- C'est ridicule… siffla rageusement le Mage Noir en refermant un livre.

- L'Etude des chiffres quantiques et cosmiques ne donne rien ? S'enquit Hermione surprise.

- Oh je suis sûr qu'elle donnerait quelque chose si les auteurs de cette théorie avaient fait preuve d'un minimum de sérieux mais de toute évidence… nous sommes les seuls sorciers de ce misérable monde à ne pas spéculer bêtement pour noircir les pages d'un livre. Cingla-t-il amer. Cette œuvre n'est qu'un ramassis de calculs erronés et vides sens !

Déçue devant pareil constat, Hermione soupira dans sa frustration. Leurs pistes s'amenuisaient aussi sûrement que le temps qui leur restait.

- Vous devriez faire une pause. Dit-elle alors.

- Non. Tonna-t-il vivement. Nous n'en avons ni le luxe, ni le temps ! Où en es-tu ?

- J'ai encore la moitié du dernier recueil de Morgane à traduire, mais pour le moment je… je n'y trouve rien de probant.

- Par Salazar… siffla-t-il. Cette piste est un véritable échec.

- Et les livres de magies divines ?

- L'apanage de la magie blanche sur un fond de mélodrames féériques… une autre perte de temps.

Acculée devant leur manque de résultat, Hermione se mordit la lèvre devant les reflets de la sphère de leur malheur. Trônant au centre de la table tel un joyau maudit, elle l'avait fixé avec espoir et curiosité pendant des semaines, priant vainement pour que leurs déterminations suffisent à exhumer ses noirs secrets. Pourtant et après un mois de dur labeur aux côtés de Voldemort, la jeune femme sentait la fatalité anéantir les restes de leurs efforts. Car oui, contre toute attente et à la surprise de tous, cela faisait désormais un mois qu'Hermione Grange était devenue l'Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres.

Un mois…

Hermione n'aurait pas cru cela possible et pourtant… Elle n'avait vu passer ni les heures, jours et semaines. A croire que le temps s'était arrêté à l'entrée de la bibliothèque, les plongeant tous deux dans une dimension où les lois du temps et de l'espace tombaient en désuétude.

Bon sang... Un mois !

Tant de choses étaient arrivées… Tant de choses et pourtant si peu. Le monde avait tremblé à l'annonce de sa nomination, faisant couler encre, larmes et cris de contestations. Pourtant, cela n'avait pas duré. Surprise de voir le monde sorcier s'apaiser seulement une semaine après le rendue de sa sentence, le nouveau quotidien d'Hermione Granger, l'Initiée de Voldemort, était né. Ponctué des regards assassins du peu de mangemorts qu'elle croisait et des articles incendiant des journaux clandestins de l'Ordre, la jeune femme fut surprise de trouver sa nouvelle vie agréable, pour ne pas dire presque… idyllique. Certes elle arborait désormais une marque encore à vif dont la noirceur imprégnait sa peau un peu plus chaque jour, mais comparé à ce qu'elle avait vécu elle dû se rendre à l'évidence... Elle n'avait rien de quoi se plaindre. Un mois qu'elle dormait dans des draps propres et mangeaient à sa faim. Un mois que le médicomage lui offrait soins, conseils et attention méticuleuse. Un mois pendant lequel elle avait réussi à reprendre du poids, à cicatriser et à en apprendre plus sur la magie qu'en toute une vie ! Un mois de paix, de calme et de tranquillité… Même les leçons passionnées d'étiquette, de maintien, d'histoire des coutumes, de marche, de révérences et de danses de Narcissa, avaient réussi à susciter son attention ; à tel point, qu'elle s'était faîte aux ports de talons, corsets, robes et autres tenues protocolaires ! Et Dieu seul savait que cet exploit était le plus grand. Aussi et pour la première fois depuis des années, la jeune femme n'avait plus à survivre… mais seulement à vivre. Un changement radical, brutal et à peine croyable. Un cadeau dont elle n'avait jusqu'alors pas mesuré l'ampleur. Une chance, dont l'importance la frappait désormais chaque jour qui lui était donné de vivre.

Pourtant, le plus gros changement de sa vie était le plus inattendu : Voldemort lui-même.

Un mois s'était écoulé depuis son audience. Un mois entier passé à éplucher, étudier, traduire et interpréter plus d'une centaine d'ouvrages magiques. Un mois de dur labeur parcouru de doutes, d'angoisses et de peurs. Et pourtant… un mois pendant lequel Hermione n'avait jamais été aussi heureuse. Aussi malgré sa surprise, sa honte et son orgueil, elle ne put le nier. Être devenue l'Initiée d'Honneur de Voldemort était de loin l'aventure la plus incroyable de sa vie. D'abord incertaine quant à la teneur de leurs recherches, Hermione avait été impressionnée par l'assiduité de son nouveau Maître. A l'écoute, cordiale et même respectueux à son égard, un rythme s'était installé, accompagné de nouvelles habitudes et de moments presque… plaisant. Le silence autrefois pesant de leurs heures de lecture, s'était allégé. Les conversations gênées de leurs repas, s'étaient animées. Tandis que leurs distances et conflits fondamentaux s'étaient contre toute attente apaisés ! Loin de leurs premières journées de travaux passés aux extrémités de la bibliothèque, ils étudiaient désormais tous deux installés sur une immense table en acajou. Cachés par des piles de livres et amas de feuilles volantes, ils s'enfermaient tous deux dans un silence paisible, interrompus de questions, discussions, débats et concertations. Fascinée par son savoir, Hermione n'hésitait plus à lui poser mille et une questions, galvanisant son envie d'en apprendre toujours plus et enfiévrant la joie du Mage d'exposer ses connaissances.

Bien sûr, il lui était étrange de reconnaître le talent d'un homme qu'elle avait hait toute sa vie, mais plus le temps passait, plus la jeune femme ne parvenait plus à cacher sa profonde admiration pour lui. Pertinent, fascinant, distingué et plus cultivé que tous les sorciers qui lui avait été donné de rencontrer au cours de sa vie, Hermione ne se surprenait plus de sa suprématie. Et pour cause, elle allait de pair avec la grandeur de son esprit… un esprit qu'elle avait peu à peu appris à connaître sous un nouveau jour et qui la fascinait un peu plus à chaque instant. Un esprit ambitieux et réfléchit, à la magnificence rare et aux idées lumineuses. Un esprit qu'elle écoutait avidement et observait avec curiosité. Un esprit qu'elle n'aurait jamais soupçonné et pour qui elle éprouva un étonnant et profond respect. Car oui… Après plus d'un mois de travail acharné, Hermione ne pouvait plus nier son profond respect pour Lord Voldemort. Un état de fait contradictoire avec ses principes et torturant sa conscience plus que de raison, mais bien réel, qui lui avait ouvert les yeux sur la cause qu'elle avait défendu toute sa vie.

Certes, ses idéaux étaient durs, cruels et dénués de respect pour tout ce qui s'assimilait de près ou de loin aux moldus. Mais sa grandeur… sa puissance… son intelligence… jamais elle n'avait encore été témoin d'une telle chose. Aussi, elle dû se rendre à l'évidence. Quoi qu'ils fassent, tentent ou espèrent, Harry et Ron n'auraient jamais la moindre chance contre lui. Elle n'avait jamais eu la moindre chance contre lui… et ne s'en offusquait même plus. Voldemort était invisible, tout puissant et inéluctable ! C'était un fait, plus rien ne pourrait le vaincre. Et malgré la douleur de son orgueil meurtri, Hermione ne pouvait s'empêcher d'être fière qu'il l'ait choisi. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais égaler ses infinies connaissances et pourtant il reconnaissait son intelligence. Il reconnaissait avoir besoin d'elle... Une vérité qu'elle n'aurait jamais espéré possible mais qui l'avait mené à être son élève aujourd'hui. C'est donc avec engouement que les deux sorciers étaient tous parvenus à retracer la vie de Morgane, de Merlin, d'une dizaine d'autres sorciers historiques et à répertorier tous les livres abordant de près ou de loin les Eclipse Magiques. Un travail titanesque, sans fin et fastidieux ! Pourtant et bien entendu, un pareil succès ne pouvait que revêtir les traits de leurs échecs. Car malgré leurs avancées, celles-ci étaient toujours trop maigres, trop lentes et superficielles...

Il ne leur restait qu'un an, trois mois et quinze jours avant la fin de leur magie ! Et pourtant rien encore ne suggérait qu'ils puissent l'empêcher. Une sublime et magistrale défaite, que Voldemort contemplait les dents serrées et les poings liés. Car même si le sérieux et les facultés de sa nouvelle élève l'impressionnait, ni l'un ni l'autre n'était proche de la moindre découverte. Un constat qui malgré l'étonnante évolution de leur relation, malmenait son humeur et galvanisait sa colère… Aussi, c'est mal à l'aise qu'Hermione le regarda se lever dans un grondement sourd. Leurs pistes s'épuisaient. Malgré leurs efforts et travail acharné, rien ne suggérait que leurs espoirs étaient fondés. Rien ne suggérait qu'ils puissent empêcher ce fléau de les frapper...

- Quand ta leçon avec Narcissa commence-t-elle ? S'enquit-il subitement.

- Dans deux heures.

Songeur après sa réponse, le Mage déglutit et passa une main sur son visage défait. De toute évidence, ses cours de bienséance devraient attendre.

- Non… nous devons tout reprendre depuis le début. Ragea-t-il. Arnis !

Apparaissant sous ses yeux dans un bruit sourd, l'elfe de maison s'aplatit immédiatement devant son maître, son nez crochu raclant le sol dans le souffle de sa petite voix.

- Oui, maître ?

- Fais savoir à la Tutrice de mon Initiée que leurs cours de la journée sont annulés. Je la garderais avec moi jusqu'à ce que j'en décide autrement.

- Bien maître. Arnis peut-il vous être d'une autre aide ? Demanda-t-il terrorisé par le ton du Mage.

- Apporte-nous de quoi nous restaurer d'ici une heure. La soirée risque d'être longue…

- Bien sûr Maître. Avec plaisir Maître.

L'Elfe disparu presque aussitôt, ne laissant qu'un profond silence à sa suite, alourdi par sa colère grondante.

- Je ne comprends pas notre échec ! S'exclama-t-il alors. Nous avons tout lu, tout vérifié, tout traduit et pourtant nous ne sommes pas plus avancés ! C'est grotesque…

C'était vrai… pourtant et tout en fixant les mirages bleutés de la sphères, Hermione ne put s'empêcher de frissonner. Cette petite sphère avait retourné leur vie, leurs espoirs et leur futur. Mais ils n'en savaient pas plus. Ni sur son fléau, ni même sur elle…

- Peut-être brûlons-nous certaines étapes ? Dit Hermione songeuse.

- Etapes ?!

- Oui nous… nous nous efforçons de trouver un moyen d'empêcher l'extinction de la magie mais… nous ne savons même pas d'où vient cette sphère. Dit-elle.

- Du Grimoire de Merlin. Cingla-t-il agacé.

- Non, je veux dire… Merlin n'était pas devin ! Il… il n'a pas pu créer cette prophétie.

- Que veux-tu dire ?

- Si Melin n'en ait pas l'auteur, cela implique qu'il en était seulement le gardien. Le seul moyen de remonter la source de cette sphère serait donc de retrouver son prophète originel !

- Un prophète dont nous ignorons tous… Soupira-t-il amer. Bien que j'apprécie la teneur de ton raisonnement, nous n'avons pas la moindre idée ou piste d'idée qui pourraient nous mener à lui. Cela reviendrait à rechercher un seul sorcier parmi tous ceux ayant existé !

Une recherche impossible… certes, mais Hermione ne parvînt pas à s'ôter cette idée de l'esprit. Il y avait quelque chose à propos de cette sphère ; quelque chose d'évident et d'essentiel qui leur échappait malgré leurs efforts. Mais quoi ?! Ils avaient écouté la prophétie un millier de fois, décortiqué chaque mot, chaque phrase et image ! Rien n'en était ressorti ! Pas un seul indice ! Non, cela ne se pouvait pas… les prophéties n'étaient qu'un ensemble d'énigmes complexes et perfides ! Ils en avaient peut-être percé la plupart avec la découverte de l'Eclipse et de sa date fatidique mais leur peu de résultats parlaient pour eux. Il y avait autre chose. Quelque chose qui reposait là, sous leurs yeux depuis le début mais qu'aucun d'eux ne parvenait encore à atteindre.

- Peut-être as-tu raison… souffla-t-il finalement après plusieurs minutes. Nous aurions bien besoin d'une pause.

Surprise par sa soudaine fatigue, Hermione vit le Mage s'affaler dans un bâillement épuisé. Obsédé par leur quête, elle n'avait pas manqué de remarquer les plis de ses vêtements froissés et le violet plus prononcé de ses cernes. Aussi et malgré la perfection de ses traits, elle n'eut aucun mal à deviner la migraine qui assaillait ses tempes et la chaleur brûlante de ses yeux rougis de fatigue. Des détails anodins et étonnement humains, qu'elle fut surprise de relever en dépit de son immortalité. A croire que même le puissant des hommes, pouvait manquer de sommeil.

- Je dois avouer que pour la première fois de ma vie… je suis perdu. Soupira-t-il.

Stupéfaite devant un tel aveu, Hermione esquiva un sourire dépité. Si Voldemort lui-même s'avouait vaincu, quelles chances leurs restaient-ils ?

- Vraiment ? Demanda-t-elle. Vous… vous n'avez jamais…

- Echoué ? Dit-il à sa place. Bien sûr que si ! Mais… pas comme ça.

- Nous n'avons pas encore échoué. Assura-t-elle. Il nous reste des tas d'œuvres à étudier et je suis sûr que…

- Oh pitié… Soupira-t-il agacé. Temporise tes espoirs gryffondirens un instant veux-tu ?! Nous sommes coincés. Admets-le.

La dureté de son ton lui fit grincer des dents, pourtant et malgré son envie fulgurante de lui répondre, Hermione se mordit la lèvre et soupira à son tour. S'enfonçant sur sa chaise, elle regarda d'un œil lointain les milles et un livres qu'ils s'évertuaient de déchiffrer, avant que les volutes bleutées de la sphère ne la narguent depuis son trépied. A croire que même les Dieux se riaient d'eux.

- Vous avez raison. Dit-elle alors les lèvres pincées. Nous sommes coincés.

- Enfin une parole censée. Railla-t-il entre ses dents.

- Je… je dois avouer que je suis surprise de vous voir renoncer. Souffla-t-elle alors.

- Ah oui ?

- Vous êtes le mage le plus puissant de tous les temps. Vous… vous avez réécrit les codes de la magie ! Dit-elle. Même si cela vous a pris plus de soixante ans, vous avez réussi. Vous n'avez pas abandonné.

Aussi surpris par ses mots que son audace, Voldemort la regarda dans un grondement sourd. Se rendait-elle seulement compte de ce qu'elle venait de dire ? D'insinuer ?! Sûrement pas à juger son sourire réconfortant et pourtant… elle devrait impérativement revoir son sens de la formulation.

- En effet… siffla-t-il. Je suis un vieux Mage Noir de plus de soixante-dix ans qui en parait vingt, alors dans ton intérêt ne tente pas ma patience. Siffla-t-il menaçant.

- Je ne cherchais pas à vous offenser !

- Dans ce cas, rappel moi d'ordonner à Narcissa de t'apprendre l'art du tact. Cingla-t-il. De toute évidence, côtoyer ces sals cancrelats de Potter et Weasley n'a pas aidé à parfaire ton éducation.

Vexée et ahurie par une telle susceptibilité, Hermione ne trouva pas quoi répondre. Venait-elle vraiment d'offenser Voldemort en lui rappelant son âge ? En d'autres circonstances elle en aurait probablement ri, mais s'abstînt devant l'éclat rougeoyant de son regard d'abysse. Grand Dieu… à quoi pensait-elle ? Réconforter Voldemort ?! Autant inviter un vampire à sortir en plein mois d'Aout ! Sans rien dire, elle déglutit et se renfonça dans son siège, l'esprit embrumé et la bouche pâteuse. De toute évidence, elle aussi manquait de sommeil.

- Veuillez m'excuser. Dit-elle alors en rongeant sa fierté. Ma remarque était déplacée.

Triturant le bandage de son bras dans le nouveau silence qui suivit ses mots, Hermione ferma les yeux et respira avec force. Son corps souffrait des onguents de fortifications que le Médicomages ne cessait de lui appliquer, tandis que ses pieds saignaient encore des exercices de maintien de Narcissa. Pourtant et alors qu'elle sentait sa nuque se raidir, Voldemort ne vit que son geste inconscient contre sa marque. Un geste qui l'intrigua et qui lui fit oublier sa déplaisante remarque.

- Te fait-elle encore souffrir ? S'enquit-il curieux.

Surprise, Hermione hésita à répondre franchement. De toute évidence, elle avait dépassé son quota d'impertinence pour le reste de sa journée.

- J'ai connu pire. Souffla-t-elle. Ce n'est pas grand-chose.

- Hum… bien. Plus la cicatrisation est longue, plus l'ancrage sera fort. C'est bon signe.

A ces mots, la jeune femme ne sut pas si elle devait s'en réjouir ou en pleurer. A croire que lui non plus, n'excellait pas dans l'art du tact.

- Ne t'en fais pas. Continua-t-il. Elle sera entièrement guérie d'ici deux semaines. Tu n'auras plus à t'affubler de ces bandages.

Une fois encore, Hermione frissonna à la simple idée de ne plus pouvoir cacher cette atrocité. Un serpent rampant autour d'un crâne qu'elle n'avait pas encore eu la chance d'admirer… un véritable chef d'œuvre de magie noir qu'elle devrait contempler graver sur sa peau jusqu'à la fin de ses jours. Un sortilège, un symbole et une allégeance, qu'elle n'aurait jamais plus le luxe d'oublier.

- Quelle joie. Grimaça-t-elle du bout des lèvres.

- Les sarcasmes ne te siéent guère. Fit-il remarquer dans un sourire.

- Je m'efforcerais de les travailler avec mon tact…

Franchement amusé par son répondant, Voldemort ricana doucement devant la férocité de son regard. Qu'elle soit une Gryffondor ne le surprenait pas. Cette fille savait aussi bien ronronner que mordre à pleine dent. Une faculté dangereuse en de tels lieux mais qu'il ne put s'empêcher de trouver étrangement divertissante. Au moins, elle ne l'encombrait pas de niaiseries hypocrites.

- Je dois avouer que ton tempérament est des plus surprenants. Dit-il alors songeur.

- Beaucoup auraient un avis prononcé sur la question… souffla-t-elle.

- Je n'en doute pas. Ta réputation te précède.

Gênée, la jeune femme détourna le regard. Aux vues des titres les plus récents de la Gazette, elle ne préférait pas imaginer ce que l'Histoire retiendrait d'elle.

- Pourtant, il y a une chose que je ne parviens pas à comprendre. Avoua-t-il.

- Laquelle ?

- Potter et Weasley. Dit-il plus fort.

Leurs noms firent frissonner son échine dans un spams douloureux. Un réflexe révélateur et profondément triste, qui laissa Hermione muette devant lui.

- Comment ? Demanda-t-il brusquement.

- Comment quoi ?

- Ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Tonna-t-il durement. Comment une femme telle que toi, a-t-elle pu laisser des êtres de leurs espèces t'infliger pareils supplices ?

Désemparée, Hermione se mordit la lèvre et contînt un énième frisson. Comment ? Pourquoi ? Tant de questions qu'elle s'était posée un millier de fois… et pourtant jamais la réponse ne lui avait plût.

- J'imagine que… je n'avais pas le courage de les combattre.

- Sottises ! S'agaça-t-il.

- Non, je…

- Hermione, ne joue pas à ce petit jeu avec moi. Siffla-t-il entre ces dents. Tu peux garder tes discours larmoyants pour le médicomage mais je n'attends rien de moins que la vérité.

La vérité… celle qui la hantait derrière chaque ombre du jour ? Celle qui la paralysait une fois la nuit tombée ? Celle qui la réveillait en sueur et en cris dans ses draps emmêlés ? Celle qu'elle voyait dans chaque reflet de son corps meurtris ? Cette vérité ?! Non, elle ne pouvait la lui avouer. Elle avait trop honte… trop de peine, trop de douleur. Et pourtant, elle sût d'avance qu'il ne la laisserait pas inventer un énième mensonge. Elle avait peut-être détourné les soupçons de son médicomage, mais ne pourrait leurrer le Seigneur des Ténèbres. Il connaissait les tourments, la tortures et la cruauté mieux que quiconque en ce bas monde. Aussi, elle savait qu'il n'ignorait pas quel genre de fardeau elle devait porter.

- Je… je ne suis pas fière de ce qui m'ait arrivé. A vrai dire, je… j'en ai honte. Souffla-t-elle la gorge serrée.

- Pourquoi ?

- Vous l'avez dit vous-même… ce ne sont que des brutes. Des simples d'esprits. Cracha-t-elle amer. J'aurais dû me défendre et me battre.

- Mais tu ne l'as pas fait.

- Pas au début. Avoua-t-elle sans le regarder. J'avais… j'avais espéré que ma douleur et mes… supplications les pousseraient à arrêter. Que ma peine leur fasse comprendre quel genre de monstres ils étaient en train de devenir mais… j'avais tort. Et avant même que je ne m'en rende compte, c'était trop tard. J'étais piégée.

La douleur qu'il sentit transparaître dans chacun de ses mots le fit frémir. A bien la regarder, elle semblait encore là-bas avec eux… démunie et en souffrance sans aucun moyen de leur échapper. Elle semblait encore leur prisonnière.

- Ils ont commencé par des sorts basiques de désenchantements... puis par des formules de plus en plus complexes et douloureuses avant de commencer à perdre patience. C'est là qu'ils ont trouvé cette veille malle d'objets magiques datant du Moyen-âge et que le calvaire a véritablement commencé…

Un calvaire. Oui, c'était le mot. Le premier de son enfer.

- J'ai été stupide ! S'exclama-t-elle brusquement. Je… je voulais tellement les convaincre ! Je… j'étais prête à tout ! Il fallait qu'ils me croient. Il fallait qu'ils comprennent l'urgence de la prophétie ! Alors je… je leur ai dit que le seul moyen de sauver le monde était de se rendre à vos soldats et de vous montrer la sphère en personne.

Bouche bée devant un tel aveu, Voldemort déglutit amèrement devant la gravité de son acte. Demander à Harry Potter de se rendre… pour une fin de monde qu'il croyait imaginaire… sans garanti de survie, ni même d'écoute… Grand Dieu… Oui, elle avait été stupide. Profondément et incroyablement stupide. Car si la résistance avait eu des scrupules à la punir, nul doute qu'ils s'étaient irrémédiablement envolés après un pareil discours.

- A partir de ce jour, je n'étais plus qu'une traître à leurs yeux. Alors ils… ils m'ont pris ma baguette, m'ont attaché à un pilori et m'ont fouetté avec un instrument de purification avant de me laisser dehors pendant deux jours et de nuits. Ils étaient persuadés que le Grimoire ou l'un de vos mangemorts m'avait ensorcelé ; que j'étais corrompue et que la magie noire me rendait folle. Alors ils ont continué de me battre, de me blesser et de m'affamer jusqu'à ce que je ne sois plus qu'un amas de chaire incapable de parler, de supplier ou même de pleurer… Je n'étais plus rien.

Sa voix se brisa à ses derniers mots, révélant l'étau de larmes et de sanglot qu'elle contenait avec peine dans sa gorge. C'était la première fois qu'elle en parlait autant… la première fois qu'elle racontait son supplice. La première fois qu'elle réalisait l'ampleur de la cruauté qu'elle avait subi.

- Et c'est là qu'ils t'ont abandonné. Conclu-t-il du bout des lèvres.

- Oui… Alors à votre question : je ne sais pas. J'imagine que j'espérais les convaincre… que ma souffrance leur montrerait ma détermination, ma foi et ma certitude !

- Mais ça n'a fait que galvaniser leur haine et méfiance.

- Je n'aurais pas dû leur parler de la nécessité de vous montrer cette prophétie… ajouta-t-elle. C'est à cet instant qu'ils n'ont plus eu la moindre retenue. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

- Hermione…

- C'est la vérité ! Insista-t-elle. Si je n'avais pas insisté, si… si je ne leur avais pas demandé de se rendre, peut-être m'auraient-ils écouté ? Ils ont tellement souffert de notre défaite, tellement pleuré nos morts et tellement lutté pour rester caché… je n'avais pas le droit de leur demander un tel sacrifice. D'une certaine façon et même si ça me coûte de le dire je… je comprends leur réaction. Ils m'ont pris pour une ennemie et m'ont traité comme telle. Espérer le contraire était idiot de ma part…

Les dents serrées, Voldemort la regarda lutter contre sa douleur et respira avec force. Ils avaient eu peur d'elle... Peur qu'elle ne se rende. Peur qu'elle ne parle. Peur que ce soit un piège. Et à cause de cette peur, ils l'avaient brisé, sali et entravé tel un animal enragé. Ils avaient tenté de la sauver d'un mal qui n'existait pas, se changeant eux-mêmes en bêtes infâmes et perverses se pavanant dans leurs ignorances. Ils n'avaient pas essayé de la comprendre. Ils n'avaient pas essayé de l'aider. Non… ils avaient tenté de la réparer ; de la garder en tant qu'objet de savoir utile à leur cause. Et pourtant, leur échec vivait aujourd'hui devant lui. Vivante, élégante, bien portante et plus brillante que jamais, Hermione Granger se tenait là, fière, téméraire, prête à sauver leurs magies et à faire partie des nobles de ce monde. Oui… dans sa suffisance, Harry Potter avait commis l'erreur de trop : celle de se mettre à dos la Sorcière la plus intelligente de ce siècle et avec elle… son nouveau Maître. Une erreur que le Mage n'avait certainement pas l'intention d'ignorer. Aussi peu lui importait le temps et les efforts qu'il devrait déployer, il ne laisserait pas l'honneur de son Initiée rester ainsi bafoué. Elle aurait sa vengeance. Ils l'auraient tous deux.

- Désolé. Déclara-t-elle soudainement en essuyant ses joues d'un revers de poignet. Vous devez sûrement me trouver pitoyable.

Surpris par un tel jugement envers elle-même, Voldemort laissa esquiver un sourire. Malgré tout ce qu'elle avait vécu, elle doutait encore de sa valeur et de sa légitimité. De quoi le désoler autant que de l'émouvoir un court instant.

- Il est vrai. Concéda-t-il. Je trouve la majorité des sorciers de ce monde profondément pitoyables... Mais aucun d'eux n'est mon Initiée d'Honneur.

Désemparée, Hermione le regarda émue et désorientée par la soudaine fierté de son regard abyssale. Le pensait-il vraiment ? Elle ne le sut pas mais préféra le croire, le cœur étrangement apaisé par la froideur réconfortante de sa sollicitude.

- En toute franchise, je n'attendais rien de notre collaboration. Continua-t-il. Au mieux tu… tu m'aurais allégé du poids des basses besognes de recherches. Mais j'avais tort. Bien que je n'aie pas toujours été de cet avis, il est évident que tu vaux mieux que la plupart des rats grouillants de ce château. Déclara-t-il. A vrai dire, il se pourrait même que tu vailles bien mieux que tous mes fidèles réunis. Alors fais-moi une faveur veux-tu ? Ne doute plus jamais de toi.

- Je…

- C'est un ordre Granger. Insista-t-il. Je te l'interdis formellement.

Une soudaine fièvre au front, la jeune femme sentie sa marque s'éveiller douloureusement aux ordres de son Maître. Mal à l'aise, elle perçue la brûlure de sa peau sous son bandage et se mordit la lèvre dans un spams de stupeur. Il ne parlait pas que pour la réconforter… il voulait qu'elle obéisse. Qu'elle ne doute plus jamais d'elle et de ses capacités. Qu'elle fasse preuve de fierté et d'assurance. Mais y arriverait-elle seulement ? Incertaine, Hermione le regarda sans trouver quoi dire. Elle ne voulait pas gâcher sa chance. Elle ne voulait pas rester la petite sang de bourbe que l'on avait attaché au pilori. Elle ne voulait pas rester cet objet de pitié et de honte… elle voulait s'élever.

Et il voulait l'y aider.

- Je… je vous le promets.

- J'y compte bien. Sourit-il étonnement heureux.


« Ainsi, pendant la nuit plus noire du siècle le plus sombre de l'humanité, la magie divine offerte en cadeau s'éteignit… laissant ainsi errer les carcasses nues et salies de honte des sorciers redevenus hommes… » Répéta Hermione du bout des lèvres.

- De dis-tu ? Bailla Voldemort entre deux livres.

Fatiguée et un bol de fraises à la main, la jeune femme soupira de plus belle. Décoiffée, cernée et le corset à moitié délacé, elle n'avait eu de cesse de rejouer cette phrase en boucle, la sphère insolente trônant devant elle. Déjà plusieurs heures s'étaient écoulées depuis qu'Arnis avait apporté leur repas. Aussi, c'est plus épuisés que jamais qu'ils s'étaient replongés dans le labyrinthe infernal de leurs lectures, le cœur gros et une migraine aux tempes.

- Ces mots… ils m'interpellent. Soupira-t-elle.

Surpris de la voir réécouter la prophétie, Voldemort se tourna vers elle et lu ses notes brouillonnes. Pourtant et comme toujours, rien de productif ne semblait capable d'en sortir.

- Pourquoi ce vers en particulier ? S'enquit-il surpris

- Il est le dernier avant l'évocation de la renaissance de la magie. Dit-elle songeuse. Je ne sais pas pourquoi mais… il me semble important.

- Important ?

- Oui je… j'ai l'impression qu'il y a un sens caché.

Un sens caché ? Probablement. Cette prophétie n'était qu'un condensé d'énigmes toutes plus incompréhensibles les unes que les autres. Aussi, Voldemort le répéta à son tour sans grand espoir. Pourtant et alors que les mots goûtaient une énième fois ses lèvres, une révélation l'interrompit soudainement. Une révélation qui peu à peu, peignit une profonde stupéfaction sur son visage.

- Oh bon sang… souffla-t-il brusquement.

Ils étaient stupides.
Profondément et incroyablement stupides.

- Qu'y a-t-il ?

- Les hommes… dit-il alors sans y croire.

- Quoi ?!

- Les hommes ! Il n'est question que des sorciers ! S'exclama-t-il brusquement.

Surprise par le nouvel éclat de son regard, Hermione ne sut que répondre.

- Heu… oui des sorciers redevenus moldus.

- Non, réfléchis un peu ! Tonna-t-il. Cette prophétie ne parle que de la magie que les Dieux ont arraché aux sorciers mais elle ne dit rien sur les autres détenteurs de magie !

- Les autres détenteurs de magie ?!

- Oui !

- Comme… les créatures magiques ?

- Exactement ! La prochaine Eclipse éteindra toute la magie de notre terre mais la première… celle dont parle la prophétie n'a fait qu'ôter leurs pouvoirs aux sorciers ! Elle n'a éteint que leur magie, pas celle du monde !

Pas celle du monde… pas celle du monde… pas celle du monde… cela voudrait donc dire que…
Bouleversée devant l'énormité de ce que cela impliquait, Hermione en lâcha ses fraises et le regarda le souffle court.
C'était là depuis le début… Et ils ne l'avaient pas vu.

- Les créatures magiques ont survécu… souffla-t-elle alors.

- Les créatures magiques ont survécu ! Répéta-t-il plus fort.

Les créatures magiques avaient survécu à la première extinction de la magie !
Les créatures magiques avaient survécu à la première extinction de la magie !

C'était énorme. C'était une découverte. C'était une avancée ! L'adrénaline au cœur, le Mage s'empressa de courir jusqu'aux escaliers, une Hermione déboussolée sur ces talons. Si leur théorie était juste alors peut-être auraient-ils une chance de trouver d'autres informations ? Peut-être auraient-ils une chance de trouver des réponses ?! Accourant jusqu'à l'étage répertoriant l'ensemble des œuvres portant sur les créatures magiques, ils s'orientèrent d'instincts vers la section des vampires et des sirènes. Ces créatures magiques étaient les plus anciennes ayant jamais existées ! Des êtres de mystères et de vices qui erraient sur cette terre depuis des millénaires ! Ils auraient des réponses. Ils auraient des réponses !

- Si un cataclysme magique s'est abattu il y a plusieurs milliers d'années, les sirènes doivent s'être transmises cette légende ! S'exclama la jeune femme.

- Et les vampires ont sûrement tenté d'en tirer profit. Ajouta Voldemort. Les écrits racontent qu'ils ont connu un Âge d'Or de plusieurs siècles avant que les sorciers n'anéantissent leur suprématie il y a quatre mille ans de ça !

- Ça rejoindrait la date des écrits de la civilisation maya !

- Et on serait en mesure de dater précisément la première extinction de la magie… souffla-t-il en transe.

Oui… ils avaient une piste. Une piste plus prometteuse et solide que tout ce qu'ils avaient trouvé jusque-là. Aussi, ils s'empressèrent de faire léviter plus d'une centaine de bouquins jusqu'à leur table et de vider presque l'intégralité des étagères les intéressant.

Voldemort avait raison. La nuit allait être longue.


Hello ! Alors comme vous l'avez vu on a fait un petit saut dans le temps, avec l'acclimatation d'Hermione dans sa nouvelle vie + quelques petites infos supplémentaires sur ce qu'il s'est passé avec Ron et Harry ! J'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à laisser un commentaire ! ;)