en découvrant d'immenses plaques de gel sur ses murs ou son plafond. Et bien sûr, elle n'ignorait pas que demander de faire aménager un dortoir pour elle toute seule lui vaudrait seulement le mépris du corps enseignant.

Son père remarqua bien son air maussade et renfermé, mais, préférant ne pas l'inquiéter avec ses angoisses nocturnes, elle refusa de lui partager ses inquiétudes, laissant les semaines passer et son inquiétude au fond de son cœur.


De minuscules flocons d'un blanc très pur flottaient tranquillement dans la chambre bleu pâle d'Abigail. Le nez en l'air, plongée dans la contemplation de ces formes duveteuses semblables à des nuages, le monde lui semblait beaucoup moins terrifiant. Depuis quelque temps, elle se prenait à rêver de devenir un flocon, pour s'échapper d'elle ne savait trop quoi.

La visite du professeur Dumbledore lui paraissait si lointaine qu'elle commençait à redouter la rentrée scolaire au même titre que la journée du lendemain prévue par Will pour acheter leurs fournitures sur le Chemin de Traverse. Habituée à la solitude et rebutée par la foule, elle ne partageait pas l'enthousiasme de son frère et sa sœur de remettre les pieds dans cet endroit fourmillant d'inconnus. Au moins avait-elle un avantage par rapport à l'année précédente - elle savait déjà à quoi s'attendre.

Mais l'année précédente, sa magie ne s'était pas montrée aussi prononcée, aussi désireuse de prouver son existence.

Pour parfaire les pensées de la fillette, une douleur aiguë pinça sa poitrine, lui arrachant un sursaut et une grimace. Au dessus d'elle, les flocons se mirent à grossir de façon alarmante. Prise de panique, elle se redressa brutalement dans son lit, une flaque de colère et d'adrénaline montant jusqu'à sa gorge. Non ! voulut-elle hurler, sans parvenir à sortir un autre son que sa respiration hachée par la peur.

Mais son cri silencieux fut suffisant pour que les flocons arrêtent leur course et s'immobilisent dans les airs. En un instant, la chambre s'immobilisa dans le silence le plus complet. Abigail calma son cœur affolé avant d'oser s'asseoir sur le bord du lit. Les pieds touchant à peine le sol, elle ferma les yeux et prit plusieurs longues inspirations avant que, très lentement, les énormes flocons ne soient attirés par le sol et s'écrasent dans un tintement de clochette sur la moquette.

Tremblante et agacée, Abigail se rendit compte que même ses draps étaient gelés, sous ses doigts trop blancs et crispés sur ses draps. Aussi soudainement que la douleur dans sa poitrine était apparue, elle sentit ses épaules s'affaisser sous le poids de la honte, ce qu'elle devinait comme de la culpabilité, et, tout au fond, une peur profonde, viscérale - ses camarades de dortoir ne seraient pas en sécurité.

Maintenant qu'elle était confrontée à Poudlard, elle ne se sentait pas prête, et pire - indigne d'y entrer. Le professeur Dumbledore avait promis que son entrée à l'école était organisée, elle ne pouvait plus que se raccrocher à l'espoir qu'il disait vrai. Espérer que le professeur chargé de l'aider aurait les compétences nécessaires. Espérer que sa magie se tiendrait tranquille.

Elle attrapa son ours polaire en peluche qu'elle serra contre son cœur et se laissa tomber en arrière sur son lit. Elle en avait marre de ne faire que ça, espérer.


Le ciel londonien resplendissait quand Ian stationna leur vieille Ford Anglia bleue sur Charing Cross. La rue était bondée de touristes. Des langues qu'ils ne comprenaient pas résonnaient tout autour d'eux, alors que Will les dirigeait d'un pas joyeux vers le Chaudron Baveur, ravi et pressé de retrouver son meilleur ami pour une journée de folie. Abigail s'efforçait d'éviter au maximum les contacts physiques avec les londoniens et touristes pressés ou empaquetés sur la rue sans se soucier des bouchons occasionnés, tandis que Ian serrait la main de Katie dans la sienne pour ne pas la perdre. La petite fille lançait de temps à autre un coup d'oeil derrière elle pour vérifier que sa soeur aînée les suivait toujours, sans jamais s'attarder.

Finalement, ils atteignirent une ruelle sombre dans laquelle ils s'engouffrèrent, laissant les passants et la foule derrière eux avec un soupir de soulagement. Will s'arrêta devant une porte noire de crasse, au-dessus de laquelle pendait piteusement une enseigne si sale qu'ils distinguaient plus qu'ils en lisaient le nom du pub dans lequel ils s'apprêtaient à entrer.

Un relent de magie s'échappait de la porte encore fermée - Abigail sentait la sienne se réveiller dans sa poitrine. Une délicieuse sensation se glissa dans son coeur battant, aussitôt parasitée par une angoisse sourde. Les picotements dans sa poitrine s'allongèrent jusqu'à ses bras, et s'arrêtèrent dans ses doigts qu'elle serra contre ses paumes à s'en rentrer les ongles dans la peau. Dans un réflexe, elle plongea ses mains dans ses poches.

Will souriait à s'en décrocher la mâchoire, les yeux brillants, ravi de retrouver ce monde qu'il avait quitté à regrets. Même Katie gloussait d'excitation. Leur père les couvait du regard, content de leur bonheur, mais son sourire s'effaça quand il posa ses yeux sur le visage froid et fermé de son aînée. La porte s'ouvrit dans un grincement pathétique - Katie sursauta, persuadée que Will l'avait cassée -, et Will fonça dans le pub, suivi de près par sa cadette extatique. Ian se posta sur le côté de la porte et, dans un geste aussi poli que pompeux qui fit hausser un sourcil à Abigail, il lui céda le passage.

Tout dans la douceur de son regard et de son sourire signifia à la fillette qu'il comprenait l'ampleur de ses peurs.

— Je sais que je n'ai pas été présent au bon moment pour vous trois, commença-t-il d'une voix pleine de culpabilité. Et que même si je n'ai aucun réconfort concret à t'apporter… Je sais que tout ira bien, que les autres se rendent compte de ta magie ou non.

La tristesse contenue dans sa voix mortifia tant la fillette qu'elle ne sut que répondre et baissa le regard. Le coeur lourd, elle laissa ses jambes avancer d'elles-mêmes dans le pub. La porte se referma derrière Ian, emportant le monde moldu avec elle.

Le bruit, l'odeur des voitures et de la foule s'effacèrent aussitôt. La magie inondait la pièce, irradiait de tous ses murs et meubles, résonnait péniblement dans le crâne et le corps d'Abigail. Ses doigts lui faisaient un mal de chien, mais l'angoisse de déclencher une catastrophe si elle détendait ses poings lui faisait oublier la douleur de la tension dans ses bras et ses épaules.

Le plancher grinça sous leurs pas, attirant l'attention du barman, un homme bossu et courbé au regard bienveillant. Le comptoir, bancal, était surplombé d'une planche en bois sombre dans laquelle était gravé le nom du pub. Au plafond serpentaient des poutres en acajou, dont certaines semblaient sur le point de s'écrouler, alors qu'aux murs étaient accrochés des portraits mouvant de cadre en cadre et des instruments de musique plus loufoques les uns que les autres - dans un coin, une corne jouait toute seule, suspendue au-dessus d'un piano délabré. Un gigantesque lustre vacillait et menaçait de chuter sur la tête des sorciers sirotant sereinement leurs boissons en dessous.

Au fond de son malaise, Abigail essaya de se concentrer sur les odeurs, aussi délicates qu'amères, qui emplissaient la pièce : l'odeur des vieilles boiseries, de feux de bois, de sel de mer, de légumes, bouillons, et de viandes salées. Les notes sucrées du petit-déjeuner s'effaçaient tranquillement pour le repas du midi, mais les tables sentaient encore la confiture et le chocolat.

La carte n'avait pas bougé depuis l'année précédente. Une multitude de plats étaient proposés, de l'assiette de baies rosées sautillantes accompagnées de racines de chou mordeur de chine au steak d'hippogriffe et sa purée de prunes dirigeables. Abigail retint une grimace lorsque le gérant passa devant elle, un plat à la main - un gigantesque morceau de viande à peine cuite et si juteuse qu'une petite flaque de sang s'étalait dans l'assiette - pour le donner à un sorcier aux dents anormalement longues.

— Là-bas ! s'écria soudain Will, arrachant Abigail à sa contemplation impolie du sorcier ravi de son plat.

Il pointait une table du doigt, agrippant presque le poignet de son père pour qu'il le suive. Charlie Weasley était assis devant un milkshake d'une taille proche de la décadence et d'un mélange de couleurs douteux, très concentré sur sa boisson, et surtout très content. En face de lui se tenait Bill, son frère, aux cheveux aussi roux et courts que lui - apparemment, leur mère avait décidé qu'il était venu le temps du débroussaillage de la rentrée -, penché lui aussi sur un énorme dessert.

— Allons-y, déclara Will en guidant ses soeurs et son père.

Pas mécontente de quitter le sorcier au steak qui s'attaquait à mains nues à sa viande, Abigail suivit le petit cortège. Le plancher grinçant sous leurs pieds attira l'attention de Charlie : ses lèvres pleines de crème s'étirèrent en un immense sourire. Il reposa bruyamment son milkshake et se leva, bientôt imité par son frère aîné.

Les deux garçons saluèrent d'abord Ian, puis adressèrent ensuite des sourires polis à Katie et Abigail. Ils s'étaient rencontrés en coup de vent sur le quai 9¾ quand Will était rentré de Poudlard, mais n'avaient, sinon rien, pas grand-chose à se raconter.

Charlie n'avait pas tellement changé depuis juin. Toujours de carrure plutôt petite, les épaules larges pour un garçon de son âge, il émanait de lui une bienveillance enjouée, de son sourire gentil à ses yeux bleus toujours pétillants. Bill était bien plus grand et respirait un calme serein, une assurance et un charisme naturel.

— Papa est allé en catastrophe au Ministère, expliqua-t-il quand Ian l'interrogea sur l'absence de leurs parents. Il nous a demandé de l'attendre pour commencer les achats.

Katie, Will et Abigail étaient de toute façon trop absorbés par les milkshakes pour penser aux achats tout de suite.

Dix minutes plus tard, trois nouveaux verres remplis de glace et de crème fouettée s'additionnaient à ceux déjà présents sur la table. Will se moqua allègrement de la chantilly qu'Abigail avait réussi à se tartiner sur le nez, et elle prit un malin plaisir à le taquiner quand il avala sa figue confite de travers.

— Alors Abby, tu es pressée de rentrer à Poudlard avec nous cette année ? demanda Charlie gentiment. Je crois savoir que Will a déjà gardé un fauteuil à ton nom dans la salle commune des Gryffondor.

— Ah, murmura l'intéressée, la bouche pleine de glace, en clignant confusément des yeux.

— Moi aussi tu m'as gardé un fauteuil ? s'indigna Katie en faisant les gros yeux à son frère.

— Evidemment, pour qui me prends-tu ? se vexa Will en lui ébouriffant tendrement les cheveux.

Mais la conversation s'arrêta là - M. Weasley était de retour.

Le sourire qu'il étira quand il aperçut les Swann étonna un peu Abigail. Il ne les avait vus que quelques minutes sur le quai du Poudlard Express mais semblait déjà beaucoup les apprécier. Tant mieux pour leur père, qui lui aussi éprouvait pour les Weasley une amitié qu'il souhaitait entretenir.

— Désolé du retard, soupira-t-il en se laissant tomber près de Ian, je devais m'occuper d'une affaire urgente. Des pauvres moldus ensorcelés par des bijoux. Ce n'est pas la première ni la dernière fois… Encore heureux, ce n'était pas trop sérieux.

Ils terminèrent leurs desserts et se mirent en route. M. Weasley et Ian papotaient comme deux bons amis de longue date, fascinés par leurs cultures, assoiffés de précisions sur leurs mondes respectifs. Will fut outré d'apprendre que son père avait déjà eu l'occasion de transplaner ou de voyager par Magicobus dans sa jeunesse, avec sa soeur.

— Et tu ne nous l'as jamais dit ! s'offusqua-t-il, boudeur. Pourquoi tu ne nous as pas raconté que tu as pris le Magicobus avec Coleen ?

— Et je devrais aussi te raconter la fois où j'ai pris le bus 48 pour aller à la banque ?

— Ça n'a rien à voir, soupira son fils en levant les yeux au ciel.

— C'est un souvenir tout aussi douloureux, répliqua son père d'un air pincé. Qu'est-ce que c'est que ça ?!

Katie lui balançait une énorme plante visqueuse et mouvante, aux bulbes prêts à éclater à la moindre indélicatesse de mouvement. La fillette se vexa du ton horrifié de son père et déclara d'un ton sans réplique :

— Je la veux.

— Hors de question, va reposer ça là où tu l'as trouvée, ordonna son père en soupirant lourdement.

Ils commencèrent leur journée par le magasin de livres, Fleury et Bott, qu'Abigail avait déclaré son magasin préféré l'année précédente - des étagères remplies de livres aux titres plus loufoques les uns que les autres, parfois rangés n'importe comment. Il n'y avait rien de plus délicieux sur terre.

Ils durent acheter des livres pour Bill et Will - Charlie et Abigail hériteraient des vieux livres de leurs aînés. Pendant que les garçons faisaient la queue pour que le jeune assistant de la boutique leur apporte les manuels, Abigail et Katie farfouillèrent les étages à la recherche de livres de chevets, l'une pour ne pas dépérir d'ennui dans le Poudlard Express, l'autre pour rêver le soir dans son lit, en attendant de recevoir sa lettre.

— Papa, papa !

La petite Katie surgit derrière lui, brandissant un ouvrage volumineux à la couverture brillante au visage de son père, lequel dut reculer pour ne pas recevoir un coup dans le nez - et mieux lire le titre.

— Je veux ça, déclara Katie d'un ton ampoulé.

— Euh…, marmonna Ian en lisant finalement le titre - Les Créatures Abominables des Profondeurs.

Une bête monstrueuse se promenait sur la couverture, exhibant son affreuse dentition à qui voulait bien l'observer. Un demi sourire amusé éclaira le visage de M. Weasley, alors que Will et Charlie gloussaient de l'audace de la fillette.

— Ma puce, je ne suis pas sûr que…

— Mais il y a des images qui bougent dedans, protesta Katie en feuilletant le livre.

— Pourquoi tu ne prendrais pas l'histoire dont Will t'a parlée ? demanda doucement Ian en prenant l'ouvrage des mains de la fillette agacée. Avec Grincheuse, la chèvre Pouilleuse ? C'est mignon, ça, une chèvre, plus qu'un Kraken en tout cas.

Katie fit la moue, secoua la tête et fusilla son frère du regard - lequel haussa les épaules d'un air impuissant, visiblement du même avis que son père.

— C'est celui-là que je veux.

— Je te l'offrirai, promit Ian. Quand tu auras dix-huit ans.

La fillette rougit de colère et de frustration avant de s'éloigner en ronchonnant, et c'est d'un mauvais oeil que Ian prit connaissance du livre qu'Abigail voulut s'offrir, mais Charlie s'exclama :

— Les Contes de Beedle le Barde ? Nous l'avons à la maison, je te le prêterai si tu veux !

Un sourire rêveur s'étala sur ses lèvres, tandis qu'il examinait la couverture d'un air plein de nostalgie.

— Oh. Merci, marmotta Abigail, gênée.

Et c'est avec hâte qu'elle alla ranger les contes pour se faufiler dans un autre rayon aux étagères croulantes - l'histoire de la magie. Un livre, en haut d'un grand présentoir, avait attiré son attention - Magies d'hier et d'aujourd'hui, de Veronica Sobbins. Dans un élan d'espoir, elle se disait qu'elle trouverait peut-être des informations sur sa magie.

L'ouvrage était malheureusement un peu trop haut pour elle. Sur la pointe des pieds, dans une position aussi instable qu'inconfortable, elle tira de toutes ses forces, mais le grimoire, vexé de se voir ainsi dérangé, lui opposa une forte résistance. Abigail pesta dans sa barbe et tira plus fort, jusqu'à ce que l'ouvrage, lassé, décidât qu'il avait suffisamment ennuyé la petite sorcière et se laissa glisser hors de son perchoir. Surprise par la vitesse avec laquelle il s'était lui-même éjecté de l'étagère, la fillette bascula en arrière, lâchant le livre dans son élan. Un bruit sourd suivi d'un "aie !" sonore retentirent. Abigail fit volte-face, horrifiée - le livre avait terminé sa course sur la tempe d'un garçon suffisamment grand pour entrer au moins en troisième année à Poudlard. Ses lunettes rondes avaient été projetées à terre par le choc et il se massait vigoureusement la tempe, sur laquelle un disque rouge se formait là où le livre l'avait frappé.

— Oh non, je suis désolée ! murmura Abigail, affolée.

— Non, non, ça ne fait rien, la rassura gentiment le garçon, un sourire tordu par la douleur sur le visage.

Il plissa des yeux pour retrouver ses lunettes.

— Désolée, désolée, répétait Abigail en ramassant son livre.

— Vraiment, ce n'est rien, je t'ass-

Mais le temps qu'il remette ses lunetts sur son nez, la petite sorcière s'était éclipsée.

Ian et Will eurent du mal à comprendre sa hâte de payer et partir, mais quand elle leur expliqua qu'elle venait d'assommer quelqu'un avec son livre - mais que ce quelqu'un allait parfaitement bien -, Will et Charlie éclatèrent de rire, et même Bill esquissa un sourire.

— Allons, il t'a dit que ce n'était rien, la rassura Ian, en regardant toutefois d'un air inquiet l'album que tenait Katie entre ses mains.

La fillette agitait ses cheveux roux, la démarche si assurée et le menton si relevé que tout le monde la regarda avec une admiration attendrie. Elle s'arrêta devant Ian, plissa les yeux et lui jeta une bande dessinée dans les mains.

— Je veux ça.

Ian paya Les Aventures de Martin Miggs, le Moldu fou en soupirant.

La chaleur les accabla quand ils sortirent finalement de la librairie, si bien que M. Weasley leur proposa de faire une halte chez le marchand de glace avant de continuer - "Mais faites attention au goût que vous allez choisir, vous pourriez avoir de mauvaises surprises". Ian ne put déterminer qui de Will, Katie ou Charlie cria le plus fort son contentement. L'accueil que les enfants réservèrent à sa proposition rendit M. Weasley tout guilleret alors qu'il les guidait vers l'échoppe, et Bill se moqua gentiment d'eux et des regards que leurs hurlements avaient attirés sur leur petit groupe. Ian se délecta de toutes les anecdotes que M. Weasley lui conta pendant le trajet, des délicieuses glaces aux essais ratés qui l'avaient rendu malade plus d'une fois.

Au grand dam d'Abigail, qui souhaitait quitter le Chemin de Traverse le plus vite possible pour ne plus risquer de croiser le garçon aux lunettes de Fleury et Bott, grimaça quelque peu quand, armés de leurs sundaes respectifs, les Weasley, son père et ses frère et soeur s'installèrent en terrasse. Elle envia leur insouciance alors que Bill empruntait une chaise à une table voisine pour qu'elle puisse s'asseoir avec eux. Son sourire si similaire à celui de Charlie la convainquit finalement de se détendre et d'apprécier son dessert avec eux.

Alors que Charlie entamait avec Will et Katie une discussion enflammée sur le Quidditch - à laquelle Bill se greffa finalement -, M. Weasley s'extasiait de la description - pourtant peu reluisante - que lui faisait Ian de leur vieille Ford Anglia.

— Je rêve de posséder une voiture, avoua M. Weasley d'un air malheureux, les yeux brillants comme un enfant auquel on aurait interdit un jouet particulièrement désiré.

— Si je change de modèle un jour, je jure que je te la donnerai, peu importe le prix de l'argus.

Les yeux de M. Weasley se firent presque larmoyants de joie, avant de s'assombrir.

— C'est adorable, vraiment, mais je ne suis pas sûre que ma femme soit euh… ravie.

— Ah, marmotta Ian en faisant la moue.

— Nous verrons, nous verrons…, reprit tristement M. Weasley.

Ils furent tous ravis de leurs choix de glace - M. Weasley, joueur, s'était laissé tenter par le raisin au whisky pur-feu. Les autres étaient restés plus classiques - Ian, que Katie traitait de copieur, se voyait ravi de sa glace au beurre de cacahuètes. Will et Charlie se régalaient avec leur mousse de framboises aux éclats de chocolat. Les lèvres de Bill collaient à chaque bouchée de caramel au beurre salé, et Abigail refusa d'abord de toucher à sa glace marbrée fraise-passion tant elle la trouvait belle avec ses zébrures et sa feuille de basilic.

En dégustant le délicieux sundae, elle laissa ses yeux et ses oreilles vagabonder au delà de la terrasse, vers la foule de sorcières et sorciers pressés sur les pavés.

Il y avait quelque chose de magique à les regarder se mouvoir dans la rue comme un océan de chapeaux et de capes colorées, pris dans une vague de bonheur, de rires et de conversations animées. L'atmosphère bon enfant donnait un côté presque familial à la rue - si l'on oubliait les quelques plantes et animaux sur les présentoirs dont les dents ou les feuilles essayaient d'étrangler ou de mordre violemment les passants. Les bâtiments penchés, asymétriques et bigarrés, aux colombages et poutres apparentes, leurs enseignes décalées, tout renforçait cette impression d'avoir atterri dans un autre monde.

Les derniers bouts de sundaes furent finalement avalés et c'est l'esprit tout endormi qu'ils se levèrent pour reprendre leur route. Bill, Will et Abigail devaient se rendre chez Mrs Guipure, les uns pour se faire rallonger les robes, la dernière pour en acheter. Une odeur âcre flottait dans la boutique, de teinture et de produits lavants pour textiles.

La gérante, Mrs Guipure, une femme replète à la coiffure sophistiquée, adressa un grand sourire aux nouveaux arrivants, et expédia leurs demandes avec professionnalisme, leur souhaitant une excellente rentrée.

Ils passèrent devant l'échoppe des animaux magiques, qu'Abigail préféra fuir comme la peste. Ian lui tint compagnie à l'extérieur pendant que Will, accompagné de Katie, s'y engouffrait pour se réapprovisionner en Miamhibou pour sa petite chouette effraie.

— Tu n'aimes pas les animaux ? demanda Bill avec gentillesse, en la voyant surveiller des chats en semi-liberté.

— Je… les préfère loin de moi, répondit-elle seulement d'une petite voix honteuse, les lèvres plissées.

Bill hocha la tête, sans insister.

Le prochain arrêt fut, au grand malheur de Will, l'apothicaire.

— Je ne peux pas aller voir les balais moi aussi ? demanda-t-il, tout penaud, en voyant Katie et les Weasley se diriger vers le magasin de Quidditch.

— Je croyais que tu avais besoin de matériel pour les potions ? demanda son père en vérifiant leur liste.

— C'est vrai, mais…, ronchonna le jeune garçon en balançant la tête en arrière.

Il lâcha un soupir désespéré qui fit froncer les sourcils à sa soeur, tant il semblait dramatique, et marmonna en s'avançant :

— De toute façon, je n'aime pas les potions.

— Ça, j'ai bien vu sur ton dernier bulletin, le taquina son père avec un petit rire.

Will lui répondit d'un rictus pour le moins furieux, et entra le premier dans la boutique sombre.

— Eh, je n'ai pas dit qu'on n'avait pas le droit d'être moins bon dans une matière, ça arrive à tout le monde, se défendit Ian.

Il régnait dans la boutique une odeur pestilentielle - un mélange d'oeufs pourris et de choux laissés trop longtemps au fond d'un panier. Abigail se boucha le nez dans un réflexe, et l'apothicaire, derrière son comptoir, lui lança un sourire désolé.

— Première année à Poudlard ? devina-t-il.

Au signe de tête de la fillette, il quitta son poste pour rassembler tous les ingrédients et le chaudron nécessaires. Abigail observa la boutique, fascinée autant que dégoûtée - au sol étaient entreposés des tonneaux transparents remplis de substances gluantes. Le reste du magasin se résumait en des étagères remplies de bocaux en tous genres : herbes et racines séchées, poudres brillantes… Au plafond pendaient des plumes d'oiseaux, crochets de serpents ou encore des serres de rapaces.

En frissonnant, elle rejoignit son frère aux balances en cuivre qu'il examinait sans conviction, et murmura :

— C'est si terrible que ça, les potions ? Ça n'a pas l'air plus compliqué que la cuisine.

— C'est ce que je pensais aussi, croassa lugubrement Will avec une grimace. Je vais prendre un chaudron aussi, s'il vous plaît. J'ai fait exploser le mien en classe, ajouta-t-il tout bas à sa soeur, un air malheureux sur le visage.


— Il ne reste plus que ta baguette, Abby, et nous aurons tout terminé, soupira Ian en sortant du magasin, les bras chargés de paquets, suivant ses enfants qui s'enfuyaient de l'échoppe.

L'intéressée hocha seulement la tête et ne put s'empêcher de se crisper violemment. Le geste ne manqua pas d'alerter Ian.

— Et moi j'ai terminé ! claironna Will avec un grand sourire, maintenant qu'ils avaient quitté l'antre des potions. Je peux rejoindre Charlie ?

— Évidemment que tu peux.

— A tout à l'heure ! s'écria le garçon sans les regarder.

Ian secoua la tête en soupirant doucement, et, sans un mot, ils se dirigèrent vers la boutique de baguettes.

Celle-ci était longue, haute, très étroite. La façade, largement lézardée, donnait un aspect lugubre à l'endroit - et les fenêtres salies par les années n'instauraient pas la confiance.

Ian observa d'abord le bâtiment avec une moue peu engagée, puis baissa son regard sur le visage de sa fille. Il y lut une telle tristesse teintée de colère, une telle démotivation que son coeur se serra. Doucement, il s'approcha.

— Hey, Abby, à quoi penses-tu ? Pourquoi cette expression si malheureuse ?

Sa voix très douce fit émerger la fillette de ses pensées - ses sourcils se défroncèrent en même temps que son visage se détendait. Son père chercha son regard, sans y parvenir.

— Abby chérie ? insista-t-il gentiment.

Elle ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt, hésitante.

— Tu crois que je vais trouver une baguette ? demanda-t-elle soudainement d'une voix malaisée. Tu crois que j'en ai le droit ?

Ian cligna des yeux, décontenancé par la question et l'air sincèrement préoccupé de la fillette. Les mains toujours dans les poches de son pull, elle regardait la devanture d'un air perdu, presque amer. L'envie de la serrer contre lui fit gonfler le coeur de son père, mais il n'en fit rien.

— Bien sûr que tu en as le droit, chérie, pourquoi tu n'en aurais pas le droit ? demanda-t-il d'une voix calme, connaissant et redoutant la réponse.

— Parce que je suis un monstre, ou... au moins une anomalie.

Bien que préparé à cette repartie, Ian sentit son coeur remonter à sa gorge. Il savait son visage décomposé, alors que celui de sa fille conservait la neutralité déroutante qu'il lui avait toujours connue.

Cette fois, il ne cherche pas son regard, qu'elle refusait de toute façon de lui accorder. Les réponses s'enchaînaient dans son esprit sans qu'il en trouvât une satisfaisante, jusqu'au moment où, après un silence trop long, il murmura :

— Ce n'était pas ta faute. Le départ de ta maman, son chien, ce n'était pas ta faute. Tu n'es peut-être pas prête à le croire, mais je t'assure que ce n'était pas ta faute.

Sa voix peut-être tremblante, ou ses paroles, il l'ignorait, firent soudainement tourner la tête à la fillette. Ses yeux clairs et son visage étaient empreints d'une gravité bien trop prématurée pour une petite fille de onze ans.

— Tu es peut-être une sorcière, mais certainement pas une anomalie, et encore moins un monstre.

Il laissa son coeur redescendre dans sa poitrine et chassa les larmes que l'émotion avait appelées au coin de ses yeux pour ajouter :

— Et si le professeur Dumbledore t'a remis ta lettre, c'est que tu as droit à une baguette.

Abigail hocha lentement la tête, la gorge nouée par le chagrin sur les traits de son père, et fixa de nouveau son regard sur la porte.

— Tu m'attends ici ? demanda-t-elle d'une voix qu'elle espérait douce.

— Bien sûr, chérie.

Elle lui adressa un dernier coup d'oeil avant de faire un pas vers la porte sombre.

La poignée se chargea en glace quand ses doigts l'agrippèrent. Pas maintenant, songea-t-elle en serrant les dents - et les cristaux fondirent aussitôt. Étonnée mais rassurée, elle poussa la porte et s'engouffra à l'intérieur, le coeur au bord des lèvres.

L'air devait être chaud, mais elle ne ressentit rien d'autre que l'éternelle froideur à laquelle elle était accoutumée. La pièce, de largeur douteuse, semblait d'une longueur interminable. Seules des étagères poussiéreuses remplies de centaines - voire de milliers - de baguettes, une table où traînaient une plume et un parchemin, et une chaise unique meublaient la pièce. Elle était tellement mal éclairée que chaque lueur prenait une ampleur fantomatique, si bien que lorsqu'une silhouette d'homme se détacha des étagères lugubres, soulevant une quantité impressionnante de poussière, Abigail recula d'un pas, sur le qui-vive. La flamme de la simple bougie posée sur le bureau vacilla lorsque le vieil homme s'approcha, son regard posé sur celui de la fillette méfiante.

Donner un âge aux gens avait toujours été un jeu auquel elle perdait systématiquement, mais cet homme-là dépassait largement la centaine d'années, elle en était sûre. Son visage ridé figé en une expression de demi-agacement et sa bouche légèrement tordue en un semi rictus n'enlevaient pourtant rien de la bonté et de l'intelligence de son regard pâle et brillant dans l'obscurité de son magasin.

— Mademoiselle, salua-t-il.

Elle ne prit pas la peine de répondre, ses yeux curieux fixés sur lui, alors qu'il détaillait poliment son visage encore enfantin.

Puis, sans prévenir, il courut à demi dans ses étagères, farfouillant ici et là, reposant les écrins n'importe où.

— C'est un honneur de vous recevoir pour votre première baguette, Miss… Swann, n'est-ce pas ? Votre frère m'a parlé de vous lorsqu'il est venu m'acheter sa baguette. Oh, je n'ai pas peur d'affirmer qu'il était votre frère. William, n'est-ce pas ?

Mortifiée, Abigail ne répondit pas. Will, incorrigible pipelette, que lui avait-il raconté sur elle ? N'attendant visiblement pas de réponse, Ollivander sortit une boîte de son étagère, souffla pour chasser la poussière, l'examina puis la remit sagement à sa place en s'enfonçant dans son magasin.

Il sortit une nouvelle boîte noire, l'ouvrit, examina la baguette à l'intérieur, jeta un coup d'oeil à la petite sorcière toujours bloquée devant la porte, la rangea, descendit de son échelle pour réitérer son étrange manège un peu plus loin. Il marmonna finalement quelques mots, seul au fond de son échoppe, avant de revenir de sa démarche claudicante vers sa petite cliente.

— Peut-être… Celle-ci ? C'est une baguette disons spéciale, que personne n'a jamais essayée… Mais je sens-

Il se tut brutalement, saisit la baguette dans son écrin - une baguette de bois clair. Abigail remarqua aussitôt les gravures sur le manche - des feuillages. Du lierre, plus exactement, grimpant le long de la baguette pour s'arrêter en plein milieu. Elle la trouva magnifique.

— Eh bien, qu'attendez-vous ? demanda Ollivander d'une voix amusée devant l'air fasciné de sa cliente. Prenez-la.

Le coeur battant à tout rompre, les mains douloureuses, la fillette tendit la main gauche, dans laquelle le marchand déposa très délicatement la baguette.

Dès que la petite sorcière eut refermé ses doigts pâles sur le manche, elle sentit une décharge, aussi légère qu'une caresse, dans son avant-bras. D'une légèreté dérisoire, la baguette s'était comme enroulée autour de sa peau et ne faisait plus qu'un avec son bras.

L'émotion assomma la jeune sorcière d'une nouvelle crise de douleur dans son épaule - l'affreux picotement descendit dans son bras, son avant-bras, et, bientôt, l'extrémité de la baguette se mit à luire d'une lueur très blanche et très pure. Le coeur d'Abigail eut un raté quand elle constata que, même au contact de sa peau nue, aucun cristaux glacé ne s'était déposé sur le bois clair et les feuilles de lierre.

— Agitez-la doucement, souffla Ollivander.

Elle leva ses yeux bleus vers le vieux marchand qui hocha lentement la tête. Cette fois, ses lèvres s'étiraient en un vrai sourire.

Après une brève inspiration, Abigail donna un très léger coup de poignet : la lueur blanche se transforma en un ample flocon de neige, qui explosa en une multitude de plus petits, emplissant la pièce de petits nuages blancs et duveteux. Le soulagement qu'elle ressentit à cet instant, celui d'avoir été choisie par une baguette, celui de se sentir plus légitime d'en posséder qu'elle ne s'était sentie en entrant dans l'échoppe, lui retira un immense poids au coeur. Elle ne sentait même plus la douleur dans ses bras, alors qu'elle observait la baguette rouler entre ses doigts.

— Je crois que vous avez trouvé votre baguette, fit remarquer inutilement Ollivander.

D'un coup de sa propre baguette, il fit disparaître les flocons de neige et alla à son bureau pour préparer l'écrin. Lorsqu'Abigail consentit enfin à lui rendre la baguette pour qu'il la dépose très doucement dans un voile de soie bleue, l'euphorie qui s'était emparée d'elle retomba. Elle se sentait diminuée, en observant sa baguette disparaître sous le couvercle de la boîte noire.

— Rares sont les baguettes qui trouvent leur sorcier du premier coup, fit remarquer le fabricant d'une voix rêveuse. Celle-ci n'avait jamais été essayée. Bois d'aulne, vingt-six centimètres, relativement souple, ventricule d'Opaloeil des Antipodes… Oh, et le lierre est une fantaisie de ma part, ajouta-t-il en souriant distraitement, comme s'il se remémorait des souvenirs particulièrement doux. Il ne fait aucun doute, Miss Swann, ajouta-t-il en acceptant les sept gallions qu'elle lui tendait, que vous et votre baguette accomplirez de grandes choses.


Encore une fois, merci de votre lecture, c'est vraiment agréable de se dire qu'on a écrit quelque chose qui plait et qui est digne d'être lu et apprécié !

Je suis curieuse d'avoir vos avis sur ce chapitre, je sais que le Chemin de Traverse, c'est toujours un peu pénible car on le connaît par coeur... Je voyais ça comme un passage obligé pour Abbynette qui commence tout juste son apprentissage magique. Mais pour la suite, peut-être que j'enlèverai ces passages un peu pénibles.

Comme dit précédemment, n'hésitez pas à laisser un petit mot de votre passage, même si c'est tout petit, ça me fera super plaisir, et on pourra papoter, au contraire, j'adore ça huhu.

Je tenais aussi à faire un peu de pub (hihihi) à la très chère à mon coeur Docteur Citrouille, qui vient de publier le début de sa fanfiction sur Jane Eyre, ça parle de chasseuse de morts-vivants, c'est très chouette à lire, mais attention à l'hémoglobine huhuhu. En tout cas, je ne peux que vous encourager à faire un tour sur son profil !

Prenez soin de vous, et à une prochaine fois pour le chapitre 2 (qui paraîtra certainement en fin de semaine, je voudrais essayer de m'avancer un peu, car mes délais d 'écriture sont toujours un peu chaotiques haha) ! Plein de bisous si vous en voulez!

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