La première semaine défila sans qu'Hermione ne puisse la voir. Plongée dans ses travaux, debout jours et nuits, la tête penchée sur plus de cinq livres en même temps et les joues creuses de fatigue, c'est à peine si elle mangea plus de deux repas en six jours. Mais rien n'aurait su la convaincre de ralentir… au contraire ! Plus les jours passaient, plus elle sentait l'imminence de leur délai s'immiscer dans sa lucidité. Tel un sablier infernal, chaque grain tombé résonnait avec force dans son crâne, la laissant fébrile et pressée dans ses recherches toujours plus poussées. Mais elle n'avait pas le choix. Il ne lui restait qu'un an, deux mois et deux jours !

Un an, deux mois et deux jours !

Un an, deux mois et deux jours !

Une rengaine frénétique, hurlante et constante qui ne cessait d'empoissonner ses pensées et de corrompre sa santé. Mais elle ne pouvait pas renoncer. Non… non, elle n'en avait pas le droit ! Alors elle s'acharna. Plus déterminée que jamais, elle réaménagea la bibliothèque, poussa les meubles, fit flotter les tableaux, vida les étagères, classa chaque livre dans plus de quinze piles différentes et installa un lit de camps à même le sol … un agencement étrange, sûrement excessif et peu pratique, mais qui pour la première fois en une semaine, la fit sourire. Elle avait besoin d'espace ! De visualiser ! De s'orienter ! Elle ne pouvait pas se permettre de chercher à l'aveugle ! Non… Il fallait qu'elle tri, range, classe, ordonne et répertorie. Il fallait qu'elle se montre plus maligne que la fatalité qui hurlait dans son crâne !

Il fallait qu'elle y arrive.


Ainsi, c'est dans cette continuité que la deuxième semaine s'écoula. Plus agitée que jamais, Hermione allait et venait dans la bibliothèque, l'esprit en feu et les nerfs à vif. Déambulant entre ses notes brouillonnes, c'est seulement vêtue de son pyjama qu'elle décida de tenter une nouvelle approche. Malgré ses efforts, aucun des écrits vampiriques ne lui avait donné la moindre information sur la sphère. Comme si elle n'avait jamais existé, elle se sentait chasser un fantôme, un mirage, une légende oubliée du monde aussi muette qu'une tombe… elle se sentait courir après un échec, mais ne pouvait se résoudre à abandonner. Oui… elle finirait par trouver ! Il fallait juste qu'elle explore la bonne piste ! La bonne source ! Aussi, c'est après plus de quatre jours sans sommeil qu'elle décida d'entamer une nouvelle quête jusqu'alors inconcevable : la traduction des trente grimoires de Percée. Avec un peu de chance, les épopées Latine et Grecs d'un demi Dieu l'aiderait à y voir plus claire ! Il avait côtoyé les premiers Rois Vampires, combattus à leurs côtés et possédait une magie encore méconnue à ce jour. Mais l'ampleur d'un tel travail… la difficulté de cette tâche… Seigneur cela lui prendrait un temps fou ! Un temps qu'elle n'avait pas et qu'elle sentait hanter chaque parcelle de son âme dans un tic-tac infernal. Le sablier s'emballait, le jours passaient et ses pistes s'amenuisaient. Il ne lui restait qu'un an, un mois et vingt-cinq jours.

Un an, un mois et vingt-cinq jours.

Un an, un mois et vingt-cinq jours.

Un an, un mois et vingt-cinq jours !

C'était trop peu ! Et malgré ça, elle s'entêta... A tel point que même Arnis commença à véritablement craindre qu'elle ne perde la raison. Se mettant à marmonner en langue Elfique et à chantonner les légendes qu'elle s'évertuait à traduire, c'est avec peine que l'Elfe avait réussi à la convaincre de manger au moins un fruit par jour… un pauvre fruit qui ne parvenait malheureusement pas à combler les creux toujours plus prononcés de son visage. Plus maigre de déjà six kilos, il la voyait courir de livre en livre, de table en table, d'étagère en étagère, une floppée de feuilles suivant son ombre dans un sort de lévitation. Un spectacle dont la simple vue aurait effrayé Voldemort lui-même… Mais comme la folie naissante de la jeune femme, le silence du Mage Noir emplissait les lieux de son implacable absence.

Deux semaines entières sans nouvelle, sans lettre, sans rien… et même si Hermione ne trouvait pas le temps d'y penser, c'est toujours avec espoir qu'elle laissait une fenêtre ouverte dans l'attente d'un hibou. Une habitude qui lui crevait le cœur et empoisonnait les restes de sa lucidité, mais qu'elle ne pouvait se résoudre à abandonner. Il finirait forcément par revenir un jour où l'autre… après tout, il n'avait pas le choix ! C'était son château, et… et elle était son Initiée ! Même s'il était parti sans un regard, il ne pouvait pas abandonner leur quête ! Il ne pouvait pas abandonner le monde ! Du moins, l'espérait-elle…

Car à cette heure, c'était tout ce qui lui restait. L'espoir.

L'espoir de réussir.

L'espoir de le voir revenir.

L'espoir de le rendre assez fier pour qu'il veuille rester…

L'espoir d'achever ce qu'ils avaient entamé !

Mais cet espoir était nocif. Plus toxique qu'un poison, il corrompait son âme et sa raison. A tel point que Narcissa n'avait trouvé d'autre solution que de camper devant les portes de la Bibliothèque. Désespérée, elle avait entendu les rapports d'Arnis et les récits de ses nouvelles habitudes. Aussi voir sa pupille agir de la sorte, s'affamer et s'oublier au profit d'une quête impossible, la pétrifiait littéralement d'épouvante. Et elle n'était pas la seule… Incapable d'ignorer plus longtemps l'autodestruction de sa nouvelle fille, Lucius avait urgemment décidé de loger au château. Aussi paniqué que sa femme, lui et Drago arpentaient les couloirs avec désespoir, hurlant sur tous les elfes qu'ils croisaient pour les convaincre de faire exploser les portes ensorcelées. Mais rien ne marchait. Ils avaient tout tenté… tout essayé… mais sa magie était trop puissante et son obsession trop grande.

Pourtant, Hermione n'était pas sourdre à leurs appels. Bien que désorientée par son manque de sommeil, elle savait quels genres de tourments son comportement engendraient… elle savait quels genres de craintes ils ressentaient. Mais ils ignoraient ce qu'elle tentait d'accomplir. Ils ignoraient qu'elle se battait pour le monde ! Qu'elle se battait pour eux ! Ils l'avaient accueilli, soutenu et adopté. Ils… ils lui avait offert une famille ! Et l'idée de la perdre… l'idée d'échouer dans sa quête et de voir les dernières personnes qui voulaient l'aimer périr…. Non. Non, elle ne pouvait le concevoir. Elle ne pouvait l'accepter ! Alors si elle devait les peiner, si elle devait les décevoir pour les sauver, qu'il en soit ainsi. Elle ne laisserait pas l'absence de son Maître mettre en péril le peu de bonheur que les Malfoy voulaient lui offrir ! Elle ne les abandonnerait pas ! Elle trouverait un moyen de les sauver… de tous les sauver !

Telle était sa destinée.


- Je t'en prie Lucius ! Implora Narcissa. Nous n'avons pas le choix !

- Je t'ai dit que c'était impossible… Mes lettres ne lui sont pas parvenues ! Il est introuvable.

- Mais enfin, il s'agit de son Initiée ! Il ne peut pas la laisser dans cet état ! Il… il doit savoir !

Savoir.

Un si grand mot…

Mais même s'il le voulait, Lucius avait les mains liées. Un état de fait qui plus il y pensait, plus le désespérait. Dépité, il passa une main sur son visage fatigué et soupira. Il aurait voulu pouvoir faire plus. Il aurait voulu pouvoir agir ! Mais son Maître était parti en mission et ne se laissait pas trouver. Seul une poignée de personnes savait où il était allé… et bien entendu, elles étaient toutes parties avec lui. Aussi, c'est avec effroi qu'ils avaient dû se rendre à l'évidence. Leurs lettres resteraient sans réponses et leurs supplications seraient vaines. Il ne viendrait pas les aider. Il ne viendrait pas apaiser le démon qui avait pris possession de leur fille ! Il ne rentrerait qu'une fois sa mission remplie, au risque que celle de son Initiée ne l'achève pour de bon.

Trois semaines.

Trois semaines qu'Hermione s'était enfermée, se sous-alimentait et s'acharnait. Trois semaines pendant lesquelles ils avaient vu son état se dégrader et redoutaient que son corps ne la lâche. Trois semaines qu'ils la voyait faire la funambule sur un fil tendu au-dessus d'un vide fatal… Ne se nourrissant plus que de potions sans-sommeil, Arnis leur avait rapporté qu'elle restait debout plus de 120h d'affilées, passait ses journées à pratiquer de nouvelles magies et s'était même mise en tête de tester de nouvelles expériences. Une initiative plus dangereuse que les autres, qui cette fois avait bien failli faire exploser tout un pan du château ! Déterminée à reproduire l'essence d'un feu prophétique ancestrale, les Elfes avaient de justesse éviter la propagation d'un incendie magique. Mais jusqu'à quand pourraient-ils contenir sa Magie ? Jusqu'où irait-elle dans sa nouvelle folie ? La réponse les effrayait plus que tout le reste. Et pour cause… elle ne s'arrêterait jamais. Quitte à y laisser la vie, elle s'acharnerait ! Une évidence qui malgré sa naturelle froideur, l'affligeait plus qu'il ne l'aurait cru possible.

Quand Drago lui avait parlé de sa nouvelle obsession, il n'en avait pas mesuré la gravité... Il s'était simplement dit qu'elle était déterminée à accomplir ce que le Maître lui avait ordonné et en avait même éprouvé de la fierté ! Malgré son pédigré peu honorable, sa nouvelle fille était décidée à remplir ses devoirs d'Initiée et à prouver sa valeur ! Il s'était dit que c'était une bonne chose ! Que cela l'occuperait pendant l'absence du Mage et qu'elle ferait ses preuves… mais aujourd'hui, après trois semaines de séquestration volontaire et de privation, Lucius se sentait dépassé. Il n'avait pas compris quel genre de feu l'animait… quelle obsession l'habitait. Aussi, il dû se rendre à l'évidence. Il n'avait pas adopté une petite rebelle graciée. Il n'avait pas adoptée une Gryffondor bornée. Il avait adopté une forcenée, une battante déraisonnée, une Sorcière déchaînée ! A tel point que le mystère de son génocide n'en était plus un... Il le voyait aujourd'hui, Hermione était prête à toutes les folies, tous les sacrifices, tous les efforts du monde pour arriver à ses fins ! Et même si un tel tempérament forçait le respect, c'est mortifié qu'il devait assisté à la déchéance de sa fille.

Une déchéance qui, il le savait, ne tarderait pas à atteindre son triste paroxysme…


Profondément malnutrie après plus trois semaines de privation extrême, Hermione dû se rendre à l'évidence. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Désorientée par tous les sorts qu'elle s'était jetée pour ne pas flancher, c'est à peine si elle parvenait encore à marcher sans s'écrouler. Une faiblesse qu'elle ne pouvait plus nier et qui au-delà de ses recherches infructueuses, l'enrageait. Que le corps était faible, lâche et fragile ! Qu'il était traître et vile ! La laisser là, gésir sur le sol sans énergie ni vitalité… la laisser ramper à la force de ses bras pour se déplacer ! Quelle honte… quelle disgrâce. Pourtant elle ne demandait qu'à avancer ! Elle ne demandait qu'à continuer ! Et c'était bien ce qu'elle comptait faire. Que ses maigres membres le veuillent ou non, elle ne laisserait pas quelque chose d'aussi simple qu'un corps l'arrêter dans sa quête ! Voldemort lui-même avait trouvé de multiples palliatifs aux limites de son enveloppe charnelle ! Oui… Elle ne laisserait pas la fatigue, la faim ou la soif mettre en péril ce que son esprit tentait d'accomplir. Elle était plus forte que ça ! Plus maligne !

Aussi, elle avait dû faire preuve d'originalité. Clouée à même le sol par la douleur de son corps, elle décida d'en faire une force. Allongée sur le tapis, elle fit voler ses ouvrages au-dessus d'elle, inventa de nouveau sortilèges pour écrire dans les aires et commença même à coller ses notes au plafond. Une alternative au premier abord ingénieuse, qui suffit cependant à métamorphoser la bibliothèque déjà méconnaissable en moins de trois jours. Recouverte de traductions des murs aux voûtes, plus un mètre carré de sol, d'étagère ou de meuble n'était désormais visible. Tel un échiquier géant, la Sorcière se traînait péniblement de case en case, complétant les blancs, corrigeant ses erreurs et relisant inlassablement chaque mot comme s'il allait résoudre l'énigme qui la hantait. Et pourtant, malgré tout ceci… malgré sa totale et complète dévotion, son manque cruel de sommeil et sa folie naissante, rien ne marchait.

A tel point que peu à peu, son esprit commença à flancher…

Malgré elle, elle se sentait sombrer…


- Arnis… quel jour sommes-nous ? Demanda-t-elle d'une voix rauque.

Accourant jusqu'à elle, le petit Elfe zigzagua entre ses notes étalées au sol et la rejoint un plateau de fruit en main. Essoufflée dans sa course, il la contempla un instant et déglutit dans un silence peiné. Le précédent plateau n'avait pas été touché.

- Le premier mai Maîtresse.

- Es-tu sur ? Demanda-t-elle après un court silence.

- Oui Maîtresse.

Etendue par terre au milieu de ses livres, le regard rivé au plafond et la bouche pâteuse, Hermione fixa le vide avec désintérêt. Le Premier Mai. Déjà. A ce stade, elle ne savait plus si le temps passait trop vite ou trop lentement… Fuyait ou ralentissait. Peut-être les deux en même temps ? Ou peut-être pas du tout ? Peut-être même que tout ceci n'existait pas. Ni le temps, ni l'espace, ni cette réalité dans laquelle elle se sentait sombrer. Mais là encore, elle n'en était plus certaine. A vrai dire, elle n'était plus certaine de rien.

- Maîtresse vous… vous n'avez rien mangé depuis quatre jours. Couina Arnis mal à l'aise.

- C'est faux. Souffla-t-elle. J'ai mangé la pomme que tu m'as apporté hier.

- Mais Maîtresse… c'était lundi. Nous sommes vendredi.

Vendredi ? Déjà ? Vendredi premier mai… Intéressant. En plus de perdre la notion du temps, elle ne savait même plus se repérer dans son propre calendrier. A croire que son Maître avait eu raison de l'abandonner. Passer une certaine cadence de travail, elle n'était plus bonne à rien.

- Maîtresse… pardon d'insister mais… les Malfoy s'inquiètent beaucoup pour vous.

Les Malfoy… Les seuls qui l'aimaient assez pour s'inquiéter. Les seuls qui ne l'avaient pas encore abandonné. Mais pour combien de temps encore ? Quand se lasseraient-ils de l'attendre ? Quand se lasseraient-ils de l'appeler ? Elle l'ignorait. Et pourtant elle ne pourrait pas leur en vouloir. Qui voudrait d'une fille enfermée dans une bibliothèque ? D'une sœur incapable de se confronter au monde sous la pression d'une quête ? D'une Initiée accumulant les échecs ? Pas elle en tout cas.

- Dis-leur que je vais bien.

- Mais Maîtresse… vous n'allez pas bien !

Ah oui ? Sûrement… mais là encore, elle ne savait plus. Allongée au sol depuis peut-être deux jours, elle s'était avouée vaincue à la traduction du dernier Grimoire de Percée. Et pour cause… elle n'y avait rien trouvé. Pas d'indice, pas de piste, pas d'idée. Rien. Une complète et magistrale perte de temps, qui avait sût venir à bout de ses dernières forces.

- Je… je vais bien.

Mais Arnis ne put s'en convaincre. Livide, horriblement amaigrie, cernée et immobile, son corps gisait sans force ni vie au milieu d'un chaos sans nom. Vêtue d'un short et d'un débardeur dévoilant ses côtes, c'est à peine si elle respirait encore sans devoir faire un effort. Et il aurait dû croire qu'elle allait bien ? Non. Elle se trompait. Elle allait tout sauf bien ! Mais que pouvait-il dire ? Que pouvait-il faire ?! Il n'était qu'un serviteur. Qu'un Elfe ! Lui faire une simple remarque sur son alimentation constituait déjà une faute… et pourtant, il ne souhaitait que l'aider.

- Permettez-vous que… je mette un oreiller sous votre tête ? Se risqua-t-il de demander.

- Je… je n'en ai pas déjà un ?

- Non Maîtresse. Votre… votre tête repose sur un grimoire.

- Oh je vois…

S'empressant de placer un oreiller sous sa tête, l'Elfe reposa le grimoire à ses côtés et retînt un sanglot. Ça ne pouvait plus continuer ainsi. Elle en devenait folle ! Déconnectée du monde, il la voyait peu à peu perdre le fil du réel et s'égarer entre rêve et hallucination, confusion et trouble, adrénaline et épuisement… Elle avait atteint sa limite. Par Merlin, à la voir ainsi on aurait presque pu croire qu'elle était déjà morte. Une issue qui se profilait un peu plus chaque fois qu'elle se relevait pour s'acharner… un peu plus chaque fois que son déni la submergeait.

- Quel… quel est le numéro du grimoire s'il te plaît ? Demanda-t-elle.

- Le 27.

Le 27. Un tome intéressant… Percée y racontait son premier échange avec Don Carnado, l'un des premiers vampires de la Dynastie des Basuldro. Un récit peu instructif, mais particulièrement divertissant. Aussi, la jeune femme ne put s'empêcher d'esquiver un sourire. Elle était incapable de donner la date du jour ou celle de son dernier repas, mais aurait pu réciter chaque page, paragraphe, vers et mot de ce maudit ouvrage. Comme si l'encre s'était infiltrée dans son crâne, l'histoire défila de nouveau dans son esprit, identique en tout point à ce qu'elle avait traduit. A croire qu'à force de rester enfermer, son cerveau s'était mis à boire tout ce qui lui était donné de lire. Et tant mieux ! A bien y réfléchir, elle se dit que c'était bien le seul bénéfice de son enfermement. Une totale et complète concentration, malgré une implacable confusion.

- T'ai-je raconté comment la Dynastie des Basuldro était parvenue à créer la première armée vampire de l'Est de la Perse ?

- Oui Maîtresse. Un récit passionnant ! Déclara-t-il.

- Vraiment ? Quand te l'ai-je raconté ?

- Samedi dernier Maîtresse.

- Par Merlin… soupira-t-elle affligée.

- Maîtresse vous m'inquiétez.

Et à ce stade elle aussi. Bon sang, elle ne pouvait pas rester dans cet état. Elle ne pouvait pas s'avouer vaincue ! Non, il fallait qu'elle se ressaisisse ! Il fallait qu'elle réagisse !

- Arnis… peux-tu m'apporter mon sac de potion s'il te plaît ?

S'exécutant dans l'instant, l'Elfe le lui rapporta le cœur plein d'espoir. Peut-être comprenait-elle enfin la toxicité de son comportement ? La gravité de son état ?! Il l'espéra dans son silence et la vit fouiller sa besace avec lenteur. Surprise par sa propre faiblesse musculaire, elle mit pas moins de dix longues minutes avant de trouver ce qu'elle cherchait. Une potion qu'elle n'avait pas bu depuis longtemps… une potion qu'elle regretta déjà de tenir dans ses mains avec autant de hâte. Une potion interdite.

- Qu'est-ce ?

- Quelque chose dont tu ne devras parler à personne. Déclara-t-elle du bout des lèvres.

- Est-ce… est-ce dangereux ?! S'inquiéta-t-il subitement.

- Pas à la première prise. Déglutit-elle. Mais promet-moi que tu m'empêcheras d'en prendre plus.

- Mais…

- Ceci est du Sang de Dragon.

- Est-ce énergétique ?!

Un sourire amusé étira ses lèvres gercées. Oui et non… mais cela devrait suffire. Car à ce stade, cette potion était bel et bien son seul espoir.

- On peut dire ça. Mais… c'est un peu plus spécial.

- Comment-ça ?

- Il provient d'un Dragon dont l'œuf n'a pas éclos. Son sang est imprégné de magie à l'état pur. Une magie brute qui n'a pas eu le temps d'évoluer, ni même de vivre…

Le sang d'un bébé Dragon mort dans l'œuf. Elle… elle voulait boire le sang d'un bébé Dragon mort dans l'œuf ?! Par Merlin c'était dégoutant ! Et pourtant, elle ne recula pas malgré son dégout. Se redressant à grande peine, la jeune femme grimaça dans un cri étouffé à la raideur de son dos et soupira avec force. Seigneur, pourquoi fallait-il que vivre soit si dur ? Mais ça ne durerait pas. Non, elle le savait. Elle pouvait aller mieux. Mais à quel prix ? Le souffle court, elle contempla la fiole et déglutit. Elle n'avait pas bu de sang de Dragon depuis la fin de la Grande Bataille… depuis qu'elle avait véritablement perdu tout espoir. En ce temps, la simple idée de survivre à leur défaite lui semblait inconcevable ; jusqu'à ce qu'un contrebandier ne lui échange plusieurs fioles de cette potion en échange d'informations. D'abord mitigée, elle ne s'était attendue à rien… et puis des effets étaient apparus. Des effets qui lui avait permis de retrouver l'envie de se battre et de soutenir Harry et Ron, alors au bord du suicide. Oui… Cette potion, aussi sordide, interdite et dégoutante soit-elle, lui avait redonné l'envie de vivre. Et même si les circonstances étaient différentes, même si elle savait déjà quels genres de tourments elle devrait subir, Hermione sût qu'elle n'avait pas d'autre choix. Elle avait tout tenté, tout essayé ! Mais rien ne suffirait jamais. Or, elle ne pouvait plus se laisser dépérir. Elle ne pouvait plus se laisser mourir ! Elle devait reprendre ses recherches, retrouver sa vitalité et continuer d'avancer.

« Le premier mai. »
Il ne lui restait qu'un an, un mois et seize jours.
Elle ne pouvait plus en perdre un de plus.

Aussi elle respira un grand coup, se pinça le nez et avala cul-sec l'étrange texture noirâtre. Amère et profondément abjecte, elle mit une main sur sa bouche et s'empêcha de vomir dans un spasme réflexe. Bon Dieu… ce goût ne lui avait pas manqué.

- Quels sont les effets ? Demanda Arnis effrayé.

- Ma pression artérielle va remonter, mes sens vous s'affiner, ma conscience va s'éveiller et la magie fondamentale de mon corps va réagir à celle du Dragon. Concrètement, le tout va me redonner de l'énergie et augmenter mes capacités.

- C'est… c'est une bonne chose.

- Oui. Souffla-t-elle. Oui, c'en est une.

- Mais pourquoi ne devez-vous pas en prendre plus ?

Parce qu'elle était déjà passée par là… parce qu'elle savait quels genres d'effets cette potion avait sur son corps et qu'elle pouvait déjà sentir un frisson d'extase la parcourir. Parce qu'elle était interdite, illégale et vicieuse… parce qu'elle pouvait détruire le plus courageux des hommes, aliéner le plus instruit et corrompre le plus pur. A vrai dire, certains ne la considéraient même pas comme une potion, mais comme un démon en fiole. Une malédiction, un fléau, un poison pour quiconque se risquait à en boire ! Un piège dont la plupart des consommateurs ne s'en relevait pas.

- Question de praticité. Menti-t-elle subitement. Je n'en ai plus beaucoup et je ne voudrais pas épuiser mes stocks.

Elle savait qu'elle jouait un jeu dangereux.
Elle savait qu'elle prenait des risques odieux.
Mais l'Eclipse ne l'attendrait pas… et son Maître ne revenait pas.

Alors à quoi bon rester sur le droit chemin ? Elle avait un monde à sauver ! Peu lui importait de replonger… peu lui importait de devoir une nouvelle fois se sevrer. Elle avait survécu à tout ça par le passé. Elle avait réussi à s'en sortir ! Et elle réussirait de nouveau. Mais jusqu'à ce que jour vienne, elle devrait se montrer forte.

Elle n'avait pas le choix.


Un an, un mois et huit jours.

Un an, un mois et huit jours.

Un an, un mois et huit jours.

Cela faisait désormais plus de trois mois qu'Hermione s'était rendue à Voldemort. Trois mois qu'elle habitait au château, qu'elle avait été nommée Initiée et que le délai du Fléau s'amenuisait. Pourtant et pour la première fois depuis quatre semaines, la jeune femme ne pensa pas à la Malédiction. Et pour cause… cela faisait désormais un mois que son Maître l'avait quitté. Une date qu'elle sentit s'inscrire au fer blanc dans son cœur et qui lui donna la nausée.

Un mois.
Un mois !

Et elle n'avait rien reçu. Pas de nouvelle, de lettre ou de signe de vie… Un silence qui au-delà de la haine, de la tristesse ou du désespoir, la laissait cette fois simplement perdue. Plongée dans ses recherches, elle avait essayé d'oublier, de ne pas y penser et même de se raisonner. Après tout, Voldemort était un Seigneur. Il avait des responsabilités, des devoirs et des obligations. Il se devait d'être présent là où des conflits étaient susceptibles d'éclater. Il se devait d'être vigilent, présent et à l'écoute des frondes montantes. Mais aujourd'hui… après un mois d'absence, Hermione ne savait plus quoi en penser. L'avait-il oublié ? Elle, son Initiée ? Ou s'était-il simplement désintéressé de la prophétie ? De la fin du Monde ? Elle l'ignorait. Pour autant, la seule chose dont elle était certaine était que le monde avançait toujours… et que pour la première fois depuis un mois, sa fatigue avait cessé de lui jouer des tours.

Revigorée seulement une heure après la prise de sa potion, c'est une nouvelle énergie qui l'avait animé. Plus violente que dans ses souvenirs, elle avait senti sa magie vibrer sous sa peau, allant jusqu'à crépiter depuis ses paumes dans des jets d'étincelles endiablés. Une sensation étrange dont elle avait perdu la saveur, mais qui la rassasia d'un nouveau bonheur. C'était grisant, enivrant, exaltant et plus que tout… c'était vivant. Oui malgré ses échecs et ses peurs, Hermione se sentait enfin revivre. Plus encore ! Elle se sentait renaître ! Les joues roses et le cœur battant, son corps s'était dénoué, ses jambes s'étaient ranimées et son esprit s'était enflammé ! Mais elle ne pouvait pas prendre cette énergie pour acquis. Elle le savait mieux qui quiconque, les effets s'atténuaient dès lors que le corps s'épuisait. Aussi, elle décida de s'octroyer ce dont elle s'était privée jusque-là : du sommeil. 12 heures pour être précis. 12 heures pendant lesquelles son esprit s'évanoui…

Au début, Arnis n'y avait pas cru. Après tant de semaines passées à la voir fuir la moindre perte de temps, il avait perdu tout espoir de la voir prendre du repos ! Et pourtant c'était vrai. Il n'avait pas rêvé. C'est couchée dans son lit, le souffle régulier et le teint frais qui l'avait trouvé le lendemain matin… une image dont il n'avait plus osé rêver et qui raviva ses espoirs jusqu'alors perdus. Enfin. Enfin elle ouvrait les yeux ! Enfin elle décidait de prendre soin d'elle ! C'était inespéré… un cadeau tombé des cieux à l'heure où son esprit semblait se perdre. Aussi, c'est entre deux sanglots de bonheur qu'il s'était empressé d'annoncer la nouvelle aux Malfoy. Une nouvelle qu'aucun d'eux ne s'attendit à entendre et qui les laissa tous aussi choqués que bouleversés... Fondant en larme devant l'Elfe, Narcissa avait remercié le ciel, Drago avait hurlé de joie et Lucius s'était assis dans un soupir de soulagement. Enfin… enfin leur fille retrouvait la raison. Mais à toute joie venait sa peine. Car une fois réveillée, Hermione se l'était jurée. Elle ne trouverait plus le repos avant d'avoir trouvé la sphère prophétique. Et c'est ce qu'elle fit.

Transcendée par son sommeil et l'énergie de sa potion, elle ne mangea ni ne dormi pendant plus de huit jours consécutifs. Mais cela paya ! Du moins en partie… car après quatre semaines de recherches, de peines et de désespoir, Hermione eut la satisfaction de faire enfin un bilan. En un mois, elle était parvenue à traduire pas moins de deux cent cinquante grimoires Elfiques, Runiques, Latin, Grecs et Araméen ; avait reproduit chacun des soixante-sept Sorts inventés par Merlin, perfectionné les quarante-deux Maléfices de Morganes et avait même réussit à synthétiser plus d'une vingtaine de potions de magie Divine ! C'était incroyable. Inimaginable. Son esprit avait emmagasiné plus de sorts, de maléfices, d'enchantements et de légendes qu'en toute sa scolarité. Elle avait dépassé ses espoirs, surpassé ses paires et déjoué tous les pronostics ! Mais malgré cet exploit, la première mission de sa quête restait inachevée. La sphère prophétique restait introuvable.

Un ultime échec qui pourtant ne semblait plus si grand à ses yeux. Et pour cause, elle avait une piste. Pour la première fois depuis un mois, Hermione avait enfin une piste ! Trouvé au cœur d'un livre d'histoire des conquêtes vampiriques, un vieux parchemin retranscrit en runes lui avait dévoilé le récit d'un trésor sphérique offert à un vampire du nom de Aloff. Un trésor dont les origines semblaient méconnues, mais dont la valeur avait convaincu le vampire d'épargner pas moins de cinq villages sorciers au nord du Golfe Persique. C'était énorme. C'était… c'était ça ! Ce trésor sphérique aux pouvoirs étranges, ce vampire, cet échange… ça ne pouvait être que ça ! Mais le parchemin n'en disait pas plus. A tel point qu'une nouvelle mission se profilait sous les yeux de la jeune femme. Trouver ce vampire. Trouver Aloff ! Malheureusement, elle n'avait qu'un seul moyen d'y parvenir : Disséquer mot après mot, ligne après ligne et page après page, plus de trois cents ouvrages répertoriant les différentes Dynasties Vampiriques, dont la majorité était écrit dans plus de sept langues mortes différentes. Un travail titanesque dont la simple pensée lui donnait la nausée. Un travail qui surpassait de loin la traduction des trente Grimoires de Percée, qui avait pourtant failli l'achever. Bien entendu, n'importe quel autre sorcier ayant un minimum de jugeotte aurait renoncé. Et il aurait eu raison ! Mais à ce stade, Hermione dû le reconnaître. Sa lucidité l'avait quitté depuis longtemps.

Galvanisée par le sang de Dragon, sa détermination était venue submergée sa raison. Perdue dans ses pensées, elle n'arrivait plus à lire l'anglais, se parlait à elle-même en Latin, recouvrait ses bras de pense-bête écrit en Grecs, et allait même jusqu'à prier des Dieux Païens en Araméen ! C'était de la folie… De la folie à l'état pur, à tel point qu'elle-même ne se reconnaissait plus. Mais que pouvait-elle faire ? Elle devait avancer ! Elle devait trouver la pièce manquante ! L'ultime réponse ! Le parchemin, le texte ou même le simple mot qui changerait tout ! Le petit quelque chose qui la délivrait enfin… et elle pouvait le faire ! Elle pouvait le trouver ! Elle avait accompli tellement et était allée si loin en seulement un mois. Elle n'était qu'à trois cent ouvrages de la réponse qu'elle attendait enfin ! Qu'à trois cent ouvrages de la sphère prophétique ! Elle ne pouvait pas s'arrêter là. Aussi, ses recherches lui avaient ouvert les yeux. Elle avait laissé son épuisement lui cacher tous les trésors que renfermait son esprit… toute la beauté de ce qu'elle avait appris ! Mais sa potion l'avait libéré de ce fardeau. Oui. Le savoir qu'elle avait acquis était la clé de cette malédiction. Il était la clé de ce monde ! Elle pouvait enfin trouver la réponse à toutes ses questions ! Elle pouvait dépasser les derniers obstacles qui l'empêchaient d'exceller ! Elle pouvait prouver à son Maître qu'il avait eu tort de l'abandonner… Mais pour cela elle devait y arriver. Elle devait traduire ces ouvrages ! Mais ne pourrait jamais y arriver sans un peu d'aide.

Elle pouvait tous les sauver. Rien ne devait l'empêcher d'y parvenir… et certainement pas sa peur. Aussi, c'est à la surprise générale que la jeune femme décida de prendre un jour de congé. S'accordant cette fois 15 heures de sommeil supplémentaire, elle mangea tout ce qu'Arnis lui prépara et écrivit même une lettre d'excuse à chacun des Malfoy. Elle voulait qu'ils soient fiers d'elle. Elle voulait qu'ils la comprennent et lui pardonnent ! Mais plus que toute autre chose, elle voulait avoir l'esprit en paix. Car après avoir passé la journée à se reposer, elle savait qu'elle ne pourrait plus penser à autre qu'à sa nouvelle quête : trouver Aloff et traduire les trois cents ouvrages répertoriant les Dynasties Vampiriques. Mais pour cela, il lui fallait trahir sa parole. Il lui fallait boire du sang de Dragon.

Elle savait ce qu'une deuxième dose impliquait… elle savait ce qu'elle risquait. Mais une fois que la fiole fut entre ses mains, pas la moindre hésitation ne la retînt. L'avalant cul-sec, elle laissa la magie se répandre dans son corps et éveiller les derniers recoins de sa conscience. Elle pouvait y arriver. Peu importe ce que cela lui coûterait, elle trouverait ce vampire !

Et c'est après deux autres longue semaines…
A un an et vingt-et-un jours de l'Eclipse…

Qu'Hermione réussit enfin.


Hello ! Comme vous le voyez, nous sommes à un véritable tournant ! Hermione s'acharne, mais où cela la mènera-t-il ? Des pronostiques ?