- Maître ! Maître !

S'écriant après lui malgré sa voix éraillée, Hermione accourut dans une course effrénée. Ça avait marché… le sort avait marché ! Mais même si elle avait vu Aloff s'écrouler, son Maître lui avait disparu sous l'avalanche de rochers… Sautant par-dessus des statues brisées et les voûtes écrasées, elle zigzagua entre les restes de l'allée et se pinça le nez. Aveugle au milieu des ruines fraichement détruites, un épais nuage intoxiquait l'air de sa poussière, ralentissant son avancée et irritant sa gorge salement enflée. Aussi, c'est à bout de force qu'elle gravit un mur affaissé et tâtonna le sol sans respirer. En soit elle ne devait pas être surprise… utiliser le sort de Morgane deux fois de suite relevait d'avantage du suicide que de la folie ! Mais malgré les quelques voûtes écroulées, la montagne n'avait pas cédé. Une aubaine dans la mesure où l'onde de choc avait presque réussi à les tuer…

- Maître !

Essoufflée, Hermione soupira dans sa fatigue et grimaça au silence des lieux. Bon sang, mais où était-il ?! Aloff l'avait expédié à l'autre bout de l'allée, mais le plafond s'était effondré ! Il pouvait être sous n'importe quel mur, gravas ou rocher ! Peut-être même l'avait-elle piétiné sans s'en rendre compte ?! Bouleversée, Hermione s'interrogea de longues minutes, le cœur battant d'incertitude… avant de ne l'entendre s'écrier dans l'obscurité. Assourdi, l'écho de son cri lui vrilla les tympans mais la fit sourire. Il était là ! Accourant dans ses dernières forces, elle se laissa guider par ses gémissements étouffés mais sursauta violement au détour d'un colonne. Par tous les Dieux… il était là… mais dans quel état ? Elle crut pendant un instant que sa vue lui faisait défaut dans l'obscurité, mais ne put se tromper. Allongé au sol, son corps n'était plus que sang et lambeaux de chaires informes. Retenant un frisson la jeune femme hoqueta dans sa panique et s'empressa de le dégager des quelques rochers qui l'emprisonnaient. Confus et désorienté, Voldemort serra les dents sous la douleur de ses plaies et se laissa extirper sans discuter. Mal en point, il cracha avec peine la poussière qui l'étouffait et balbutia à la vue de son Initiée. Horrifiée, elle l'ausculta avec délicatesse à la lueur de sa baguette, mais ne put s'empêcher d'haleter. Il l'aurait tué. Ça ne faisait aucun doute… sans son immortalité, Aloff l'aurait tué ! Mais il respirait… et guérirait… une constante peu surprenante qui failli cependant la faire pleurer de joie devant ses mains pleines de sang.

- Maître… vous… vous allez bien ?

A sa question, Voldemort hésita. Gémissant avec force, il s'efforça de rassembler ses pensées et de respirer… mais chacune de ses inspirations le tétanisait. Bon sang… Avait-il perdu connaissance ? La simple vue de son état le fit rougir de honte et lui donna la réponse. Sans surprise, ses côtes étaient toutes brisées, ses muscles déchirés et les trois quarts de sa peau lacérée. Et dire qu'il pensait être invincible… d'une certaine manière il l'était ! Pour preuve, il commençait déjà à cicatriser ! Mais il pouvait saigner. Une vérité que lui-même semblait avoir oublié. Pourtant et devant elle, un fin sourire réussi à franchir ses lèvres. Elle aussi allait bien. Malgré son cou méchamment violacé et ses ecchymoses en pagailles, Hermione allait bien.

- J'ai connu mieux… et… et toi ? Souffla-t-il.

Incapable de parler, Hermione hocha la tête et s'empressa de le relever. Vacillant sur ses jambes, il retînt un gémissement et s'accrocha à elle pour ne pas s'écrouler. Assourdis par ses acouphènes, la violence de sa migraine lui donna la nausée et le fit grimacer. A croire que même les Dieux se moquaient de lui…

- Le sort ? Demanda-t-il. Il…

- Il a marché. Murmura-t-elle du bout des lèvres. Le sort a marché.

Ils avaient réussi… ils avaient gagné. Franchement surpris, il la regarda sans y croire avant de contempler les ruines de leur victoire. Si l'allée avait été épargnée par le premier maléfice, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Plongé dans l'obscurité, il ne vit que roches instables et gravas poussiéreux ; un paysage qui bien que dévasté, cilla ses joues d'un sourire heureux. Aloff était vaincu. Aloff était vaincu ! Et pourtant, il n'y avait plus cru. Jamais encore il n'avait affronté pareil adversaire. Que ce soit pendant la guerre ou même ses quêtes de jeunesse, il avait toujours su garder l'avantage sur ses ennemis. Mais aujourd'hui… et face à lui… leur victoire était toute aussi surprenante que leur survie.

- Où est-il ? S'empressa-t-il.

- De l'autre côté de l'allée. Il était inconscient quand je me suis réveillée alors je l'ai immobilisé…

- Bien ! Dépêchons-nous dans ce cas.

- Mais Maître… votre état !

- J'ai connu pire. Grimaça-t-il. Allez… le temps presse.

Mal à l'aise devant ses plaies ouvertes, Hermione ne dit rien et le regarda boitiller. Décidément, rien ne pourrait jamais l'arrêter… Aussi, elle le soutînt du mieux qu'elle put et dégagea un maximum de rocher de sa baguette. Gravissant les quelques murs qui s'étaient couchés, elle les guida lentement à travers l'allée. Un chemin long et périlleux qui ne manqua pas de leur arracher quelques grimaces mais dont la destination suffit à apaiser leurs souffrances. Débouchant non loin de la cavité, ils virent les reliefs d'une silhouette gémissante et frémir d'impatience. C'était le moment. Enivré, Voldemort sourit devant le scintillement des lianes ensorcelées et courut presque jusqu'à elles. Hermione n'avait pas menti… ils avaient réussi.

Ligoté, Aloff gisait entre les gravats. Confus, il s'éveillait peu à peu de son inconscience, désorienté devant la nouvelle proportion de ses sens. Pourtant et face à lui, les sorciers parurent d'avantage surpris. Ils avaient affronté un démon assoiffé de sang, une bête infernale dont la cruauté et la puissance n'avait pas d'égale… que dire, un monstre sorti tout droit de l'imagination de Satan ! Mais il n'en restait rien… Réduit à sa forme la plus primitive, le fléau vampirique qu'ils avaient affronté ne ressemblait plus qu'à un humain égaré. Une image qui bien qu'elle les rassurât, les laissa bouche bée. Loin de sa figure déformée et de ses crocs tombant jusqu'au menton, c'est un homme simple au yeux bruns qu'ils virent haleter. Légèrement typé, sa peau autre fois grise et desséchée leur apparu lisse et bronzée, dévoilant alors toute la beauté de son humanité. De taille moyenne, ses muscles surnaturels avaient fondu, ses traits s'étaient affinés et ses cheveux avaient même poussés. Oui… le sort de Morgane avait véritablement marché. Aloff, le vampire plus dangereux de l'histoire, celui-là même qu'une armée entière avait passé des mois à combattre, avait été exterminé.

- Fascinant… souffla le Mage impressionné.

- Qu… qu'est-ce que… qu'est-ce que vous m'avez fait ?! S'écria-t-il paniqué.

Ne cachant pas sa joie face à ses cris, Voldemort esquiva un sourire. Qu'il était bon de voir la terreur d'un homme sur le point de mourir.

- Ceci mon cher ami, est l'effet d'un sortilège de Transmutation du métabolisme des créatures magiques. Dit-il trop heureux.

- Quoi ?! Mais… mais enfin c'est…

- Je serais ravi de t'expliquer tout ce que cela implique, mais le temps nous est compté alors… Hermione ?

Acquiesçant à son ordre implicite, la jeune femme resserra l'emprise des lianes et souleva Aloff de terre. Profondément effrayé, il s'agitât dans les airs et tenta de lutter… mais ses griffes s'étaient rétractées, ses crocs étaient tombés et sa force l'avait quitté. Une évidence qu'il ne sembla pas vouloir réaliser mais qui laissa sa figure se décomposer à mesure que la magie le redressait. Figé, il déglutit à l'approche du mage et le détailla sans y croire.

- Vous êtes en vie… Souffla-t-il. Mais… comment vous…

- Disons simplement que contrairement à la tienne, mon immortalité est incorruptible. Sourit-il.

- C'est impossible ! S'écria-t-il. Aucune magie ne…

- Vu que tu as été emmuré pendant plusieurs centaine d'années, je veux bien admettre que tout ceci soit déstabilisant, mais comme je l'ai dit… nous n'avons pas le temps.

L'assommant violement d'un coup de poing en plein nez, Voldemort vit sa tête dodeliner sur le côté et soupira dans un sourire satisfait. Une image qu'Hermione ne put s'empêcher de regarder d'un air stupéfait.

- Aide-moi. Claqua-t-il.

- Vous pensez que la sphère est sur lui ?

- Non. Je l'aurais vu pendant notre combat. Dit-il en le mettant au sol.

Troublée, elle vit son Maître le défaire de ses liens avant de l'allonger et de lever sa baguette au-dessus de son ventre.

- Alors où est-elle ?! Demanda-t-elle sans comprendre.

- La Báthory nous a expliqué que les Italiens redoutaient les pouvoirs de la sphère et l'ont emmuré avec lui. Donc si elle n'est pas sur lui, elle ne peut qu'être…

- En lui…

Ahuri, Hermione hoqueta dans un frisson. Mais oui… c'était évident ! Certaines coutumes vampiriques voulaient que les morts soient éventrés et que leurs plus précieux trésors soient enfoncés dans leurs abdomens ! Ce n'était pas très courant certes, mais ça pouvait marcher ! Bien entendu cela impliquait qu'ils l'éventrent à leur tour, mais au point où ils en étaient…

- J'ignore comment son corps réagira à ma magie alors fais vite. Dit-il.

- Vous… vous voulez que je…

- Je ne peux l'ouvrir et le maintenir en vie tout en fouillant ses boyaux !

Oh Seigneur… elle allait devoir fouiller son abdomen. Déglutissant avec peine, la jeune femme ferma les yeux et inspira avec force. Elle n'avait pas le droit de renoncer… pas après tout ce qu'ils avaient fait. Et puis elle avait arraché les cœurs battant de la poitrine de la Reine Mère ; ça ne devait pas être très différent ! Aussi, elle regarda son Maître entailler lentement le haut de son ventre et retînt sa respiration.

- Maintenant.

Au bord de la nausée, Hermione serra les dents et se ressaisit. Ça ne durerait qu'une seconde… qu'une toute petite seconde ! Et pourtant, jamais la chaleur du sang sous sa peau ne lui parût plus immonde. Le souffle court, elle frissonna en sentant les différentes couches de peau et de muscles frotter la naissance de son poignet et frémit sous l'écho d'un bruit de chaire étouffé. Bon sang… elle savait que c'était essentiel ; que la sphère était quelque part dans ce tas de chaire… mais que n'aurait-elle pas donné pour qu'il soit resté un tas de pierre ? Gluant sous ses doigts, elle sentit ses organes vibrer à son contact et retint un haut-le-cœur. Elle pouvait presque sentir les battements de son cœur résonner depuis sa cage thoracique.

- Alors ? Insista-t-il.

- Je… je ne sens rien.

- Continue de chercher !

Stressée devant son ton impatient, Hermione grimaça et s'enfonça plus profondément. Palpant chaque organe avec soin, elle parcouru son tube digestif et remonta doucement jusqu'à son foie… des gestes lents qui malgré sa douceur, arrachèrent des violents soubresauts à un Aloff toujours inconscient. Le nez en sang, elle vit sa poitrine se soulever frénétiquement et ses sourcils se froncer. Trop affaibli pour lutter, il ne pouvait que subir cette ultime profanation et grimacer… un état d'impuissance qui lui fit presque pitié. Et pour cause ! Elle fouillait ses intestins… nul doute qu'il serait déçu de sa première journée en tant qu'humain. Pourtant et malgré sa détermination, Hermione commença à douter. Elle avait beau insister, son ventre restait vide. Aussi, elle crut bien perdre espoir avant de ne subitement effleurer sa rate. Ou du moins… ce qui aurait dû l'être. Figée, elle sentit ses doigts rouler sur une surface plus dure et sursauta.

- Quoi ?! Demanda Voldemort inquiet.

- Je… je crois que j'ai quelque chose.

Enfoncé profondément sous le pancréas, l'objet écrasait sa rate non loin de l'estomac. Techniquement, ça pouvait être n'importe quoi. Après tout, Aloff était âgé. N'importe quoi aurait pu perforer son abdomen et y rester. Un morceau de lance, une flèche, un poignard… Pourtant, ce n'est que quand elle réussit à le saisir qu'Hermione se risqua à sourire. C'était rond… et puissant ! Semblable à la sphère qu'elle avait trouvé dans le Grimoire de Merlin, sa paume se referma dans un spasme réflexe et ses sens s'éveillèrent. Il n'y avait plus aucun doute… C'était de la magie. Son corps réagissait à de la magie !

- C'est la sphère ?! Demanda-t-il.

Elle ne voulait pas lui donner de faux espoirs… mais plus elle la rapprochait, plus l'excitation la gagnait. Elle connaissait l'essence des sphères prophétiques. Elle connaissait leur magie et auras hypnotiques ! Elle ne pouvait pas se tromper. Aussi, elle lutta pour ne pas l'arracher d'un geste trop pressé et la brandit sans respirer. C'était elle. C'était la sphère !

- Par tous les Dieux…

Ils avaient réussi…

Ils avaient réussi !

Identique à sa jumelle elle brilla depuis sa paume dans un halo familier, laissant les deux sorciers subjugués devant ses volutes bleutés. Ils auraient presque pu ne pas le croire… et pourtant c'était vrai. Ils ne rêvaient pas. La sphère pour qui ils avaient tant prié… celle-là même que la prophétie disait perdue depuis des milliers d'années… était enfin là ; devant eux, sous leurs yeux ! Ils l'avaient trouvé ! Après plusieurs semaines d'enfer, de douleurs, de peurs, de quêtes et d'échec, ils l'avaient enfin trouvé ! Couverte de fluides et de sang, ils la virent osciller entre deux scintillements et sentirent leurs cœurs se gonfler de soulagement. Elle était là… la clé de toutes leurs énigmes, la réponse à leurs milles questions, leur arche à la veille du déluge… la deuxième sphère prophétique.

- Maître… on a réussi. Souffla Hermione transcendée.

Oui… Alors que tous les traitaient de fous, la victoire rougissait leurs joues. Ils avaient gagné... et rien que pour cela, le monde pouvait brûler. Qu'importe que les Dieux les affligent ou que les morts se révoltent ! Qu'importe que l'imminence du fléau approche ! Ce soir, ils avaient déjoué le Sort. Plus encore, ils avaient défié la Fin du Monde.

Ils avaient battu les Dieux à leur propre jeu…

- On a réussi. Répéta-t-il.


Echangeant un sourire, les deux sorciers se regardèrent sans trouver quoi dire. Après tous ce qu'ils avaient enduré, aucun d'eux n'avaient eu l'audace d'imaginer réussir. Et pourtant c'était fait… Leur triomphe était complet. Aussi, ils ne perdirent pas une seconde et la rangèrent avec soin dans un écrin. Ils avaient accompli leur mission. Ils pouvaient rentrer à la maison… mais les gémissements de leur otage s'intensifièrent et leurs sourires se fanèrent. Aloff n'était peut-être plus une menace mais il était en vie. Un détail qui devînt peu à peu problématique.

- Qu'allons-nous faire de lui ? Demanda-t-elle.

- On ignore encore quels seront les effets de sa transmutation à long terme … Grimaça-t-il en refermant son ventre d'un coup de baguette. On ne peut pas prendre le risque de le voir se retransformer et nous pourchasser.

- Je suis d'accord. Déglutit-elle. Et… pour la Báthory ?

- Elle a survécu ?! S'exclama-t-il surpris.

- Malheureusement oui…

Loin d'être heureuse à cette annonce, la jeune femme baissa la tête et leva sa baguette. Elle aurait préféré mentir… la laisser là, quelque part entre les ruines et la regarder mourir. Mais même si cette idée lui plaisait et que sa haine l'obsédait, Hermione ne put s'y résoudre. Elle en avait assez fait ; et elle le savait… son Maître ne lui pardonnerait plus la moindre erreur. Ils avaient peut-être trouvé la sphère et accompli leur mission, mais ça ne changeait rien. Elle l'avait déçu et défié… une vérité qu'elle ne pouvait nier. C'est donc à contre cœur qu'elle fit apparaître sa silhouette depuis les rochers. Acculée non loin d'eux, le corps inconscient de la Báthory s'éleva doucement sous leurs yeux ; couverte de sang et de poussière, la chute de pierres l'avait salement amochée… mais pas assez pour la tuer. Aussi, Hermione s'était simplement contentée de resserrer ses liens et de l'ignorer. Un exploit qu'elle-même n'aurait jamais cru possible.

- Elle est… coriace. Grimaça-t-elle amère.

- Je vois ça.

- Que… que voulez-vous en faire ?

Sans rien dire, Voldemort se releva dans un soupir. Elle voulait la tuer… il le savait. Pourtant et même si son sort devait être étudié, il ne parvînt pas à s'y intéresser. Embrumé par la douleur de ses membres et sa fatigue naissante, son esprit restait ancré sur la sphère qu'ils avaient trouvée et ses volutes argentées. Incapable de s'en détourner, le destin de la Báthory ne lui inspira qu'un profond désintérêt et le fit grimacer. A ce stade, lui aussi aurait préféré la voir morte sous un rocher… le problème aurait été réglé.

- Peu m'importe… souffla-t-il subitement.

- Qu… quoi ?!

- Fais ce que tu veux. Cela m'est égal.

Choqué, Hermione le regarda sans y croire. Il… s'en fichait ?! Voldemort, le sorcier le plus rancunier et complexe qu'il lui avait été donné de rencontrer, s'en fichait ?! Ahuri, elle attendit qu'il s'explique ou même qu'il se contredise… mais il ne dit rien. Appuyé contre un rocher, il se contenta de passer une main sur son visage fatigué et de grimacer. Par tous les Dieux, se pouvait-il qu'il le pense sincèrement ? Qu'il l'autorisait à la tuer ? Elle s'était imaginée devoir le convaincre, argumenter et même supplier… mais comme ça ?! Ça ne lui ressemblait pas.

- Maître vous… vous allez bien ? S'inquiéta-t-elle.

- Disons que j'ai eu mon quota de rebondissements pour la semaine... Dit-il cynique.

Intriguée, elle vit son front perler de sueur et ses mains trembler. Une réaction physiologique étrange compte tenu de son immortalité, qu'il la laissa confuse et presque… effrayée.

- Nous avons un peu de temps devant nous si… si vous voulez vous reposer.

- Ici ? Sans façon... Je ne veux pas prendre le risque de voir une autre créature mythique sortir de l'un de ces murs.

Et pourtant, même lui ne put le nier. Quelque chose se passait… il pouvait le sentir dans son corps, un mal étrange commençait peu à peu à l'habiter. Bien différent de celui qui l'avait possédé en Croatie, sa vue commença à se troubler et ses membres à trembler. Galvanisé par sa fatigue, il sentit ses jambes vaciller et dût s'accrocher au rocher pour ne pas tomber. Un état que son Initié ne maqua pas de remarquer.

- Mais… vous pâlissez. Insista-t-elle.

- Ce n'est rien…

Un sorcier malade n'était rien, mais un Mage Noir tremblotant… ça c'était grave. Agacée, la jeune femme ignora sa grimace et lui toucha le front. Un contact qui le fit sursauter mais qu'il ne trouva pas la force de repousser.

- Mais enfin vous… vous êtes brûlant ! S'épouvanta-t-elle.

- Pitié Granger, je suis immortel ! S'agaça-t-il.

- Un immortel avec de la fièvre !

Cette fois, Hermione ne chercha pas à se rassurer. Elle aurait pu penser à un effet de sa guérison, ou à une overdose de magie… mais elle se serait confortée dans le déni. Jamais elle ne l'avait vu ainsi. Frémissantes, elle vit ses lèvres se bleuter et ses tremblements s'intensifier à mesure que les secondes s'égrenaient. Livides, ses joues se creusèrent à vue d'œil sous ses cernes violacés, laissant son souffle haleter dans un sifflement forcé. Il n'était pas que malade… il dépérissait. Une évidence que même lui ne trouva la force de discuter.

- Maître !

- Il… il faut…

Au bord de l'étouffement, ses sourcils se froncèrent et son pouls s'emballa. Ce n'était pas normal… ce n'était pas normal !

- Allongez-vous ! Tonna-t-elle.

- Non, je…

- Bon sang obéissez !

Telle une mère autoritaire, Hermione le saisit à pleine main et le fit asseoir contre un rocher. Elle ne pouvait pas le laisser s'obstiner… Quelque chose se passait. Quelque chose d'anormal qui l'affaiblissait au-delà du concevable et qui surpassait son immortalité ! Elle ne savait pas quoi, mais sa fièvre ne mentait pas… Confus devant sa propre faiblesse, Voldemort tenta de lutter mais ne parvînt qu'à s'épuiser davantage. Oui… quelque chose se passait. Quelque chose qu'il n'arrivait pas à contrôler et qui commença à le faire paniquer dans son souffle haché.

- Essayez de respirer. Dit-elle en se voulant rassurante.

Mais son souffle s'épuisait et ses cauchemars s'éveillaient. Laissant sa tête dodeliner sur le côté, sa figure grimaça à la fraîcheur de la pierre sous sa peau et sa gorge se serra. Ecœuré par l'acidité de sa nausée, ses membres se raidirent d'eux-mêmes dans un spasme réflexe, accentuant la douleur de ses plaies encore ouvertes. Par tous les Dieux… il fallait qu'il se ressaisisse. Qu'il se lève et se batte ! Mais ses pensées s'étiolaient et ses sens s'étouffaient, largement supplantés par les brûlures de ses blessures. Plus vives et insolentes que jamais, elles lui coupèrent le souffle et le laissèrent impuissant. Dépassé par le mal qui l'habitait, tout son corps lui parût assommé… figé et paralysé dans la plus insupportable des cruautés.

- Maître… regardez-moi.

Il essaya… mais ne la vit pas. Déformée, la réalité sembla muter sous ses yeux écarquillés, ne lui offrant qu'un miame de couleurs troubles à regarder.

- Maître ! Calmez-vous… je suis là ! Je suis là !

Il souffrait. Elle pouvait le lire dans son regard horrifié, il souffrait ! Mais pourquoi ?! Elle savait qu'il était blessé mais à ce point ?! Non… ça ne pouvait pas. Ça ne se pouvait pas ! Apeurée, Hermione tenta d'ordonner ses pensées et de l'ausculter mais ignorait où chercher. Déchirant son haut à main nue, elle dévoila son torse balafré et examina ses plaies dans un frisson à peine contenu.

- Oh Seigneur…

Elles avaient arrêté de cicatriser… Profondes et ensanglantées, ces plaies tranchaient sa peau et ses muscles dans les reflets d'un millier d'ecchymoses fraîchement formés. Oui… Aloff ne l'avait pas épargné. Pourtant aucune d'elles ne semblaient infectées ! Un détail qui loin de la rassurer, commença à la faire hyperventiler. Il ne devrait pas avoir autant de fièvre… A vrai dire, il ne devrait pas en avoir tout court ! Il était Voldemort ! Il était immortel ! Cela allait à l'encontre même de la magie qui l'habitait ! Mais son mal grandissait et ses paupières balbutiaient.

- Maître ! Restez avec moi ! Parlez-moi ! S'écria-t-elle.

Mais plus elle parlait, plus sa voix s'éloignait. Désorienté, le monde commença peu à peu à tourner autour de lui, annihilant ses repères qu'il vit voler au-dessus de lui. Assourdi par ses acouphènes, un horrible sifflement lui assiégea les tympans et réveilla sa migraine… il avait beau résister, il se sentait sur le point d'exploser. Comme si un feu courrait dans ses veines, chaque inspiration lui donna l'impression d'alimenter le brasier qui le dévorait. Une sensation étrange et presque contradictoire ; car alors que la sueur de sa fièvre nappait son front, la morsure du froid se répandait en lui tel le plus effroyable des poisons. Ne sentant presque plus ses jambes, ses pieds restèrent figés, ses mains cessèrent de trembler et ses bras lui semblèrent déconnecté de sa volonté. Il ne rêvait pas… il était piégé…

- He… Hermione…

Piégé dans son propre corps. Piégé dans la douleur… Piégé dans le feu des Enfers et un froid mortel.

- Dîtes-moi ce que vous ressentez ! S'écria-t-elle paniquée. Où avez-vous mal ?! Que… qu'est-ce qui se passe ?

Partout… le mal était partout. Exigent et insatiable, il se repaissait de son corps et dévorait son âme. Mais il aurait beau s'acharner, lutter et prier… il perdait déjà pied. Paralysé, il ne trouva même pas la force de hurler et gémit en sentant sa poitrine s'affaisser.

- Maître !

Terrassé de toute part, le mal se répandit et obscurcit les dernières couleurs de son esprit. Il était aveugle. Il était sourd. Et ne sentait presque plus ses mains sur ses joues…

- Non, non, non… Maître ! Maître réveillez-vous ! Réveillez-vous !

Mais sa conscience l'avait déjà quitté.


Ahah ! Ne vous en faîte pas, le suspens prend fin ;)