Hey~
Bien le bonjour après des mois d'absence. Je ne m'étalerai pas sur la cause de cette absence et je tiens à demander pardon aux personnes qui ont commenté car je ne réussirai pas à vous répondre cette fois-ci, mais sachez que vos commentaires ont mis du soleil dans mon coeur et des étoiles dans mes yeux ! Merci beaucoup.
Merci à Lilatloo, Mimi70, Sun Dae V, Feufollet et Alena Aeterna pour leurs reviews.
Merci à Docteur Citrouille et Sun Dae V pour leurs encouragements et leur bienveillance.
Dans le chapitre précédent, Abbynette découvre qu'Ivy a une blessure sur le cou et que cette blessure l'empêche de parler facilement.
Chapitre 7 — Le Secret du Lierre
Partie 2
Assise à-même le sol, les yeux fixés sur les irrégularités des pierres, Abigail attend.
Elle attend depuis si longtemps que les tableaux, tout en lui jetant des coups d'œil curieux, commencent à chuchoter entre eux.
Pourtant, elle ne les entend pas. L'inquiétude qui lui grignote la poitrine ne lui permet pas de se concentrer sur leurs messes-basses et leurs regards en biais. Même la chanson des flocons au-dehors ne parvient pas à ses oreilles. Même la gigantesque statue de l'aigle en face d'elle, qui la transperçait de ses yeux vides à son arrivée, lui parait bien insignifiante.
Quelques élèves et fantômes passent et lui accordent un regard étonné, sans s'arrêter toutefois pour lui demander ce qu'elle fait là, accroupie sur la pierre en serrant son sac contre elle, les yeux dans le vague.
Elle attend. Elle ne peut faire que ça, même si sa patience ne tient qu'à son cœur rongé d'angoisse, et qu'elle déteste ce sentiment de fébrilité presque fiévreuse qu'elle ignore comment étouffer.
L'aigle s'ébranle si soudainement qu'elle sursaute, autant de surprise que d'impatience, et se relève d'un bond. D'une main, elle lisse sa robe, repositionne son sac, passe une main dans ses cheveux pour bloquer une mèche derrière son oreille. Par ces gestes que la panique rend désordonnés, elle espère calmer son cœur remonté brutalement dans sa gorge. Il cogne si fort qu'il réveille sa magie dans ses doigts, et, alors que les premiers pas résonnent dans l'escalier découvert par l'aigle, elle cesse de respirer et essaye de se répéter encore la requête qu'elle s'apprête à formuler.
L'horreur de voir apparaître la longue robe noire et le visage antipathique du professeur Rogue l'arrête dans son élan, mais il se contente de lui adresser un regard comme lui seul en a le secret – un mélange de mépris et d'agacement – avant de s'éloigner sans lui adresser la moindre parole.
— Miss Swann ?
La voix du professeur Flitwick, rendue plus aiguë encore par la surprise, lui rend aussitôt sa capacité de mouvement - trop occupée à vérifier que le professeur Rogue s'est véritablement désintéressé d'elle, elle ne l'a pas entendu descendre.
— Puis-je vous aider ? continue-t-il avec un sourire qui n'atteint pourtant pas ses yeux.
— Professeur, bafouille la fillette en clignant des paupières, je cherche le professeur Chourave. Le Moine Gras m'a dit qu'il l'avait vue entrer ici avec le professeur McGonagall et je- je voulais lui poser une question.
— Les professeurs Chourave et McGonagall sont encore en réunion avec Monsieur le directeur, proteste-t-il doucement. Si c'est une question concernant les examens, je vous assure que-
— Non, professeur, le coupe-t-elle, et presque aussitôt, elle se rend compte de son impolitesse et reprend en bredouillant : je voulais la voir au sujet d'Ivy.
La lueur au fond des iris du professeur, derrière ses lunettes rondes, et son hésitation trahie par ses quelques petits pas sur place finissent de convaincre la fillette que l'affreux pressentiment dans son cœur n'a rien d'insensé.
— Depuis quand attendez-vous, Miss Swann ?
— S'il vous plait, professeur.
Un instant, elle croit comprendre qu'insister ne servira à rien, puis, d'un seul coup, l'expression du professeur Flitwick change et, presque sur le ton de la confidence, après un soupir incertain, il lui adresse un signe de tête :
— Suivez-moi, Miss Swann.
Chaque marche des escaliers est douloureuse à grimper, et maintenant en possession de sa pleine conscience, que son attente angoissée ne lui permettait pas et avait comme anesthésiée, elle frissonne en passant devant l'imposante statue de l'aigle. Au moins entend-elle la voix du professeur Chourave derrière la porte en bois.
Son cœur rasséréné par l'espoir s'affole de nouveau lorsque le professeur Flitwick se racle la gorge et tape contre le battant.
Lorsque le professeur Dumbledore leur intime d'entrer et que la porte laisse découvrir l'immense bureau, Abigail se retient à grand peine de faire demi-tour et de s'échapper aussi vite que ses petites jambes le lui permettent. Elle rassemble sa dignité et son courage en agrippant la bandoulière de son sac pour stopper le tremblement de ses mains, et tant pis si la glace s'y accroche.
Alors que les professeurs Chourave, McGonagall et Dumbledore les avisent avec étonnement ou amusement, elle ne peut s'empêcher de songer à ce que son père trouverait à redire de son audace.
La honte et les excuses qu'elle pense si fort au point qu'elle est persuadée qu'il les entendra jusque Stamford l'empêchent de s'émerveiller de la richesse de la pièce, des murs tapissés de tableaux plus grands que sa chambre et de livres plus scintillants les uns que les autres. Son regard croise celui, brillant et malin, du directeur, alors que la voix du professeur Flitwick résonne, lointaine :
— Excusez mon retour si rapide et soudain, Miss Swann attendait devant l'entrée avec une question et il semble, Pomona, que tu seras plus habilitée que moi à y répondre.
— Merci, Filius, répond doucement le professeur Chourave, attirant l'attention de la fillette. Miss Swann, nous pourrions convenir d'un rendez-vous dans mon bureau si vous le souhaitez ?
— Non, professeur, je veux juste savoir si-
La phrase se coupe dans sa gorge. La question qu'elle s'est répétée toute la matinée et qu'elle connaît pourtant par cœur s'est envolée de son esprit pour ne laisser qu'un embrouillaminis de pensées plus paniquées les unes que les autres, et ni le sourire encourageant du professeur Chourave, ni la lueur préoccupée dans les yeux du professeur McGonagall ne l'aident à retrouver ses mots.
Elle se sent passablement ridicule, tout à coup, déglutit et, perdue pour perdue, débite sans reprendre son souffle :
— Je voulais savoir si Ivy va bien, professeur car elle n'est pas montée à la Grande Salle ce matin, je l'ai attendue à la bibliothèque mais elle n'est pas venue, j'ai demandé à Jane, vous savez, Jane Appleton, si elle l'avait croisée dans leur dortoir, elle m'a répondu que son lit était vide et tout bien fait quand elle s'est levée la première ce matin, et Madame Pomfresh m'a dit qu'il valait mieux que je vous demande directement alors je suis allée à votre bureau mais le Moine Gras m'a amenée ici en disant que vous y étiez entrée avec le professeur McGonagall.
Mortifiée par le silence suivant l'arrêt brutal de sa tirade, elle baisse la tête, refusant d'assister à l'échange de regards entre les professeurs – le deviner est déjà pénible et lui suffit largement. Le silence, devenu pesant, est finalement brisé par la voix du professeur McGonagall :
— Miss Swann, commence-t-elle d'une voix très douce. Depuis quand attendez-vous ?
Elle ne répond que d'un regard et d'un plissement de lèvres au « Ah ! Bonne question » et au hochement de tête appuyé du professeur Flitwick, avant de reporter son attention sur la fillette embarrassée.
— Je- Je pense que ça fait un petit moment mais je ne sais pas, professeur, ma montre ne fonctionne pas ici, avoue-t-elle après un instant de silence.
— Je pense qu'il est inutile de vous faire attendre plus longtemps, dans tous les cas, continue le professeur Chourave avec un sourire patient. Pour être tout à fait honnête, Miss Swann, Miss Davies ne sera pas au château ces prochains jours.
— Il a fallu la ramener à Sainte Mangouste ? traduit aussitôt la fillette en sentant sa poitrine s'alourdir trop soudainement pour ne pas en devenir douloureuse.
— C'est exact, confirme le professeur Dumbledore d'une voix douce avant que les autres aient eu le temps de réagir autrement qu'avec une surprise non dissimulée. Miss Davies est allée trouver Madame Pomfresh hier un peu avant minuit et il a été décidé de la transférer au plus vite à Sainte Mangouste. Nous ignorons tout de son état mais attendons un hibou dans les plus brefs délais. Désirez-vous peut-être que l'on vous tienne informée ?
— S'il vous plait, s'étrangle la fillette d'une voix si petite qu'elle peine à se comprendre elle-même.
— Très bien, tranche le professeur McGonagall. Ce sera fait. En attendant, Miss Swann, profitez des deux prochains jours pour vous reposer, vous avez une mine épouvantable.
L'incongruité de la suggestion fait grimacer la fillette, mais elle ne songe pas à lui faire remarquer qu'avec le cataclysme qui s'est abattu dans la salle commune, les sorts plus ou moins bien lancés et ciblés qui y jaillissent de part et d'autre et la tempête dans sa poitrine, elle risque de ne pas y parvenir si facilement. Elle entend à peine le professeur Flitwick lui proposer de la raccompagner à la tour des Serdaigle que les larmes remontent brutalement à sa gorge et s'y coincent alors qu'elle se sent perdre le contrôle de son sang-froid :
— Professeurs, c'était ma faute.
A la surprise d'entendre sa propre voix sortir de ses lèvres s'ajoute celle de sentir ses mains trembler. Elle regrette instantanément et se maudit en silence mais le mal est fait - les professeurs s'arrêtent dans leur élan, leurs sourires s'effacent :
— De quoi parlez-vous, Miss Swann ?
— C'est ma faute si Ivy a dû repartir à Sainte-Mangouste, répète la fillette, incapable de retenir l'immense chagrin qu'elle sent éclater et s'étaler dans sa poitrine. C'est ma faute si elle a forcé sur sa gorge. Ça m'allait très bien qu'elle utilise la langue des signes mais elle a préféré parler et- je sais que ça lui fait mal tout le temps, j'aurais dû insister pour qu'elle se taise.
— Venez vous asseoir, et racontez-nous, propose le professeur Dumbledore si calmement que la fillette a subitement envie de lui sauter dessus pour le secouer.
Elle obéit pourtant, et, assise sans en ressentir le besoin ou l'envie sur le fauteuil que lui indique le professeur Flitwick, leur raconte la conversation qu'elle a eue avec Ivy la veille, sans entrer dans les détails qu'elle juge superflus. Tous l'écoutent sans la presser ou l'interrompre. La vision floutée, le corps meurtri par sa magie pressée de s'échapper et les quelques larmes encore amoncelées à ses paupières, elle ne remarque pas les regards que se lancent ses professeurs.
— Miss Davies ne montrait aucun signe d'engelures ou de manifestations de votre magie quand Madame Pomfresh m'a appelée, lui apprend patiemment la professeur Chourave quand, enfin, elle se tait.
— Quant à sa gorge, je dois avouer que je ne vois pas bien en quoi cela serait votre faute, continue le professeur McGonagall. Je suis d'ailleurs certaine que Miss Davies est suffisamment responsable et lucide pour choisir elle-même de parler ou se taire. Je pense aussi, et que les autres professeurs me corrigent si je me trompe, que c'est un soulagement pour elle d'avoir pu partager sa condition avec vous.
Abigail se sent bien bête de renifler bruyamment au moment-même où le professeur McGonagall se tait, mais son air assuré la convainc de ne réagir qu'en acquiesçant de la tête. Elle se sent bien lasse, tout à coup.
— De même, et n'ayez aucune crainte, Miss Davies est entre de bonnes mains à Sainte-Mangouste.
— Mais il me semble évident que je vous laisserai savoir quand je recevrai un hibou de son médicomage, lui assure encore le professeur Chourave avec un gentil sourire, et Abigail espère en silence qu'elles font toutes les deux référence à Daniel, dont Ivy avait si tendrement parlé la veille.
— En attendant, je crois, Filius, qu'il est grand temps de raccompagner Miss Swann à son dortoir et de la laisser dormir.
Juste avant de quitter le bureau à la suite de son directeur de maison, Abigail pose son regard sur le visage de Dumbledore. Ses lèvres ont beau sourire, elle lui trouve les yeux bien pensifs, trop pour que son cœur ne se serre pas d'inquiétude.
oOo
Le temps semble bien long sans Ivy.
La semaine d'examens pratiques, tout autant abhorrée que redoutée, s'étire autant qu'elle s'efface en un claquement de doigts. Chacun mesure son avancement à sa façon - Adélaïde barre chaque examen sur son planning en allant se coucher - Pearl et Mackenzie décomptent les heures, Autumn les repas - Bony envoie une lettre à sa famille chaque matin en annonçant chaque jour le nombre de parchemins qui lui reste à envoyer avant la délivrance du week-end.
Abigail, en plus de ses passages journaliers chez le professeur Chourave pour vérifier les hiboux envoyés de Sainte-Mangouste, mesure l'avancée de la semaine par celle des cernes sur les joues de Will.
Elle prend l'habitude, en se rendant compte qu'elle a l'affreuse impression qu'ils ne se sont pas croisés depuis des mois depuis leur retour de Stamford, de dîner avec lui le soir – et tant pis si Charlie et Stephen lui tiennent compagnie. Depuis le départ d'Ivy, rien ne la soulage plus que le sourire sincère que lui adresse son frère lorsqu'il l'aperçoit se diriger vers eux. Charlie et Stephen l'accueillent comme une vieille amie, partagent leurs anecdotes avec elle sans se vexer de sa retenue timide, et elle se surprend à écouter les discussions souvent ponctuées de rires et de blagues de son frère et ses copains avec plaisir. Les rejoindre fait taire le temps d'un repas la culpabilité de savoir Ivy à l'hôpital.
Souvent, ils parlent de leur journée, des catastrophes dont ils ont été les instigateurs ou les témoins pendant les examens. Le lundi, Charlie singe, sous les éclats de rire de ses copains, le soupir que le professeur McGonagall n'avait pas réussi à retenir lorsqu'elle s'était rendu compte que, en plus d'avoir lamentablement raté son sort, il avait remplacé sans le vouloir les épines de son hérisson par des cotons-tiges. Le mardi, Will avoue que si le professeur Flitwick n'est pas attablé, c'est certainement parce qu'il n'a pas encore réussi à corriger sa coiffure, que le jeune garçon avait rendue aussi touffue que d'un jaune criard en voulant lancer un simple sortilège du saucisson.
Pourtant, malgré tous les efforts des trois garçons pour rendre ce début janvier plus doux, Abigail trouve Will bien sombre. Quand elle le croise – car elle s'arrange pour le croiser plus que nécessaire, désespérée d'apercevoir son sourire, sa bouée dans l'océan du château –, elle le trouve pensif, son sourire n'atteint que rarement ses yeux et ses cernes creusent davantage ses joues tous les jours.
Le mercredi après-midi, profitant que Stephen s'est perdu dans un rayon de la bibliothèque et que Charlie attend encore son tour pour passer son examen de botanique, elle se faufile dans la bibliothèque et s'assoit à ses côtés.
Will est plongé dans la lecture de ses notes, le visage penché, les mains plaquées sur ses oreilles pour éviter toute déconcentration sonore. A peine Abigail s'est-elle assise, aussi discrète qu'une souris, qu'il relève la tête et l'accueille avec un soupir à s'en fendre l'âme.
— Désolé Abbynette, je suis de mauvaise humeur aujourd'hui, marmonne-t-il inutilement – ses sourcils froncés apportant une preuve évidente à la fillette.
— J'ai bien vu, chuchote-t-elle d'une voix embêtée pendant qu'il se rassied correctement. Je peux t'aider ?
— Tu saurais relire ça ?
Il accompagne son grommellement d'un geste de la main englobant ses parchemins, pour la laisser terminer son chemin en s'enfonçant dans sa joue d'un air boudeur. Abigail approche son nez, tente de déchiffrer les ratures et les abréviations notées dans une tentative désespérée de suivre les dires du professeur.
— Euhm, je peux lire « agiter », ici, tente-t-elle dans un bredouillement embarrassé. Ou « agilité » ?
Le rictus que lui offre Will en réponse la convainc de se taire, et lentement, il secoue la tête et range ses notes sur le côté de la table.
— Laisse, c'est peine perdue. Même quand je connais la théorie par cœur, ce sont mes mains qui font n'importe quoi. Je sais que je suis maladroit quand je suis stressé mais enfin là, c'est désolant. Oh, ne fais pas cette tête Abbynette, ce n'est pas si grave que ça. Peut-être que ça s'arrangera, et puis le professeur McGonagall a accepté de me laisser plus de temps pour les épreuves pratiques à partir de demain. Tu as des nouvelles d'Ivy ?
— Oui, chuchote Abigail en se tordant à demi les mains, consciente que le changement brutal de conversation lui est nécessaire pour éviter de sombrer dans une nouvelle déprime. Ils ont dû l'endormir mais elle va bien. C'est tout ce que le professeure Chourave a voulu me dire. Je crois qu'elle en a marre de me voir tous les jours, avoue-t-elle avec une petite grimace ennuyée.
Will garde un air pensif pendant de si longues secondes qu'elle hésite à lui demander si tout va bien, quand, lentement, son visage se détend et un léger sourire étire ses lèvres. D'un simple mouvement, il se redresse sur sa chaise et croise les bras en haussant les épaules.
— On s'en fiche, tant que tu ne te prends pas de retenue, non ? C'est important de demander de ses nouvelles.
Abigail acquiesce en silence, reconnaissante. Seuls Bony et lui – et par extension Charlie et Stephen – semblent s'inquiéter de son absence.
— De toute façon si tu n'y allais pas, j'irais. Et toi alors ? reprend-t-il après un instant. Raconte, comment ça se passe pour toi les examens ?
— Je crois que ça se passe bien, répond-elle lentement. Les professeurs me sourient quand je sors de leur salle.
L'anecdote parait amuser Will, et, de peur de voir s'éteindre la lueur attendrie dans ses iris, Abigail n'ose pas lui avouer que ce constat l'attriste autant qu'il a l'air de le rendre fier - elle sent toujours sa magie s'affoler au moment où les formules magiques franchissent ses lèvres, sent toujours sa puissance s'ajouter à ses sortilèges. Si l'idée de valider son année sans encombres la soulage, elle déteste la sensation de tricher, trop accrochée dans un coin de sa tête pour qu'elle se persuade du contraire.
— Ça me semble évident que tu t'en sors bien, avoue Will, une pointe de fierté dans la voix. Et-
Le regard un peu embarrassé qu'il lance à ses mains la fait grimacer et, piteusement, elle secoue la tête.
— Le professeur O'Cuinn est très occupé, tu sais, murmure-t-elle sans avouer qu'il l'avait coupée dans son élan quand, après son épreuve, elle avait essayé de lui parler mais qu'il lui avait demandé poliment de laisser Turner entrer dans la salle pour suivre le planning. C'est comme ça, ajoute-t-elle lentement en haussant les épaules lorsque Will fronce le nez pour lui témoigner son mécontentement. Mais toi-
— T'es gentille de t'inquiéter, mais je préfèrerais que tu t'inquiètes pas. Je crois que t'es déjà assez préoccupée comme ça pour que je t'en rajoute, surtout pour un truc si stupide. Au moins, ce soir le professeur Sinistra ne devrait pas nous demander d'écrire ou d'utiliser nos baguettes.
Un sourire réellement content illumine son visage et fait briller ses yeux, puis il se penche vers sa petite sœur, en ramenant sa main vers le coin de sa bouche pour lui chuchoter sur le ton de la confidence :
— Mais avant ça, on va fêter l'anniversaire de Stephen. Il croit qu'on a oublié mais tut-tut-tut.
— C'est aujourd'hui ? s'étrangle la fillette avec horreur, craignant le pire si son organisation avait été laissée aux bons soins de Will.
— Oui, mais t'inquiète, ricane-t-il avec un geste exagérément suffisant. Je sais que t'es pas fan des anniversaires, mais j'aime bien quand tu manges avec nous, alors on a juste prévu un gros gâteau et une minuscule chanson. Tu viendras ?
— Je viendrai, approuve la fillette en songeant avec honte que la seule mention d'un gâteau ne devrait normalement pas suffire à la convaincre.
Will lui adresse alors son plus beau sourire, un sourire qui ressemble tant à celui de leur père qu'elle se laisse envelopper par son aura si chaleureuse et parvient même à en esquisser un, aussi coupable que malin quand il plisse les yeux et remarque sur un ton badin :
— Je savais que le gâteau te convaincrait.
oOo
Il s'avère rapidement que Stephen n'avait jamais été dupe et avait compris dès le réveil que l'oubli intentionnel de ses copains ne cachait en réalité qu'une surprise dûment préparée. Mais, en bon gentleman, il préfère s'étonner de leur surprise et même son frère Lawrence se greffe à leur petit groupe, à la table des Gryffondor. Comme promis, Will et Charlie poussent la chansonnette, sans pour autant la hurler comme l'avait craint Abigail – et Stephen lui avoue entre deux parts de gâteaux que lui non plus n'est pas un inconditionnel des anniversaires, mais ils s'accordent néanmoins sur le fait que les sourires sur les visages de Will et Charlie valent largement l'humiliation – relative – d'une chanson dans la Grande Salle.
Le jeudi soir, au cours d'un dîner particulièrement lugubre après une série d'examens que Will a royalement ratés, Stephen imite le professeur Rogue avec une telle perfection que tous les trois éclatent de rire au point de peiner à respirer – même Abigail ne peut se retenir de sourire.
Ce même sourire s'efface d'un seul coup lorsque Charlie lui demande comment s'est passé son examen de potions à elle, et qu'elle lui apprend qu'il se tiendra le lendemain. Jamais elle n'avait entendu un « oops » aussi sincère.
Ce soir-là, contrairement à d'ordinaire, les discussions ne se taisent pas lorsqu'elle entre dans le dortoir de Serdaigle. Les filles sont déjà à-demi allongées dans leurs lits, paniquées dans leurs révisions de dernières minutes. Adélaïde lui sourit avant de barrer la journée du jeudi sur son calendrier, et Autumn lui intime que le fondant au chaudron qu'elle retrouvera sur sa table de chevet est un cadeau de sa part, pour les féliciter toutes d'être arrivées si loin sans flancher pendant cette période d'examens.
C'est en entendant Pearl et Mackenzie râler sur leur manuel trop fourni en informations qu'elle prend sa décision - en essayant de faire taire la tempête que sa timidité a réveillée dans sa poitrine, elle attrape le livre sur les potions que lui a conseillé Stephen la semaine précédente et qu'elle connait déjà par cœur, avant de s'approcher du lit où les deux filles sont avachies.
A deux doigts de renoncer en croisant leurs regards abasourdis de la voir s'avancer vers elles, Abigail cesse de respirer et, effrayée à l'idée de laisser sa magie trop douloureuse s'échapper de ses mains, elle pose le manuel sur le lit et recule d'un pas rapide en cachant ses doigts dans les manches de son pull. Mackenzie cligne des paupières comme un hibou perdu, mais Pearl s'en empare, un sourire méchamment cynique sur les lèvres.
— Guide illustré des Potions pour débutants ou cas désespérés ? Dis-moi, Abby, dans quelle catégorie tu nous ranges ?
— Moi, je dirais les deux, intervient Autumn en s'asseyant près de Pearl. Tu partages ?
Ce soir-là, les lumières ont beau s'être éteintes depuis longtemps, les rires continuent de résonner dans la tour des Serdaigle.
oOo
Les semaines suivantes sont aussi tristes et mornes que le ciel étouffé de nuages.
De la même manière qu'ils rôdent près des tours et en caressent les pierres, le château se plonge dans la torpeur de janvier, lorsque l'on n'attend plus rien, que les fêtes ne sont plus qu'un souvenir à la mélancolie amère et que les prochaines ne relèvent encore que d'une douce rêverie, trop lointaine pour que l'espoir et l'euphorie de leur attente résonne dans les couloirs.
Des manifestations destinées à remonter le moral des troupes, sous l'influence des professeurs habitués au creux hivernal et épaulés par les élèves les plus enthousiasmes, fleurissent ici et là.
Abigail ne compte plus le nombre de fois où, en entrant dans la bibliothèque, elle se rend compte que la moitié du lieu a été réservé au club de lecture, animé par deux Poufsouffle passionnées - personne ne s'étonne de voir Will arriver à la Grande Salle couvert d'un liquide gluant après une rencontre malheureuse avec le club de Bavboules - dans le dortoir, les filles de Serdaigle de première année sifflotent sans même plus s'en rendre compte les chansons de la chorale officielle – et celles, plus osées, du club officieux de musique – de Poudlard - et bientôt le club d'Echecs Magiques s'installe tous les dimanches dans un coin de la Grande Salle, club dans lequel Will, Charlie et Stephen s'installent régulièrement pour une après-midi improvisée, souvent rejoints par Abigail.
Si ces après-midi ne rendent pas l'absence d'Ivy plus facile, elles ont au moins l'avantage d'alléger son cœur. Le plus régulièrement assise en face de Will, dont les yeux restent plissés de concentration durant la quasi-totalité de leurs jeux, elle apprécie tout autant se poster près de Charlie et Stephen, parfois Bill lorsqu'il défie son petit frère, et les regarde jouer, réfléchir, s'insulter ou se féliciter.
Les moments qu'elle préfère restent de loin les après-midi où les professeures McGonagall et Sinistra se glissent sur les bancs sans s'inquiéter des regards abasourdis de leurs élèves - alors les batailles acharnées de Charlie dans l'espoir fou de battre son frère lui importent bien peu, et elle observe les professeures depuis sa place, un pincement d'envie dans la poitrine, sans oser s'approcher.
Février s'installe, rallonge les jours. Malgré la réconciliation des filles de première année de Serdaigle, Abigail passe plusieurs soirs par semaine en compagnie de Will, à écrire des lettres à leur père et Katie, à lire leurs réponses en soupirant d'envie devant les photos de la maison et des petits plats de leur père, que leur petite sœur capture à l'aide d'un vieux Polaroïd retrouvé dans le grenier.
Les garçons de Gryffondor, comme aime à les appeler Abigail quand elle parle d'eux à Adélaïde les soirs où les deux fillettes ne parviennent pas à trouver le sommeil, se retrouvent très vite en possession d'un bel échiquier magique, qu'ils utilisent dans la bibliothèque. A condition d'être calmes, leur avait intimé Madame Pince. Un jour que Stephen et son frère Lawrence s'affrontent en silence, observés par Charlie, Will murmure à Abigail que c'est le professeure McGonagall qui les a autorisés à lui emprunter.
Les jours passent, se ressemblent.
Les nuages crachent davantage de pluie qu'ils ne laissent tomber les flocons. Le déclin de leur mélodie plonge Abigail dans une mélancolie aussi lourde que le poids qui lui pèse sur le cœur.
Le professeur O'Cuinn lui échappe toujours.
La phrase de remerciements qu'elle prépare et se répète toujours au moment de croiser le professeur McGonagall – d'avoir accordé plus de temps à Will pour les examens, de toujours prendre le temps de s'enquérir de son état, d'attendre les nouvelles de Sainte Mangouste avec autant de préoccupation qu'elle – s'étrangle de timidité dans sa gorge sans jamais passer ses lèvres.
Sa magie hurle et cogne toujours plus fort dans son corps douloureux.
Les photos de son père et de sa sœur pourtant souriants lui arrachent des larmes au coin des yeux.
Ivy n'est toujours pas revenue.
Les jours passent, se ressemblent.
La veille du quatorze février, la mélodie des flocons résonne faiblement. Privée de sommeil, Abigail l'écoute, enroulée dans une couverture bleue sur un fauteuil de la salle commune, mais elle garde ses paupières fermées. Elle ne veut pas voir. Pas ce soir.
Pas ce soir, car les flocons chantent pour la dernière fois.
Elle le sait, elle le sent. Ils sont venus lui dire au revoir, et elle ne veut pas.
Alors elle ferme les yeux et serre les paupières aussi fort qu'elle le peut. Elle ne voit pas le fantôme de la Dame Grise glisser derrière une colonne de pierre. Elle ne voit pas son regard voilé l'observer aussi tristement que les flocons chantent.
Et les jours passent, se ressemblent.
oOo
Février et sa pluie froide sont bientôt remplacés par Mars et la promesse de journées plus douces.
Dès que les nuages gardent jalousement leur pluie et permettent aux élèves de se promener sans craindre d'attraper une pneumonie, Adélaïde et Autumn enfilent leurs écharpes et sortent des après-midi entières. Parfois, Abigail les rejoint. Elle regrette peut-être la chanson des flocons mais apprécie le bleu du ciel au-dessus des hautes tours du château – ces tours qui semblent crever l'azur et imposent leur puissance à quiconque croise leur route – et le reflet du soleil sur les eaux calmes du lac. Leurs pas les y emmènent pratiquement à chaque fois et si Abigail remarque rapidement les regards aussi fascinés que discrets que ses amies jettent sur les ridules, elle se garde bien de demander quelles créatures les deux fillettes cherchent à apercevoir. Le souvenir des pages remplies de bêtes féroces et pleines de dents du livre réclamé par Katie lors de leur passage à Fleury et Bott la fait encore frissonner.
Souvent, lors de leurs longues promenades, elle se contente d'écouter d'une oreille distraite ses amies converser – elle apprend que la petite sœur d'Autumn fêtera ses sept ans début mai et que celle d'Adélaïde a fait céder ses parents pour qu'un chien agrandisse leur famille. Adélaïde se tourne parfois vers Abigail pour trouver dans son regard ou une anecdote le soutien d'une autre née-moldue. La curiosité d'Autumn, dont la famille a toujours vécu parmi les sorciers et ce depuis des générations, fait sourire Adélaïde qui lui répond toujours avec patience. Si Abigail apprécie l'appuyer ou étayer ses propos en racontant la vie paisible menée à Stamford, la plupart du temps, ses pensées sont tournées vers Ivy. A mesure que les jours passent, les filles de Serdaigle cessent de lui demander des nouvelles journalières, et même Will espace ses demandes. Seul Bony semble, comme elle, souffrir de l'absence de la fillette, mais n'ose pas déranger sa directrice de maison, préférant la présence de plus en plus silencieuse d'Abigail.
Régulièrement, le professeur McGonagall retient Abigail et Bony après ses cours pour leur donner les dernières nouvelles de Sainte Mangouste. Si les premières fois, Abigail hésite à profiter de ces moments pour lui avouer la peur dans laquelle sa magie l'entraine et demander de parler au professeur O'Cuinn pour elle, elle abandonne rapidement l'idée.
Elle s'est résignée depuis longtemps déjà.
Ce soir, comme tous les vendredis soirs, Abigail a rendez-vous avec son frère devant la Grande Salle pour dîner avec lui. Elle ne se presse pas, sait qu'il sera en retard de toute manière. Ses pieds trainent près du tableau de la sorcière à la souris, non loin du couloir menant au rez-de-chaussée.
La jeune femme sourit dans la toile, comme à chaque fois que la fillette la dépasse. Un sourire doux, presque complice. Un sourire auquel Abigail ne répond pas, car elle ne le comprend pas. Elle passe son chemin sans oser lever les yeux.
Elle ne se retourne pas, mais le sourire de la jeune femme, son petit rongeur dans les bras, ne s'éteint pas.
Comme elle l'a prévu, Will n'est pas encore arrivé quand elle atteint les lourdes portes. Alors elle attend, joue avec les irrégularités des dalles en pierre du bout de ses chaussures.
— Miss Swann ?
D'un sursaut, elle relève la tête – le professeur McGonagall se tient droite devant elle, et hoche la tête.
— Veuillez me suivre, dit-elle, et quelque chose dans sa voix interroge la fillette – son air impatient, le même que Katie lorsqu'elle se retient d'avouer un secret alors qu'il lui chatouille le bout de la langue.
Sans attendre que la fillette termine ses réflexions, elle se détourne et s'éloigne.
Son pas est vif, Abigail peine à la suivre.
— Il y a un problème, professeur ? s'entend-elle demander entre les battements erratiques de son cœur contre ses tympans.
— Je n'appellerais pas ça un problème, répond le professeur McGonagall d'une voix tranquille.
Sans s'arrêter, elle se tourne vers son élève et lui adresse un demi-sourire :
— Miss Davies vous attend.
oOo
Le professeur McGonagall a quitté l'infirmerie avec la promesse d'amener Abigail depuis trop longtemps pour qu'Ivy ne s'attende pas à voir les portes s'ouvrir d'une seconde à l'autre.
L'attente, que le silence de la pièce rend d'autant plus terrible, est pénible, lui creuse et lui noue l'estomac en même temps. Si, dans son lit d'hôpital, Ivy a attendu ce moment avec une force rendue urgence par le désespoir au point de se voir privée de sommeil, là, assise dans les draps froids de l'infirmerie, elle le redoute.
La dernière fois qu'Abigail et elle s'étaient quittées, la sensation d'inachevé qui les avait suivies jusqu'à leurs dortoirs n'était qu'un jeu, une légère fissure dans leurs histoires, portée par la promesse de se retrouver au plus vite et de continuer à se découvrir autant qu'à se dévoiler. Là, plusieurs semaines – mois – plus tard, Ivy craint que la légère fissure se soit transformée en un gouffre, et si elle sait qu'elle meurt d'envie de reprendre là où elles s'étaient brutalement arrêtées, elle ignore ce qu'il en est de son amie. Si tant est qu'elle puisse encore la considérer comme telle.
Des années plus tard, elle apprendra à rire de ce souvenir, lorsqu'elle se plongera dans les yeux ou le demi-sourire d'Abigail, elle apprendra à se pardonner d'avoir douté.
Plus tard. Ce soir, l'attente la terrifie.
Son cœur rate un battement un courant d'air glacé lui caresse les joues et remonte dans son dos, la faisant frissonner. Ses yeux se lèvent immédiatement vers la porte. Elle a presque envie de rire, incrédule de sa propre naïveté, repense à toutes ces fois où ce même froid, ce froid si familier, l'avait rassurée de sa morsure sans qu'elle ne sache le comprendre. Elle se demande, alors que la poignée tourne et laisse bientôt entrer le professeur McGonagall et une petite silhouette noire et bleue, si cette aura glaciale que traîne Abigail derrière elle est intentionnelle, si elle est la seule à l'avoir jamais ressentie.
Elle se force à respirer longuement, quand bien même son cœur bataille entre ses côtes, mais elle se sent perdre le contrôle de son visage. Elle veut hurler, mais ses lèvres restent closes. Celles du professeur McGonagall s'ouvrent mais elle n'entend pas ce qu'elle lui dit - ses yeux ont rencontré ceux d'Abigail.
~ o ~
Les deux fillettes se retrouvent, une nouvelle fois, observées par les pierres de l'infirmerie. Si le bonheur mélangé à une terreur irraisonnée ne menaçait pas de faire exploser son cœur, l'ironie de la situation aurait sans aucun doute fait fleurir un sourire amer sur les lèvres d'Ivy.
Abigail prend place sur la chaise que Madame Pomfresh fait glisser près du lit. Ses gestes sont lents, trop mécaniquement exécutés pour en être naturels, mais elle ne rebondit pas lorsqu'Ivy lui lance un regard inquisiteur. Ivy la trouve fatiguée. Son regard bleu froid, seule tache de couleur sur son visage terne, brille, et pourtant, elle le trouve alourdi par une douleur trop vertigineuse pour qu'elle puisse la comprendre tout à fait.
— Je serai dans mon bureau, appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit, les prévient la voix de Madame Pomfresh.
Ivy sursaute - elle l'avait oubliée, et hoche la tête poliment. Abigail ne lui jette qu'un coup d'œil indifférent avant de visser de nouveau son regard sur celui de son amie. Le cœur d'Ivy remonte dans sa gorge. Quelque chose au fond des yeux d'Abigail ravive son angoisse - ce qu'elle comprend comme une retenue prudente.
Mais Ivy est bien décidée à sauter le fossé que les mois ont creusé entre elles. Elle ravale sa peur et signe avec un sourire qu'elle espère convaincant :
— Je suis contente de te voir.
— Moi aussi, chuchote Abigail après un silence, quand bien même l'affirmation ne parvient pas à convaincre Ivy.
— Je vais bien, essaye-t-elle pour briser la tension qui flotte entre elles.
— J'imagine que Daniel ne t'aurait pas laissée partir si tu n'allais pas bien, remarque seulement Abigail en hochant lentement la tête.
Ivy grimace, sans pouvoir s'en empêcher. Elle aimerait sourire à la mention de Daniel – et il est vrai qu'il ne l'aurait jamais laissée partir si tout n'allait pas bien –, ou à la mention de Daniel dans la bouche d'Abigail, comme si elle parlait d'une vieille connaissance alors qu'il n'en est rien. La voix d'Abigail, pareille à son souvenir – froide, aussi froide que son maintien et l'air qui l'accompagne, aussi douce que les premiers flocons de l'hiver – lui fait mal. Peut-être parce que son air détaché, comme si tout n'était qu'une suite logique pure et simple d'événements et d'actions, lui avait manqué, et elle ne sait pas comment faire pour la rejoindre de l'autre côté du gouffre.
— Quand est-ce que tu es revenue ? continue Abigail après le hochement de tête affirmatif d'Ivy.
— A l'instant. Le professeur McGonagall m'a accueillie car le professeur Dumbledore est trop occupé et le professeur Chourave doit nettoyer les serres, elle viendra plus tard. J'ai demandé si je pouvais te voir avant de devoir répondre aux professeurs et parler de comment rattraper mon retard.
Elle grimace encore à ces mots et Abigail fait la moue, compréhensive.
— Le professeur Chourave m'a dit qu'on avait dû t'endormir, reprend-elle et Ivy grimace en portant une main à son cou dans un geste réflexe. Elle a dit que c'était sérieux. Ça arrive souvent, ce genre de chose ?
Ivy secoue la tête, ramène ses cheveux derrière ses oreilles avant de signer lentement :
— C'est la première fois – elle s'arrête, ose jeter un coup d'œil à Abigail dont le visage est bien sombre et encore plus lointain, et reprend : Daniel pense que c'est parce que je n'avais pas autant utilisé mes cordes vocales depuis très longtemps.
— Depuis quand ?
Un léger sourire amer étire les lèvres pâles d'Ivy. Ses yeux brillent d'une lueur qu'Abigail ne comprend pas.
— Quatre ans, à peu près, répond-elle en scrutant le visage de son amie pour une réaction, sans en trouver. Pourquoi faire ? Parler me fait mal à la gorge, et ma famille me comprend en Langue des Signes.
— Moi aussi, je te comprends en Langue des Signes, remarque Abigail d'une petite voix avant de se taire, comme si elle redoutait ce qui allait suivre.
Le silence, encore, les nargue, et – Ivy sent l'espoir affoler son cœur – l'hésitation entre les deux fillettes vacille. Ivy croit deviner la prochaine question mais garde la tête haute. Ses yeux brûlent lorsqu'Abigail reprend :
— Alors pourquoi m'avoir parlé à voix haute ?
Sa voix est basse, lasse, mais Ivy n'y décèle aucune trace de colère comme elle s'y était attendue et même préparée.
Elle repense malgré elle à la visite de ses parents, au moment de son arrivée à Sainte Mangouste. Elle repense à sa mère catastrophée, à son père au visage rongé par l'inquiétude, à leurs reproches à peine dissimulés sous un voile de colère causée par la peur, que même le soulagement ne parvient pas à balayer. Pourquoi avoir parlé si longtemps sans y avoir été préparée ? Pourquoi avoir forcé ? Pourquoi avoir pris autant de risques ?
A eux, elle n'avait rien répondu, parce qu'elle n'avait pas encore de réponse à leur donner, perdue elle-même dans sa culpabilité de leur avoir causé une si grande peur et la confusion de ne pas savoir elle-même. Plus tard, après des jours et des nuits à se poser la question et à ruminer toute la colère qu'ils avaient mis dans leurs paroles, elle était convaincue que de toute façon, ils n'auraient pas compris.
Mais Abigail, elle, comprendrait. Sans la quitter des yeux, presque avec défi, Ivy signe :
— Pour la même raison que tu m'as montré ta magie alors que tu aurais pu juste me la décrire.
Un éclair passe dans les yeux d'Abigail, mais aucun signe d'incompréhension, de surprise ou même de perplexité ne s'imprime dans les traits de son visage. Finalement, elle secoue lentement la tête, les épaules encore plus basses, et une tristesse immense s'installe dans son regard alors qu'elle laisse le souffle bloqué dans sa gorge sortir en un soupir. C'est au moment où elle relève la tête – le même que celui choisi par le professeure Chourave pour entrer dans l'infirmerie – qu'Ivy comprend que le fossé s'est comblé, et qu'elles se retrouvent enfin, pleinement. Simplement.
— Oh, Ivy, murmure Abigail, la voix lourde d'une fatigue si grande qu'Ivy se sent frissonner d'effroi. Ivy, comme c'était long sans toi.
L'horloge de l'infirmerie résonne lugubrement ans la pièce. Les fenêtres filtrent une lumière sale, privée de la douceur du soleil, bloquée par les nuages noirs et la pluie torrentielle qui s'écrase contre les vitres dans un brouhaha terrible.
Assise au bout du lit, une assiette intacte de sandwiches tartinés de fromage frais à côté d'elle, Abigail lit, plongée dans une concentration que rien ne saurait troubler. Encore à demi-somnolente, Ivy baille et tente, tant bien que mal, d'avaler un verre de jus de citrouille et un petit-déjeuner. Elle grimace de douleur, mais, motivée par la menace de Madame Pomfresh de la garder jusqu'à ce que son ventre vide soit quelque peu rempli, avale le pain de mie et sa boisson.
Elle soupire sans bruit – rien ne l'horripile plus que l'écho de ses soupirs sur les pierres froides – et s'apprête à se rallonger quand les yeux d'Abigail s'accrochent aux siens. Ses gestes sont lents quand elle referme son livre en bloquant de sa baguette la page qu'elle souhaite retrouver plus tard. Son regard s'attarde sur le cou meurtri d'Ivy, avant qu'elle ne se tourne complètement vers elle et s'assied en tailleur sur les draps.
— C'est arrivé quand ?
— J'avais quatre ans.
Ses mains hésitent à continuer, son regard se perd sur les doigts qu'Abigail noue les uns avec les autres sans sembler s'en rendre compte. Puis lentement, elle reprend, après un soupir douloureux :
— Mon père-
Elle s'arrête, soudainement pâle, se mord les lèvres, comme si c'était elles qui s'apprêtaient à raconter ce qu'elle avait besoin d'avouer. Son visage reflète une telle tristesse qu'Abigail est un instant tentée de lui assurer que ça ne fait rien si elle préfère s'arrêter ici dans son récit, mais Ivy reprend, plus lentement encore :
— Ce n'était pas sa faute, tu sais.
— On peut en parler plus tard, chuchote Abigail après un silence lourd.
— Mon père est potioniste, signe pourtant Ivy, les yeux brillants. Il prépare des potions de soins, principalement pour l'hôpital Sainte Mangouste et pour les apothicaires du pays, mais il fait aussi beaucoup de recherches et d'expérimentations.
Ses mains se taisent soudainement alors que ses yeux se voilent de chagrin. Abigail garde les siens baissés sur les mains dorées de la fillette, qu'elle fait jouer sur les draps, désireuse de lui laisser l'intimité dont elle a besoin pour continuer.
— C'était une jolie potion, toute dorée, se souvient Ivy avec un sourire amer. La porte de son bureau n'était pas fermée, tu comprends ?
Abigail acquiesce d'un léger signe de tête, sans ajouter qu'elle a compris depuis que la fillette lui a appris le métier de son père.
— Il a suffi d'une gorgée et puis…
De ses mains, elle mime une explosion, puis les laisse retomber sur ses cuisses, l'air las. Elle regarde les fenêtres ruisselantes quelques secondes et, sombrement, soupire.
— Je ne me souviens pas de comment c'était avant, mais je me souviens très bien de tout ce qu'il s'est passé ensuite.
Son visage s'assombrit tout d'un coup, et elle se mord l'intérieur des joues avant de poursuivre :
— Tu as déjà vu tes parents se disputer, toi ?
Abigail se crispe, mais Ivy ne le remarque pas, concentrée sur ses souvenirs.
— Non, répond-elle dans un murmure qu'elle espère détaché.
— Tu as de la chance, réagit aussitôt Ivy, et la douleur mélangée à la colère dans ses yeux et sa mâchoire tendue achèvent de convaincre Abigail qu'elle a raison de ne pas rebondir. Ça a été horrible, l'hôpital, la maison. Ils ont tout essayé pour me guérir, rien n'a jamais fonctionné. Maman n'a pas parlé à papa pendant des mois. Elle a beaucoup pleuré, elle ne voulait pas que papa vienne me voir à l'hôpital. Je ne me souviens pas du tout comment mais un jour ça s'est calmé. Un peu après que Daniel est arrivé.
Elle tousse, sa poitrine se soulève en un profond soupir. Elle essuie discrètement ses yeux et détourne lentement la tête. Pendant quelques secondes, elles laissent le bruit de la pluie alourdir la pièce immobile, puis Ivy hausse doucement les épaules.
Ses mains se remettent à parler pour elle. Elle raconte les longs séjours à Sainte Mangouste, les murs blancs, l'odeur de désinfectant et de médicaments de la chambre qu'elle ne connait que trop bien, pour y avoir été installée de trop nombreuses fois – tellement que son médicomage Daniel lui avait installé une petite étagère pour y laisser quelques livres et jeux. Une petite étagère rien qu'à elle, et qu'elle seule pouvait ouvrir à l'aide d'une jolie clé dorée.
Elle raconte l'angoisse, la frustration, l'espoir et les désillusions, tous les traitements essayés sans résultats, toutes les longues journées et nuits à surveiller l'état de ses cordes vocales, de sa trachée, de son estomac. Elle lui raconte la frustration de ne pas avoir droit à certains aliments au risque de s'étouffer ou de simplement irriter son estomac fragilisé.
Puis elle raconte les visites de son petit frère, leurs parties de cache-cache, le premier dessin que lui a offert Anna, fille de Daniel et son amie de toujours, leurs jeux pour que le temps paraisse moins long et plus doux. Elle raconte, sans se fatiguer, un petit sourire à la fois triste et mélancolique sur les lèvres. Abigail la regarde, boit ses gestes et s'abandonne à ses récits, oubliant les heures et la pluie.
Ce n'est que quand Madame Pomfresh sort de son bureau pour prévenir Abigail que les visites se termineront bientôt que les fillettes se rendent compte de l'heure qu'il est – presque l'heure du dîner. Abigail s'empresse de rassembler ses affaires et de ranger son livre dans son sac, bientôt interpellée par la main d'Ivy :
— Tu lis quoi ? s'enquiert-elle avec un sourire malicieux que son amie ne comprend pas. Est-ce que tu as essayé de trouver des livres qui parlent d'une magie comme la tienne ?
— Euh, c'est juste un livre d'astronomie. Et non, le professeur O'Cuinn m'a dit qu'il n'existait pas de livres sur une sorte de magie comme la mienne.
— Qu'est-ce qu'il en sait ? Il a lu tous les livres de la bibliothèque peut-être ? réplique aussitôt Ivy en haussant les sourcils.
— Je ne sais pas, bafouille Abigail. C'est un professeur, il est un peu plus au courant que moi.
— D'accord, mais ça ne veut pas dire qu'il sait tout.
Elle pouffe dans ses mains devant le clignement ahuri de paupières d'Abigail, et, pas peu fière de son effet, ajoute :
— A l'hopital j'ai réfléchi. Peut-être es-tu descendante de Merlin ?
— Merlin ? répète Abigail, les yeux de plus en plus écarquillés.
Ivy sourit dans ses mains devant son air incrédule et acquiesce.
— Oui. Il me semble qu'il maîtrisait la magie élémentaire. Peut-être es-tu une de ses descendantes.
— Impossible. Mon père-, chuchote-t-elle avant de grimacer – mes deux parents sont moldus. Mes grands-parents le sont aussi. Il n'y a que ma tante qui soit une sorcière.
Ivy se gratte lentement le menton, les sourcils froncés par la concentration, avant de sourire doucement devant l'air confus d'Abigail.
— Peut-être que tu as raison. Peut-être qu'O'Cuinn ne peut pas tout savoir.
— Je t'aiderai dans tes recherches, si tu veux.
— Tu n'es pas obligée.
— Je sais.
Leurs regards se croisent une seconde avant qu'Abigail baisse la tête en se mordant les joues. Un soupir discret passe ses lèvres et ses épaules s'affaissent.
— J'ai cru que c'était ma faute, tu sais. Ton absence.
La voix de la fillette, à peine murmurée, claque dans le silence. Elle ne regarde pas vraiment Ivy, garde son regard sur les draps, dans une indifférence feinte, et Ivy ne répond rien, incapable de trouver quelque chose de pertinent à rétorquer. Elle croit comprendre, quand Abigail se détourne lentement, qu'il n'y a rien à répondre, que ce n'est que son moyen de laisser s'envoler la culpabilité et de passer à autre chose. Son moyen de lui avouer sa confiance.
— En ce moment je rêve souvent. Je vois une plage, la mer, des rochers et une maison.
Ivy écoute, les sourcils à demi-froncés par la concentration. Elle hoche la tête, invite Abigail à continuer. La fillette se tort les mains.
— Une toute petite maison, cachée par la bruyère, juste en face de la plage, aux volets bleus. Quelqu'un m'appelle depuis l'intérieur, alors je m'approche. Je ne connais pas cette voix mais j'ai envie de m'approcher, tu comprends ?
Ses mains s'arrêtent en même temps que sa voix s'éteint. Ivy attend patiemment. Les yeux d'Abigail sont vissés sur les draps mais elle la sait perdue très loin, au milieu des rochers et du sable.
— Et quand je m'approche, la maison prend feu.
oOo
Il y avait bien des semaines que la musique ne jouait plus en trois temps.
Elle ne jouait même plus du tout.
Le rocking-chair n'avait jamais été remplacé. Seuls quelques chats avaient accepté de continuer à vivre dans son habitation – à défaut d'appeler le taudis qu'elle occupait une maison – après son dernier accès de colère. Seule son habitude tenace, qu'elle refusait d'appeler addiction, quand bien même c'était bien de ça qu'il s'agissait, à la consommation de nicotine subsistait de cette ancienne mélodie.
Et peut-être que c'était mieux ainsi.
Ainsi, elle pouvait apprécier le calme. C'était ce à quoi elle aspirait, finalement. Le calme. La tranquillité, loin du monde, loin des bruits pressés et surtout loin des obligations sociales.
Le calme, une cigarette et un verre de scotch avant de s'endormir.
Assise à sa table, la sorcière jette sa tête en arrière pour cracher la fumée blanche de sa cigarette et apprécier le silence uniquement brisé par le chant de quelques goélands et de la houle au dehors.
C'est un coup de pattes sur ses orteils qui la déconcentre et la sort de son écoute attentive des vagues sur le sable et les rochers. D'abord, elle fronce les sourcils, secoue le pied dans l'espoir de dissuader le félin d'importuner ses chaussettes davantage.
L'essai se solde par un échec - le chat revient aussitôt à la charge, plus violemment encore. La sorcière se fige et ouvre un œil avant de se baisser lentement, en relevant la toile cirée pour prendre connaissance du fauteur de trouble. D'ordinaire, un simple regard suffit aux matous pour les effrayer et les persuader de trouver un autre jeu.
Ses yeux d'ambre ne tardent pas à croiser ceux d'un minuscule chaton noir. Si noir qu'il ressemble à une petite boule de charbon, recroquevillé sur le sol sale, ses pupilles bleues dilatées par l'excitation du jeu.
Les paupières de la sorcière se plissent alors qu'elle retire lentement la cigarette d'entre ses lèvres abîmées, et, en avalant la fumée, elle accorde au petit chat un demi-sourire tordu.
— T'es nouveau, toi.
Pour toute réponse, le matou fixe son regard bleu de chaton sur les quelques mèches de cheveux qu'elle a laissé pendre sans s'en préoccuper. Un simple souffle de vent lui suffit pour se préparer à l'attaque : il secoue les pattes arrières et, les yeux devenus noirs, il bondit sur elle pour, à peine une seconde plus tard, courir se cacher derrière les pieds de la table. Persuadé de s'être suffisamment camouflé, il reprend son manège, sous le regard narquois de la sorcière.
Dans un soupir, elle se redresse et ramène sa cigarette à ses lèvres. Le chaton s'arrête brutalement dans son jeu pour se lécher le dos dans une urgence qui la fait pouffer. Très vite déconcentré par une poussière, il sursaute puis se roule par terre, agacé par sa queue qu'il cherche à mordre, avant de s'aplatir sur le sol, cette fois intrigué par une petite araignée sur le plancher gondolé.
Le ricanement de la sorcière réveille les quelques chats endormis, mais le petit félin noir, trop occupé à mâchouiller l'araignée piégée par ses pattes une seconde plus tôt, ne s'en préoccupe pas plus que les autres s'étirent et s'échappent avec mauvaise humeur.
— T'es drôle, le Noireau. Je te l'accorde, raille-t-elle alors que le chaton renifle le sol et relève bientôt le museau pour éternuer.
L'attention du chaton se porte presque aussitôt sur la fenêtre. Ses yeux bleus grand ouverts, il se fige, bande son petit corps maigre, et très vite, ses pattes tapent contre le parquet alors qu'il court vers la vitre sale.
Le sourire sur les lèvres de la sorcière se fane alors qu'elle tire une nouvelle fois sur sa cigarette dans un geste nonchalant. Ses yeux d'ambre se posent sur la fenêtre où elle ne distingue rien, sinon l'horizon bleuté de la mer.
Les chats, eux, à l'exception de la petite boule noire, se sont carapatés aussi vite que possible. Certains sous les meubles, d'autres par le trou dans le mur.
Mais cette fois, elle ne se presse pas. Elle se contente de souffler sa fumée et d'observer la maigreur du petit chat étiré de toute sa longueur, le museau collé à la fenêtre, ses yeux exorbités pour apercevoir le hibou aux plumes ébouriffées par l'air iodé.
— T'en fais pas, le Noireau. C'est juste Albus qui vient m'emmerder, comme d'habitude.
Elle se lève, chasse le chaton d'un geste de main – mais au lieu de courir se cacher, il se contente de se poster sous la table et d'attendre que le colis soit retiré par la sorcière.
Le hibou hulule de douleur lorsque ses doigts brûlants touchent ses pattes, et s'éloigne sans demander son reste. Nullement ennuyée, elle referme la fenêtre et pose son regard sur le chaton intrigué par l'enveloppe au sceau coloré.
— Oh, tu sais, ça peut se résumer facilement. Albussette pleurniche, ouin ouin, ma Loulou, reviens à Poudlard, j'ai besoin de toi, singe-t-elle, alors que la lettre s'enflamme au contact de ses doigts et brûle, ne laissant derrière elle qu'une fumée noirâtre à la forte odeur. Hors de question. On va le laisser poireauter encore un peu avant de répondre qu'il peut bien se mettre la baguette là où je pense, qu'est-ce que t'en dis, le Noireau ?
Merci d'être allé-es jusqu'au bout du chapitre. J'espère qu'il vous aura plu.
Même si je ne peux pas promettre de réussir à vous répondre, sachez que vos retours sont ma seule source de revenus pour cette histoire et une sacrée source de motivation.
J'espère que vous prenez soin de votre santé physique et mentale.
Des hugs.
Apple
