- Alors ? On se cache du grand méchant loup ?

Hermione esquiva un sourire. Assise à sa table de travail dans la bibliothèque, Voldemort l'avait quitté pour une réunion urgente au Ministère. Un contretemps qui ne devait pas durer plus de quelques heures, mais qui semblait suffisant au serpent pour s'infiltrer dans le château… Aussi, c'est dans un soupir qu'elle s'empressa de clore son livre de légendes vampiriques et déglutit dans un raclement de gorge gêné. Elle avait espéré y échapper mais devait se faire une raison. Il n'existait plus rien sur terre capable de les séparer pour de bon. C'est donc mal à l'aise qu'elle fit face à celui qu'elle avait évité depuis trois jours… celui qu'elle devrait bientôt appeler « frère ».

- Ne te jette pas trop de fleur… railla-t-elle dans un sourire. Pour moi tu seras toujours une fouine.

- Et bien… je doute que ce soit des termes appropriés envers son futur grand frère.

- Je suis plus vielle que toi de neuf mois ! S'exclama-t-elle.

- Mais je serais bientôt ton frère. Plaisanta-t-il.

- N'en rajoute pas.

Riant devant sa grimace, Drago s'avança d'un pas léger dans la bibliothèque. Eternellement vêtu de ses costumes trois pièces hors de prix, il déboutonna sa veste et pris place dans un soupir fatigué. Dans un sifflement distrait, il contempla les lieux qu'il n'avait pas visité depuis des années et se remémora la belle époque où il entraînait les plus belles Serdaigle derrière les étagères les plus poussiéreuses… un temps révolu, lointain et oublié qui le fit cependant sourire avec nostalgie. D'ici peu, il devrait quitter le confort apaisant de Poudlard et retourner dans ses appartements privés au Ministère. Un devoir qu'il sentait déjà le tuer d'un ennui mortel, et qui le laissa hagard devant une Hermione silencieuse. Seigneur… que n'aurait-il pas donner pour ne plus jamais quitter ce château ?

- Alors ? Quelle est la suite du programme ? Demanda-t-il.

- Que veux-tu dire ?

- Et bien nous allons bientôt être de la même famille tous les deux… une situation toute aussi inattendue qu'un peu gênante.

- Je suis d'accord. Avoua-t-elle amusée. La dernière fois que nous avons fait quelque chose en binôme, c'était au cours de Botanique de troisième année… et aucune des Mandragores de la serre n'y a survécu.

- Ça c'est parce que tu n'as pas mis le terreau au bon moment !

- Le moment était parfait ! S'exclama-t-elle outré. C'est toi qui refusais de suivre mes instructions !

- Je ne suivais même pas celle de Dumbledore ! Pourquoi j'aurais suivi les tiennes ?!

Mitigés entre l'agacement et la moquerie, les deux sorciers se regardèrent en chiens de faïence avant d'éclater de rire. Oui, cet épisode de leur éducation n'était pas le plus prodigieux. Mais étonnement, aucun d'eux ne repensa à leurs insultes, méchancetés ou sorts jetés en douce. Ne leurs restèrent en tête que les cris horrifiés du Professeur Chourave, leurs pertes de points communes et l'évanouissement de Neville dans le tas de terreau fertilisé… de quoi les faire rire d'avantage et détendre le silence qui s'était installé.

- Il faut croire que ça doit être ça. Dit-il après un court silence.

- Quoi donc ?

- Les chamailleries entre frères et sœurs.

- Je ne sais pas. Avoua-t-elle. Je… j'ai toujours été fille unique alors la notion de fraternité m'est un peu obscure.

- La même pour moi. Mais je suis curieux et… j'aimerais qu'on prenne un nouveau départ.

Son sourire la toucha autant qu'il la surprit. Après que Voldemort lui ait annoncé sa future adoption, elle avait passé les jours suivants à redouter leur prochaine confrontation… à craindre que l'aimable Drago qu'elle avait appris à connaître ne se retransforme en cruelle petite brute, qu'il ne riposte, l'insulte et cherche à l'humilier. En un sens, c'était idiot. Elle était l'Initiée du Maître ! Jamais il ne prendrait le risque de lui faire de mal ! Mais rien n'avait su calmer ses angoisses… pas même Narcissa. Inquiète de sa réaction après l'annonce du Maître, sa Tutrice lui avait longuement expliqué les modalités et conséquences de son adoption. Serment de sang, rituel de noms, transposition parentale… tout avait été préparé avec le plus grands des soins. Ainsi, le nom d'Hermione Granger serait à jamais effacé du Registre Officiel de la Magie, afin de laisser naître Hermione Jean Narcissa Malfoy, l'Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres. En soit, un tel procédé ne changerait rien à sa nouvelle vie. Mais l'idée de renier son nom suffisait à la plonger dans la plus sombre des tourmentes. Furieuse contre son impuissance, elle avait passé ces derniers jours dans le silence, la réflexion et la peine, les souvenirs de ses parents lui crevant le cœur un peu plus chaque jour. Aussi, elle n'avait pas trouvé le courage d'aller trouver Drago… c'était trop tôt, trop dur, trop réel ! A tel point, qu'elle était allée jusqu'à faire des détours de plusieurs dizaine de minutes afin d'être certaine de rester loin de sa chambre. Une tactique qui plus elle y repensa, plus fit rougir ses joues de honte.

Bon sang, ils allaient devenir frère et sœur ! L'éviter était pour ainsi dire impossible ! Mais c'était si étrange… Par Merlin, il était Drago Malfoy ! Sa némésis de toujours ! Savoir qu'elle deviendrait sa sœur était déjà difficile à imaginer, mais se comporter comme telle ? Certes, ils avaient passés d'étranges moments de complicités depuis son retour et avaient appris à se connaître sous un nouveau jour. Mais pour elle ne savait quelle raison, elle était restée pétrifiée… Pourtant elle ne pouvait le nier. Contrairement à ce qu'elle redoutait, ce n'était pas l'ancien Drago qui l'effrayait ; mais bien le nouveau. Cet inconnu, poli et gentil avec qui elle avait dansé pendant le bal… ce gentleman qui l'avait aidé à fuir les paparazzis et qui l'avait fait rire de ses imitations grossières. Ce nouveau protecteur, qui l'avait poussé à chanter devant trois cent invités et qui l'avait défendu devant Bellatrix. Oui. Bien que ça semble idiot, ce nouveau Drago l'intimidait… Ce Drago aimable, à l'écoute et gentil. Ce Drago dont elle ne savait encore rien qui deviendrait bientôt son frère.

- Je crois que je te dois des excuses. Fit-elle subitement.

- Des excuses ?!

- Tu as raison je t'ai volontairement évité mais… pas pour les raisons que tu imagines.

Surpris, le Malfoy croisa les bras dans un regard intrigué. Au moins, il n'était pas fou. Cette chère petite Initiée ne s'était pas éprise des cache-cache pour rien.

- Alors tu n'es pas dégoûtée à l'idée que ton nom soit associé au mien ? Demanda-t-il.

- Quoi ? Non, ce n'est pas ça ! S'exclama-t-elle.

- Oh… ça c'est une surprise.

- Non, je… je crois que j'ai peur.

- Peur ?! Toi, la première future Gryffondor de la famille Malfoy ?!

- Ne te moque pas de moi… soupira-t-elle. C'est tellement nouveau et effrayant que je… je ne sais pas trop comment gérer la pression. Je croyais que devenir Initiée serait l'épreuve la plus impactante de ma vie mais je me trompais.

Haussant un sourcil, Drago se redressa sur sa chaise et la regarda franchement. Lui non plus ne s'était pas attendu à un tel projet d'adoption… et lui aussi avait douté. Mais craindre l'inévitable ne changerait rien. Qu'ils le voulaient ou non, elle serait bientôt une Malfoy, la fille de Lucius et de Narcissa, l'héritière de l'une des familles les plus puissantes du pays… et sa sœur. Alors oui, c'était effrayant ; en particulier aux vues de leur passé. Mais ils pouvaient le surmonter. Ils pouvaient prendre un nouveau départ.

- Puisqu'on est au moment des confessions, je crois que moi aussi je te dois des excuses… dit-il subitement.

- Ah oui ?!

- N'est pas l'air si surprise. Je t'ai martyrisé pendant plus de six ans, j'ai œuvré pour faire de ta vie un enfer et j'ai même tenté de te tuer. Et le pire, c'est que je ne suis même pas sûr de me souvenir de toutes les horreurs que je t'ai fait subir ! Alors pour tout ça… oui, je te dois des excuses.

Bouchée bée, Hermione ne trouva pas quoi dire. Quand il était revenu au château, elle avait consciemment choisi de ne pas évoquer les heures noires de leur passé… que ce soit ses insultes, ses coups bas, ses humiliations ou ses brimades, elle s'était évertuée à ne pas y penser afin d'assurer à Narcissa leur bonne entente et ne pas rouvrir de vieilles blessures. Mais après leurs heures de discutions, de rires, de farces et de danses, c'est presque naturellement que tous ses souvenirs douloureux s'étaient peu à peu effacés. Bien entendu, il était utopique d'espérer qu'elle oublie toutes les horreurs qu'il lui avait fait… mais le voir aujourd'hui, sincère, franc et désolé l'apaisa plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Elle n'aurait jamais cru qu'il lui présenterait un jour des excuses. Après tout, pourquoi l'aurait-il fait ? Il était Drago Malfoy, le fils Prodigue, le Roi Serpent, le Sang-Pur par excellence de Poudlard. Et pourtant, il ne reculait pas. Il reconnaissait ce qu'il avait fait…

- Je… je ne m'attendais pas à ça. Avoua-t-elle choquée.

- Et moi donc… mais je vais être honnête. J'ai toujours rêvé d'avoir une sœur.

Cette fois, la jeune femme ne cacha pas sa surprise. Lui ? Rêver de ne plus être le centre de l'attention ?!

- Vraiment ?

- Oui ! J'ai grandi en tant que fils unique et ai été élevé pour devenir le parfait héritier de la famille Malfoy. Alors quand le Maître m'a parlé de ton adoption, j'ai… j'ai exulté de joie ! Enfin je n'allais plus être seul ! Et puis je me suis souvenu… je me suis rappelé de tout ce que je te disais entre deux couloirs, de tout ce que je faisais pour t'humilier et de tout ce que pensais de toi.

- Drago… c'était une autre époque.

- Oui, mais ça ne change rien. Je te haïssais sincèrement Hermione. Et l'idée d'avoir ressenti tout ça pour ma future sœur… pour celle que j'ai toujours souhaité avoir un jour dans ma vie… ça m'a brisé le cœur.

Jamais Drago Malfoy n'aurait imaginé dire ça à celle qui, il y a quelques mois encore, était l'incarnation même de tout ce qu'il détestait. Mais il était sincère. Sa haine avait toujours été mal placée… guidée par les principes des veilles familles de Sang-Pur et galvanisée par sa jalousie. Mais en réalité, tous les deux n'étaient pas si différents. Elevés pour être plus que ce qu'ils étaient, ils avaient dû se battre pour se faire une place dans ce monde. Pas une place au sein de la société non… mais une place pour exister. Une place pour vivre. Et c'est à la sueur de leurs fronts et aux sangs de leurs ennemis qu'ils y étaient parvenus. Même si leurs idéologies, leurs sangs, leurs principes et leurs aspirations étaient opposés, ils n'avaient toujours été que les versant d'une même pièce. Et malheureusement, ils leur avaient fallu plus de dix ans pour le réaliser… dix ans pour finalement apprendre à se connaître sans préjugés, se voir sans filtre et se parler sans s'insulter. Dix ans pour s'accepter l'un l'autre.

- Je ne veux plus ressentir ça pour toi. Dit-il alors d'un ton plus grave. Je ne veux plus que mes seuls souvenirs en communs avec ma sœur datent de l'époque où je l'insultais et priait pour qu'elle meure ! Je veux de nouveaux souvenirs. Je veux… je veux qu'on forme une famille.

Emut, Hermione eut du mal à respirer sans fondre en larme. Au mieux, elle s'était imaginée qu'ils continueraient à feindre l'ignorance, à ne pas en parler et à danser bêtement aux bals... mais jamais elle n'aurait espéré ça. Jamais elle n'aurait osé imaginer qu'il veuille vraiment se faire pardonner ; qu'il veuille la connaître et même l'aimer. Aussi, elle ne trouva pas les mots et haleta dans son malaise. Que pouvait-elle lui dire ? Elle avait tellement renfermé cette partie de sa vie… tellement tenté de l'oublier. Pourrait-elle vraiment y arriver ? Pourrait-elle véritablement lui pardonner ? Et… l'aimer comme lui voulait l'aimer ? Hermione l'ignorait, mais une chose était certaine. Elle aurait beau le redouter et même le nier, elle n'avait plus personne dans sa vie. Plus d'amis, plus de famille, plus de proches. Elle n'avait qu'un Maître et une Tutrice. Des titres et des rôles guindés et prédéfinis qui bien qu'ils lui apportent soutient et sollicitude, ne remplaceraient jamais la chaleur d'une famille. Or et pour la première fois depuis des années, on lui offrait ce qu'elle croyait avoir perdu pour toujours. De l'amour.

Narcissa et Drago voulaient l'aimer comme une fille et une sœur… ils voulaient faire table rase du passé et oublier la haine qui les avait jusqu'alors lié. A tel point que même Lucius voulait l'adopter ! Alors oui, elle avait peur… peur de l'inconnu, du changement et de tout ce qui pouvait mal tourner. Mais jamais encore on lui avait offert un tel cadeau. Jamais encore on avait tant voulu l'aimer. Aussi, c'est la gorgée serrée qu'Hermione se leva précipitamment et l'enlaça de toutes ses forces. Surpris, Drago se figea par réflexe avant de la sentir trembler contre lui. Elle aussi voulait tout ceci… elle aussi voulait s'ouvrir à un avenir meilleur. Un avenir où la douleur, la haine et la défiance, n'auraient plus leurs places dans leurs cœurs. C'est donc ému qu'il la serra en retour contre lui et inspira avec force.

Il y a deux mois, il avait arrêté une ennemie.
Il y a une semaine, il avait fait la connaissance d'une amie.
Aujourd'hui, il venait de gagner une sœur…

- Tu penses pouvoir me pardonner ? Demanda-t-il d'une voix étouffée.

- Je vais essayer. Dit-elle après un court silence. Mais je peux te promettre que je continuerais de te marcher sur les pieds pendant les bals !

Esquivant un sourire, ils se dégagèrent l'un de l'autre et respirèrent un grand coup. Leur début n'était peut-être pas parfait, mais ils avaient tout l'avenir devant eux pour se rattraper.

- Ça ne devrait pas être très compliqué. Tu es une terrible danseuse ! Fit-il amusé.

- Dis celui qui ne sait pas compter les temps d'une valse !

- L'orchestre a enchaîné sans transition ! Rétorqua-t-il.

- Tu étais trop distrait pas le décolleté de la Journaliste en chef de la Gazette pour entendre leur transition !

- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles ! Dit-il faussement offensé.

- Pauvre de toi… ton déni finira par te tuer.

Ils explosèrent de rire et se tirèrent la langue… à croire que ça devait être ça, les chamailleries entre frères et sœurs.


- Comment était votre réunion ?

Se délestant de son manteau dans un soupir, Voldemort émit un grondement sourd et roula des yeux au ciel. Par Merlin… s'il avait su, jamais il ne se serait donné la peine de former un gouvernement. Il régnait en Maître absolu, certes… Mais la stupidité de ses ministres, l'imbécilité de ses « conseillers » et le manque d'imagination de ses investisseurs lui faisaient amèrement regretter la douceur de sa tyrannie. Tant d'absurdité ne devrait même pas être légale ! Et pourtant, il n'avait rien entendu d'autre cette après-midi. De quoi lui donner la migraine et faire frémir sa magie qui avait bien faillit taire à jamais le flot d'ineptie qui était sorti de leurs bouches.

- Ennuyeuse et particulièrement assommante.

- A ce point ?

- Et encore le mot est faible… Grinça-t-il. Crois-tu que si je m'autoproclame dictateur, mes sujets cesseront d'être aussi bêtes ?

- Vous l'êtes déjà. Fit-elle amusée.

- De toute évidence pas assez. La moindre de leur idée est une insulte à ma personne ! S'exclama-t-il accablé. Je devrais créer un maléfice qui foudroierait quiconque se montrant stupide.

Retenant un fou rire, la jeune femme ferma son livre et le regarda se servir un verre. De toute évidence, Yaxley et ses ministres avaient relevé l'exploit de stupéfier le plus Grand Mage Noir de tous les temps de leur profonde incompétence. Un exploit d'autant plus grand, qu'ils étaient toujours en vie.

- C'est une idée intéressante. Dit-elle. Mais vous n'auriez plus de sujets sur qui régner.

- Et c'est bien la seule raison qui m'empêche de les exterminer. Soupira-t-il.

Epuisé, Voldemort but son verre cul-sec et laissa le feu de son Whisky se reprendre sous sa langue. Bon Dieu… qu'il était éprouvant d'être entouré d'idiot. Pourtant, il ne demandait rien de bien compliqué ! Juste un peu de jugeotte et d'esprit ! A croire que c'était trop demander à la poignée de politiciens bedonnant qui composait son ministère... Aussi, le Mage ne se faisait aucune illusion. Si Yaxley continuait à l'assommer de ses remarques déplacées et idées inopportunes, c'est depuis l'Hôpital de St Mangouste qu'il finirait son mandat.

- Enfin bref… expira-t-il en remplissant son verre. Comment étaient tes recherches ?

Assise près du feu, Hermione s'étira dans un bâillement et jeta son livre au sol. Entourée de brouillons, feuilles volantes et crayons cassés de frustration, elle dût se rendre à l'évidence. Elle n'avait pas plus avancé dans leurs recherches qu'il y a trois jours… et pourtant ce n'était pas faute d'avoir essayé. Après le départ de Drago, elle s'était vainement replongée dans ses lectures vampiriques et traduction elfiques. Mais une fois encore, ses espoirs n'avaient pas abouti… se soldant par un travail aussi stérile que la réunion de son Maître.

- Je n'ai rien appris de plus sur la sphère prophétique offerte aux vampires… soupira-t-elle. A croire que leur immortalité ne les a pas rendus très loquaces.

- Quelle surprise… j'aurais pourtant cru que l'égocentrisme pathologique de leur espèce leur délieraient la langue.

- Moi aussi. Mais j'ai néanmoins découvert la légende d'un Recueil Caché, contenant plusieurs de leurs plus grandes réussites et exploits au fils des millénaires. Peut-être que la sphère y est abordée ?

- Probablement. Fit-il alors. Mais encore faut-il le trouver.

- J'y travaille.

- Et c'est bien le seul réconfort de ma journée. Toi au moins, tu sais ce que j'attends de toi…

Affligé, Voldemort la rejoint d'un pas lourd avant de s'affaler à ses côtés. Calé près de la cheminé, il frissonna devant la chaleur des flames et étendit ses jambes dans un râle épuisé. En temps normal, il n'aurait pas laissé ce genre de réunion le distraire de leurs recherches. Et pourtant ce soir, c'est à peine s'il parvenait encore à réfléchir. Non pas qu'il était déçu, triste ou même surpris. Non, ce soir le Mage Noir se sentait perdu. Il aurait beau le nier, le cacher ou même reporter la faute sur ces suppléants, cela ne changeait rien. Ses pensées étaient engourdies, son esprit lourd et ses tempes battantes… le laissant vide, défait et profondément confus. Un état que Hermione ne manqua pas de remarquer et qu'il lui fit hausser un sourcil surpris. Sa réunion avait-elle été si catastrophique que ça ? Elle savait qu'il exécrait toute forme de remise en question, insubordination, incompétence et faiblesse de la part de ses Ministres. Mais au point qu'il rentre atterré et désespéré ?! C'était une première. Aussi, c'est toute aussi inquiète qu'intriguée qu'elle se risquât à insister.

- Vous semblez épuisé.

- Sûrement parce que je le suis… Rétorqua-t-il.

- Vos allers-retours au Ministère sont de plus en plus fréquents. Fit-elle remarquer. J'espère qu'il n'y a rien de grave.

Se mordant la langue à ses mots, Voldemort se figea dans un étrange mutisme. Beaucoup de termes auraient pu définir ce qu'il avait appris aujourd'hui. Pourtant, aucun n'aurait pu la rassurer… car aucun ne se rapprochait un tant soit peu de ce qu'elle espérait. Mal à l'aise sous le poids de son regard inquiet, il se laissa envoûter par la vivacité des flammes dans l'espoir que leurs crépitements le distrairaient de ce qui lui assiégeait déjà l'esprit. Mais rien n'aurait pu exhausser un tel souhait. Aussi, c'est la tête lourde et les nerfs à vif qu'il finit de nouveau son verre d'une traite et déglutit dans un grondement.

- Disons simplement que nous avons rencontré quelques… imprévus. Dit-il finalement après un long silence.

- De quel genre ?

Bien que son avis aurait été des plus bénéfiques sur la question, Voldemort ne put se résoudre à lui en parler… c'était trop tôt, trop incertain, trop flou. Il n'avait pas assez de données, d'infos, de certitudes et de preuves ! Et ce n'était pas avec sa bande de bureaucrates qu'il allait en avoir de sitôt… A vrai dire, il n'avait presque rien ! Mais ce « presque » suffisait déjà à insuffler une nouvelle tension dans son corps. Il pouvait le sentir, ses tempes bourdonnaient, ses yeux piquaient et son verre tremblait sous poigne crispée. Oui… son esprit s'enflammait sous l'écho de cette possible menace. Comme un réflexe, c'est tout son être qui s'animait de magie et d'impatience ! Mais il ne pouvait rien faire… du moins, pas maintenant. Pas avant d'en avoir le cœur net.

- Rien de bien important. Finit-il par déclarer la mâchoire serrée. Mais je jure devant Merlin que si Yaxley m'implore de participer à une autre réunion, je t'envoie à ma place.

- Hé !

- Ne te vexe pas… mais avec un peu de chance, votre prochaine rencontre lui provoquera la crise cardiaque que j'attends désespérément depuis deux ans.

Le bousculant d'un coup d'épaule, la jeune femme prit un air offensé et se renfrogna contre son cousin. Elle savait que ses entrevues avec Yaxley avaient laissé le pauvre homme quelque peu… traumatisé. Mais de là à servir de bouclier contre sa stupidité ?! C'était un peu exagéré.

- Vous ne m'aidez pas à améliorer ma réputation ! S'exclama-t-elle boudeuse. Et puis c'est votre faute si je l'ai terrorisé.

- Ma faute ?! Répéta-t-il surpris.

- Parfaitement. Vos cachoteries m'ont poussé dans mes retranchements ! Si je n'avais pas soupçonné un mariage arrangé, j'aurais été parfaitement aimable.

- Je vois… et si je me souviens bien, ta notion de « parfaitement aimable » a fait ses preuves pendant le bal. Railla-t-il.

- Votre ministre est une chiffe molle. Claqua-t-elle agacée.

- Dans ce cas, peut-être devrais-je te nommer ministre ?

- Vous me supportez déjà en tant qu'Initiée, voulez-vous vraiment me mettre sous la pression de dilemmes politiques ?

Cette idée le fit rire, mais elle marquait un point. Son tempérament l'avait déjà poussé à éradiquer les sirènes de la surface des Océans… aussi, mieux valait éviter qu'elle se lance dans la purge de son Ministère. Même si aucun de ses membres ne serait une grande perte, il préférait autant ne pas perdre son temps à la recherche de nouveaux idiots à nommer.

- Tu pourrais faire quelques miracles… je le reconnais. Réfléchit-il. Mais je doute que tu puisses supporter l'imbécilité bureaucratique.

- Je suis arrivée à supporter le protocole !

- Et pourtant, tu as failli jeter un sort Bellatrix et provoquer un infarctus à mon Premier Ministre. Rétorqua-t-il.

- Vu sous cet angle…

- Tu ne tiendrais pas trois jours.

- Ne me mettez pas au défi !

- Pour que tu commettes un autre génocide ?! Je ne m'y risquerais pas…

Se pinçant les lèvres pour ne pas répondre, Hermione s'enfonça sous son plaide dans un soupir. Il était facile de lui rappeler ses quelques erreurs, mais lui non plus n'était pas un exemple de contrôle ! Entêté, orgueilleux, présomptueux, arrogant, passablement antipathique et extrêmement colérique, il avait prouvé au monde l'instabilité de son caractère ! Tandis qu'elle… et bien… elle n'avait fait que rappeler l'étendue de son potentiel… à travers l'anéantissement involontaire d'une race entière de créatures centenaires…

- Toujours est-il que vous ne devriez pas laissez vos ministres vous mettre dans cet état. Déclara-t-elle plus sérieusement.

- Facile à dire pour toi… tu n'as pas dû les écouter pendant toute une après-midi.

- Détrompez-vous ! J'ai supporté Harry et Ron pendant plus de dix ans. Grimaça-t-elle.

- Et ta patience m'épatera toujours.

- Ce n'est pas une question de patience. Sourit-elle. Vous savez ce que vous valez comparé à eux ! Alors… ne les laissez pas vous faire douter.

Douter ? Il était Lord Voldemort ! Il avait conquis l'Europe, repousser les limites du possible et accomplit plus de miracles que les Dieux eux-mêmes ! « Douter » ne faisait pas partie de son vocabulaire. Et pourtant… elle n'avait pas tort. Les nouvelles rapportées par ses informateurs n'étaient pas bonnes ; pour ne pas dire profondément inquiétantes. Mais le pire était qu'elles étaient prévisibles…. Depuis des semaines il entendait les rumeurs, inquiétudes, doutes et pronostiques de ses conseillers. Ils lui avaient montré des rapports, des diagrammes, des lettres et bon nombre d'éléments qui auraient dû lui mettre la puce à l'oreille. Mais non… dans sa suffisance mal placée et confiance aveugle en sa suprématie, il avait choisi de les ignorer. Il avait choisi de rester sourd et borné, au risque de voir ce qu'il redoutait se produire ! Et c'était arrivé. Ce qu'on lui avait prédit, ce dont on l'avait averti… se préparait à l'instant même devant lui. Mais rester assis près du feu n'y changerait rien. Il avait besoin d'information concrète, de données viables et de sources sûrs. Il avait besoin de prendre les choses en mains.

De reprendre son pouvoir.

Rejetant sa tête en arrière à cette idée, Voldemort soupira de nouveau et ferma les yeux. Oui… Il ne pouvait plus se permettre de déléguer. Il ne pouvait plus laisser le hasard le faire douter ! Bien sûr, il savait déjà quel genre de conséquences et contretemps sa décision précipitée engendreraient, mais il ne pouvait laisser les choses en l'état. Il ne pouvait pas laisser ses mangemorts régler cette crise, au risque de l'empirer ! Non… c'était trop grave, trop sensible, trop dangereux. Et les enjeux étaient trop grands.

- Tu as raison. Lui dit-il subitement.

Il était Roi, Seigneur incontesté, Tyran et Mage… il était l'incarnation même d'un pouvoir plus grand que les hommes. Et il ne laisserait pas quelques fous remettre sa suprématie en cause. Il ne laisserait pas la bêtise humaine le détrôner. Il ne laisserait rien détruire ce qu'il avait accompli…. Aussi, Voldemort n'avait plus le choix. Les dernières années de paix avaient apaisé les esprits, renforcé les cœurs et ranimé les quelques espoirs qu'il avait cru mort après la guerre. Mais le monde se trompait. Sa clémence n'était pas faiblesse. Son calme n'était pas indifférence. Son silence n'était pas ignorance ! Et il était tant qu'il le lui rappelle…

Oui.

Il était temps que le monde se souvienne enfin de la puissance de son Maître.

Il était temps que le monde se souvienne enfin de la cruauté qui l'avait mis au pouvoir.


Hello ! Alors... des idées sur la suite ? N'attendez pas et lisez la suite ;)