De la chaleur… de la chaleur et un oreiller en soie. Telles furent les premières sensations qui éveillèrent Hermione de sa froide obscurité. Groggy sous une couverture et allongée non loin d'un feu crépitant, elle perçue l'odeur du bois, de l'encens et d'un étrange parfum dont elle ne put décrire les essences. Fort, marqué et masculin, il envahit ses narines et raviva sa conscience encore engourdie. Pourtant et alors que son esprit reprenait vie, un profond malaise la gagna. Était-elle morte ? Ou dans un cachot ?! Elle se le demanda, inquiète devant la fugacité de ses pensées et la douleur de son corps, jusqu'à ce qu'une autre chaleur ne se mette à se rassasier de sa chaire. Exigeante et brutale, elle la tira violement des restes de son inconscience et lui arracha un cri qu'elle ne sut contenir. Cette chaleur… cette douleur… elle en avait entendu parler. Mais la vivre… ça elle ne l'aurait jamais cru possible. Eblouie par la lumière du lustre scintillant au-dessus d'elle, Hermione ne vit de son bras qu'un bandage ensanglanté et suintant. Découpé sous la forte lumière, elle ne manqua cependant pas de remarquer l'étrange noirceur de son sang mêlé au bleu de ses veines en souffrance. Était-ce possible ? N'avait-elle donc pas rêvé ?!
Bouleversée, un flot de souvenir la frappa soudainement, ravivant en elle la confusion, le désespoir et l'horreur de ses derniers instants de femme libre. « Ainsi et par la présente, je vous condamne solennellement à me servir pour le reste de votre misérable existence. » Non… non, cela ne pouvait être vrai ! Il… il l'avait épargné. Voldemort l'avait épargné. Et pourquoi ? Pour en faire un symbole de la défaite de la Résistance. Une élève au service de la magie noire. Une fidèle marquée au fer blanc par celui à qui elle devrait la vie. Le cœur au bord de lèvres, elle revit la baguette de Sureau lui effleurer la peau de sa magie létale. Une magie qui s'était infiltrée dans son sang, sa chaire, son corps et son âme, pour ne laisser d'elle que le réceptacle de la volonté d'un homme. La volonté de Voldemort.
Au bord d'un second malaise, Hermione chercha à rassembler ses pensées et à réfléchir. Cela ne pouvait pas être les seules raisons. Il y avait autre chose derrière pareille décision. Quelque chose de plus fort et de plus grand qui lui échappait encore ! Pourtant et alors que la jeune femme regardait tout autour d'elle, une autre incompréhension la saisi. Allongée sur une méridienne en face d'un feu vivace, un salon se dévoila peu à peu sous ses yeux. Richement décoré de meubles anciens et tapis brodés, les portraits d'illustres Sorciers sommeillaient aux murs accompagnés d'emblèmes de familles de sang pur et de vielles photos délavées. Des artefacts en tout genre reposaient dans des sombres vitrines, tandis qu'un sur-élèvement laissait deviner l'entrée d'une bibliothèque. Pourtant ce ne fut pas la décoration qui la subjugua le plus, mais bien l'étrange lumière verte qui se projetait en spectre dansant depuis les hautes fenêtres. Intriguée, elle rassembla le peu de force qui lui restait pour s'approcher avant que les ombres fugaces et autres reflets verdâtres ne la frappent dans son ignorance. Le lac Noir. Elle se trouvait sous le Lac Noir. Pourtant, une seule et unique pièce du château offrait un pareil spectacle… la Salle commune des Serpentard.
- Ravi que tu aies survécu.
Sursautant de plus belle à l'entente de sa voix dans son dos, Hermione dû s'accrocher à l'imposante table pour ne pas faillir de nouveau. Imperturbable et impassible dans son imposant fauteuil vert émeraude, Voldemort la regarda reprendre son souffle sans un mot, un léger sourire flottant sur la commissure de ses lèvres. Visiblement satisfait de la voir éveillée, Hermione le vit la détailler avant de fermer son livre et de s'avancer à sa hauteur. Pour autant et à cet instant précis, la jeune femme ne sut plus comment réagir. Devait-elle s'agenouiller sous peine de risquer un doloris ? Le remercier pour l'avoir épargné ? Lui implorer de révoquer sa marque ? Le supplier de l'achever pour mettre un terme à son châtiment ? Elle ne savait plus… à vrai dire, elle ne savait même pas pourquoi elle était là.
- Vous… vous m'avez épargné. Souffla-t-elle alors du bout des lèvres.
- Officieusement, oui.
- Et… officiellement ?
- Officiellement, je t'ai infligé une sentence pire que la mort en te condamnant à une éternité de servitude envers le Seigneur que tu as combattu toute ta vie. L'Histoire ne te connaîtra plus sous le nom d'Hermione Granger la brillante Sorcière du Trio D'or, mais comme Hermione Granger… la célèbre Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres, la Sorcière ayant trahi Harry Potter.
Un symbole de défaite pour toute la résistance. Une humiliation personnelle pour Harry et Ron. Un trophée fièrement exposé à la vue du monde. Et un stratagème impénétrable qui ne laissait subsister aucun doute…
Oui, le Mage Noir n'avait rien laissé au hasard. Il savait qu'il ne pourrait pas la garder en vie pour son seul plaisir. Non il lui fallait une raison, un prétexte suffisamment crédible pour ne pas craindre de rébellion au sein de ses rangs et blesser d'un même coup la Résistance. Et quoi de mieux pour cela, que d'asservir la Grande et Impétueuse Hermione Granger à une éternité de déshonneur et de honte. Si elle n'en avait pas été si bouleversée, la jeune femme se dit qu'elle aurait presque pu applaudir une telle idée. Même elle n'y avait vu que du feu.
- C'est… brillant. Dit-elle finalement.
- J'ai cette réputation. Sourit-il amusé.
- Mais ça n'explique pas pourquoi vous souhaitez me garder en vie…. On ne peut pas dire que je sois une alliée.
A ses mots, le Mage sourit fièrement. En effet, elle n'était pas une alliée ; du moins pour l'instant. Dans un silence énigmatique, Voldemort se détourna et se rassit face à elle. Beaucoup trop enjoué pour ne pas l'effrayer, elle le vit saisir son livre avant de lui lancer à la volée dans un ricanement malicieux. Un livre de Magie ancienne, instable et peu connue du monde magique, qu'elle contempla sans y croire. La reliure était usée et le parchemin délavé après les siècles d'oubli dont il avait fait l'objet mais son contenu… son incroyable et inédit savoir, la fit frémir dans un halètement de stupeur.
- Est-ce que c'est…
- Le sixième recueil de Morgane, en effet.
- Le… le sixième ?! S'exclama-t-elle. Mais seulement quatre ont été répertorié par Merlin !
- Seulement quatre ont été trouvé par Merlin, nuance. Sourit-il. En réalité Morgane en a écrit douze.
- Do…douze ?! S'étouffa-t-elle.
- Douze recueils transmis et soigneusement cachés par son fils William Sayre.
C'était une découverte majeure… pour ne pas dire exceptionnelle ! Et elle la tenait entre ses mains. Elle tenait l'un des plus anciens livres de magie noire jamais rédigé au monde !
- Et vous l'avez trouvé…
- Rectification : je les ai tous trouvé.
- T... Tous ?! Bafouilla-t-elle.
Cette fois, Voldemort rit de bon cœur devant sa sidération. Il s'était douté qu'un tel ouvrage réveillerait l'érudit qui était en elle.
- Et encore… ils ne sont que quelques-uns des milles ouvrages perdus, maudits et oubliés que j'ai retrouvé à travers le monde.
- Mais comment ? Demanda-t-elle subjuguée.
- Grâce à de la détermination, de la patience, de bonnes informations et surtout beaucoup de persuasion. Mais nous le savons tous deux qu'aucune de ses qualités ne me fait défaut... souffla-t-il.
- C'est un véritable trésor... J'avoue que je ne sais pas quoi dire.
- Pour l'instant ! Mais crois-moi… tu trouveras quoi dire après les avoir étudiés.
Avait-elle bien entendu ?! Il voulait qu'elle lise et apprenne les secrets des ouvrages les plus légendaires du monde de la Magie. Des ouvrages que l'on croyait détruit voire inexistant depuis l'aube des temps ?!
- Vraiment ?
- Dans la mesure où tu es l'une des seules Sorcières au monde à part moi, capables de les traduire et de les comprendre, oui.
- Est-ce… est-ce pour cela que vous m'avez épargné ? Se risqua-t-elle à demander. Pour que je vous aide à déchiffrer ces œuvres ?
A sa question, Voldemort rit franchement. Cette fille ne manquait pas de culot si elle croyait qu'il était incapable de le faire lui-même, mais elle n'avait pas entièrement tort pour autant. Il avait besoin de son aide. Aussi, c'est d'un pas léger qu'il se dirigea vers l'imposante table du salon. Porteuse d'une incroyable mappemonde en or finement ciselée, il la frappa du bout de sa baguette et en sortit l'objet même de la présence d'Hermione en ces lieux : la sphère Prophétique. Frissonnant à sa vue, la jeune femme le rejoint le souffle court, hypnotisée par les volutes bleutées qu'elle avait fixé des mois durant avant de se convaincre de se rendre.
- Non très chère. La raison de ta survie est ici-même. Dit-il gravement.
- La Prophétie.
- Exacte.
- Mais je vous ai déjà dit tout ce que je savais. Dit-elle sans comprendre.
- Je sais. Et malheureusement mon savoir est aussi limité que le tien en la matière. Néanmoins, je compte bien y remédier.
Le regard porteur d'une étincelle nouvelle, Hermione le vit contempler la sphère avec crainte, frustration et inquiétude. Loin d'être resté insensible aux présages noirs de la prophétie, il avait passé de longues heures à l'étudier, à l'affut de la moindre clé ou faille pouvant contrecarrer ce à quoi ils étaient prédestinés. Malheureusement, l'évidence ne pouvait être niée. Rien ne laissait entendre qu'ils puissent échapper à l'extinction de la magie ; et rien ne pourrait empêcher l'éclipse de sceller leur destin. Pour autant, Voldemort refusait de céder à la fatalité. Il avait travaillé trop dur, combattu trop longtemps et échoué trop souvent pour tolérer qu'une malédiction divine réduise ses exploits à néant. Aussi, le désespoir de la situation l'avait contraint d'user de solutions désespérées : la première étant d'épargner la vie de cette ennemie, au profit de leur survie.
- Tu voulais des réponses. Dit-il. Cette sphère en est une.
- Je ne comprends pas.
- Nous avons très précisément un an, quatre mois et seize jours avant que cette malédiction ne s'abatte. Un délai outrageusement court je te l'accorde, mais dont nous devrons nous accommoder.
- Pour faire quoi ? Demanda-t-elle septique.
- Pour trouver un moyen de l'empêcher.
Ahurie, Hermione senti son souffle se couper. Empêcher une malédiction divine ? Prédit il y a plusieurs millénaires de cela ? En un an ?! S'il n'avait pas été Voldemort, elle aurait probablement ri aux éclats devant un tel projet ! Mais la détermination de son regard suffit à annihiler tout humour de son cœur. Il était sérieux. Pire encore, il le croyait possible ! Un détail qui la bouleversa presque autant que leur inévitable échec.
- Mais… mais c'est impossible. Dit-elle alors.
- Plus impossible que devenir immortel ? Je ne crois pas. Cingla-t-il.
- Mais ce n'est pas pareil ! S'exclama-t-elle. On parle d'une malédiction lancée par des Dieux ! D'un… d'un fléau à l'échelle planétaire déclenché par un alignement cosmique ! On ne peut pas l'empêcher !
- Parce que personne n'a encore essayé.
Il ne pouvait pas être sérieux… ce qu'il espérait, ce à quoi il aspirait dépassait de loin l'ordre du concevable ! Et pourtant il était prêt à tout tenter. Prêt à lutter contre l'univers tout entier. Un constat qui laissa Hermione pantoise et mal à l'aise devant lui. Elle aussi voulait y croire. Elle aussi avait tenté de se convaincre de leurs chances ! Mais après des mois à chercher, étudier et désespérer, sa résignation n'en avait été que plus grande. Ils auraient beau tout tenter, personne n'était en mesure de déjouer le destin. Même Voldemort…
- Pourquoi crois-tu que j'aie pris le risque de te sauver ? Demanda-t-il subitement en lui faisant face.
- Je…
- Non pas pour mon plaisir. Tonna-t-il froidement. Ou encore pour contrarié cet imbécile de Potter, mais parce que tu es la seule Sorcière de l'histoire à avoir découvert cette sphère et le funeste présage qu'elle renferme. Tu l'as étudié, précisé et plus important encore, tu es la seule à avoir eu assez de jugeote pour le croire ! Malgré l'impureté de ton sang et l'incroyable impertinence de tes principes, tes capacités et ton intellect sont un luxe dont je ne peux me priver à un an de la fin de notre civilisation, alors cesse de tergiverser !
Décontenancée par de telles paroles, Hermione frissonna douloureusement devant l'éclat rougeoyant de son regard. Pétrifiée par sa menaçante proximité, elle senti la puissance de sa dangerosité aussi clairement que son désespoir. Pour autant et alors que tous ses réflexes la préparèrent à mourir dans l'instant pour avoir osé contredire le Seigneur des Ténèbres, la jeune femme ne put passer outre l'étonnante reconnaissance qu'il avait pour ses talents. « Un luxe » avait-il dit… Croyait-il vraiment en sa valeur ? En son intelligence ? Une telle pensée lui sembla idiote devant le frémissement magique que dégagea de sa colère et pourtant… pourtant il semblait sincère ; à tel point qu'il n'hésitait pas à réclamer son aide dans cette œuvre. Une œuvre qui serait à n'en pas douter la plus éprouvante de leurs existences.
- Nous avons un an, quatre mois et seize jours pour sauver notre monde. Cingla-t-il durement. Je ne compte pas gâcher d'avantage de ce temps pour te convaincre alors choisis… Meurs ce soir ou aide-moi.
Le nez à hauteur de son cou, les effluves de l'étrange parfum qu'elle avait senti à son réveil l'envahirent de nouveau. Son parfum. Intimidée et profondément mal à l'aise Hermione détourna le regard, incapable de trouver les mots. Savait-elle seulement quoi dire ? Quoi choisir ?
Mourir ce soir.
Ou mourir dans un an, quatre mois et seize jours.
Le choix semblait impossible dans la mesure où la fin serait identique. Pourtant et alors qu'il la toisait de toutes sa hauteur, un doute la saisit. Il était le plus Grand Seigneur des Ténèbres de tous les temps. Lord Voldemort, le Sorcier qui avait trompé la mort avant de la vaincre à tout jamais. L'homme qui avait renversé la moitié du Monde Magique et retrouvé les plus grands trésors de leur civilisation. Alors peut-être… peut-être avait-il raison d'y croire ? Peut-être existait-il un moyen de les sauver ? En proie à l'incertitude, Hermione se risqua à lui rendre son regard. Impassible, il attendait sa réponse aussi ardemment qu'elle avait attendu son jugement. Pourtant et pour la première fois, elle n'eut pas l'impression de faire face à Voldemort… mais seulement à un égal, ordonnant orgueilleusement son aide malgré l'égo de sa fierté.
- Alors, Miss ? Demanda-t-il du bout des lèvres. Feras-tu preuve de bravoure ?
La gorge serrée, elle resserra le recueil de Morgane entre ses bras et déglutit avec force. Elle regretterait sûrement sa décision… mais l'avait déjà prise.
- Il me semble que… Morgane été la première à consigner ses recherches sur les Eclipses Magiques. Souffla-t-elle.
- C'est exact.
- Dans ce cas… autant commencer par-là.
Engourdie dans la douce chaleur de ses couvertures, Hermione s'étira dans un bâillement ensommeillé. L'esprit embrumé et la bouche pâteuse, son regard se fixa sur les moulures de son nouveau plafond, réveillant peu à peu ses pensées dans la pénombre. Enroulée dans plus de coton et de soie qu'elle n'en avait jamais connu, le luxe de sa chambre la surprit encore… du moins, pas autant que la simple idée que cet endroit soit officiellement devenu sa chambre. Sa chambre. Bon dieu…. Si on lui avait dit qu'elle résiderait de nouveau à Poudlard dans les quartiers de Gryffondor, elle n'y aurait pas cru. Et pourtant, Voldemort avait été très clair.
Elle vivrait ici.
Avec lui.
Dans ce château.
Sous sa surveillance.
Et sans négociation possible.
Prisonnière ? Invitée ? Initiée d'Honneur ? Beaucoup de termes auraient pu définir son avenir proche. Pour autant le seul qui lui vint en tête à l'instant précis, fut celui de Traître. Et pour cause… Elle avait pactisé avec le diable. Elle ! Hermione Granger. Pire encore, elle avait accepté de l'aider. Lui ! Voldemort, le pire sorcier que ce monde n'ait jamais porté ! L'homme qui avait redéfinit leurs droits, libertés et devoirs ! L'homme qui marchait sur terre en tant que Maître absolu ! A bien y réfléchir, cette hérésie semblait sortir tout droit d'une fantaisie. Et pourtant, chacun de ses mots résonnaient aussi clairement que ceux de sa sentence.
Loyauté. Dévouement. Respect. Obéissance.
Un serment aux allures d'échafaud dont la simple pensée lui donna une nausée. Et tout ça pourquoi ? Pour accomplir l'impossible. Certes, la cause était noble et plus qu'urgente mais… cela ne changeait rien. Elle avait choisi de trahir ses principes. Elle avait choisi de renier sa vie. Et pas à cause de son jugement ou de sa marque, non ! Mais bien par sa seule et unique volonté. Un détail tout aussi surprenant que le Mage noir lui avait laissé le choix. « Meurs ce soir ou aide-moi. » Beaucoup auraient pris cet ultimatum pour du chantage, mais pas elle. Non à vrai dire, elle ne s'était même pas attendue à survivre à son procès. Aussi et en toute honnêteté, Hermione avait considéré sa proposition. Elle avait considéré l'idée de mourir. L'absence de souffrance, l'oubli et le repos… que de cadeaux qu'elle avait désespérément attendu aux heures les plus sombres de son existence. Mais aujourd'hui… à un an de l'extinction de leur civilisation et devant le regard désespéré du plus Grand Mage Noir de tous les temps, un espoir lui était apparu.
L'espoir de ne pas mourir en vain.
L'espoir de tenter l'impossible.
L'espoir de vivre…
Oui, Hermione espérait beaucoup. Et pourtant, elle pouvait déjà entendre les gros titres de la Gazette. Hermione Granger, la plus Grande Traîtresse de l'Histoire. Tel serait son nom. Celui de la Sorcière la plus détestée du Monde libre, la traîtresse la plus recherchée par la Résistance et la plus Grande Honte du Trio d'or. Oui… Ils la haïraient, mettraient sa tête à prix et tenteraient probablement de l'arracher au Seigneur des Ténèbres pour lui faire payer sa trahison. Une évidence qu'elle n'ignorait pas et qui malgré sa résilience, lui brisait le cœur. Elle aurait beau tout tenter, jamais ils ne comprendraient. Jamais ils ne lui pardonneraient… et ça, Voldemort le savait. Or, il ne pouvait se permettre de voir une chasse à l'homme s'orchestrer autour de sa nouvelle « propriété ». Elle était trop précieuse, trop… nécessaire. Il avait besoin d'elle et de son savoir. D'elle et de sa détermination maladive ! D'elle et de son obsession pour les mythes et légendes de ce monde ! Non… il ne pouvait se permettre de la perdre à l'heure où ses seuls espoirs de réussite brillaient en elle. Ainsi, lui était venu une idée. Celle de ses nouvelles règles de vie… Enfermée dans le château elle devrait suivre ses ordres, écouter ses enseignements, l'aider dans ses recherches, respecter son statut, ne jamais sortir sans lui ou escorte et surtout… ne pas faillir à sa promesse. Tel était le nerf de leur nouvel accord ; celui qu'ils avaient scellé dans un ultime regard avant de se séparer et qu'elle pouvait sentir ronger son cœur : La promesse de ne jamais abandonner leur quête…
Ils en mourraient tous, Hermione n'en doutait pas mais elle s'y était engagée. Aussi et à partir d'aujourd'hui, sa nouvelle vie commençait.
Pourtant et alors qu'elle se redressait peu à peu dans son lit, Hermione n'imaginait pas ce qui l'attendait. Désormais Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres, elle supposait que ses seuls droits seraient de vivre et de percer le secret de la prophétie. Mais c'était sans compter le profond respect du Mage pour le Protocole. Un protocole dont la jeune femme ignorait tout, jusqu'à ce que Narcissa ne débarque soudainement dans sa chambre et n'ouvre violement ses rideaux d'un coup de baguette.
- Debout très chère ! Le soleil est levé et votre première leçon se doit de commencer.
Figée devant un tel spectacle et encore embrumée de sommeil, Hermione ne sut comment réagir. Presque effrayée devant son étrange bonne humeur, elle la vit s'avancer gaiement dans sa chambre, une garde-robe toute entière lévitant dans son dos. Stupéfaite devant les centaines de tenues défilant sous ses yeux, la jeune femme crut halluciner. Elle ne s'était pas attendue à devoir porter autre chose qu'une robe de sorcier. A vrai dire… elle ne s'était pas attendue à ce qu'une Malfoy soit missionnée pour la réveiller !
- Narcissa ? Dit-elle sans comprendre. Que… que faites-vous là ?!
- Voyons jeune fille, je suis venue vous préparer ! S'exclama-t-elle.
- Avec… avec tout ça ?
Son rire cristallin résonna brutalement dans ses oreilles. Pourtant et alors qu'elle s'attendait à être moquée, Hermione fut surprise de voir Narcissa la regarder… avec tendresse.
- Ne dîtes pas de sottise. Même si je souhaiterai pouvoir vous faire essayer tout ceci pendant des heures, je n'ai qu'un temps limité en votre compagnie alors commençons votre première leçon !
- Première… leçon ?!
- Donc ! Les corsets tressés, robes de soirées et jupons sont pour les réceptions ; les robes longues et cintrées pour les audiences ; les jupes et autres tailleurs pour les jours de travails et par pitié… harmoniser vos couleurs ! On ne porte jamais de noir avec du bleu marine, du vert avec du pourpre et surtout pas de rouge et or dans ce château ! Pour ce qui est des chaussures, je vous conseille de…
A peine éveillée et encore dans son lit, Hermione la vit déblatérer ses règles d'habillement avec plus d'entrain que Bellatrix n'en avait à torturer ses victimes. Les yeux lourds, elle peina à écouter ses conseils et fautes de goûts proscrites, mais décrocha complétement devant les laçages complexes de ses corsets et hauteurs indécentes de ses talons…
- En tant que nouvelle Protégée du Maître, vous devrez nécessairement vous tenir à sa droite pendant ses déplacements. Continua-t-elle. Pas de couleurs vives ! Seulement du noir, du vert ou du bleu marine s'il vous y autorise. En matière de coiffure, vos boucles désordonnées seront interdites ! Chignons, tresses et queues de cheval seront de rigueurs…
Si les discours éventés de Ginny sur la mode lui avaient semblé profondément inintéressants pendant son adolescence, les ordres de Narcissa lui donnèrent la chair de poule. Pas de couleurs vives, des robes pour chaque occasion, des talons de douze centimètres, les cheveux relevés, des chaussures assortis aux ceintures, une manucure neutre mais élégante… tant de règle, de consignes et d'interdits qu'Hermione fut surprise d'avoir eu le droit de dormir en pyjama ! Pour autant, un mot résonna plus fort à ses oreilles. Le seul qui réussit à la sortir de son lit.
- Vous avez dit « Protégée » ?! L'interrompit-elle brusquement.
- Bien sûr ! Dit-elle comme si cela tombait sous le sens. Le titre d'Initiée d'Honneur d'un Mage Noir est très ancien ! D'ailleurs, tout un chapitre lui est consacré dans le livre des Manières et Coutumes des Sangs-Purs.
- Le… le quoi ?!
- Le livre des Manières et Coutumes des Sangs-Purs ! Vous devrez le lire et l'apprendre par cœur le plus tôt possible. Bien entendu, je serais là pour vous aider.
- Oh, c'est… c'est très aimable à vous Narcissa mais ne vous donnez pas cette peine. Dit-elle à la fois émue et intimidée par sa soudaine dévotion.
- Tout au contraire ma chère, c'est mon devoir.
- Votre… votre devoir ?
- En tant que Tutrice ! S'exclama-t-elle en ouvrant son armoire.
Des leçons d'accoutrements ? Un livre de bonne manière ? Et une… une Tutrice ?! Cette fois Hermione vit double. Sentant son sang quitter ses joues, un vertige la contraint à se rassoir tandis que Narcissa s'attelait déjà à préparer sa tenue du jour.
- Originellement, les Initiés d'Honneurs n'étaient que de jeunes enfants recrutés si tôt que leurs potentiels magiques étaient découverts. Les Mages Noirs en faisait leurs élèves afin d'assurer une forme de relève ou de Dynastie dans certains pays d'Orients. Des Tutrices étaient donc nommées afin de les élever, leur enseigner les arts et convenances du siècle et d'en faire de parfaits Sorciers de Monde.
A cet instant, Hermione ne sut pas ce qui la déstabilisa le plus. Qu'elle ait été mise sous tutelle à son insu ou que Narcissa Malfoy en est l'air profondément heureuse ?! Pourtant et malgré le fou rire qui lui prit la gorge, la jeune femme ne put y croire. Était-ce… sérieux ? Là était donc le rôle d'Initiée ?! Celui d'une élève sous tutelle, paradant aux côtés de son Maître ?! Non, cela ne se pouvait pas ! Elle avait accepté d'aider Voldemort à empêcher l'extinction de la magie, pas d'être « éduquée » par une Malfoy !
- Bien entendu, on attendra de vous un comportement exemplaire. Continua-t-elle. Il est vrai que votre pédigré ne jouera pas en votre faveur, mais n'ayez crainte ! Les Ministres et Hauts dignitaires ne prendront pas le risque d'offenser notre Maître. Quant aux mangemorts et bien… ce ne sera pas facile mais ils se plieront à sa volonté. Tout n'est qu'une question de temps et d'attitude. Votre dévotion et autres talents finiront par les convaincre de votre valeur.
Le souffle court, la jeune femme sentie une soudaine panique l'envahir. Par Merlin… Des Ministres, des Hauts Dignitaires, les Mangermorts… eux aussi feraient parti de son nouveau quotidien. Eux aussi, jugeraient son allure et comportement. Eux aussi, détermineraient sa valeur ! Le cœur au bord des lèvres, sa chambre lui parut plus petite, l'air irrespirable et la douleur de sa marque insupportable. Il n'était pas uniquement question de sa docilité envers Voldemort… il était question de sa complète et totale dévotion envers le monde qu'il avait créé. Un monde rempli de faux sourire, d'hypocrisie, de Mangermorts cruels et de parlementaires corrompus. Un monde qu'elle avait exécré toute sa vie et dans lequel elle serait malgré tout plongée pendant un an, quatre mois et quinze jour… Une véritable éternité.
- Vous devrez rester attentive, à l'écoute et sur vos-gardes. Dit-elle avidement. Nul doute que beaucoup tenteront de vous pousser à la faute et de vous ridiculiser devant la Cour du Maître, mais ne vous en faîte pas ! Assura-t-elle confiante. Je vous apprendrais à parler, marcher, manger et danser avec la grâce et l'élégance qui sied à votre rang !
Ne pas s'en faire… ne pas s'en faire ?! A cet instant, Hermione ignorait seulement si elle aurait le courage de quitter sa chambre. L'esprit en feu, les mots de Narcissa se mirent à la hanter. La pousser à la faute ? La ridiculiser ? Bon Dieu… mais dans quelle horreur avait-elle pu tomber ?! Toutes ses nouvelles notions, attentes, coutumes et autres détails ne faisaient pas parti de son monde ! Et pourtant, on attendrait d'elle qu'elle s'y conforme. Qu'elle incarne ce rôle aux allures de comédie pour régaler la galerie et faire la fierté de son nouveau « bienfaiteur » ! Mais comment pourrait-elle seulement espérer réussir ? Elle avait passé sa vie à mépriser ces rites archaïques ! Pire encore, elle avait passé ces dernières années à vivre en cavale dans les bois ! Un détail que les Mangemort ne manquerait sûrement pas de lui rappeler, une fois qu'elle serait jetée entre leurs griffes... Au bord du malaise, Hermione s'accouda sur ses genoux et déglutit dans un frisson. Si elle avait cru que chercher un moyen d'empêcher l'extinction de la magie serait le défi le plus insurmontable de sa vie, elle s'était fourvoyée… car aujourd'hui, c'était bien au monde des sang-purs qu'elle devrait s'intégrer. Un défi qu'elle savait perdu d'avance pour la simple et bonne raison qu'elle n'y arriverait jamais. Elle serait toujours Hermione Granger la Sang de Bourbe de Potter… rien de plus ! Et prétendre le contraire serait mensonge ! Pourtant et alors qu'elle désespérait, la jeune femme senti Narcissa s'assoir à ses côtés.
Loin de se réjouir de sa pâleur, la Malfoy ne manqua pas de remarquer sa soudaine détresse et se mordit la lèvre dans un soupir de culpabilité. Enjouée à l'idée de l'éduquer telle une véritable sang pur, elle avait presque oublié à qui elle s'adressait… mais également ce que tout ceci représentait à ses yeux. Cette jeune fille n'avait fait que fuir le monde dans lequel on lui demandait de faire son entrée, et elle ne parvenait qu'à l'en terroriser davantage ! Aussi, c'est d'une étonnante tendresse que Narcissa lui prit la main. Surprise par un pareil contact, Hermione la regarda sans comprendre avant que le poids de ses nouvelles responsabilités n'embrume ses yeux de larmes angoissées. Des larmes à peine contenues, qui suffirent à briser le cœur de la Malfoy.
- Oh Hermione, veuillez m'excuser…
- Non, ce… ce n'est pas votre faute. S'empressa-t-elle de dire en essuyant ses joues d'un revers de poignet.
- Si j'ai… j'ai manqué de tact. C'est votre première journée en tant qu'Initiée d'Honneur et je n'ai réussi qu'à vous effrayer.
- Non, je… j'aurais dû m'y attendre. Dit-elle. J'ai un statut à respecter désormais. Et… et une image.
- La pression sera rude, je ne peux vous le cacher mais… sachez que je ferais de mon mieux pour vous aider.
- Merci mais je doute que cela suffise…
- Ne dis pas de sottise ! Vous êtes brillante et avez été choisi par le Maître lui-même. Il a vu votre potentiel !
Son potentiel pour l'aider à sauver le monde magique… pas à jouer les Serpentard de hauts-rang.
- Ne vous en faîte pas. Insista-t-elle. Je vous apprendrai tout ce que je sais et ferais de vous l'Initiée d'Honneur la plus distinguée que le Monde Sorcier ait jamais connu.
Bien qu'elle doutât que cela soit possible, la sincérité de ses mots la toucha au-delà de ce qu'elle put imaginer. Elle voulait réellement l'aider. Un détail qui l'apaisa, autant qu'il la surprit dans son mal.
- Et puis, estimez-vous heureuse. Sourit Narcissa. Ma sœur a supplié le Maître de la nommer à ma place.
- Grand Dieu…
L'idée que Bellatrix se charge de son éducation lui fit plus froid dans le dos que le souvenir de sa dague ! Aussi, c'est presque que soulagée qu'Hermione contempla Narcissa. Il était vrai qu'un fossé les séparaient. Qu'il s'agisse de principes, valeurs, culture et coutumes, les deux femmes n'avaient rien de plus en commun qu'Harry et Voldemort. Pourtant et malgré tout, elle avait été là. Le soir de son jugement, elle n'avait pas hésité à la soigner, l'habiller et la coiffer. Elle avait pris soin d'elle comme l'aurait fait une véritable mère, alors que rien ne l'obligeait à faire preuve d'une quelconque douceur. Et aujourd'hui, elle l'aidait encore. Une réalité qu'elle ne put nier et qui l'aida à éclaircir ses pensées. Elle n'était peut-être pas familière avec la notion de « Tutrice » et de « Protocole », mais n'avait pas le choix. Qu'elle le veuille ou non, elle devrait se conformer à l'étiquette et à ce monde dont elle ignorait tout. Et ce même si c'était la dernière chose qu'elle faisait de la dernière année de sa vie.
- Allez-vous laver. Dit-elle doucement. Nous sommes pressées, le Médicomage personnel du Maître vous attend dans une demi-heure.
- Le… médicomage ?!
- En tant que nouvelle Tutrice, il était de mon devoir d'informer le Maître de votre état de santé. Souffla-t-elle gênée. Nul besoin de préciser que les… traitements de vos amis l'ont profondément outré. Il a donc ordonné que vous soyez examiné ce matin-même. Il va de soi que le corps de sa propre Initiée d'Honneur ne puisse rester profané de la sorte.
Au ton de sa voix Hermione n'eut aucun doute. Voldemort savait pour ses blessures... Il savait ce qu'Harry et Ron lui avait fait. Et d'ici peu, il saurait tout. Subitement honteuse, elle se mordit la lèvre dans un soupir frustré et sentie son échine frissonner. A croire que cette matinée ne faisait qu'empirer.
- Ensuite, je vous habillerais convenablement pour votre premier petit déjeuner avec le Maître et vous commencerez votre apprentissage. Conclut-elle en se retournant vers ses habits. Nous nous retrouverons en fin d'après-midi pour votre leçon d'étiquette.
Un petit déjeuner avec Voldemort… Des leçons d'étiquettes… Si l'Ordre pouvait entendre le programme de sa journée, nul doute qu'il suffirait à les achever d'une crise cardiaque ! Pourtant le seul mot qu'elle retînt fut bien celui « d'Apprentissage ». Le terme officiel de sa pénitence mais elle ne se faisait pas d'illusion. Elle ne ferait rien d'autre que ce à quoi elle s'était engagée la veille ; autrement dit, chercher avidement et désespérément un moyen de sauver leur magie.
Perturbée et franchement mal à l'aise de voir Narcissa commencer à classer ses nouveaux sous-vêtements, Hermione reprit contenance et s'empressa de s'engouffrer dans la salle de bain. Le souffle court, elle s'accrocha à la vasque en Marbre de son lavabo et déglutit dans une sueur froide. Un médicomage, un petit déjeuner, une nouvelle garde-robe, un enseignement complet des bonnes manières… et pourtant, elle ne devait pas faillir. Elle devait garder son sang-froid et assumer ce que son nouveau rôle impliquait. Mais pour l'instant, ce qu'elle redouta le plus fut bien l'idée d'être auscultée. Le cœur au bord des lèvres, la jeune femme détourna le regard de son reflet. Elle plus que quiconque savait quelles marques et blessures ornaient son corps. Un corps meurtri, mutilé et décharné. Un corps qui ne lui avait plus appartenu pendant des années et dont les restes se reflétaient douloureusement devant elle. Un corps qui la paralysait déjà de honte. Non… Elle ne voulait pas y faire face. Elle ne voulait qu'un parfait inconnu répertorie les actes de « charités » de ses chers et tendres amis ! Et pourtant elle n'avait pas le choix… elle ne pourrait y échapper. Car si Voldemort l'avait lui-même mandaté, nul doute qu'il attendrait un rapport complet et détaillé de la nouvelle cruauté d'Harry Potter…
Hello ! Voici un nouveau chapitre ! J'espère qu'il vous a plu ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ;)
