Figée, Hermione reprit son souffle après ce qui lui sembla être une éternité. Haletante, elle sentit sa cage thoracique brûler, ses mains trembler et son front s'enfiévrer à mesure que son esprit assimilait peu à peu ce qu'elle venait de lire. Et pourtant… plus les secondes s'égrenèrent, moins elle en comprit le sens. Immobile devant la table centrale de la bibliothèque, elle sentit sa vue se troubler devant la lettre qui lui était adressée et déglutit avec peine. Il… il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas ! Mais l'encre était déjà sèche et le parchemin froissé. Tout était déjà fait. Aussi, c'est proche du malaise qu'elle s'accrocha au rebord de la table et s'assit sur sa chaise. Ainsi c'était vrai. Elle ne rêvait pas. Son Maître, le seul homme en qui elle avait pleinement confiance, le seul à qui elle avait prêté allégeance… était parti.
Quand Narcissa l'avait éveillé ce matin, elle n'avait pas compris ses cernes, ses tremblements ou son profond malaise face à elle. Mais quand elle l'avait informé du départ précipité de son Maître, elle n'y avait pas cru. A vrai dire, elle en avait même ri. Voldemort ? Partir ainsi ? Du jour au lendemain et sans la moindre explication ? Cela n'était pas possible. Du moins, l'avait-elle cru. Car c'est bien de mille étages qu'elle s'était sentie tomber en trouvant la bibliothèque vide ce matin. Où était-il parti, pourquoi et quand rentrerait-il… elle n'en savait rien. Tout ce qui lui était donné de savoir, était qu'il s'absenterait pour un minimum de plusieurs semaines. Plusieurs semaines pendant lesquelles elle serait seule, ici au château… plusieurs semaines pendant lesquelles elle devrait continuer leurs recherches et ne pas faire de vague. Plusieurs semaines pendant lesquelles le destin du monde reposerait sur ses épaules.
Non… non, non, non ! Il n'avait pas le droit de faire ça ! Il n'avait pas le droit de partir sans même un aurevoir. Il n'avait pas le droit de la laisser continuer leurs recherches, seule au milieu de milliers d'ouvrages. Il… il n'avait pas le droit de la traiter avec autant d'indifférence ! De dédain ! Que dire, de mépris ! Elle était son Initiée ! Pas un meuble trop encombrant que l'on peut laisser de côté ! C'était… c'était odieux ! Insultant ! Et pourtant, c'est ce qu'il avait fait. Ne lui laissant qu'une simple lettre comme lot de consolation, il avait fait ses bagages et quitté le château une heure seulement après lui avoir ordonné de partir se reposer. Et le pire était qu'elle n'avait rien vu… Malgré ses tourments, ses doutes et ses plaintes de la veille, elle n'avait rien soupçonné. Comment aurait-elle pu ? Ils avaient un Fléau Divin à empêcher ! Deux sphères prophétiques à retrouver ! Et à peine un an, deux mois et huit jours pour y arriver ! Jamais elle n'aurait imaginé qu'il puisse partir ! Jamais elle n'aurait même le pu concevoir ! Ils s'étaient jurés de trouver une solution ; de faire de cette quête leur seule et unique priorité ! Mais de toute évidence, le sens de ce mot avait dû lui échapper. De même que celui de responsabilité et de respect… car c'est plus blessée que jamais qu'Hermione se retrouvait là, seule et sans voix au milieu de la bibliothèque. Seule et une fois de plus, abandonnée. Comme si elle n'était qu'un contretemps ou un détail, il l'avait laissé derrière lui sans un regard… sans la moindre hésitation. Sans la moindre considération… un fait qui plus elle y pensait, plus la mortifiait sur place.
Non. Il… il devait y avoir une erreur. Quelque chose qu'elle n'avait pas encore compris ! Quelque chose caché entre les lignes ! Quelque chose qui donnerait un sens à cette comédie ! Mais plus elle relisait la lettre, plus ses espoirs mourraient devant elle. Il n'y avait rien. Rien si ce n'est l'amère annonce de ce qu'elle savait déjà.
Chère Initiée,
C'est dans l'empressement que je t'annonce mon départ imminent. Je me trouve dans l'obligation de régler certaines affaires et doit donc m'absenter pour plusieurs semaines. Pendant ce temps, veille à poursuivre nos recherches et ne commet aucune imprudence.
V.
Pas d'explication, d'information, de conseil ou d'indice… Rien. Après plus de deux mois à son service, elle n'avait droit qu'à un simple mémo. Une note griffonnée à la va-vite sur le coin d'une table... Et c'était tout. De quoi lui asséner une gifle qu'elle n'avait pas reçue depuis longtemps. De quoi la laisser hagard, vide et défaite... et lui donner une illustration assez éloquente de ce qu'elle représentait pour lui…
Liquéfiée sur sa chaise, la jeune femme tenta de rassembler ses pensées et de respirer. Mais rien n'aurait pu apaiser le feu qui lui dévorait les entrailles. Rien n'aurait pu calmer la peine qui lui enserrait la gorge. Et rien n'aurait pu ôter le poignard qui venait d'éventrer son cœur. Comment osait-il lui faire ça ?! Après tout ce qu'elle avait fait, tout ce qu'elle avait prouvé, juré et accompli ! Ne méritait-elle pas plus ?! Ne serait-ce que la plus sommaire des explications ?! De toute évidence, non. Elle ne méritait qu'un bout de parchemin signé ; qu'une indifférence à peine dissimulée. Qu'un profond et sublime dédain, qu'il n'avait même pas pris la peine de cacher. Aussi, c'est sous ses yeux brûlant de larmes que l'histoire se répétait. Malgré son dévouement, rien ne suffisait. Malgré ses efforts, rien ne marchait. Et comme si sa véritable destinée s'accomplissait, on l'abandonnait sur le bord de la route. Comme si le sort s'acharnait, on lui laissait une énième lettre sur laquelle pleurer. Comme si elle était maudite, c'est avec elle-même qu'elle devrait trouver un moyen de survivre. Oui… maudite. Voilà ce qu'elle était ; condamnée à rester à l'écart. Sans valeur. Sans considération. Sans rien.
Et dire qu'elle y avait cru… qu'elle avait espéré que son avenir soit différent. Que son Maître soit différent ! Quelle idiote. Elle aurait mieux fait de se fier à son instinct et de ne pas rêver ! Rien ne changerait jamais ! Elle serait toujours la bonne petite sorcière dont on tire profit. L'élève assidue dont on attend des réponses. La fille cachée derrière ses livres, qui n'a de valeur que tant qu'elle se montre docile. Et pourtant… elle avait tant espéré. Malgré ses doutes et sa méfiance, elle avait pris le risque de croire que l'abandon de ses amis ne la poursuivrait plus ; qu'elle pourrait enfin prouver sa valeur. Qu'à défaut d'avoir été rejeté par la résistance, elle vaudrait enfin quelque chose ici ! Qu'elle vaudrait quelque chose à ses yeux… Mais elle s'était fourvoyée. Oui. Aujourd'hui, Voldemort venait de lui porter le coup de grâce. Pire encore ! Il venait de lui prouver ce qu'Harry et Ron lui avaient mainte fois hurlé entre deux coups de fouets : que malgré ses sacrifices, sa détermination, sa loyauté et son allégeance, elle ne vaudrait jamais la peine qu'on la retienne. Elle ne vaudrait jamais rien…
Rien pour lui.
Rien pour personne.
Rien pour le monde.
Un absolu et complet rien, que l'on laisse derrière soi une fois qu'on en n'a plus besoin…
Ainsi, c'est dans cette consternation qu'Hermione resta assise de longues heures cette journée-là. Incapable de bouger sous le poids de son mal, elle ne trouva pas la force de se lever ni ne vit le temps passer. Elle aurait pu se ressaisir, s'indigner, hurler ou ne serait-ce que lui répondre d'une missive incendiaire… Mais cela n'aurait fait qu'attiser son mal. Et elle avait assez. Assez de lutter, assez de prier, assez d'espérer ce qui n'arriverait jamais. C'est donc semblable à un fantôme qu'elle se contenta de rester là, seule, immobile et muette… comme elle le serait pendant les prochaines semaines. A tel point qu'elle n'eut le courage de reposer la lettre sur la table et la laissa trôner sur ses genoux. Tel l'ultime symbole de sa profonde naïveté, elle relue chaque mot une centaine de fois et laissa leur profond silence se graver amèrement dans son cœur. Plus que l'étendard de sa stupidité ou l'incarnation de sa sottise, c'était une preuve. Oui… désormais elle ne se faisait plus d'illusion. Elle ne serait jamais « plus ». Peu importe ce que Voldemort tentait de lui faire croire. Il aurait beau l'assommer de ses beaux discours, de titres honorifiques, de marques magiques, de sourires et de fierté, cela ne signifierait jamais rien ! Et pour cause… aucun de ses mots ne pourrait être plus éloquent que ses actes. Alors à quoi bon s'entêter ? A quoi bon espérer ? Elle serait et resterait à jamais Hermione Granger, l'Ex-Résistante sans principes, l'Initiée d'Honneur cachée dans la bibliothèque et l'Orpheline recueillie par les Malfoy… la plus grande blague du Monde Magique.
Mais même si le monde entier était destiné à l'abandonner… elle, ne pouvait se permettre de faire une telle chose. Il existait des innocents, des âmes purs, des familles et des enfants. Il existait des milliers d'âmes en souffrance. Et aucune d'elle ne méritait de périr dans un an. Aucune d'elle ne méritait de payer de sa vie l'arrogance d'un Maître négligent et le malheur d'une Initiée Bafouée. Non… elle devait se ressaisir. Pas pour Lui, mais pour eux. Pour tous ceux qu'elle s'était jurée de sauver, qui n'avaient pas encore perdu espoir et qui voulaient vivre… pour tous ceux qui luttaient chaque jour pour survivre. Ainsi même si ça lui crevait le cœur, elle tiendrait parole. Elle trouverait un moyen d'empêcher l'Extinction de la Magie. Et ce même si elle devait y arriver seule.
Contemplant le salon avec indifférence, la jeune femme s'éveilla de sa léthargie dans un bâillement fatigué et se surprit à voir l'obscurité de la nuit s'infiltrer peu à peu par les fenêtres. Quelle heure était-il ? Peu importe la réponse, il serait beaucoup trop tard. Bon Dieu… elle avait encore tant à faire ; tant à planifier, organiser, régenter et préparer, qu'elle en eut un vertige. Même si elle aurait mille fois préféré se terrer dans son lit, elle ne pouvait pas se défiler. Si Voldemort avait mieux à faire que l'aider, soit. Elle agirait seule.
- Arnis. Souffla-t-elle de sa voix enrouée.
L'elfe apparût presque aussitôt devant elle et la fit violement sursauter. Décidément, elle ne s'habituerait à jamais à leur efficacité. S'inclinant subitement dans un spasme effrayé, la pauvre créature se confondit en excuses et renifla au sol avec détresse. Une image qui lui brisa le cœur et la fit amèrement déglutir. Plus mal en point que la veille, ses haillons dévoilèrent les marques de coups et de sorts qu'il avait chaque jour essuyé avec cruauté. De quoi la faire frissonner dans l'écho de ses propres souvenir de torture.
- Qu'est-ce qu'Arnis peut faire pour vous satisfaire Maîtresse ? Demanda-t-il d'une petite voix.
- Oh, je… pardon de te déranger Arnis. Dit-elle alors mal à l'aise. Je… je voulais savoir s'il était possible que tu m'apportes mes oreillers et une couverture s'il te plaît. Je dormirais ici jusqu'au retour du Maître.
Surpris par une telle requête, l'elfe se risqua à hésiter. Il ne fallait pas être devin pour deviner quel genre de douleur sous-entendait une telle demande. Aussi, c'est très profondément peiné qu'il la vit soupirer avec désespoir. De tous les habitants du Château, l'Initiée du Maître avait toujours été la plus aimable. Et même s'il n'aurait pas dû le penser… elle était bien la seule à qui il ne souhait aucun mal.
- Arnis peut-il faire vous aider à autre chose ?
- Oui. Dit-elle d'une voix blanche. Ma… ma Tutrice est de sortie aujourd'hui. S'il te plaît, fais-lui porter des fleurs et dis-lui que… je ne pourrais plus me permettre d'assister à ses cours. Le Maître n'étant plus là pour m'aider, je suis dans l'obligation de me dévouer à nos recherches.
Elle savait que Narcissa serait triste… mais jamais elle ne pourrait l'être plus qu'elle. Car une fois encore, elle devait sacrifier le peu de bonheur qu'elle avait gagné au profit d'un devoir plus grand qu'elle.
- Maîtresse n'a-t-elle pas d'autre choix ? Demanda-t-il inquiet.
- Non, Arnis… de toute évidence, je n'aurais jamais le choix.
- Mais…
- Ne t'en fais pas pour moi. Lui dit-elle dans un sourire. J'irais bien.
Emut par une telle douceur, l'Elfe grimaça dans un sanglot et hocha vivement la tête.
- Bien Maîtresse. Je m'en vais de ce pas la prévenir.
Et il disparut sous ses yeux, la laissant dans sa nouvelle solitude.
Une solitude qui bientôt serait sa seule et unique amie dans cet immense et lugubre château…
- Pour l'amour de merlin ! Ouvre cette porte !
Rien.
Pas un mot, pas un souffle, pas la moindre trace de vie...
Qu'un parfait et insupportable silence qui assourdit Drago au-delà du possible.
- Hermione c'est ridicule ! Tu ne peux pas te terrer là-dedans indéfiniment !
Oh si… elle le pouvait ; et plus les jours passaient plus Drago commençait à le croire. Cinq jours qu'elle n'était pas sortie. Cinq jours de pure indifférence, pendant lesquelles elle n'avait donner ni signe de vie, ni explication…. Cinq jours que lui et sa mère avaient compté du bout des lèvres, le regard inquiet et la peur au ventre. Ils savaient que le Maître lui avait donné une mission, mais de là à sceller les portes de la bibliothèque ? A y dormir ? A ne presque plus manger ? Et à ce couper du monde ?! Ce n'était pas sain ! A vrai dire, ce n'était même pas malin ! Mais rien ne parvenait à la raisonner. Ni leurs supplications, ni leurs prières, ni leurs cris et ni même leurs vaines tentatives d'infiltrations… aussi, c'est profondément hors de lui que le jeune homme laissa ses poings s'abattre avec rage sur les portes closes. Seigneur ! Quand cesserait-elle donc de faire l'enfant ?! Elle ne pouvait pas se cacher ! Elle ne pouvait pas fuir la réalité ! Oui, le Maître était parti ! Mais cela ne justifiait pas un tel comportement ! Ça ne justifiait pas son silence ! Et c'était bel et bien ce dernier que Drago exécrait le plus. Interdit d'entrer, de la déranger ou de lui parler, il n'avait de ses nouvelles qu'à travers Arnis, le seul elfe de maison autorisé à franchir sa barrière magique. De quoi l'enrager plus encore… Par Merlin, c'était ridicule. Elle était ridicule ! Elle était sa sœur ! Une Malfoy ! Il n'avait pas à lui parler via l'intermédiaire d'un Elfe de Maison ! C'était une insulte ! Une folie ! Mais outre sa colère, c'est une véritable terreur qui commençait à s'immiscer dans son cœur. Car il aurait beau le cacher, il connaissait Hermione. Plus encore, il connaissait les différentes facettes de ses troubles obsessionnels ! Il l'avait vu à Poudlard…
Entre ses quêtes contre Voldemort, missions pour l'ordre, notes excellentes et devoirs en plus, il l'avait longtemps observé à la dérobée. Tout aussi fasciné que dégoûté, il ne parvenait pas à comprendre comment une Sang de Bourbe pouvait être la préférée des professeurs et la meilleure de l'école. Il devait y avoir un piège, une tricherie, une ruse ! Personne ne pouvait être aussi excellent sans avoir de tare ! Et il avait trouvé la sienne… L'obsession. S'empêchant volontairement de dormir ou de manger, il l'avait vu passer plusieurs journées d'affilées à la bibliothèque, luttant pour y rester le plus tard possible et suppliant pour y revenir plus tôt encore. Au début, cela l'avait amusé… et puis, il s'en était réjoui. Malgré le poids de ses livres, ses mains tremblaient, ses cernes se violaçaient et ses bâillements s'accentuaient. Elle ne tiendrait pas le rythme, c'était-il dit. Elle finirait par craquer avant les ASPIC ! Mais il s'était trompé. Plus obsédée que jamais, elle avait toujours repoussé les limites de son corps et avait atteint l'excellence. Mais aujourd'hui… alors qu'elle était enfermée dans la bibliothèque et que ses plateaux repas revenaient intactes, Drago se mit à craindre le pire. Elle n'avait pas craqué à l'époque… mais elle avait des amis, une famille et corps professoral en soutient. Là, elle n'avait qu'eux. C'était à dire, lui et ses parents ; d'anciens ennemis qui ne pouvaient qu'implorer devant des portes closes. Un maigre réconfort qui ne pouvait faire le poids contre son obsession dévorante.
Car Drago le savait.
Hermione n'avait pas atteint un tel niveau de magie par hasard. Elle avait passé sa vie à travailler, à lire, à étudier, à traduire, à chercher, à tester… un niveau d'excellence qui n'avait d'égal que sa frénésie, sa passion, sa détermination et sa folie. Un niveau qu'elle ne cesserait jamais d'améliorer et qui l'avait poussé à s'enfermer sous ses yeux impuissants. Aussi, le pire était à imaginer. Car jamais Drago ne l'avait vu renoncer… Aussi, il en était certain.
Quitte à perdre la raison, la santé et l'esprit elle accomplirait sa mission.
Quitte à en mourir, elle accomplirait l'impossible.
Re-coucou ! Comme vous avez-pu le voir, ces deux chapitres sont un peu plus courts que d'habitude mais de nouveaux rebondissements sont là ! XD
Voldemort est parti, Hermione le vit mal et Drago s'inquiète... à votre avis, où cela va-t-il les mener ? Des avis ? Des pronostiques ? N'hésitez pas à me donner vos théories sur la suite des évènements ;) J'ai hâte de vous lire !
Merci INFINIMENT pour tous vos messages d'encouragements ! Je suis ravie que l'histoire vous plaise encore et j'ai hâte de vous partager la suite !3
Rendez-vous la semaine prochaine ;)
BISSEEESSS
