- Hermione ! Hermione !

Hurlant à tout va le long des berges, Voldemort sentit son poing enserrer douloureusement sa baguette. Une heure et demie qu'elle avait disparu… une heure et demie qu'il hurlait à pleins poumons, le regard fou et la peur au ventre. Une heure et demie pendant laquelle son impertinente Initiée aurait pu mourir mille fois ! Oh il allait lui faire payer cet affront… cette audace… cette folie insensée… du moins, si les sirènes ne l'achevaient pas elles-mêmes.

Non ! Non, il ne pouvait l'envisager ! Hermione vivait et pour cause, sa marque vibrait toujours. Il pouvait le sentir ! Sa magie vivait encore à travers son allégeance ! Un détail sur lequel le Mage tenta vainement de s'ancrer afin de ne pas perdre pied dans ses pensées. Cette sale petit arrogante… cette infâme sang de bourbe… cette horripilante Miss je sais tout… Grand Dieu, qu'avait-elle pensé ?! Elle allait se faire tuer ! Et pourquoi ? Pour prouver qu'elle avait raison. Existait-il orgueil plus odieux ? Raisonnement plus abjecte ?! Non et pourtant lui-même avait commis des folies au cours de sa vie. Mais ça ?! Se livrer aux sirènes en pleine nuit… sans soutient, ni renfort… dans l'espoir d'en disséquer une ?! Cette simple idée lui parût si risible qu'il aurait pu en hurler de rire. Et pourtant sa propre Initiée se trouvait dans ces eaux à l'instant-même dans l'espoir d'y parvenir.

Horrifié, il tenta de calmer son souffle malgré l'angoisse oppressante qui lui dévorait l'esprit. Trempé jusqu'aux os et affublée d'un simple pantalon, Voldemort passa une main agitée dans ses boucles humides et s'accroupit à même le sable dans un soupir enragé. Le regard rivé sur les reflets obscurs de l'eaux, il maudit les sirènes plus qu'il n'avait jamais maudit aucune créature magique… car en plus d'être vicieuses, ces abominations avaient fait preuve de malice. Effrayées par la noirceur de son pouvoir, elles avaient réuni l'intégralité de leur magie défensive dans la création d'une barrière qui lui était à cette heure infranchissable. Aussi, il avait eu beau plonger… encore et encore… jamais il n'était parvenu à s'enfoncer dans les profondeurs du lac. Jamais il n'était parvenu à l'atteindre, elle. Un échec et un sentiment d'impuissance qui lui laissèrent un goût d'horreur sur la langue. Grand Dieu… lui Voldemort, tenu en échec par une banc de poisson. Des sirènes ! C'est une honte ! Un affront ! Un mauvais jeu du destin aux contours infâmes et horripilant ! Il aurait mieux fait de libérer un Feudeymon afin de faire frire ces sales vermines dans l'instant ! Mais Hermione était encore avec elles… un fait qui l'enrageait plus encore.

Etouffant un cri entre ses dents, le Mage frappa le sol de sa haine et entendit résonner les sortilèges de ses fidèles dans l'obscurité de la nuit. Eux aussi cherchaient à franchir la barrière du Lac, mais leurs efforts étaient vains… car leurs magies noires étaient reliées à la sienne. Aussi, l'ironie du sort avait voulu que seule Hermione puisse y plonger en toute sécurité. De quoi lui faire maudire les Dieux davantage… le souffle court, Voldemort grimaça, affligé par la fatalité. Il aurait sûrement dû rire et la laisser mourir. Après tout, c'était elle qui avait plongé ! Elle qui l'avait décidé ! Si sa stupidité la menait à la mort, et bien soit ! Elle l'aurait choisi ! Mais plus il l'envisageait, plus une nausée lui ravageait le cœur. Non… Il ne pouvait tolérer pareil supplice. Il ne pouvait la laisser se faire tuer. Hermione Granger était insupportable et impertinente mais elle était son élève. Son Initiée ! Sa propriété ! Si quelqu'un devait la tuer, ce serait lui ! Et non pas une bande de sirènes acculées au fond d'une marre de boue.

- Hermione… siffla-t-il en direction du lac. Entend ton Maître par-delà les eaux.

Il ne pouvait peut-être pas l'atteindre, mais elle le pouvait encore.
Elle pouvait survivre.
Elle n'en avait pas le choix.

- Entends-moi. Tonna-t-il plus fort. Je t'ordonne de revenir. Entends-moi !

Mais les eaux restèrent lisses et silencieuses, semblable à la Mort qu'il pouvait sentir planer dans l'air iodé des berges.

Nulle âme ne vivait ici.
Nulle âme ne pouvait survivre au Lac.

Pourtant et alors qu'un profond désespoir commençait à l'envahir, un frisson hérissa ses cheveux mouillés. Un frisson, suivit d'une sensation… avant que sous ses yeux ébahit, un éclair de feu ne jaillisse soudainement des eaux. Plus chaux et irradiant que jamais, il transperça la nuit jusqu'aux cieux, déclenchant vagues et remous sur le rivage. C'était de la vieille Magie. De la Magie Prophétique… Subjugué, la lumière se tarit aussi soudainement qu'elle était apparue avant qu'elle ne laisse subitement place à un souffle.

Le premier d'une longue apnée.

Immergée de moitié, Hermione se dressa devant lui et haleta avec détresse. Les poumons en souffrance, elle tituba avec difficulté tout en crachant l'eau qu'elle avait respiré. Pourtant le Mage ne put esquiver le moindre geste. Assommé par le choque et la délivrance de la savoir vivante, il ne parvînt pas à bouger, plus désemparé qu'il ne l'avait jamais été. Aussi, il vit la jeune femme s'avancer jusqu'à la berge, non pas couverte d'eau… mais de sang. Ruisselante de la tête au pied, balafrée de toute part, le corps lacéré de coup de griffe et de marques de crocs, Hermione rejoignit le sable humide dans une trainée rougeâtre effrayante. Une traînée qui sous ses yeux ébahis gagna peu à peu l'intégralité des eaux. Vermillons, les remous du lac colorèrent le sable brun d'une mélasse ensanglantée dont l'odeur ferreuse se répandit tout autour d'eux. Paniqué devant un tel phénomène, on entendit les Mangemorts hurler au loin. Mais Voldemort, lui, en resta sans voix et même… hypnotisé. Qu'était-il arrivé ? Qu'avait-elle fait ? Il l'ignorait. Pourtant et à la regarder rejoindre la terre, il n'eut aucun doute. Hermione Granger venait d'accomplir l'impossible. Essoufflée dans sa lente ascension, elle sortit des eaux dans une grimace douloureuse mais ne s'écroula pas. A la place, elle regarda tout autour d'elle avant que son regard ne s'ancre subitement dans celui de son Maître. Figé dans sa stupeur il ne parvînt pas à parler ; mais n'eut pas à le faire. Car devant lui, Hermione sourit. Plus heureuse que jamais, elle sourit malgré ses blessures et son sang, et s'avança jusqu'à lui dans une fierté triomphante. Une fierté qu'il ne comprit pas jusqu'à ce qu'il ne les voie…

Deux cœurs.
Deux cœurs encore chauds, battant et couverts de sang, cachés au creux de sa paume.
Deux cœurs dont l'un d'eux scintillait d'une magie inédite… d'une magie semblable à celle de la sphère. D'une magie prophétique.

N'en croyant pas ses yeux, Voldemort chercha à parler ; à dire quelque chose, quitte à seulement hurler ! Mais une fois encore, il sentit ses paroles s'évanouir quand il la vit s'agenouiller. Le dos droit, le regard franc, la tête haute et un sourire aux lèvres, Hermione lui fit face comme jamais auparavant. Elle lui fit face, heureuse.

- Maître… dit-elle essoufflée dans son sourire. J'ai l'honneur de vous offrir ce cadeau, en maigre compensation pour les tourments que je vous ai causé.

Elle l'avait fait.
Malgré le danger, l'inconscience et la folie… elle l'avait fait.

- Les cœurs de la Reine-Mère des sirènes du Lac Noir.


Un corps imposant, ruisselant et enfiévré.
Un corps puissant, fort et dangereusement ciselé.
Un corps à l'aura implacable… et au regard d'encre et de feu.
Un corps parmi l'obscurité, qui éveilla subitement Hermione de ses songes.

Confuse et désorientée, seule l'ombre de ce corps la ramena à elle malgré la douleur. Allongée sur une méridienne près d'un feu, elle sentie peu à peu ses sens s'éveiller avant que ses membres bandés ne lui fassent amèrement payer son réveil. Les dents serrées et le souffle coupé par la brûlure de ses plaies, la jeune femme déglutit à la sécheresse de sa gorge et tenta d'ordonner ses pensées.

Une folie.
De l'eau.
Et du sang… tellement de sang…

Mais une réussite. Une réussite au goût salé et iodé qui envahit sa langue et assécha son palais. Engourdie dans son mal, le son de son propre râle ouvrit ses paupières, lui dévoilant la lueur tamisée des fonds du Lac Noir. Prise de panique, une peur l'envahit, la poussant à se redresser dans la quête de sa baguette. Mais elle n'était plus sous l'eau… elle n'était plus là-bas. Et alors qu'elle regardait autour d'elle, l'évidence la frappa.

Les reflets verdâtres du Lac Noir n'étaient plus.
La Nature même du Lac Noir n'était plus.
Les sirènes du Lac Noir… n'étaient plus.

Horrifiée devant les reflets rougeâtres qui envahissaient l'ancienne Salle commune des Serpentards, Hermione déglutit malgré sa migraine et se risqua à se lever. Boitillante jusqu'aux fenêtres à travers le salon privé de son Maître, les eaux désormais vermeilles du Lac l'hypnotisèrent dans sa stupéfaction. C'était elle… c'était elle qui avait fait ça.

- Fière ? Demanda une voix dans son dos.

Sursautant une fois de plus, Hermione sentit une nouvelle peur l'envahir à la vue du Mage Noir. C'était lui… le corps découpé d'obscurité qui l'avait hanté dans son inconscience. Un corps qui avait sillonné les berges, hurlé son nom et tenté d'empêcher sa folie. Un corps qui aujourd'hui, se dressa dangereusement devant elle dans un soupir menaçant. Intimidée devant lui, ses souvenirs se réalignèrent sous ses yeux, peignant alors un clair récit de ce qu'elle avait accompli il y a peine quelques heures de çà. Grand Dieu… il allait la tuer. Non ! La torturer ! Ou pire encore… et pourtant elle avait réussi. Elle lui avait ramené les deux cœurs de la Reine-Mère ; avait prouvé leur magie prophétique, survécu à l'attaque de plus d'une centaine de sirènes assoiffées de sang, et était même parvenue à évincer la menace d'une guerre entre leurs peuples ! Mais l'absolu de sa décision… les conséquences de sa folie… l'horreur de son crime… ne resteraient pas impunies. Aussi c'est affligée par la fatalité qu'Hermione baissa le regard devant Voldemort et souffla du bout des lèvres.

- Maître je…

- Répond à ma question. Dit-il simplement.

Les mains derrière le dos et le regard étrangement calme, Hermione ne sut pas quoi dire. Était-elle fière d'avoir prouvé ses dires ? D'avoir accompli ce que nul n'avait jamais accompli ? D'avoir défié un peuple marin ancestral ? D'avoir survécu à une horde de monstre ? Ou… de lui avoir prouvé son erreur ?

- Je dirais que… je suis fière de certaines choses. Déglutit-elle.

Hochant la tête à sa réponse, Voldemort la regarda un instant avant de se détourner. Nonchalant, il s'assit dans son fauteuil et soupira d'un air contrarié, le cœur plus tourmenté que jamais. Deux heures s'étaient écoulées depuis qu'elle s'était écroulée dans ses bras, inconsciente et au bord de la mort. Deux heures pendant lesquelles, il l'avait regardé, indécis quant à ce qu'il devait faire. Deux heures qui ne lui avaient pas apporté plus de réponses… Aussi c'est dans une grimace qu'il l'invita à la rejoindre dans le fauteuil voisin. Inquiète devant sa soudaine invitation, la jeune femme hésita avant que la douleur de ses jambes lacérées par les sirènes ne la force à obtempérer. Allait-il lui hurler dessus ? La punir d'un silence oppressant ? Ou simplement la tuer d'un coup de baguette muet ? Elle l'ignorait mais redoutait chacune de ses possibilités. Elle avait commis l'impardonnable. Elle l'avait défié... Pire encore elle lui avait désobéit… consciemment... délibérément, le mettant alors devant le fait accompli sans qu'il ne puisse plus rien y faire. De ce qu'elle savait, personne n'avait jamais osé faire ça… ou du moins, personne ayant essayé n'y avait jamais survécu. Aussi, c'est plus pâle que la Mort qu'elle s'assit en face de lui à côté de la cheminée. Les mains croisées devant sa bouche, le Mage la détailla pendant de longs instants, torturé par l'innombrable champ des possibles qui s'offrait à lui. Pourtant, aucun ne lui convenait. Et pour cause… ce que son Initiée avait fait ce soir, était une première. Une première qu'il n'avait jamais imaginé au cours de sa vie et qui le laissait pantois devant elle.

- Comment es-tu parvenue à descendre dans les profondeurs du lac ? Demanda-t-il.

Un interrogatoire.

Elle était déjà passée par là. Aussi, elle déglutit dans sa soif et soupira. Décidément, elle n'aurait de cesse de vivre sous le joug de son jugement.

- J'ai… j'avais 14 ans quand le Tournoi des Trois sorciers a débuté. Harry était l'un des champions mais… sa nomination a fait scandale. Toujours est-il que pour détourner les médias de cet imprévu, Dumbledore a mis en place des épreuves très… audacieuses. L'une d'elle consistait à envoyer quatre élèves au cœur du Lac Noir. Les champions avaient pour mission de les retrouver et de les ramener en surface.

- Et où veux-tu en venir ? S'impatienta-t-il.

- Je… je faisais partie de ces élèves. Souffla-t-elle. Dumbledore avait négocié une paix temporaire avec les Sirènes du Lac, afin qu'elles tolèrent notre présence et s'assurent qu'il n'y aurait pas de tricherie. Il a donc ensorcelé et gravé quatre chaînes, afin qu'elles nous entraînent jusqu'à leur repère et nous permettent de respirer sous l'eau.

Là était donc la faille. Une chaîne magique… ensorcelée par Dumbledore… il y a plus de sept ans de cela. Une chaîne qui l'avait entraîné dans les fonds du lac malgré la barrière défensive des sirènes et lui avait permis de respirer sous les eaux. Une chaîne oubliée et inconnue de tous, excepté elle. Affligé, Voldemort passa une main sur son visage dans un sourire vaincu. Même ça, il n'aurait pu l'imaginer.

- Je savais que ces chaînes n'avaient pas été détruites alors je les ai cherchés dans la cabane de maintenance près du Lac. Rusard les y avait rangé. Continua-t-elle.

- La cabane de Maintenance… répéta-t-il amer.

- Je… je savais que cette chaîne me mènerait directement jusqu'aux sirènes.

- Et après ça ?

- J'ai… j'ai rencontré la Reine-Mère et ses filles.

A la gravité de son ton, Voldemort posa son regard sur les plaies à peine cachées par les bandages d'urgences de son Médicomage. Ses lacérations, morsures et griffures avaient bien failli le faire tourner de l'œil, à tel point que lui-même ne savait comment elle avait pu y survivre. A croire que nulle créature sur cette terre, n'était en mesure de l'achever...

- Elle… elle m'a avoué que certaines Reines détenaient des pouvoirs prophétiques.

- Et pourquoi te l'aurait-elle dit ? S'agaça-t-il. Les sirènes détestent les sorciers.

- Justement. Elle… elle savait d'avance qu'elle ne me laisserait pas remonter en surface avec ses secrets.

- Je vois.

- Mais elle a trop parlé…

Sa remarque fronça ses sourcils à mesure que le regard d'Hermione se perdit dans le vide. Absente, elle fixa les flammes du feu sans les voir, de nouveau plongée dans les remous sombres et glacés du Lac.

- Elle m'a dit que notre espèce ne tarderait pas à disparaître. Que les sirènes reprendraient le contrôle sur les océans et se réjouiraient de notre chute… que l'ère de notre décadence prendrait bientôt fin, pour laisser place à leur règne imminent. Dit-elle d'une voix blanche. C'est là que j'ai compris. Elle savait pour la prophétie. Et elle ne pouvait savoir que si elle-même avait connu leur ère de domination. Alors…

Sa voix se brisa au souvenir de son poing enfoncé dans sa cage thoracique. Fébrile, elle put presque sentir la brûlure de son sang palpitant contre sa peau… la force de ses deux cœurs vibrant sous sa main… la terreur de la Reine à la seconde même de sa mort.

- Alors tu lui as arraché ses cœurs. Conclut Voldemort.

Envoûté par les songes qui l'habitaient, le Mage la vit relever la tête dans un frisson. Oui. Elle l'avait fait. Sans hésiter… sans douter… sans culpabiliser... elle avait arraché les cœurs de cette reine à même sa poitrine. A mains nues. Un acte dont l'audace n'avait d'égal que la cruauté, et qui le fascina plus que toute autre chose.

- J'avais espéré ne pas en arriver là. Mais elle allait me tuer, alors… j'ai saisi ma chance.

- Jusqu'à ce que ses filles ne se jettent sur toi.

Ce souvenir la fit grimacer malgré elle. S'il y avait bien une chose qu'elle ne pouvait pas enlever aux sirènes, c'était bien leur réputation de tueuses nés ; car jamais encore Hermione n'avait encore connu de griffes plus acérées.

- Je savais que je ne pourrais pas m'en sortir alors… avant de ne finir en lambeau, je me suis servie de la Magie prophétique de son cœur pour invoquer un vieux sortilège.

- Un rayon de feu ancestral. Dit-il. Un sort mortel à la puissance inégalable, capable d'anéantir toute vie autour de lui.

- Allié à la magie prophétique de la Reine Mère, je savais que… qu'il n'affecterai que les sirènes qu'elle avait engendrées.

- Et qu'il les anéantirait ?

Anéantir. Un mot si dur. Si fort. Et pourtant si vrai.

- Oui. Souffla-t-elle du bout des lèvres.

Un rayon de feu ancestral… allié à la magie prophétique du cœur encore battant d'une Reine-Mère. C'était inédit. C'était… à peine croyable ! Et pourtant elle l'avait fait. Alors qu'une horde de sirènes la déchiquetait de toute part, elle avait invoqué un pouvoir ancien craint par Melin lui-même et avait réussi l'exploit de le combiner à une magie plus instable encore… elle avait accompli l'impossible. L'impensable ! Ce que beaucoup avaient passé leur vie à échouer ! Elle avait plié des pouvoirs contraires à sa volonté.

Elle avait ouvert le champ des possibles.
Elle avait découvert tout un pan de magie encore inconnu à ce jour.
Elle avait créé de la magie.

Bouleversé, Voldemort se releva dans un sursaut d'adrénaline. C'était à peine croyable. A peine croyable ! Mais vrai… un fait qui éventra aussi bien son orgueil qu'il galvanisa ses espoirs. Il avait mis des décennies à réaliser ce qu'elle avait accompli en une nuit. Elle… elle avait créé de la magie ! Créé de la Magie ! Avait-elle seulement conscience de ce que cela insinuait ? De ce que cela représentait ? Elle, Hermione Jeanne Granger, une née Moldu, venait de s'élever à un rang unique. Un rang qu'il avait mis des années à atteindre. Un rang inégalable ! Le rang de Merlin lui-même… Le souffle court, il la regarda se ronger les sangs d'angoisse. Sûrement craignait-elle qu'il ne la punisse pour son insubordination ? Mais à cet instant, le Mage Noir ne put le nier. Malgré son insolence, son impertinence et ténacité mal placées, il était impressionné. Plus encore, il était transcendé ! Son élève… son Initiée venait d'accomplir une prouesse ! De s'inscrire dans le Panthéon des Sorciers les plus puissant de l'Histoire ! Elle… elle venait tout bonnement de l'égaler. Une vérité que ni son orgueil ou sa fierté ne purent le convaincre de nier.

Elle venait de l'égaler.

Hermione Granger venait de l'égaler.

C'était une folie ! Une hérésie, un miracle et tant d'autres choses à la fois que lui-même en perdit les mots. Et le pire était que Potter l'avait eu à disposition pendant plus de dix longues années. Elle, une sorcière aux capacités plus incroyables encore qu'il n'aurait pu l'imaginer. Une sorcière au potentiel magique inégalé, qu'il s'était contenté d'abandonner en forêt. Affligé, un sourire cilla ses joues dans un ricanement nerveux. Quel imbécile... Si le Survivant avait été plus malin… s'il avait réalisé ce qu'elle pouvait accomplir, peut-être aurait-il eu une chance de le contrer. Mais aujourd'hui… aujourd'hui ce talent rare et précieux trônait devant lui avec sa marque au bras. Oui aujourd'hui, Hermione Granger lui appartenait. Un cadeau, une chance et une opportunité qui faillit bien lui donner un vertige. En d'autres circonstances, il se serait inquiété de tels pouvoirs ; inquiété de la voir comme une arme capable de remettre en cause se suprématie absolue. Mais là… face à elle et sa peur d'être punie pour sa désobéissance, Voldemort se sentit toucher les cieux. Cette femme… cette impertinente enfant… cette sorcière aux pouvoirs encore inconnus… était à lui. Hermione Granger était à lui. Elle était sa protégée. Son élève ! Son miracle ! Sa prodige ! Sa… fierté. Oui, il n'existait pas d'autre mot pour le décrire. Elle était sa fierté. Son accomplissement le plus précieux, et dont il n'avait pourtant eu qu'un aperçut. Car il ne se leurrait pas. Il avait mis plus de soixante ans avant d'atteindre le pouvoir suprême, l'immortalité et l'invulnérabilité. Mais elle ? Elle n'avait que vingt-et-un an. Elle était pour ainsi dire une enfant ! Et malgré cela, elle avait réussi un exploit. Mais qu'en serait-il dans cinq ans ? Dix ? Ou vingt ? Ses pouvoirs ne feraient que croître, obscurcis par ses enseignements et guidés de sa main ! Il pourrait en faire sa plus fidèle alliée, son arme la plus redoutable, l'ultime joyaux de sa couronne d'acier ! Il pourrait en faire la plus puissante Sorcière ayant jamais existée…

Essoufflé sous tant d'émotions contraires et dévastatrices, Voldemort s'accouda à la cheminée et respira avec force. Désormais, il n'était plus question de la punir ou de la chasser. Non, cette sorcière était une chance ! Et il n'allait pas manquer de la saisir. Aussi, c'est les joues roses d'adrénaline qu'il s'accroupit devant elle et lui fit face. Tremblante à son approche, Hermione redouta sa sentence, le regard bas et les lèvres pincées. Qui pourrait croire que cette frêle petite née moldue, cette survivante et traumatisée de guerre, détenait un pouvoir si redoutable ? Personne. Et pourtant, il pouvait presque déceler l'aura de son feu ancestral dans l'éclat mordoré de son regard.

- Sais-tu seulement ce que tu as fait ce soir ? Demanda-t-il du bout des lèvres.

Déstabilisée, la jeune femme déglutit et n'osa le regarder dans les yeux, certaine d'y voir les milles souffrances qui l'attendaient.

- Je vous ai désobéi. J'ai enfreint les Accords de Paix conclus entre les Sorciers et les Sirènes. J'ai failli déclencher une guerre entre nos peuples. Et j'ai… j'ai tué une centaine de sirènes.

Le simple fait de réciter ses crimes la fit pâlir d'horreur. Bon sang, mais qu'avait-elle pensé ?! Qu'avait-elle espéré en descendant dans ces eaux ?! Qu'elle obtiendrait des réponses cordiales ? Une coopération respectueuse ?! Non… elle s'était trompée. Elle avait prouvé sa théorie, mais s'était trompée ! Et pour ça, des sirènes innocentes avaient péri. Leur paix était affaiblie… et les eaux du lac s'étaient irrémédiablement rougies.

- Non, Hermione. Souffla-t-il dans un étrange sourire. Pas une centaine de sirènes… toutes les sirènes.

Le souffle coupé, elle sentit son cœur tomber à ses pieds. Bouche bée, elle le regarda sans y croire avant que l'horreur de son acte ne prenne tout son sens. Non… c'était impossible. Elle ne pouvait pas avoir fait ça ! Ce n'était… pas possible !

- Mais… mais non, je… Bafouilla-t-elle. Je ne voulais pas ! Je n'avais pas prévu de…

- Et pourtant les eaux sont vides ma chère. Plus rien n'y vit.

- Plus… rien ?! Suffoqua-t-elle. Mais… mais les sirènes du Lac Noir sont un peuple puissant ! Certaines ont forcément survécu !

- Je ne parle des sirènes du Lac Noir. Rit-il amusé.

L'avidité et l'excitation de son regard la déstabilisa davantage. Il semblait trop enjoué… trop heureux… trop fier.

- Je parle de toutes les sirènes. Répéta-t-il.

- T… Toutes les sirènes ?

- Ton rayon de feu ancestral s'est lié à la magie du cœur de la Reine-Mère. Or, cette Reine n'était une simple Reine.

- Que voulez-vous dire ?! Paniqua-t-elle.

- Tu as vu juste en déduisant qu'elle était ancienne. Mais ce que tu ignores est que dans sa quête de Paix, Dumbledore à chercher à faire venir la plus puissante de toutes dans les eaux du Lac… La première Reine-Mère du peuple des sirènes. La Mère de toutes les Reines-Mères.

Non… non, cela ne se pouvait pas.

- En la reliant sa magie à ton feu ancestrale, tu as condamné ses filles à périr. Toutes ses filles.

Non… il mentait !

- De ce fait, les eaux du lac Noir ainsi que celles du monde entier… sont désormais vides.

- Non… souffla-t-elle horrifiée.

- Toutes les Reines-Mères qu'elle avait engendrée ont été anéanties dès l'instant où ton feu a jailli. Et toutes leurs filles avec elles.

- Non !

- Hermione… Souffla-t-il avidement. Tu les as toutes exterminées. Les sirènes... les sirènes n'existent plus.

Non. Non. Non ! Non ! Elle ne pouvait pas avoir fait ça ! Personne ne pouvait éradiquer toute une espèce Magique d'un seul sortilège ! C'était… C'était…

- Non ! S'exclama-t-elle de nouveau. Je ne peux pas le croire !

Le cœur battant, Hermione accourue jusqu'aux fenêtres dans un spasme horrifié. Il ne pouvait dire vrai. Les sirènes vivaient encore ! Les sirènes vivaient encore ! Mais la vue des eaux ensanglantées du Lac lui prouva le contraire. Le sang des sirènes était semblable à celui des humains : d'un rouge intense. Or, il se dispersait rapidement ! Mais là… devant les volutes vermeilles et épaisses des eaux, la jeune femme se sentit défaillir. Le Lac était parcouru par de puissants courants magiques directement reliés à la magie des sirènes afin qu'il se jette dans l'océan. Mais… mais si ses eaux étaient encore rouges… si le sang ne disparaissait pas… alors cela ne signifiait qu'une chose.

- Les océans… ils sont…

- Aussi rouges que le lac. Souffla le Mage dans un frisson d'extase. Teinté du sang des millions de sirènes qui les habitaient.

Oh Merlin… elle l'avait fait.
Elle l'avait vraiment fait.

Une nausée au ventre, Hermione ne put en supporter d'avantage. Les mains plaquées contre sa bouche, elle s'écroula au sol dans un jappement d'horreur, le cœur plombé par ce qu'elle commençait peu à peu à comprendre. Non, elle ne voulait pas le croire. Elle ne voulait pas le croire ! Et pourtant… son déni n'effacerait pas les conséquences de son crime. Elle avait tué plusieurs millions de sirènes… elle avait causé l'extinction d'une espèce magique toute entière. Et tout ça pourquoi ? Pour prouver une théorie. Pour prouver son intelligence ! Oh Seigneur… C'était immonde. C'était odieux. Impardonnable. Aussi, elle ne trouva la force de retenir ses larmes. Recroquevillée sur elle-même, une floppée de sanglot assiégea sa gorge, l'empêchant de hurler son désespoir pour ne laisser que cris étouffés et pleures haletantes. Une image étrange que Voldemort regarda d'un œil presque attendri. Il était peu habituel de voir l'une des sorcières les plus puissante du monde s'effondrer de douleur pour ses victimes. Et pourtant, aujourd'hui celles-ci délavaient les océans du monde de leur sang.

Aussi c'est déstabilisé par son effroi que Voldemort s'agenouilla à ses côtés et soupira devant elle.

- Hermione… regarde-moi.

- Non ! Haleta-t-elle dans son coude. Je… je ne peux pas… je ne peux pas avoir fait ça ! Je… je ne peux pas…

- Ce qui est fait, ne peut être défait.

- Non ! Pleura-t-elle plus fort. Non ! Je… je…

Elle n'accepterait pas de vivre avec ça. Elle était Hermione Granger. Une Résistance ! Une sauveuse ! Jamais elle ne se le pardonnerait. Et pourtant, il ne pouvait la laisser sombre. En particulier quand son potentiel venait à peine de se révéler ! Aussi c'est dans un geste de réconfort inédit que Voldemort posa sa main sur son épaule. Il savait quel tourment ce genre d'acte pouvait causer… lui-même avait été hanté par ses premiers meurtres malgré son manque de scrupules. C'était ainsi. Ceux qui prenaient des vies, perdaient un peu de l'humanité de leurs âmes.

- Hermione… regarde-moi. Insista-t-il.

Les yeux noyés de larmes, elle hoqueta avec force mais ne lutta pas quand il lui releva le menton. Honteuse, affligée de chagrin et désespérée, elle le vit lui sourire avec fierté. Mais quelle fierté pourrait-elle retirer de sa monstruosité ?!

- Ne regrette rien.

- Je… je suis abominable. Souffla-t-elle.

- Non. Crois-moi tu te trompes.

- J'ai tué… des millions d'innocentes sirènes. J'ai… j'ai éteint leur race.

- Hermione…

- Je jure que je ne le voulais pas ! Je vous le jure… je vous le jure, je ne savais pas !

Oui… il le savait. Elle était descendue pour avoir des réponses. Quitte à se battre pour les obtenir, elle s'était préparée au pire. Mais pas à ça. Et pourtant, elle n'avait pas hésité à arracher les cœurs de la Reine-Mère. Un outrage que peu de sorciers auraient eu la folie de tenter. Mais elle l'avait fait. Elle avait éventré une Reine devant ses filles, avant de les décimer une à une et de ne laisser qu'un bain de sang aux cœurs des océans.

Oui… ce soir Hermione Granger venait de commettre un crime innommable.
Un affront à la vie.
Un génocide.

De quoi rendre son Maître plus fier encore.

- Tout ira bien. Dit-il maladroitement devant ses pleurs. Tu n'as pas à avoir honte. Tu n'as pas à avoir peur.

- Mais…

- Ne crains pas le pouvoir. Ne crains pas ta puissance !

- Non, je…

- Hermione. Tonna-t-il soudainement en prenant son visage en coupe. Tu es une sorcière exceptionnelle. Ce que tu as fait ce soir est exceptionnel ! Alors sers t'en ! Tu n'auras plus jamais à porter l'étiquette de Sang de Bourbe ou de Traître. Le monde tremblera devant ta puissance. Il te craindra ! Te respectera !

Déstabilisée par leur soudaine proximité, Hermione frissonna au contact de ses paumes contre ses joues. Il la regardait avec tellement d'ardeur… tellement de fierté… il voulait qu'elle assume son acte et le revendique. Mais cette simple idée lui brisa davantage le cœur. Elle avait éteint une espèce magique toute entière ! Elle avait perturbé le fragile équilibre des océans ! Elle avait violé l'intégrité même de leur monde !

- Je serais là pour t'aider. Dit-il subitement.

- Mais…

- Tu ne porteras pas ce fardeau seule. Je t'en fais le serment.

Vaincue, Hermione soupira devant lui. Il ne l'abandonnerait pas. Voldemort ne l'abandonnerait pas. Et bien que cette idée soit étrange, cette promesse l'apaisa.

- Je reste avec toi. Insista-t-il.

Epuisée, la jeune femme déglutit malgré ses larmes et se laissa calmer par la chaleur de ses mains contre ses joues. Oui… Il l'aiderait à surmonter cette horreur. Il l'aiderait à expier sa faute. Aussi, c'est à bout de force qu'elle tomba dans ses bras et pleura ses dernières larmes contre son épaule. Déstabilisé, Voldemort ne sut que faire du corps tremblant de son Initiée contre lui. Mais elle ne le repoussait pas… un détail qui suffit en ravir davantage ses espoirs. Elle avait besoin de lui, désormais autant qu'il avait besoin d'elle. De quoi le faire sourire malgré les larmes tâchant sa chemise. Il pensait n'avoir trouvé qu'une sorcière brillante à enrôler dans ses rangs, mais possédait désormais bien plus. Il resserra donc ses bras autour d'elle et la laissa pleurer à sa guise. Si tel était son besoin à cette heure, soit. Il ne la laisserait pas sombrer seule dans l'abîme d'une culpabilité létale. Il ne la laisserait pas gâcher son potentiel de destruction au profit de principes désuets. Non… il l'encouragerait, la soutiendrait, l'aiderait à accepter le sang qui tâchait ses mains et lui ferait gravir les échelons de l'obscurité. Il en ferait une sorcière craint par le Monde Entier. Une sorcière respectée des forts et haïs des faibles. Il en ferait son arme la plus dévastatrice…

Oui, beaucoup de projets attendaient son Initiée désormais. Mais dans l'instant, Voldemort se contenta de la bercer dans une tendresse inédite. Le menton posé sur sa tête, il huma l'odeur salée qui avait imprégné ses cheveux et l'enserra avec force. Un moment simple mais décisif, qui le fit frémir dans l'écho du futur qui les attendait. Un futur qui avait déjà commencé… Aussi, Voldemort ne sut pas combien de temps ils restèrent ainsi, enlacés l'un contre l'autre. A la lueur du feu désormais mourant, il comprit cependant qu'elle s'était calmée quand il la vit endormie entre ses bras. Un sommeil épuisé et agité, qu'il se réjouit de voir reposer contre son torse.

Oui… ce soir Hermione Granger avait changé la face du monde.

Et ce n'était que le début.


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