Holà !~

Avant de vous lâcher dans la lecture de ce chapitre un peu moins long mais toujours un peu trop, permettez-moi une ou deux (who am I kidding haha) digression(s).

Déjà, merci aux personnes qui ont pris le temps de me faire un retour, même si c'est deux lignes, quel bonheur dans mon petit cœur d'autrice. Je dois avouer que le chapitre 5 me sort par les yeux par sa longueur, par son ton beaucoup trop lourd et pessimiste, par le fait que l'intrigue n'avance pas autant que je voudrais et que j'ai l'impression d'avoir lâché des informations en vous noyant totalement. J'avais prévu de retourner à Poudlard dans ce chapitre, mais finalement, ce sera dans le chapitre suivant. J'avais besoin de faire ce chapitre qui clôt Noël, avec un ton plus léger et un peu d'espoir pour les personnages (et des décisions qu'il était TEMPS de prendre). Je suis donc un peu stressée de poster ce chapitre, je crois.

Donc merci à GEBC, Feufollet, Mimi70, Sundae Vanille et Ballerine91 pour leurs retours ! Bien sûr, merci aussi aux lecteurices fantômes, j'imagine au fond que s'il y a autant de lectures, c'est que cette histoire doit plaire.

Ensuite, parmi la foule de choses que j'aurais à vous dire, je suis désolée d'avoir écrit une si navrante introduction et une si mauvaise conclusion lors de ma dernière publication. Pour tout vous avouer, j'ai passé la matinée à relire et courir pour faire mes gâteaux destinés à mon goûter d'anniversaire (vraiment super, soit dit en passant hihi), et j'étais MÉGA en retard, pour atténuer la chose huhum. Mais comme vous êtes important-e-s, j'ai eu envie de poster quand même. D'ailleurs, dans ma hâte, j'ai carrément spoilé le nom de la sorcière dans la dernière scène (oopsie). Je sais que les lectrices qui ont lu la première version ne m'en tiendront rigueur, pour les autres… désolée ! J'ai rectifié le tir, mais c'est sûrement trop tard.

Merci aux copines d'écriture qui sont toujours là en soutien, j'ai nommé Docteur Citrouille (la best des bests, vous l'aurez, je crois, compris ! D'ailleurs rendez-vous après le chapitre pour une petite annonce, et je vous assure que l'année 2020 qui a si mal débuté s'adoucira aussitôt), Sundae Vanille (c'est bientôt son anniversaire *pouete pouete et cotillons* ! vraiment, vous ai-je dit de courir lire sa fiction longue et ses OS ? Oui ? Je le répète donc, allez lire sa fiction longue et ses OS, et reviewez, petit-e-s chenapans, ses RàR sont exceptionnelles en plus de tout le reste), Aliete (là encore, je ne peux que vous conseiller ses fictions qui sont un régal pour les yeux, même si je ressors de ma lecture de La Vigne et le Rosier toute chamboulée), Orlane Sayan (tu es next sur ma to-read list, évidemment, après les premiers chapitres d'une qualité incontestable que j'ai pu lire *-*). Je vous conseille aussi les écrits de Mimi70 qui écrit sur Le Seigneur des Anneaux et c'est vraiment fort chouette !

Vous pouvez voir que j'ai changé l'image de 'couverture', c'est un cadeau de Docteur Citrouille, quelle as, mais quelle as ! Je me demande sincèrement ce que je ferais sans toi.

Sans plus tarder, après cette introduction cette fois trop longue (hihi), je vous laisse, et à tout à l'heure en fin de chapitre !


Chapitre 6 — Le passé derrière soi


La semaine se termine comme elle a commencé – lentement.

Les minutes, heures, jours et nuits passent, résonnent de toute leur paresse dans le balancement des horloges de Prudence, la lumière oscillante du lampadaire, la danse inlassable des flocons. Le temps ralentit jusqu'à s'assoupir, dans la ville inanimée, conférant aux façades inertes une atmosphère aussi morne qu'étouffante. Les rideaux tirés, les guirlandes lumineuses éteintes, la neige salie par les traces de pneus, les devantures fermées, le sapin penché par le vent devant la mairie à peine décorée : tout les plonge dans une torpeur telle que Ian ne sait même plus s'il préfère en rire ou en pleurer.

Quand il surprend Abigail l'observer au moment de la préparation de son sac, alors que leur départ n'est prévu que le lendemain après-midi et qu'au salon se prépare la soirée du Nouvel An, il lui renvoie son froncement de sourcils, aussi mécontent que honteux, incapable de justifier une telle hâte. Mais la fillette se contente de l'imiter, et s'assoit sur sa valise. Ian la regarde enfoncer ses joues dans ses paumes, les coudes sur ses genoux. L'écho de leurs soupirs se mélangent dans le silence froid de la chambre, aussitôt réchauffé par le rire que Ian ne peut retenir.

Katie rend les armes la première et s'endort peu avant minuit, épuisée par les cotillons qu'elle a lancés toute la soirée, bercée par les voix et la télévision que Prudence a allumée malgré les protestations. Allongée sur le canapé, son chapeau de fête vert fluo encore accroché à son cou et à demi étalé sur son front, la fillette ronfle comme une bienheureuse, la tête posée sur les genoux de Will. Son frère lui-même n'en mène pas large : ses bâillements rapprochés, ses yeux cernés trahissent sa fatigue. Lui aussi se laisse bercer, non par les plaisanteries d'un goût frôlant le très mauvais des animateurs sur leur plateau TV, mais par la voix d'Ellanaëlle. Assise sur le deuxième canapé, entourée d'Avalon et d'Abigail, la jeune fille leur lit le livre de contes qu'a reçu sa cousine pour Noël. Sa voix douce, ses expressions exagérées au détour d'une phrase ou d'une péripétie les emportent dans une douce rêverie.

Derrière eux, Prudence et Coleen discutent autour d'une tasse de thé de choses plus futiles les unes que les autres, à demi écoutées par Tobias, dont l'intérêt ne se porte ni pour elles, ni pour les contes moldus qu'il n'a jamais pris le temps – et n'a jamais eu envie – de découvrir. Quant à Ian, il ne sait fichtrement pas pourquoi il est encore assis à table alors qu'il ne fait même pas l'effort de prétendre les écouter. Sans bruit, il se lève, coupe le son de la télévision et s'installe dans un petit fauteuil, enfonce son coude dans l'accoudoir et son poing dans sa joue pour écouter sa nièce et veiller de loin sur sa benjamine. Will l'accueille avec un sourire lumineux dans sa fatigue, auquel il répond tendrement.

C'est aux images soudainement affolées de paillettes dorées, cotillons argentés, de sourires et de discours muets à l'écran qu'ils rendent compte que minuit a sonné. L'épuisement rend leurs embrassades plus douces que ce que Ian avait redouté. Abigail se lève telle une furie lorsque sa cousine essaye de l'embrasser sur la joue et court se réfugier à l'étage. Ian adresse une petite moue désolée à sa nièce, mais elle lui sourit doucement avec un petit geste de la main. Katie se réveille en sursaut au moment où Prudence se penche sur Will pour l'embrasser sur le front et lui tapoter la joue avec un 'au lit, maintenant !' sonore, et c'est avec un interminable bâillement qu'elle accepte son long baiser, celui de son oncle et de sa tante. En retirant son chapeau, laissant ses cheveux en pagaille, elle se lève et s'approche du petit fauteuil où son père est resté assis.

— Tu montes avec nous, papa ? marmonne-t-elle d'une voix pâteuse alors que derrière lui, Will se gratouille le ventre en bâillant sans grâce avant de rire de son comportement avec son oncle et son cousin.

— J'arrive, mon petit hibou, la taquine-t-il doucement en acceptant son long baiser, le cœur gonflé.

Il agrippe la main que Will lui tend pour se relever et, la seconde suivante, ses bras entourent les épaules de son fils. Le visage enfoncé dans son torse, le jeune garçon soupire lentement, ferme les yeux et soupire encore de contentement. Un sourire serein illumine son visage. Tobias murmure d'une voix fatiguée ses vœux de bonne année à son beau-frère et suit Avalon et Ellanaëlle à l'étage, baragouinant une excuse que Ian balaie d'un hochement de tête. C'est lorsque Katie s'impatiente à juste titre que Will se dégage de l'étreinte de son père et lui propose sa main qu'elle attrape en se frottant les yeux.

— Allez, au lit, leur intime Ian. Ne laissons pas Abbynette toute seule, ou elle va finir par penser qu'on a été dévorés par-

— Ian chéri, tu nous aides à ranger ?

La voix de Prudence, trop précipitée pour ne pas l'alarmer, le fait soupirer de dépit, et, lentement, il se tourne vers sa mère, les lèvres plissées en un rictus irrité.

— Tu aurais pu éviter de me couper dans ma blague. Je monte bientôt, promet-il à ses enfants – et Will secoue la tête, haussant un sourcil moqueur. N'oubliez pas de vous laver les dents, et au lit.

— Mais papa-

— Lavez-vous les dents, répète-t-il, intransigeant. Will, je te laisse la lourde tâche de vérifier que c'est fait.

— Bien mon général.

— N'importe quoi, ricane son père en lui ébouriffant une dernière fois les cheveux avant qu'ils ne s'éloignent.

Lorsque leurs voix et les protestations bien vite résignées de Katie s'éteignent, le salon perd les jolies couleurs que les enfants lui avaient apportées. Leurs rires laissent place au silence boudeur. Ian se penche dans un soupir pour ramasser le chapeau vert fluo abandonné par Katie et, alors qu'il enroule l'élastique dans un réflexe, Coleen enfile sa veste et sort bientôt une cigarette de sa poche, qu'elle porte à ses lèvres avant de fermer sa fermeture Éclair et de libérer ses cheveux en dehors de son col.

— Tu avais promis de ne pas fumer de la semaine, remarque Prudence dans un grognement blasé, une lueur désapprobatrice dans les yeux.

Coleen prend le temps de hausser les épaules et d'attraper sa cigarette avant de claquer la langue impatiemment et de répliquer :

— On est arrivés le 24. Nous sommes le 1er. Ça fait huit jours, j'ai tenu ma promesse.

— Tu vas t'esquinter les poumons, continue Prudence alors que Ian lâche un gros soupir désabusé sans toutefois rebondir. Ah, ils en parlent pas à la télé, mais ça esquinte les poumons, c'est moi qui te le dis.

— D'accord, maman, élude Coleen sans retenir une expiration trop dramatique pour ne pas en devenir désintéressée.

Et, en prétendant ne pas entendre sa mère qui l'interpelle encore, elle se dirige vers la porte du jardin qu'elle claque bientôt derrière elle.

L'air rempli des tensions qu'ils gardent tous enfermées dans leurs cœurs s'alourdit encore davantage quand Ian se retrouve seul avec sa mère. Son pouls s'affole et, désespéré d'angoisse et de méfiance, il tente d'esquiver son regard, préfère plonger dans le buffet pour ranger ce qu'il peut, quitte à déplacer des verres déjà parfaitement à leur place pour ne pas se relever trop vite et la confronter, jouant la sourde oreille quand elle murmure son prénom. Malheureusement, il ne peut s'enfuir quand, après s'être relevé pour étirer ses jambes, elle pose une main sur son avant-bras et l'enlace maladroitement, sans se préoccuper de son mouvement de recul agacé.

— Va lui parler, Ian.

Le murmure, à demi brisé et alourdi par le poids de la lassitude, lui parvient à peine aux oreilles qu'il sent ses muscles se raidir avant même qu'il ait pu analyser la supplique et trouver une réponse adéquate.

— Pardon ? se contente-t-il de lâcher dans une exclamation à mi-chemin entre l'incrédulité et l'indignation.

— Va lui parler, répète Prudence sans le lâcher malgré sa tentative de se libérer – et, dans un mouvement trop brusque, son coude heurte le buffet mais son grognement de douleur n'émeut pas sa mère. Parlez-vous, tous les deux, sans vous crier dessus, sans vous entretuer.

— Ah, j'ai donc bien entendu, raille-t-il en la repoussant finalement pour masser son coude douloureux. Si c'est une plaisanterie, je ne sais pas si je la trouve bien bonne ou de bien mauvais goût. Tu n'as pas remarqué qu'on ne s'était pas adressé la parole de la semaine ? Tes capacités d'observation sont-elles donc aussi mauvaises que tes blagues ?

— Le cynisme, Ian, toujours le cynisme, murmure Prudence en soupirant, une main sur le dossier d'une chaise, et Ian hausse les épaules et les mains dans un geste d'incompréhension perdue. Parfois on dirait ton père, ajoute-t-elle, indifférente à la grimace affolée de son fils.

— Mais…, proteste Ian avant de balayer sa dernière remarque en déglutissant péniblement, dans l'espoir de faire redescendre son cœur entre ses côtes. Tu as oublié ce qui se passe quand on essaye de communiquer ? Tu as oublié ce qui s'est passé la dernière fois qu'on s'est parlé ? C'était il y a une semaine, d'accord, mais enfin je ne pensais pas ta mémoire à ce point réduite. Et puis parler de quoi ? J'aurai beau lui parler de la pluie et du beau temps, elle finira toujours par m'accuser ou accuser Abby de la disparition des abeilles, de l'augmentation du prix de l'essence et de la destruction imminente de la planète.

— Oh, Ian, je t'en prie, déplore Prudence sans répondre au 'quoi, c'est vrai' puéril de Ian. Je ne te demande pas de le faire pour moi, ni en la mémoire de ton père, je te demande de faire ça pour vous deux. Pour que vos relations soient plus apaisées.

— C'est marrant, je trouve que ça arrive quelques années trop tard. Trente ans trop tard, en fait.

— S'il te plaît.

Ses épaules s'affaissent au refus catégorique de Ian, et, sans un mot mais non sans un mouvement désespéré de la tête, elle baisse les bras et s'éloigne vers la cuisine, laissant son fils seul et étonné de la facilité avec laquelle elle abandonne la partie.

Ni l'un ni l'autre ne souhaitant éterniser le rangement, ils se croisent de nouveau moins de dix minutes plus tard, juste avant que Ian ne monte rejoindre ses enfants. Prudence le coince au moment où il pose son pied sur la première marche, et lui tend un petit sac en papier recyclé rempli d'épluchures de légumes, le regard brillant de cette vilaine lueur qu'il redoute autant qu'il exècre.

— Tiens, sors le compost, s'il te plaît.

— Maintenant ? ronchonne Ian en accompagnement son haussement de sourcils d'un soupir exagéré. Ça peut attendre demain.

— Ian, s'il te plaît, ça sera fait et ça te prendra moins de temps de sortir jeter ça que moi de retourner à la cuisine.

L'argument, trop bancal pour ne pas arracher une grimace à Ian, est de toute façon balayé par Prudence qui lui fourre le sac dans les mains et s'engage dans les escaliers.

— Soit, crache Ian avec mauvaise humeur, alors que sa mère atteint la moitié de l'escalier et s'arrête brusquement, le regard fuyant. C'est pas par gaieté de cœur, crois-moi, et tu n'as pas intérêt à m'enfermer dehors avec Coleen !

— Oh ! s'insurge Prudence, blessée. Tu en as des idées.

En ronchonnant de plus belle, Ian enfile ses chaussures, jette un coup d'œil à son manteau, accroché plus loin dans le couloir, et décide qu'il ne restera pas suffisamment longtemps dehors pour justifier de parcourir les trois mètres qui les séparent. C'est courageusement qu'il ouvre la porte, prêt à s'engouffrer dans le froid, sans un regard pour sa mère qu'il n'entend de toute façon plus.

Si l'air glacial glisse sur lui aussitôt que la porte est ouverte, lui mord la peau, s'infiltre sous son pull, fait trembler son corps et claquer ses dents, la nuit est calme, paisible dans les murmures du vent. Les flocons ont délaissé le ciel dégagé dans lequel brillent les astres, partiellement dissimulés par les lumières de la ville.

La lumière du couloir éclaire Coleen un instant. Les bras à demi croisés, les yeux vers l'immensité noire du ciel, elle tourne son visage illuminé vers son frère pour s'enquérir de la situation avant que l'obscurité ne l'avale de nouveau, quand il referme la porte et prive le jardin de source lumineuse. Ils s'observent un instant sans échanger un mot, instant pendant lequel l'envie de lui balancer le sac de compost à la figure pour lui expliquer la raison de sa présence chatouille Ian, avant de décider de garder le silence et de se diriger le plus vite possible vers les poubelles.

Pourtant, un frisson d'effroi le pétrifie sur place lorsque derrière lui, le verrou de la porte est tiré. Avec un juron, il attrape la poignée, essaye d'ouvrir mais rien n'y fait, ni ses tentatives, ni ses insultes : Prudence les a enfermés dehors.

— J'en étais sûr ! Ça devrait pas être permis d'être perfide à ce point !

— Relax, ricane Coleen alors que ses milliers d'autres insultes s'envolent dans la nuit.

— Relax ? Et dire que vous avez toujours le culot de ne pas comprendre pourquoi je ne veux plus avoir à faire avec vous ? Vous me sidérez.

— Tiens.

Des clés tintent dans le noir, alors qu'elle les lance à son frère. Aveuglé par le manque de luminosité, il tend la main mais le trousseau atterrit sur sa joue, le giflant au passage, et retombe lourdement dans un cliquetis que son exclamation aussi piteuse que douloureuse étouffe.

— Je vois que tu as finalement décidé d'accepter ton sort et de porter sur toi la clé de la porte des Enfers.

— Très drôle. Je me doutais qu'elle nous ferait un coup dans le genre, j'ai pris les doubles au cas où. Que veux-tu, une vieille habitude Serdaigle, de savoir ce que les Serpentard comme elle aurait pu l'être ont dans la tête. A mon avis, si elle avait été une sorcière, elle y aurait atterri.

— Ah. C'est aussi une vieille habitude de sorciers de penser que les moldus comprennent vos références sur Serdaigle et Sertentard ?

— Serpentard.

— Aucune différence, ronchonne Ian en ramassant les clés qu'il vient enfin de retrouver et en abandonnant le sac de compost sur le côté. Et niveau perfidie, je te signale que tu n'as rien à lui envier. Surtout que tes gamins ne le sont pas du tout et pourtant ils sont à Serpentard aussi, alors si je comprends bien ta théorie sur la vilénie de cette maison, elle tombe à l'eau.

Le grommellement de Coleen se perd lorsqu'elle tire sur sa cigarette, émettant une douce lueur dans le noir, avant de hausser les sourcils :

— Attends mais t'es sorti sans manteau ? s'étonne-t-elle, et l'aberration dans sa voix fait grogner Ian.

— Je te signale que je n'étais pas censé rester plus de dix secondes dehors.

— Bah oui mais quand même… Laisse ça, je jetterai moi-même, rentre vite au chaud.

Ian grelotte, grommelle. Ses doigts gelés ne parviennent pas à agripper la bonne clé dans le trousseau. Coleen soupire en distinguant ses épaules tressauter, sort sa baguette pour la pointer sur lui. Alerté par ses mouvements, Ian lève des yeux méfiants vers elle, et, pris d'horreurs dans des souvenirs qu'il pensait enterrés au fond de sa mémoire en apercevant la baguette magique braquée sur lui, il ouvre la bouche pour lui lancer une pique assassine mais d'un mouvement tranquille, elle la range. Une douce chaleur se répand dans le corps de Ian, fait cesser ses tremblements. Les milliers d'aiguilles que la morsure du vent enfonçait dans sa chair ne l'atteignent plus, et, de mauvaise grâce, il ravale son sarcasme. Coleen ne l'observe que du coin de l'œil, indifférente.

— Merci, marmonne-t-il du bout des lèvres.

— Qu'est-ce que tu croyais, riposte-t-elle en agrémentant sa phrase de son rire de hyène caractéristique.

— Je sais pas, vu ton passif, ça ne m'aurait pas étonné que tu remettes ça.

— Remette quoi ?

— Que tu lances un sort à un pauvre moldu sans défense.

Cette fois, Coleen ne rit plus du tout, grimace et le fusille du regard, qu'il peut apercevoir maintenant que ses yeux se sont habitués à l'obscurité.

— Banane, maugrée-t-elle en tirant sur sa cigarette.

— Andouille, réplique-t-il en lui tirant la langue, mais elle se détourne.

A l'insulte, elle sourit, ce sourire en coin condescendant et ironique qu'elle ne quitte que pour sa deuxième expression favorite – la colère. Elle ressemble à leur père, jusque dans la lueur cachée sous de jolies prunelles bleu sombre et une facilité à s'adapter à n'importe quel interlocuteur – sauf lui et ses enfants, peut-être – qu'il sent brutalement son souffle s'emmêler dans sa gorge. A l'angoisse se mêle la tristesse, aux mauvais souvenirs les moments de bonheur qu'ils ont pu partager, les bêtises qu'ils ont pu faire dans ce jardin, trente ans plus tôt.

— Bah alors, qu'est-ce que t'attends ? raille-t-elle en le voyant hésiter, les doigts refermés sur la clé de la porte.

— Quand est-ce que ça a merdé, Coleen ? Quand est-ce que tout a foutu le camp ?

La surprise la laisse muette un long moment, sa cigarette à demi consumée entre les doigts. Lui n'attend que sa réponse qu'il redoute de deviner, tout comme il redoute l'exclamation dans laquelle se trahirait l'évidence de la question, mais rien ne vient. Seul le silence et les murmures du vent lui répondent. Coleen se tourne finalement vers lui en secouant la tête, lâche un soupir plein de lassitude. A la grande surprise de Ian, aucune malveillance, aucune arrogance ne teinte sa réponse :

— Tu veux vraiment qu'on fasse ça, Ian ? Qu'on parle ? Je pensais que tu en avais ta claque.

— J'en ai ma claque. Et je sais où nos discussions nous mènent toujours, de toute façon. On se reprochera toujours la même chose, toujours réciproquement, et on n'arrivera jamais à comprendre le point de vue de l'autre, peut-être à tort, mais je pense surtout avoir raison de ne pas accepter ton point de vue à toi.

La façon dont Coleen se tourne vers lui, hoche à demi la tête en agrémentant son geste d'un haussement d'épaules résigné lui arrache un rictus agacé, mais elle ne répond pas tout de suite, préférant tirer longuement sur sa cigarette.

— Si tu le dis. Alors à quoi bon, Ian ? Si on sait déjà qu'on va s'engueuler, qu'est-ce que tu attends pour rentrer te mettre au chaud et retrouver tes gosses ? Aurais-tu des remords ?

— Des regrets, plus que des remords. Je regrette les moments où on se considérait encore comme une équipe. Je regrette de ne pas comprendre comment tout a pu merder à ce point, pour qu'on en arrive à laisser notre complicité de côté pour cette relation et ces sentiments toxiques qu'on a l'un pour l'autre. Je regrette de ne pas pouvoir parler de toi comme de ma sœur sans que ce soit si douloureux.

Ses derniers mots s'envolent dans la nuit, dans le chant mélancolique des feuilles dans le vent. Coleen ne le regarde plus, sa mâchoire se crispe et bouge en même temps que ses lèvres se tordent. Sa cigarette terminée, elle s'empresse d'en reprendre une et de l'allumer d'un geste de sa baguette.

— Je ne sais pas, Ian, murmure-t-elle finalement, suffisamment lentement et doucement pour qu'il fronce les sourcils, incertain quant à la suite de sa réponse. Vraiment, je ne sais pas si ta tirade me scandalise, m'attriste, ou les deux. C'est toi qui as cassé notre équipe, toi qui as cessé de me considérer comme ta sœur, toi qui es devenu odieux, glacial, distant.

— Ça me semblait évident qu'on s'accuserait l'un l'autre, marmonne Ian en lâchant un soupir à s'en fendre l'âme. Soit, c'est ma faute, comme cent pour cent des problèmes de ta vie, mais est-ce une raison pour t'en prendre à mes gosses ? T'acharner sur eux, même ? Ça rimait à quoi, ta remarque à Will la dernière fois ? Tes remarques déplacées sur Katie ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait, bon sang ! Et tu as quel âge pour apprécier faire souffrir des enfants qui ne t'ont rien fait alors que toi-même tu en as et je ne pense pas que ça te ferait plaisir que je m'en prenne à eux ?

Elle ne répond pas, ne bouge même pas, les yeux fixés sur les platebandes de terre que Prudence a laissées en jachère pour l'hiver, avant de replanter ses fleurs bien aimées. Sa cigarette tremble, entre ses doigts.

— Oh, il est nouveau ce regard, continue Ian, un brin moqueur. Dis-moi, aurais-tu conscience que tu as complètement merdé sur ce coup-là ? Non, ça m'étonnerait, toi qui es incapable d'admettre, même à toi-même, que tu as eu tort. Tu as des tas de choses à me reprocher, soit. Tu me reproches d'être la cause de notre relation aujourd'hui, soit. Tu me reproches d'avoir laissé partir Alison, soit. Tu me reproches de protéger Abby, qui soit dit en passant, n'a que onze ans, soit. Tu me reproches de ne pas t'écouter, soit. Tu me reproches de ne pas aimer nos parents et surtout pas notre géniteur – oh, ne me sers pas cette tête, tu sais qu'il voulait une descendance mais pas d'enfants –, soit. Tu me reproches d'avoir refusé de venir vous vous voir pendant cinq ans, alors que franchement, c'était ta faute.

— Tu restes sur cette histoire…, accuse Coleen, et sa voix n'est plus qu'un murmure. Elle avait le droit de savoir, surtout après ce qui s'est passé avec papa. Quand allais-tu lui dire, sinon ? Leur dire ? Quand allais-tu leur expliquer que ce n'était pas la première fois ? Qu'elle avait déjà blessé ? Quand allais-tu leur avouer pourquoi leur petit animal de compagnie a disparu du jour au lendemain ? Si je ne l'avais pas fait, Ian, aurais-tu seulement osé ? Et si tu l'avais fait plus tôt, ne penses-tu pas que beaucoup de choses auraient pu être évitées ?

— Ce n'est pas mon propos, coupe Ian, plus sèchement peut-être qu'il ne l'aurait voulu, et Coleen soupire de dépit, sans toutefois insister. Je ne veux pas parler de ça, pas ici, pas avec toi, je ne veux pas. Ce que je veux, en revanche, c'est que tu comprennes une fois pour toute que je refuse que tu passes par mes enfants pour m'attaquer, c'est clair ?

— Clair comme de l'eau de roche.

Un nouveau silence hébété, bien plus long que le précédent, flotte entre eux, rend à la nuit sa torpeur. Ian cligne des paupières, puis soupire, lève les mains dans un geste hésitant, brisé de rancœur pour cette famille qu'il ne parvient décidément pas à comprendre. Coleen, quant à elle, garde son visage fermé vers le sol.

— Tu m'as déjà eu par le passé, alors j'avoue que je n'y crois pas, mais je vais faire comme d'habitude, et faire semblant de comprendre comment vous fonctionnez dans cette famille.

— Fais comme tu veux. Mais tu as été très clair, ajoute-t-elle en croisant son regard dans la pénombre.

— C'est Tobias qui t'a parlé pour que tu t'assagisses comme ça, non ? C'est lui qui t'a convaincue de laisser ton orgueil de côté, non ? Je me disais bien aussi que c'était inattendu, maugrée-t-il lorsque le silence de sa sœur se fait suffisamment éloquent. C'est une bonne chose que tu continues à l'écouter malgré tout.

— Il avait de très bons arguments.

— En plus de ne pas être moi.

— Viens t'asseoir.

Coleen désigne le petit banc de pierre de l'autre côté du jardin d'un signe de tête léger, lève les yeux au ciel en apercevant la grimace sur le visage de son frère :

— Non. Hors de question que tu me trucides dans le coin le plus effacé du jardin de notre enfance. Ce serait la pire mort envisageable.

— Oh, que tu es dramatique quand tu t'y mets, ronchonne sa sœur, mais un sourire s'esquisse sur son visage.

— Il me semble que niveau dramatique, tu n'es pas en reste.

— Toujours le cynisme, le sarcasme, Ian. Écoute, je suis désolée que tu n'aies pas été un sorcier. Je suis toujours désolée que tu n'en sois pas un. Tu le sais. Je suis désolée que tu aies eu l'impression-

Elle se tait, ravale tout son agacement quand il hoche la tête sur le côté, les sourcils froncés et les lèvres étirées en une expression des plus sardonique à ce dernier mot, ferme les yeux une seconde et porte ses mains à ses tempes.

— Admets au moins ça, s'il te plaît, proteste Ian doucement, et Coleen roule des yeux avant de soupirer.

— Je suis désolée que les parents t'aient traité un peu différemment à cause de ça. Je suis désolée que tu n'aies pas eu la chance de découvrir le monde sorcier avec moi.

— Tu as eu et as toujours une drôle de façon de le montrer, que tu es désolée, regrette Ian dans un murmure fatigué.

— J'ai fait ce que j'ai pu, Ian. Tu étais exécrable, tu n'acceptais aucune conversation.

— Je te retourne ces beaux compliments. Et sache que ce n'est pas avec ce que l'autre banshee vient de faire que j'en accepterai de sitôt. Sur ce, avant que je ne te balance pour de vrai le compost à la figure, je te souhaite une très mauvaise nuit, et peut-être, si l'envie t'en prend, de t'étouffer avec ta fumée et de nous laisser en paix, moi et mes enfants.

Coleen accuse le coup en haussant des sourcils étonnés, serre les lèvres dans une grimace incrédule d'abord puis vaguement appréciatrice, alors que Ian abandonne le sac en carton désormais vide dans la poubelle de recyclage et se tourne vers la porte, les clés en main. En jouant du talon sur l'herbe mouillée par l'humidité de la nuit, elle l'interpelle :

— Classe, comme derniers mots. Sachant que j'imagine qu'on ne te reverra pas de sitôt, ajoute-t-elle alors que Ian lui adresse un éclat de rire sans joie agrémenté d'un 'Tu ne crois pas si bien dire', qu'en est-il de Katie ? Quand lui diras-tu la vérité ? Maintenant que je ne serai plus là pour m'en charger ?

— Oh, mais vas-tu fermer ta gueule un jour, franchement ?

— Je parle du fait que c'est sa faute si tu es là, pas de l'autre vérité. Ça, je te laisse t'en charger, ou alors je le ferai quand tu m'appelleras pour que je le fasse.

Une main à demi sur la poignée de la porte désormais ouverte, Ian se fige, expire tout l'air qu'il a retenu le temps que Coleen débite sa dernière phrase, et lui balance le trousseau de clés le plus violemment possible au visage, sans envisager que d'anciens réflexes lui auraient permis de les rattraper d'une main et de les ranger tranquillement dans la poche de sa veste. Son sourire n'a rien de condescendant, quand il se tourne vers elle, il le trouve même amusé. Mais, sans se laisser amadouer, il réplique :

— Qu'est-ce que tu veux que je te réponde ? Que je m'en suis mordu les doigts de l'avoir laissée répondre au téléphone et qu'elle m'annonce toute guillerette qu'on passerait Noël ici car sa gentille grand-mère venait d'appeler ? Que je n'ai pas réussi à dire non à sa jolie frimousse pour un Noël en famille ? Que je n'avais pas le cœur de lui pondre une nouvelle fausse excuse pour rester tranquillement à la maison ? Oui, je m'en suis mordu les doigts, et non, je n'ai pas pu dire non à sa jolie frimousse. Je ne sais foutrement pas pourquoi Prudence continuait d'appeler tous les ans vu la façon dont je la rembarrais. Peut-être que j'avais pensé qu'elle aurait arrêté après quatre essais ratés.

— Personne sauf Tobias peut-être comprenait pourquoi elle s'acharnait, je te rassure. Papa le premier.

— C'était un pauvre type, et tu suis d'un peu trop près ses pas.

— J'ai cru comprendre. Bonne nuit, Ian.

— Toi, connasse, fume, crève de ta fumée et fous-moi la paix.

La porte se referme sur lui quand la voix moqueuse de sa sœur retentit derrière lui :

— Il va falloir changer de disque, Ian.

Mais il ne l'écoute plus, monte quatre à quatre les marches jusqu'à l'étage, tremblant de rage.

Quand il croise sa mère sortant de la salle de bains sur le seuil de l'escalier, il se fige. Elle-même s'arrête une seconde, pendant laquelle ils se dévisagent. Ils n'échangent aucun mot, et Ian sait qu'il n'a besoin d'aucune parole pour qu'elle comprenne, dans le silence étouffant et saturé de colère, toute sa rancune, toute la violence de la décision qu'il a prise au moment où elle a brisé toutes ses dernières chances en l'enfermant dehors avec sa sœur.

Finalement, après ce qui leur semble à tous les deux un moment interminable, elle lâche la poignée de la salle de bains et, très dignement, passe devant lui pour rejoindre sa chambre et s'asseoir sur son lit. Elle fixe longtemps la fenêtre sans même la voir. Dans le couloir, elle entend la porte de la chambre de Ian et des enfants se refermer doucement.

Et elle sait que ce regard-là la hantera jusqu'à la fin. Car dans ce regard-là, elle a lu toute la colère emmagasinée depuis trop de temps et remontée trop vite à la surface, une colère qu'il réservait habituellement à son père, qu'elle avait toujours minimisée tant son mari lui avait répété que ça n'était qu'un caprice d'adolescent gâté, que ça passerait. Ce soir, elle a lu la même fureur, mais cette fois, l'oreiller à ses côtés est vide et personne ne peut calmer l'effroi qui lui ronge la poitrine et lui dire que ça passera.

Ce soir, elle comprend en s'accrochant à l'espoir qu'elle se trompe peut-être que ce regard brûlant et dur comme la pierre sera certainement le dernier qu'elle verra de son fils. Mais au fond, songe-t-elle en tirant les couvertures d'une main tremblante, elle sait qu'elle l'a bien cherché.

oOo

Leurs au revoir se perdent dans la vacuité de leurs promesses, écourtés par les tentatives de Prudence de croiser le regard de son fils, qu'il lui refuse en évitant autant que possible ses mains qu'elle essaye d'accrocher à son bras.

— Tu nous appelles quand vous êtes arrivés, hein ? Tu nous appelles même quand tu veux, évidemment.

— Oui, oui, oui, Prudence, je t'appellerai, évidemment, oui, oui, râle-t-il, excédé. Allez, en route, en route, ajoute-t-il en attrapant son sac et en pressant doucement Katie qui embrasse une dernière fois sa grand-mère et sa cousine.

Une fois dans la voiture, le long soupir de soulagement qu'il lâche trouve très vite un écho chez Will – le jeune garçon secoue la tête en haussant les sourcils, croise le regard de son père et marmonne :

— Eh beh, c'était sportif.

Ian acquiesce à peine d'un hochement de tête que Katie, assise derrière son frère, ouvre la fenêtre et hurle, sans remarquer son père et Abigail s'étrangler, ni Will tapoter le dos de son père pour faire passer son hoquet :

— Vous venez quand vous voulez, hein !

— Oui, mon chat, on s'appelle pour se dire ! promet Prudence alors qu'Ellanaëlle lui retourne l'invitation et que le rictus de Coleen se transforme en grimace.

— Pourquoi on part plus tôt que prévu, papa ? sanglote Katie en se tordant le cou pour apercevoir sa cousine balancer ses bras au-dessus de sa tête alors que Ian sent sa poitrine s'alléger au fur et à mesure qu'ils s'éloignent. Je croyais qu'on déjeunait ici ?

— Euh, eh bien… Car nous avons de la route… depuis quand tu ne préfères pas les horribles sandwichs des aires d'autoroute aux repas chauds à la maison, toi ? ajoute-t-il en plissant les yeux vers elle, et elle ricane sous cape, prise de faute. Et plus tôt nous arrivons à la maison, plus tôt les devoirs seront faits…-

— Quoiii ?!

— …- et plus tôt nous pourrons jouer à Donjons et Dragons.

— Ah, chic ! s'exclame Will, ravi. Dis, papa, je pourrai être le Maître du Jeu, un jour ?

— Mon grand, j'attends ce jour depuis ta naissance.

— Mais quel flatteur, papa, s'esclaffe le jeune garçon joyeusement.

Ian proteste, Katie rebondit, Will surenchérit. Emmitouflée dans son manteau, le nez dans l'écharpe de son père alors que la sienne est toujours enroulée au cou de Ian, Abigail les écoute se chamailler, pouffer, hurler, bouder pour reprendre leur jeu cinq secondes plus tard. Elle se laisse envelopper du bonheur de les voir rire, sans le spectre du passé et des secrets de la maison de Prudence.

Ian est inarrêtable, enchaîne plaisanteries sur plaisanteries, répond malicieusement à Will et Katie qui s'empressent de le taquiner à leur tour. Les étoiles scintillant au fond des yeux bleu ciel de leur père, son sourire éclatant, la joie évidente son frère et de sa sœur, tout coule en elle, gagne les trous de son cœur ouverts par la semaine pour les colmater et les réparer. Quand elle enjoint à son père d'une petite voix de faire quand même attention à la route, quand Katie approuve après que Will a tourné la tête, souri et approuvé à son tour, quand son père lui répond d'un raclement de gorge désolé puis d'un clin d'œil depuis le rétroviseur, le bonheur atteint son visage, et, dans l'euphorie de la voiture, elle lui rend son sourire.


La maison les attend, dans le quartier résidentiel si calme qu'il en paraîtrait presque vide si quelques lumières n'étaient pas allumées derrière certains rideaux. La neige tombe doucement, les accueille dans leur demi-sommeil, appuie doucement sur le nez d'Abigail dans une caresse attendrie après tant d'absence quand elle sort de la voiture et lève son visage vers le ciel, comme pour se faire pardonner d'avoir si longtemps disparu. Sa mélodie est plus belle, plus douce, plus aérée et moins étouffante que celle qu'ils ont laissée derrière eux, et, un instant, la fillette se laisse engourdir par son étreinte, apprécie le contact de la glace contre sa peau. Les sons étouffés des portières, la voix enjouée bien que fatiguée de son père, le soupir soulagé de Will, l'euphorie de Katie la sortent lentement de sa rêverie.

C'est à Katie que revient la tâche d'ouvrir la maison, à Will d'ouvrir les volets du rez-de-chaussée et à Abigail ceux de l'étage. Ian leur promet de revenir très vite et, à ces mots, Will lui adresse un sourire moqueur :

— Tu vas voir ton amoureuse ? demande-t-il en enfonçant un doigt dans le ventre de leur père, alors que Katie éclate de rire devant l'expression amusée autant que désabusée de leur père.

— Je vais juste la prévenir qu'on est rentrés, proteste-t-il. Tu sais comment elle est, elle serait capable d'appeler la police pour signaler notre disparition. Je suis sûre qu'elle est déjà en train de se ronger les ongles au sang.

— Je sais, papa, je plaisantais, le rassure Will, cette fois attendri du ton faussement agacé de Ian, dans lequel il ne cache pas toute son affection.

— Mon amoureuse, répète Ian en secouant la tête. Ça faisait longtemps que vous ne me l'aviez pas faite, celle-là. Si je tombe de nouveau amoureux un jour dans ma vie, laissez-moi au moins le privilège de choisir une personne de mon âge. Mamie du 007 ? Elle a l'âge de votre grand-mère, si ce n'est plus.

— Oh papa, il faudra appeler mamie aussi pour lui dire qu'on est bien arrivés, rappelle Katie en jouant avec la clé que Ian lui a remise entre les mains.

— Ouais. Il faudra, marmonne-t-il, sans avouer qu'il a totalement oublié cette promesse-là. Allez, à dans cinq minutes, Kat, laisse bien les clés dans la serrure quand vous êtes rentrés, qu'on ne les cherche pas une heure comme la dernière fois.

— Papa, tu l'embrasses pour nous ? chuchote Abigail, les doigts jouant avec la lanière de son sac, alors que Katie marmonne des excuses.

— Promis, Abbynouchette.

— Abbynouquoi ?! s'étrangle la fillette, arrachant un éclat de rire à ses frère et sœur.

Mais son père, un grand sourire aux lèvres, se détourne et se dirige vers le fond de la rue, vers une petite maison aux rideaux blancs et à la cheminée fumante. Will soupire et échange un regard avec Katie, toujours hilare, avant de désigner la maison d'un signe de tête :

— En route ?

Abigail les suit en dernière, préférant observer la haute silhouette de leur père s'avancer vers le numéro 7, où Mrs McIntyre, qu'ils surnomment 007 avec beaucoup d'affection, vit seule depuis la mort de son mari, quelques années plus tôt. Il était rare qu'il se passe une semaine sans que la vieille dame ne frappe à leur porte et inversement. Abigail apprécie cette vieille dame aux épaules voûtées, son sourire doux et ses histoires. Katie l'adore depuis qu'elle leur réserve une bouteille de limonade chaque Halloween, Will la croise à chaque fois qu'il se retrouve de corvée de courses rapides au Tesco* d'à côté – 'on se croise toujours aux laitages, tou-jours' ou bien 'devinez qui j'ai croisé à vérifier les dates de péremption sur ses yaourts aujourd'hui ?' – et les trois enfants ne comptent plus le nombre de soirées et d'après-midi qu'ils ont passées chez la vieille dame, lorsque leur père était coincé au travail.

La maison si paisible sent bon leur chez-eux quand Katie ouvre grand la porte et allume les lumières, et, presque aussitôt, l'atmosphère lourde de sommeil s'efface, alors qu'ils s'activent à ranger, ouvrir, rendre à leur cocon toute sa chaleur.

Les minutes passent, leur père ne revient pas, mais Will, après une bataille de coussins remportée par Katie et un cadre photo éclaté au sol, propose aux deux fillettes de préparer la table et de sortir des restes du congélateur pour une surprise à leur père. C'est pendant qu'Abigail nettoie la bêtise, armée d'un mini balai et d'une balayette, et que Katie tournoie en balançant ses cheveux derrière elle – et en les envoyant sans le vouloir dans le visage de son frère, les mains pleines de couverts – après avoir déposé les verres et les serviettes de table que la porte s'ouvre sur Ian. Il ouvre la bouche, prêt à s'annoncer en grandes pompes, quand son souffle se perd dans son sourire. En papillonnant des yeux, il avise le canapé sens dessus-dessous, les coussins sur le sol. Ses yeux s'arrêtent sur Abigail serrant sa balayette pleine de morceaux de verres dans sa main, puis Will fronçant le nez et se frotter les yeux, et enfin Katie en pleine position de superstar de la chanson. L'air se suspend dix secondes trop longues, avant qu'il ne ricane en refermant la porte derrière lui, faisant soupirer de soulagement ses trois enfants :

— Je vous laisse vingt minutes seuls et c'est plus animé que Piccadilly Circus le week-end, ici.

— On voulait pas faire des bêtises, mais c'est euh… arrivé, marmonne Will.

— Peu importe, c'est pas grave. Vous ferez plus attention la prochaine fois.

Will et Katie échangent un regard penaud sous la réprimande cachée et hochent la tête doucement.

— Au lieu de faire ces têtes de trois mètres de long, regardez donc ce que mon amoureuse nous offre pour Noël.

Katie couine de contentement en apercevant la bouteille de limonade maison que leur montre leur père tout fièrement, et se hâte de lui retirer pour la mettre sur la table en hurlant 'elle est trop sympa !'.

— Et en parlant de Piccadilly…, ajoute doucement Ian en tendant une lettre à Will sur laquelle est noté le prénom du jeune garçon dans une jolie graphie qu'il reconnait aussitôt.

Le jeune garçon pâlit brusquement, délaisse aussitôt ses couverts et contourne le canapé non sans le heurter de son genou dans sa hâte, pour attraper l'enveloppe dans les mains de son père inquiet.

— Tu ne t'es pas fait mal ?

— Non, non, marmonne Will, et il s'assoit, plongé dans une concentration que rien ne saurait briser.

Après une petite caresse sur sa tête, Ian retire enfin son manteau, évite Katie qui danse toujours dans son joli pull à paillettes, et s'approche du buffet pour vérifier qu'Abigail n'a oublié aucun morceau de verre par terre. Un frisson lui saisit les épaules lorsqu'elle passe derrière lui.

— Comment va mamie du 007 ? demande-t-elle doucement.

— C'est pas la grande forme, répond tristement Ian. Mais elle était contente de me voir, et que je l'embrasse de votre part. J'irai la revoir dans la semaine. Eh oh, Kathleen Swann, qu'est-ce que tu fabriques ? ajoute-t-il un peu brusquement en apercevant la fillette en équilibre sur une chaise dans la cuisine.

Abigail observe son père se diriger d'un pas rapide vers la cuisine en même temps que sa petite sœur se hâte de remettre pied à terre, peu ravie d'entendre son prénom dans son intégralité, mais, même si tous les deux semblent agacés de leurs réactions respectives, elle ne s'inquiète pas une seule seconde et préfère s'approcher de son frère, dont les mains tremblotent doucement sur le parchemin.

Will termine sa lecture et, alors qu'un gros soupir s'échappe de sa poitrine, il se laisse tomber en arrière sur le canapé. Abigail remarque ses yeux humides et la pâleur de ses joues. Lentement, elle s'assoit à côté de lui, ramène ses pieds sur le sofa et entoure ses genoux de ses bras. Dans la cuisine, la dispute s'est terminée aussi vite qu'elle a commencé, et la voix lointaine de Katie résonne tranquillement – 'On pensait faire des poissons panés avec des patates sautées, t'en dis quoi papa ?' :

— Comment va Stephen ? demande Abigail lentement alors que leur père commente leur choix de menu d'un joyeux 'un vrai repas de fête !'.

Son frère esquisse un léger sourire, son regard préoccupé posé sur le plafond blanc auréolé des petites ombres de l'abat-jour. Il reste un instant pensif, puis se tourne vers sa sœur, un sourire en coin aux lèvres.

— C'est sympa de ta part de t'en soucier, remarque-t-il, et Abigail ne trouve à répondre que d'un haussement d'épaules. Il me dit que c'est dur, et qu'il a hâte de nous revoir avec Charlie, mais que globalement, ça va. Je crois qu'il ment là-dessus, j'ai hâte de le revoir aussi. Ils me manquent, tu sais.

— Je sais, chuchote Abigail, ses propres pensées s'envolant vers Ivy.

Il lui sourit, amusé, et se redresse en bâillant, relit la lettre et la plie maladroitement, plusieurs fois, avant d'abandonner et de la laisser piteusement en l'état. Abigail le regarde faire, la joue posée sur ses genoux. Ses orteils jouent les uns avec les autres, lentement.

— Je m'en soucie parce que ça a l'air important pour toi, c'est tout. Je ne le connais pas.

— T'es gentille. Tu sais, je suis sûre que tu l'aimerais bien. Il est comme toi, il travaille tout le temps, il a l'air un peu froid mais c'est parce qu'il est tout le temps calme, et il est gentil comme tout. C'est dommage que tu lui aies jamais parlé, parce qu'au fond, même s'il a l'air désintéressé, j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi passionné et cultivé que lui.

— Hum. Will ? Si je te dis un secret, tu ne le diras à personne ?

Aussitôt alarmé par le ton hésitant et la voix très basse de sa sœur, il hausse un sourcil en sa direction, alors que dans la cuisine, Ian et Katie se disputent encore pour une bêtise – 'mais enfin Kat, c'est pas comme ça qu'on fait une mayonnaise' 'Ah ouais ? Qu'est-ce que t'en sais ? Toi ton métier c'est de faire des gâteaux, pas de faire de la mayonnaise !' 'Mais enfin ! c'est une bonne chose d'être têtue, mais là tu abuses un peu' 'Bon, d'accord, montre, si tu es si malin !' – honteuse, elle fuit son regard et plisse les lèvres.

— Un secret, Abbynette ?

Mais son ton détaché ne la trompe pas : sa curiosité, décuplée par le fait que ce secret-là concerne de près un de ses meilleurs amis, brille dans son regard avide alors qu'il se penche et lui adresse un sourire complice.

— Je te promets que je ne dirai rien, chuchote-t-il avec malice.

— Tu te souviens, à Fleury et Bott, quand on est allés acheter nos affaires avec Charlie cet été ? commence-t-elle, la bouche sèche, alors que Will acquiesce d'un 'huhum ?' presque impatient.

— Tu voulais partir vite parce que tu avais assommé quelqu'un, se souvient-il en gloussant.

Au plissement de lèvres et au froncement de sourcils mécontents qu'elle adresse au tapis, son rire s'étrangle dans sa gorge et l'évidence le frappe comme un réveil trop brutal. Après une seconde à papillonner des paupières, il éclate de rire. À côté de lui, Abigail gémit en cachant son visage dans ses genoux.

— J'étais sûre que tu te moquerais ! accuse-t-elle, toute penaude.

— Mais non ! Mais non, Abby, je te jure. Tu es sûre que c'était Stephen ?

— Oui, certaine. Et il m'a reconnue, je le sais.

— Oh, t'inquiète pas, Abbynette, je suis sûr qu'il ne t'en a jamais voulu ! C'est un vrai nounours à la guimauve, il est incapable d'en vouloir à qui que ce soit. Je t'ai déjà raconté comme on est devenus copains, Charlie, lui et moi ?

— Non, mais vous êtes dans le même dortoir, ça doit aider, admet-elle en fronçant à demi les sourcils.

— Tu rigoles ? J'avais tellement peur que je leur parlais pas ou pour faire des blagues nulles de type Toto.

— Outch.

— Tu crois pas si bien dire, s'esclaffe Will. Mais bon, tu m'imagines, moi, pauvre né-moldu avec des types qui connaissaient déjà tout de la magie ? Tu m'imagines, moi, un pauvre type tellement maladroit que je me cognais à mon lit tous les soirs et que j'arrivais pas à manger sans m'en mettre partout ?

— En même temps, proteste Abigail en fronçant tout à fait des sourcils, c'est fatigant, Poudlard.

— Je ne te le fais pas dire… Mais bon, j'étais trop impressionné pour rester concentré du matin au soir, tu vois ?

— Parfaitement.

— Du coup, au premier cours de vol, j'ai perdu le contrôle du balai, évidemment, c'était ma toute première fois, et je me suis écrasé sur Stephen.

Il part d'un grand éclat de rire, ses yeux brillent à ce souvenir. Abigail plisse des lèvres, compatissante, elle-même peu fière de son premier cours de vol ni même des suivants. Dans un réflexe, ses doigts jouent avec le petit bracelet de perles bleues que lui a offert Adélaïde pour Noël.

— J'étais persuadé qu'il allait me traiter de tous les noms et me faire renvoyer, mais il a rigolé. Abbynette, je l'avais à moitié assommé avec mon balai et ma grosse tête, et il a ri-go-lé.

— Toi tu devais pas rigoler du tout.

— Moi ? J'étais mort de honte et j'ai failli pleurer. Mais lui il était mort de rire, j'ai rarement vu ça. Charlie était à côté, il m'a aidé à me relever, lui aussi il était mort de rire. Depuis, je me cogne toujours à mon lit mais au moins, j'ai des super copains et mes blagues fonctionnent mieux. Enfin, Abbynette, rassure-toi, il m'en a jamais parlé de votre mésaventure à Fleury et Bott, et je suis sûr que c'est pour pas que tu te sentes mal. Je te dis, un nounours.

oOo

Will ne quitte la douceur et la chaleur de ses chaussons que pour sauter sur son matelas et s'emmitoufler dans sa couette encore froide de son absence. Il baille longuement, ses paupières lourdes de fatigue se ferment à demi, mais il préfère combattre le sommeil et attrape le comics que lui a offert sa grand-mère pour Noël. Non qu'il regrette que la semaine soit finie – au fond, s'il n'avait pas adoré la lecture, le comics aurait déjà trouvé une place de choix dans un coin où il ne l'aurait plus retrouvé, tout comme il voudrait effacer quelques souvenirs de ces vacances – mais son petit cœur d'aventurier ne résiste pas à la relecture de certaines scènes : là un dialogue qui le fait sourire, ici des paysages qui le font rêver, plus loin un combat qui lui coupe le souffle.

Alors qu'il ouvre le comics en grommelant tant il peine à décoller la couverture de la première page, son regard se pose sur la petite dédicace de sa grand-mère, un très sobre 'Joyeux Noël mon chéri'. Mais ce petit mot, qui lui aurait fait tant plaisir cinq ans plus tôt, lui laisse un arrière-goût amer sur la langue, aujourd'hui.

Il a bien remarqué, ce matin-là, avec quelle ardeur leur père les a pressés de partir à peine levés. Il a bien senti la gêne – sans comprendre sa provenance ni sa raison – flottant dans l'air lui envahir la poitrine et serrer sa trachée au moment de descendre prendre le petit-déjeuner. Il a bien compris que leur père évitait le regard, les caresses et les baisers de sa mère avec davantage de dégoût que d'habitude. Il a bien entendu le désespoir dans la voix et dans les gestes de sa grand-mère qu'il n'avait jamais connue aussi insistante auprès de son fils.

Ce soir-là, il a le cœur lourd, mais il ne parvient ni à comprendre, ni à en effleurer la raison du doigt : lourd de se sentir grandir trop vite ? De se souvenir de la lueur blessée au fond des prunelles de sa grand-mère ? De se sentir si malheureux de la voir elle-même si chagrinée, alors qu'une petite voix lui chuchote de plus en plus fort qu'il a désapprouvé chaque geste ou commentaire qu'elle a eu envers leur père ?

Ce soir, il ne veut pas le savoir. Il veut juste se plonger dans la relecture de sa scène préférée pour rêver encore un peu, retrouver son lit, sa chambre en bazar, sa petite bulle de bonheur, son enfance, et oublier tous les chagrins des gens auxquels il tient. Oublier qu'il ne veut pas prendre parti au sein de sa propre famille, sans trop pouvoir faire autrement.

— Will ? Tu dors ?

C'est la petite voix aussi basse qu'un murmure, aussi douce qu'une caresse de Katie derrière sa porte à demi fermée qui le propulse hors du vaisseau Mandalorien et de la bordure extérieure pour redescendre sur terre, dans sa chambre mal rangée et éclairée trop faiblement pour ne pas s'esquinter les yeux sur sa lecture. La fillette entre-ouvre la porte, jette un coup d'œil à son frère – elle porte son pyjama préféré, celui avec les dinosaures et les étoiles filantes, qu'elle n'avait pas pu emmener à Carlisle faute de l'avoir lavé suffisamment tôt pour qu'il soit sec au moment de leur départ. Elle sourit en s'apercevant que son frère n'est pas encore au pays des songes, et ouvre complètement la porte.

— Non, répond doucement Will en abandonnant son comics sur son lit, la page ouverte pour ne pas la rechercher plus tard.

— Tu peux venir me faire un bisou le temps que papa sorte de la douche ? Quand il chante, c'est qu'il en a pour un moment.

Le coin des lèvres du garçon se relève en prenant conscience qu'en effet, au-dessus des bruits d'eau, leur père chantonne gaiment. Son sourire lui fait mal : il a beau apprécier ce retour à la douceur et à la joie qu'ils ont toujours connues, le contraste entre le bonheur si évident et éclatant de leur père détone trop avec la semaine de silence et de rancœur qu'ils viennent de passer.

— J'arrive, chuchote-t-il, et le petit sourire content de la fillette lui réchauffe le cœur et chasse ses idées noires.

Katie s'installe tranquillement sur son lit, se glisse lentement dans les draps en poussant un soupir de bonheur. Tout autour d'elle l'attendent ses peluches, toutes de tailles et de couleurs différentes. Elle attrape sa préférée, celle qu'elle appelle avec un mélange de respect, d'admiration et de tendresse Queen Cupcake – sans aucun rapport avec son apparence féline et sa fourrure gris clair abîmée par le temps et les années de câlins en tant qu'oreiller de fortune. Will s'installe sur le lit, éviter d'écraser les jambes de sa petite sœur et s'adosse au mur, dérangeant le repos de Waf-waf, un petit chien au museau pelucheux – ou bien s'appelle-t-il Wif-wif ? Il n'en est plus trop sûr.

— Attention à Wouffy, s'il te plaît.

— Ah, c'est Wouffy, celui-là, ricane Will en jouant avec les oreilles de l'animal.

— Bah, oui, qui veux-tu que ce soit d'autre ?

— Je n'en sais rien, moi, je ne suis pas aussi doué avec les prénoms que toi.

— C'est vrai, le provoque la fillette en lui adressant un sourire malin. Tu sais ce qui serait trop chouette, Will ?

— Dis-moi.

— Ce serait qu'on continue de lire les contes d'Abby, comme on faisait avec Naëlle. On pourrait se mettre tous ensemble et lire chacun notre tour.

— Oh, oui, quelle bonne idée ! On demandera à Abby demain.

L'éclair d'hésitation dans les yeux émeraude de Katie le rend un instant aussi muet qu'incertain. En jouant avec les pattes du chien en peluche, il murmure :

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Mais tu crois qu'elle dira oui ?

— Oh, je suis sûr que oui. Au pire, on ne perd rien à essayer. On lui demandera demain, je voudrais pas la réveiller, je crois qu'elle non plus n'a pas beaucoup dormi chez mamie.

Katie ne répond pas aussitôt, se contente de tripoter le museau de Queen Cupcake. Son regard sévère sur son visage parsemé de taches de rousseur inquiète son frère autant que sa petite moue boudeuse. Alors qu'elle chasse le poing qu'il dépose malicieusement sur son épaule pour l'embêter gentiment, elle marmonne :

— Moi non plus j'ai pas bien dormi, j'ai beaucoup rêvé de tata, parfois de papa et papi.

— Oh, souffle Will, plus du tout moqueur. Tu n'as rien dit, ajoute-t-il doucement en lui attrapant la main qu'elle serre faiblement en haussant les épaules. Si tu veux tout savoir, moi aussi j'ai rêvé de papi et de Coleen. Elle me poursuivait dans un magasin de jouets.

— Oh non ! gémit Katie avec une grimace compatissante. Ça devait être horrible. Moi j'ai rêvé qu'elle me faisait faire un tour en balai et qu'en rentrant, elle m'offrait du vinaigre.

L'éclat de rire de son frère à cet aveu lui fait finalement abandonner sa moue pour un sourire franc, et bientôt, elle aussi rit, avant de reprendre son sérieux et de secouer la tête. D'un mouvement lent et ennuyé, sa main passe dans la fourrure de sa peluche. Elle hésite avant de finalement poser la question qui lui brûle la langue :

— Tu crois qu'Abby a aussi rêvé de tata ?

— Je ne sais pas, Kat, avoue Will dans un haussement d'épaules. C'est possible.

Il la remarque froncer les sourcils, pensive. Lui-même sent son cœur se serrer, mais, bien décidé à ne pas se laisser abattre – pas ce soir, alors que leur père fredonne encore et que les dinosaures et étoiles phosphorescentes que lui et Abby avaient offert à Katie plusieurs années plus tôt avec leurs économies brillent au plafond aussi fort que les bougies de la Grande Salle –, il sourit et fait mine de l'embrasser avec Wouffy, lui arrachant un gloussement content.

Trois petites tapes les dérangent soudainement dans le silence. D'un même mouvement, leurs yeux se tournent vers la porte, d'où se découpe la silhouette d'Abigail. Elle les observe de son regard grave sur son visage trop sérieux, mais Will remarque la lueur intimidée au fond de ses prunelles quand elle entre tout à fait, après que Katie lui a donné l'autorisation.

Elle reste d'abord plantée là, sur le seuil de la porte, droite et pétrifiée dans son pyjama parsemé de petites grenouilles et emmitouflée dans sa robe de chambre bleue. Son ourse en peluche dans les bras, elle dévisage ses frère et sœur avant de chuchoter :

— Vous non plus vous n'arrivez pas à dormir ?

— Pas du tout, marmonne Katie.

— Surtout pas avec papa qui chante, ricane Will.

Si sa sœur fronce une seconde des sourcils incertains, son visage s'illumine bien vite d'une tendresse si contagieuse que même Katie esquisse un sourire.

— Ne te moque pas, ça veut dire qu'il est heureux, remarque Abigail d'une petite voix.

— Viens t'asseoir avec nous, propose Katie en lui désignant le bout de son lit, alors que Will hausse les sourcils et préfère abandonner les explications de sa plaisanterie.

Le temps de quelques longues secondes, la petite fille soutient le regard assombri par la mauvaise luminosité de sa sœur. Un regard dans lequel Abigail ne discerne, sinon aucune hésitation, au moins aucune crainte. Un regard dans lequel danse une flamme d'espoir trouvant un écho brutal dans sa poitrine. Ses mains se resserrent sans le vouloir sur son ourse. Rien sur le visage fatigué de Katie ne lui prouve qu'elle ne se méprend pas sur son désir de retirer quelques pierres du mur qu'elles ont mutuellement construit entre elles, mais ses yeux qui refusent de se détourner et la jolie lueur qui scintille dans ses iris vert émeraude lui suffisent.

— Merci, Kat, chuchote-t-elle finalement. Vous euh… je n'ai rien interrompu j'espère ?

— Non, t'inquiète pas, répond Will en baillant sans prendre la peine de couvrir sa bouche de sa main. On se disait qu'on avait rêvé de Coleen pendant les vacances et Kat racontait qu'elle a rêvé qu'elle lui offrait du vinaigre pour Noël.

— Même le pull moche que papa voulait prendre à Naëlle était moins nul comme cadeau, soupire la fillette alors que Will ricane encore.

L'éclair d'inquiétude sur le visage d'Abigail, soudainement bien sombre malgré la plaisanterie, suffit à ses frère et sœur de se lancer une œillade et une grimace discrètes. C'est leur père qui perce le silence préoccupé en passant sa tête ébouriffée par la porte, un air malicieux sur le visage :

— Qu'ouïs-je ? Une réunion secrète à laquelle je ne suis pas convié ? Qui est plus pour cracher à la fois sur mes goûts vestimentaires et sur l'odieuse sangsue qui me sert de sœur ? Que la honte s'abatte sur vous trois, petits démons. Je peux entrer ? ajoute-t-il tout de même d'une voix moins assurée, un sourire aux coin des lèvres de constater que ses plaisanteries font rire Will aux éclats.

— Viens-là, ricane Katie en tapotant l'espace vide entre le mur et elle.

En seulement quelques enjambées, Ian atteint le lit et s'y allonge aux côtés de la fillette à grands renforts de 'pardon, pardon, aïe, pardon', dérangeant Abigail et Will, arrachant à Katie quelques exclamations quand il écrase une peluche.

— Eh bien, on dirait que tu prends goût à dormir avec ton vieux père, plaisante-t-il à la fillette faussement mécontente en accueillant Will qui se blottit tout contre lui.

— Seulement quand tu n'as pas les cheveux mouillés, proteste Katie en lui enfonçant Queen Cupcake sur le visage, et la peluche étouffe le 'hé !' indigné et hilare de son père.

Mais la fillette oublie instantanément sa supposée colère et bientôt, à l'image de son frère dont les yeux se sont à demi fermés de bien-être, se repaissant des caresses de son père dans son dos, elle blottit sa tête au creux de l'épaule de Ian, passe une main sur le pull d'une douceur relative qu'il a enfilé au-dessus de son pyjama défraîchi. Ils profitent un instant du silence dans lequel est plongée la pièce, de la tendresse qu'ils laissent flotter et voleter entre eux, de leurs soucis tous envolés dans la douceur de la chambre encore trop enfantine pour s'inquiéter des craquelures du passé et des ressentiments du présent.

Abigail reste assise, immobile. Si tout son être lui hurle qu'elle meurt d'envie de poser sa tête sur le ventre de leur père, de se laisser elle aussi bercer par se caresses, sentir sa respiration paisible sous sa joue, elle n'ose pas. Les souvenirs éclatent devant ses yeux avec autant de violence que la peur au fond de sa poitrine. La main bleuie de son grand-père, ses doigts blancs de givre, l'horreur sur les visages de sa tante et sa grand-mère, le regard si hargneux de son grand-père : elle veut tout oublier, se réfugier dans les bras de son père mais la seule pensée de le blesser lui aussi la rappelle à la raison.

Ses mains se referment sur sa peluche, elle les couvre d'un regard qu'elle espère moins froid que celui qu'elle a l'habitude de croiser dans les miroirs, attendrie par leurs airs sereins et apaisés.

— Vous savez, mes chéris, Coleen ne mérite même pas d'appartenir à vos rêves.

Le murmure de Ian brise l'intimité que le silence leur confère. Will ouvre les yeux, et Katie cesse de jouer avec une maille cassée de son pull pour se concentrer sur les oreilles de son chat en peluche, avant de renfoncer sa joue plus confortablement dans son épaule.

— Elle n'était aussi méchante, avant, si ? s'enquiert Will en se redressant légèrement pour reposer sa tête dans sa paume, et si sa remarque fait grimacer Katie, elle fait sourire tristement son père.

— Oui, sauf qu'avant, elle avait au moins le tact de ne pas le montrer devant vous.

Il se tait, plisse les lèvres. Son regard se pose sur les quelques autocollants phosphorescents en forme de tricératops collés sur le plafond bien des années auparavant. Il se concentre sur les beaux souvenirs qu'ils se sont forgés tous les quatre dans cette chambre à imaginer la vie des dinosaures au milieu des étoiles, pour oublier le souvenir douloureux de ses enfants, coincés avec sa sœur pendant que lui écoutait son père lui vomir toutes sortes de reproches. Pour oublier les pleurs, l'incompréhension, la panique de ses enfants quand ils avaient compris le degré d'implication d'Abigail dans la mort de leur animal de compagnie, alors que leur grand-père venait de perdre l'usage de sa main dans une situation trop similaire. Pour oublier le regard dur de Coleen, persuadée que leur expliquer avait été la meilleure chose à faire.

— Mais pourquoi ?

L'innocence avec laquelle Will vient de poser sa question fait doucement sourire Ian. Son premier réflexe – un haussement d'épaules couplé d'un plissement de lèvres dubitatif – ne reçoit que le froncement de sourcils du jeune garçon, l'obligeant à revoir son jugement en soupirant pour remettre ses idées en place. Le regard d'Abigail est soudainement attiré par la contemplation de ses chaussettes en pilou, et Katie reste silencieuse, la joue enfoncée dans son épaule.

— Je crois qu'elle a beaucoup de rancœur en elle.

— C'est quoi la rancœur, papa ?

— Euh…, marmonne Ian en plissant les yeux. C'est un sentiment que je ne t'espère pas connaître, ou du moins je t'espère de savoir la gérer mieux que ta tante. C'est de la colère, si tu préfères ? Elle est comme votre grand-père était, à accuser tous ceux qui ne pensent pas comme elle ou osent dire qu'ils ne sont pas d'accord. Ceux-là tombent directement dans la catégorie des personnes qui ne méritent que son mépris. C'est-à-dire que ces gens-là ne sont pas dignes de son attention, ou de son respect, ajoute-t-il doucement quand Katie lève les yeux vers lui et ouvre la bouche pour davantage d'explications. En fait, je crois qu'elle a peur de ce qu'elle ne peut pas contrôler, et que les trois personnes qui lui font ou lui ont fait le plus peur dans sa vie, c'est votre grand-père, Abbynette, et moi.

Il sent plus qu'il ne voit le regard d'Abigail se poser sur lui, sourit tranquillement, alors que les yeux de Will oscillent entre sa sœur et lui.

— Je ne suis pas sûr de comprendre, papa, avoue-t-il d'une petite voix perdue.

— Moi non plus, mon grand. Mais la peur fait faire des choses étonnantes, tu sais. Elle n'avait aucun contrôle sur mon père, quoi qu'elle en dise, et je sais qu'il la terrorisait. Depuis qu'elle est entrée à Poudlard, elle n'a aucun contrôle sur moi, alors qu'avant, elle me faisait faire ce qu'elle voulait. Et je n'ai pas besoin de vous faire un dessin pour vous expliquer pourquoi elle n'a aucun contrôle sur Abbynette et son petit surplus de magie.

Si Katie reste aussi silencieuse que pensive sous les caresses de son père, Will s'est complètement redressé, et adresse un petit sourire plein de fierté à sa petite sœur.

— Non, c'est sûr, remarque-t-il avec un clin d'œil qu'Abigail reçoit en fronçant des sourcils penauds.

— Je crois aussi que la peur passe par beaucoup de réactions différentes. Moi par exemple, quand j'ai peur, je bafouille, je me crispe, c'est vraiment nul mais c'est comme ça. Toi, Willy, tu te rappelles en CE1 quand ton voisin de classe t'a embêté parce qu'il pensait que tu étais amoureux de sa voisine ?

— Je sais pas si je trouve ça plus gênant de m'en souvenir ou bien que ce soit toi qui t'en souviennes le mieux, réplique le jeune garçon dans un grognement, et ses joues rosissent.

Ian rit doucement en haussant les épaules.

— Les deux, peut-être. Toujours est-il que tu te souviens comment tu as réagi ?

— Oui, grommelle Will, les pommettes rouges. On s'est battus et c'était ma première punition. C'est peut-être pour ça que tu t'en rappelles si bien ?

— Peut-être, ricane son père. Toujours est-il que ce jour-là, tu m'as dit que tu avais eu peur que toute la classe se moque de toi, alors tu as répliqué. Je m'en rappelle car même si tu me faisais beaucoup de peine, je me forçais à ne pas rire, il te manquait deux dents et tu avais un petit cheveu sur la langue, c'était très drôle.

— Ah ah ah.

— Ce que je veux dire, c'est que tu avais peur que la situation s'échappe et que toute la classe se moque de toi, alors ta peur est passée par la seule chose qui te donnait l'impression d'avoir le contrôle : la colère, l'agressivité, rendre les coups plutôt que les subir. C'est plus facile de se sentir fort quand on houspille les autres, plutôt que de pleurer et montrer qu'on est touché par sa peur. Je pense que c'est ce qui se passe pour Coleen. La colère lui permet de me rappeler, de rappeler à Abby qu'elle a quand même le contrôle sur nous, et ça lui permet de penser qu'elle a moins peur.

Un long silence accueille ses paroles. Will se tapote le menton, les lèvres plissées en une moue confuse. Soudain, il se tourne vers son père et fronce les sourcils.

— Je suis pas sûr d'être trop d'accord. Je ne la trouve pas plus sympa.

— Oh, moi non plus, s'esclaffe Ian. Je ne dis pas que ça justifie son comportement, encore moins que ça l'excuse. Vraiment pas. Mais tu me poses une question, petit scarabée, laisse-moi au moins te répondre, ajoute-t-il en appuyant sur le nez de son fils.

— Moi, je pense qu'elle a aussi beaucoup peur du professeur McGonagall, parce que ce n'est pas le genre de personne à se laisser impressionner, et quand Will en a parlé la dernière fois, elle a grimacé, fait remarquer Abigail d'une petite voix féroce.

Katie sursaute au moment où Will éclate si fort de rire qu'il s'écrase contre le bras de son père tout aussi hilare.

— Moi, j'aimerais pas qu'on dise qu'Abby et toi vous êtes méchants, murmure-t-elle d'une petite voix douloureuse.

— Oh, Kat, c'est parce qu'Abby et moi on est gentils, la rassure Will aussitôt avec un sourire éclatant.

— Si Abby et Will devenaient méchants, tu n'aurais aucun scrupule à le dire et à l'entendre, je t'assure que ça ne me dérange pas que Will fasse ce genre de remarque sur ma sœur, lui promet Ian en l'embrassant sur le front.

La fillette hoche la tête, peu convaincue, et seuls les baisers de son père parviennent à effacer son air sombre pour un sourire.

— Laissons Coleen en Enfer là où elle a sa place. Tiens, Willy, toi qui es devenu si doué en astronomie, est-ce qu'on a réussi à recréer correctement des constellations ? demande soudainement Ian d'une voix douce.

Will ouvre les yeux, fronce les sourcils sous la surprise, puis se tourne vers le plafond parsemé d'étoiles autocollantes. Celles-ci brillent faiblement, encore gênées par la lueur de la lampe de chevet de Katie. Un rire s'échappe des lèvres du jeune garçon alors que même Abigail lève des yeux intrigués et concentrés.

— On peut éventuellement reconnaître Cassiopée, là, murmure-t-il en joignant le geste à la parole, un doigt pointé vers la forme de W de la constellation. Avec beaucoup d'imagination, on peut éventuellement reconnaître la constellation du cygne, là-bas…, ajoute-t-il alors que Ian rit doucement en murmurant que c'est bien approprié** et que Katie lâche une petite exclamation émerveillée de ses connaissances. Mais c'est plutôt à Abby qu'il faut demander pour les étoiles, pas vrai Abby ?

— Pourquoi ? s'étonne Katie aussitôt en se redressant.

— Parce que les étoiles, ça la connaît, à Serdaigle, se moque doucement Will en adressant un clin d'œil taquin à Abigail.

— Ah bon ? mais comment ça ? s'agace leur petite sœur, blessée de se sentir si délaissée dans son incompréhension et avide de savoir. Expliquez-vous !

— Eh bien… Il y a des étoiles partout, à Serdaigle, Kat. Au plafond, sur la moquette, sur les fauteuils, sur mes baldaquins… C'est comme ça qu'on se réveille aussi, les étoiles chantent.

— Oooooooh !

— Tu ne réagirais pas comme ça si tu y étais, rétorque Abigail en laissant une petite grimace déformer ses lèvres. Parfois, elles chantent même le dimanche matin.

Ian éclate de rire alors que Katie glousse, une petite moue désolée sur les lèvres, et qu'Abigail fronce les sourcils de voir sa souffrance si peu considérée. Dans leur petite bulle de douceur, ils rient, jouent, imaginent des histories avec les peluches et les dinosaures phosphorescents.

La seule lumière encore allumée au numéro 2, Meadowsweet, rayonne de leur bonheur, jusqu'au moment où Abigail couvre Will et leur père endormis d'un plaid. Son regard se pose sur Katie, a demi assoupie dans les bras de Ian. La petite fille caresse les pattes de Queen Cupcake en papillonnant des paupières. Abigail remonte la couverture sur ses épaules, croise son regard vert et plisse les lèvres dans une tentative ratée de sourire, mais sa petite sœur en esquisse un timide.

— Tu ne restes pas ?

— Non. Tu sais pourquoi, Kat, souffle-t-elle, toute désolée.

— On n'a plus peur, Abby.

Le cœur de la fillette se gonfle si fort qu'elle s'étouffe à demi avec sa salive. Le long moment de silence qu'elle laisse planer entre elles finit par fatiguer Katie : elle baille encore, se détourne pour une position plus confortable. Elle ferme les yeux mais son regard flotte encore devant celui d'Abigail. Il termine de réparer les blessures que les coups de sa tante ont ouvertes. Une vague d'allégresse lui emplit la poitrine, si fort qu'elle soupire.

— Bonne nuit, Kat. Veille sur eux, ils ont besoin de toi.

— Bonne nuit, Abby, souffle doucement Katie.

La fillette baille encore et bientôt, ses mouvements cessent et sa tête s'alourdit.

Abigail les observe encore une minute. Son cœur leur crie tout son amour que sa bouche ne parvient à exprimer. Elle les aime au-delà de toutes les épreuves qu'ils ont vécues et pourront encore vivre. Les souvenirs de sa tante, de sa grand-mère, de la main atrophiée de son grand-père lui font encore mal mais elle sait que son père, son frère et sa petite sœur seront toujours là pour éponger les pleurs et panser les plaies, autant qu'elle sera là pour panser les leurs.

Elle les aime aussi fort que sa gorge se bloque et que la flaque de tendresse remplit désormais toute sa poitrine et remonte à son visage pour laisser éclore un doux sourire.

Au numéro 2, Meadowsweet, la dernière lumière s'éteint au moment où les flocons commencent à chanter.


* : Tesco est l'équivalent du Super U au Royaume-Uni.

** : c'est approprié car le cygne se dit swan en anglais, et du coup Swann, swan... voilà voilà héhé.

Et c'est sur cette note un peu plus positive que je voulais terminer le chapitre. On est déjà à treize mille mots, alors si en plus on retournait à Poudlard, il aurait fallu que je coupe encore en trois parties haha.

Pourquoi un tel titre de chapitre ? Parce que ça y est, ENFIN, Ian a compris qu'il valait mieux laisser sa famille derrière lui, et surtout que ce n'est pas grave. Et surtout, on laisse le passé derrière, et Abbynette et Katie commencent doucement à s'apprivoiser, et ça, c'était HYPER important pour moi.

Avant de crier au scandale, je tiens à dire que tout le dialogue entre Ian et Willy sur pourquoi Coleen est méchante n'est certainement pas une excuse ou une justification, et si vous avez des idées sur comment la faire sortir de cette histoire, je suis preneuse. Mais connaissant un peu Papa Swann, il essaye d'être réfléchi quand il s'agit d'expliquer les choses à ses petits, et ils se feront une idée eux-mêmes, avec les éléments les plus objectifs (objectifs, quand il leur dit qu'elle ne vaut pas leur temps HAHA) qu'il peut leur donner.

Je suis navrée qu'on ne soit pas encore revenus à Poudlard, sachant que j'ai envie moi aussi d'y retourner, d'avoir l'ambiance plus magique et moins délétère, et surtout avancer et terminer cette première année qui n'est finalement qu'une grosse introduction pour enfin entrer dans le vif du sujet. Et puis je veux revoir Ivy, Charlie, Stephen et Bony grrr. Ian veut vraiment pas me lâcher et lâcher ses petits haha quel clown. Je veux voir mes petits personnages grandir et développer leur potentiel sassy et leur compréhension du monde plus poussée. Et c'est pas en m'attardant pendant plus de quarante mille mots sur Papa Swann (peu importe son nombre de carats et sa faculté à briller même dans le noir le plus complet) que je vais y arriver HAHA.

J'ai encore deux petites choses à vous dire… Je déteste faire ça et j'ai longuement hésité, écrit puis supprimé puis réécrit : je ne souhaite ni quémander, ni vous culpabiliser mais je trouve qu'il y a beaucoup de lectures, beaucoup de passages uniques (je ne parle pas des gens qui viennent lire puis reviennent ensuite commenter) sur mes chapitres, ce qui prouve que cette histoire plaît, et toujours les trois ou quatre mêmes personnes qui commentent.

Je ne parle pas uniquement pour moi mais pour toutes les histoires.

Je ne suis pas la seule à le remarquer, et on voit la tendance bouger un peu quand les copines autrices font un petit mot en fin de chapitre, mais c'est usant de toujours répéter la même chose en ayant l'impression de quémander à chaque fois. Cette histoire, toutes les histoires sont publiées ici non pour espérer obtenir des couronnes de laurier et gonfler notre ego à chaque chapitre. Bien sûr que ça fait plaisir de savoir que notre histoire, notre façon d'écrire plaît. Mais la publication, à la base, c'est pour échanger. On n'est pas juste un livre terminé en étagère dans une librairie (et encore, on pourrait discuter longtemps des retours qu'on pourrait faire aux auteurices publié-e-s par maisons d'éditions), l'écriture est un passe-temps mais surtout un travail qu'on peaufine après celui qui nous a cassé la tête, le dos ou les pieds (ou les trois) toute la journée, et souvent, c'est difficile. On se casse la tête à trouver les bons mots, à supprimer, réécrire, à douter constamment de notre légitimité à écrire et à partager nos écrits. On s'en fiche d'avoir mille reviews au compteur de nos histoires, ce n'est pas une course à la review, c'est juste que c'est encourageant de savoir qu'on ne s'arrache pas les cheveux sur nos histoires pour rien, en fait. Et décourageant de ne pas savoir ce que les lecteurices peuvent penser.

Je vous vois venir, petit-e-s chenapans 'Oui mais Appeul, moi je suis nul-le pour commenter', que nenni. Pas besoin de commenter chaque scène, chaque phrase, chaque virgule si vous n'en avez pas envie, pas le temps ou si vous pensez que vous ne savez pas faire.

Sachez que si vous décidez de juste écrire 'Ce chapitre était super/cool/tout autre adjectif de votre choix' / 'j'ai passé un super moment à lire ce chapitre' / 'merci pour ce chouette chapitre' : ça vous prendra dix secondes (allez, je vous autorise à reprendre ces trois exemples, c'est cadeau :p), et en plus c'est peut-être la plus belle chose que vous pouvez nous offrir, pauvres petit-e-s auteurices en quête de savoir si ce qu'on partage vaut la peine de nos efforts – je le répète, écriture, mais aussi la réécriture parfois, et surtout la relecture avant de poster : je passe parfois trois heures voire une matinée ou une après-midi à relire, peaufiner, avant de poster (là ça fait donc deux heures et demie). Et je sais que je ne suis pas la seule.

Si le chapitre vous a déçu-e, c'est pareil, vous pouvez le dire sans que ça prenne trois plombes (merci d'y mettre les formes par contre, on reste humain-e-s), et c'est un plaisir de pouvoir discuter avec vous par MP.

Enfin, dernière petite chose pour terminer, je voulais vous parler d'un projet de Docteur Citrouille : son premier roman, Les mystères de Paris, est en financement sur Ulule ! Le lien est sur sa page facebook (la plume de Citrouille) ou en tapant ''ulule archibald twytter archéomage'' dans votre barre url, allez faire un tour ! Je ne vous demande pas de mettre des sous (car on ne peut pas toujours, n'est-ce pas ?), mais si vous avez le temps vous renseigner sur ce super projet !

Prenez soin de vous, bon dimanche et bonne semaine, et à bientôt pour le retour à Poudlard !

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