- Ne te méprends pas… cela ne m'apporte aucune joie.
Aucune joie… quelle blague. Quelle insulte ! Elle avait tout fait pour lui prouver ses remords ! Tout fait pour qu'il lui pardonne ! Mais ça n'avait pas suffi. Malgré la victoire de leur excursion, son dévouement, ses serments et ses supplications, rien n'avait suffi...
- Tu resteras consignée jusqu'à nouvel ordre. Avait-il dit.
- Et ma baguette ?
A ses mots, son cœur s'était douloureusement serré dans sa poitrine. Jamais elle n'aurait cru qu'un jour pareil arriverait... Jamais elle n'aurait cru devoir regarder sa baguette entre le poing d'un autre. Mais sa sentence était tombée. Elle pouvait le voir dans l'éclat acerbe de son regard, il ne reviendrait pas sur sa décision ; tout comme elle ne remonterait pas dans son estime.
- Confisquée. Avait-il dit durement.
- Mais…
- Ta peine prend effet ce soir.
Sa peine. Son jugement. Sa sentence… Par Merlin, elle était condamnée à vivre sous la coupe de sa justice. Mais quelle justice ? Elle lui avait sauvé la vie ! Elle avait trouvé la sphère ! Elle était prête à se sacrifier pour leur quête ! Cela ne valait-il donc rien ? L'éclat mortel de sa colère lui avait donné la réponse…
- Tu peux disposer.
Et ce fut tout. Après tout ce qu'ils avaient traversé, enduré et accompli ensemble, ce furent les derniers mots de Voldemort à son égard. Pourtant et aujourd'hui encore, Hermione ne parvenait à pas y croire... Comment aurait-elle pu ? Elle avait sacrifié sa santé, sa raison et son bon sens pour trouver cette fichue sphère ! Pour le rendre fière ! Et il la rejetait ?! La congédiait dans sa chambre ? La privait de toute célébration ? Comme ça ?! Quelle honte… quel outrage ! Elle ne méritait pas un tel sort ! C'était injuste ! Mais qu'aurait-elle pu dire ? Il était son Maître. Une évidence qui n'avait rendu sa capitulation que plus infâmante… Incapable de s'y résigner, la jeune femme vira dans son lit, les joues rouges d'une haine qui ne tarissait pas. Agités, ses souvenirs défilaient inlassablement devant ses yeux embrumés, symboles de la rage qui l'habitait. Elle savait que c'était idiot… qu'elle devrait hurler plutôt que de s'émouvoir ! Qu'elle devrait se battre plutôt que de pleurer, seule et abandonnée dans son lit… Mais malgré ses efforts, elle ne parvenait qu'à haleter les dents serrées, terrassée par un désarroi qu'elle n'aurait pu nommer.
Il l'avait puni.
Consignée.
Enfermée.
- Combien de temps ? Avait-elle demandé d'une voix blanche.
- Le temps qu'il faudra.
« Le temps qu'il faudra… » Et dire qu'elle trouvait les énigmes prophétiques exaspérantes… mais celle-ci ?! Celle-ci était belle et bien la pire de toute. Et pour cause, elle n'exprimait rien. Ni colère, ni déception, ni doute… juste une profonde et inexorable indifférence. Une évidence qui l'avait frappé en pleine figure et qui, alors qu'elle pensait que son calvaire touchait à sa fin, l'avait plongé d'un abîme plus profond encore : l'attente.
- Mais enfin, je…
- Ne rends pas les choses plus compliquées qu'elles ne le sont. Avait-il claqué. Tu en as assez fait…
« Assez fait. »
Un ultime reproche avant un nouveau silence.
Une ultime fin à leur en Enfer.
Et pourtant… jamais Hermione n'aurait pu croire que son retour à Poudlard débuterait ainsi. Ils devraient fêter leur victoire et se réjouir ! Entamer de nouvelles recherches et se laisser guider par l'adrénaline de leur réussite ! Mais non… il n'y avait eu ni fête, ni réjouissance, ni même la moindre reconnaissance. Seul un profond silence avait bercé leur arrivée devant le château. Un silence qu'Hermione n'avait alors pas compris, mais qui était devenu son seul et unique ami. Mais malgré ça, sa plus grande torture était ailleurs. Une torture qui lui rongeait l'âme et l'esprit : l'incompréhension.
Elle avait beau y penser, y réfléchir et même décortiquer chacun de ses souvenirs, rien de ce que son Maître lui avait dit ne semblait avoir de sens. Et pour cause, leur départ de Turquie s'était étonnement bien passé ! Contrairement à ce qu'elle avait cru, quitter les catacombes s'était avérée bien facile que d'y entrer. Epuisés, blessés et n'ayant que faire des conséquences, l'impatience de leur départ les avaient convaincus de transplaner ; un choix dangereux dans la mesure où l'étrange magie des lieux était en mesure d'interférer avec la leur, mais qu'aucun d'eux n'avait regretté. Hors des galeries en à peine quelques minutes, ils avaient enfin pu respirer autre chose que les tonnes de poussière qu'ils avaient inhalées. Un instant fugace, qui avait cependant secouer leurs cœurs d'une adrénaline vivace. Oui… ils étaient vivant. Un soulagement, une renaissance, un nouveau départ porté sous le sigle de leur victoire ! Mais le temps courrait et la sphère scintillait… ils n'avaient pas le temps de se reposer, de camper ou de se promener. Alors ils étaient partis. Sans un mot, sans un regard ni même un doute, ils avaient rassemblé leurs affaires et quitté ce maudit pays. Transplanant de frontières en frontières, ils avaient épuisé leurs dernières forces pour rejoindre Poudlard avant la nuit. Un moindre effort, qui leur avait cependant arraché un sourire. Ils étaient rentrés… et ils avaient la sphère. Leur victoire était complète ! Du moins, aux yeux d'Hermione. Car c'est précisément à cet instant, que son voyage avait pris un tout autre tournant…
Elle ne l'avait pas compris à cet instant, mais le silence de son Maître à son encontre n'était pas un symbole de fatigue. Non… c'était de la colère. Pourquoi ? Cette question semblait bête à cette heure, mais la jeune femme se la posait encore. Elle avait cru qu'une fois rentrés chez eux, ils pourraient passer à autre chose. Prendre un nouveau départ et tourner la page ! Mais elle avait eu beau l'espérer, elle s'était trompée… ses actes avaient des répercutions et malgré son dévouement, son Maître était bien décidé à punir son insubordination. Pourtant, jamais elle n'aurait imaginé une telle cruauté. Et pour cause, elle avait simplement cru qu'il la sermonnerait ; qu'il lui ferait un long discours et de cinglantes remontrances, identiques à celles qu'il lui avait faîtes en forêt ! Mais il n'avait rien dit de la sorte… Se contentant simplement d'avancer devant l'entrée du château, il s'était arrêté et l'avait toisé de longues secondes. Un court instant dont l'intensité l'avait bouleversé… Plus violent et enragé qu'elle n'aurait pu l'imaginer, son regard avait transcendé son âme et fait vibrer sa marque. Aussi et face à lui, elle n'avait plus eu de doute. Il exultait de rage. A cause de la mort d'Aloff ? De celle de la Báthory ? De la Dynastie ? Des dernières circonstances de ses crimes ? Elle se l'était demandée… mais si telles étaient les raisons de sa colère, alors elles n'en étaient que plus cruelle. Aucun d'eux n'avaient eu le moindre choix là-bas ! Ils avaient agi pour survivre et accomplir leur mission ! Et puis, pourquoi ne pas simplement lui en parler ?! Lui expliquer son point de vue, ou seulement crier ?! Elle savait que Voldemort n'était pas un expert en matière communication, mais il ne s'était jamais gêné de lui faire remarquer ses erreurs ! Alors pourquoi se taire ? Pourquoi cette indifférence ? Pourquoi cet impitoyable silence ?! Mais là encore, elle faisait erreur... Il se fichait des vampires, des catacombes, de sa magie ou de cette étrange transfusion sanguine ! Non, il lui en voulait à elle.
Il lui en voulait de lui avoir désobéi.
Il lui en voulait d'être partie en Turquie.
Il lui en voulait d'avoir bu du sang de Dragon.
Et encore, la liste était longue ! Une évidence que son Maître avait laissé en suspens pendant leur voyage, mais qu'aucune victoire, aucune sphère, aucun miracle ne pourrait jamais effacer de sa mémoire. Et comme un nouveau fléau divin, sa sentence était tombée. Privée de magie jusqu'à nouvel ordre, elle était désormais consignée dans sa chambre… seule, recluse, sans droit de visite ou de correspondance. Une punition avilissante, infantile et profondément insultante, qu'elle avait entendu résonner depuis ses lèvres dans un frisson d'épouvante. Pourtant elle n'y avait pas cru… Même quand elle lui avait tourné le dos pour remonter dans ses quartier, Hermione était convaincue que cela ne durerait pas ; que tôt ou tard, cette mascarade prendrait fin et qu'il la rappellerait à lui. Après tout, elle était son Initiée ! Il ne pouvait pas la consigner telle une enfant et la garder enfermer dans sa chambre indéfiniment ! C'était ridicule ! Et puis, ils avaient une nouvelle sphère ! Il avait besoin d'elle pour l'étudier ! Il avait besoin d'elle pour leurs recherches ! Oui… sa colère finirait par s'apaiser. C'était évident. Aussi, c'est profondément blessée et indignée qu'Hermione avait décidé de prendre son mal en patience. Il faisait erreur s'il pensait pouvoir l'accabler… s'il pensait pouvoir la faire culpabiliser ! Ses choix, aussi critiquables soient-ils, leur avaient permis de faire une avancée ! De trouver une sphère ! Et elle n'allait pas s'en excuser ! Elle s'était donc tue malgré sa rage et avait obtempérée, sa marque plus brûlante que jamais. Elle n'allait pas le laisser gagner avec un tel coup bas ; alors autant en profiter ! Puisqu'il ne voulait plus la voir, soit ! Cette punition serait sa récompense ; et plus précisément, ses vacances. Du moins, c'est ce qu'elle avait tenté de croire… Ausculté par son médicomage, elle s'était laissée soigner avec attention et nourri copieusement après plusieurs semaines de privation. Libre de se reposer, elle avait dormi plus deux jours entiers, avait repris des forces, appris les dernières actualités et avait même entamé quelques livres récréatifs – chose qui n'était pas arrivé depuis plusieurs années. Pourtant, malgré le confort de ses appartements et le repos de sa solitude, son esprit lui fulminait…
Elle avait tenté de le nier ; de se montrer forte, mature et objective… d'être plus maligne que lui ! Mais plus les jours passaient, plus son impatience grandissait. Et aucune de ses lectures, loisirs ou nuits de sommeils ne parvenait à l'apaiser… C'était trop profond, trop présent, trop… horrifiant ! Car plus elle tentait de l'ignorer, plus le silence de son Maître s'intensifiait. Tel un démon chantant, les échos de sa solitude résonnaient dans son cœur battant, l'assourdissant un peu plus à chaque seconde ! D'abord lentement, le début de sa captivité avait entreposé ses plus grands espoirs, la laissant impatiente dans les prémices de sa sentence. Et puis, une semaine s'était écoulée. Une semaine entière passée à attendre son appel et son pardon. Mais elle avait eu beau espérer, attendre et même prier… il n'était jamais arrivé. Quel imbécile… Quel ingrat ! C'était donc là toute l'importance qu'avaient ses sacrifices à ses yeux ? Elle avait réduit un sanctuaire millénaire en poussière pour leur quête ! Elle avait vidé un vampire de son sang pour lui sauver la vie ! Elle avait même affronté les pires monstres de l'histoire de l'humanité, dont l'un d'eux avait tenté de la violer ! Il n'avait pas le droit de la traiter ainsi… Il n'avait pas le droit de l'enfermer telle une folle enragée qui n'avait plus le sens des réalités !
Et pourtant… plus elle y pensait, plus les prémices de sa raison commençaient peu à peu à la rattraper. Elle avait cru que son exploit effacerait ses erreurs ; que leur victoire surpasserait son insubordination. Pire encore, elle s'était persuadée que son Maître en serait fier et la féliciterait ! Mais elle avait tort. Rien de ce qu'elle avait accompli en Turquie ne pourrait effacer ce qu'elle avait fait…
Etonnement Hermione mit du temps à le réaliser ; précisément huit jours. Mais quand elle le comprit... et à cet instant précis... l'illusion de son exploit, le mensonge de leur réussite et tout ce en quoi elle avait cru, s'était écroulé sous ses pieds. Chutant du haut de mille étages, son journal avait glissé entre ses doigts et son corps s'était figé. Elle avait tenté de le nier… elle avait tenté d'en vouloir à son Maître et de le détester pour sa punition injustifiée ! Mais il avait raison. Elle s'était laissée aveugler. Même à leur retour à Poudlard, l'incompréhension et la rancœur l'avait gagné. « Pourquoi la punir quand qu'ils avaient réussi ? Pourquoi lui prendre sa magie alors qu'elle avait prouvé sa puissance ? Pourquoi l'accabler quand elle avait accompli sa mission ? » Tournant dans sa chambre telle un fauve enchaîné, ses questions l'avaient hanté, embrouillant ses sens et sa conscience. Mais ce huitième jour… alors qu'elle lisait le journal et frémissait devant la photo sanglante des océans, l'évidence l'avait frappé. Oui, ses actes avaient des conséquences. Des conséquences qu'elle avait volontairement choisi d'ignorer, alors que le bon sens lui-même lui avait hurlé de renoncer. Persuadée que rien ne devait l'empêcher d'accomplir sa quête, elle s'était laissée submerger. Mais maintenant qu'elle était seule… maintenant qu'elle était enfermée dans sa chambre depuis plus d'une semaine… maintenant que le récit de leurs aventures se rejouait clairement dans son esprit et qu'on l'avait privé de sa magie… Par Merlin, aucun mot n'aurait pu décrire l'effroi qui la saisi. Etait-ce de la culpabilité ? De l'horreur ? Du dégoût ? Un tas d'adjectifs auraient pu décrire le flot de pensées et d'émotions confuses qui l'assaillaient. Mais un seul revînt sans cesse la hanter : la peur.
Oui.
Hermione Granger ne pouvait le nier.
Elle était pétrifiée…
Jamais son Maître ne lui pardonnerait. Comment le pourrait-il d'ailleurs ?! Elle avait pour ainsi craché sur son autorité ! Il ne s'agissait pas seulement d'un mal entendu, d'une erreur ou d'une simple bêtise que l'on peut effacer d'une remontrance agacée ! Non… Elle avait affranchi toutes ses limites et désobéi à toutes ses lois. Et encore, la liste était plus longue que ça ! Dans son horreur, elle tenta vainement de se trouver des circonstances atténuantes. De trouver la faille qui apaiserait son cœur, ne serait-ce que pendant un millième de seconde ! Mais plus elle y pensa, plus ses méfaits s'allongeaient.
Elle avait trahi sa parole et l'avait défié.
Elle avait infesté la bibliothèque de magie noire et l'avait ravagée.
Elle avait fait de l'un des Elfes de Maison le gardien de ses secrets.
Elle avait poussé sa famille adoptive à remettre en cause leur loyauté.
Elle avait mis leur paix en danger et causé l'extinction d'une Dynastie vampirique vieille de plusieurs milliers d'années.
Et pour couronner le tout, elle avait presque failli les faire tuer par un monstre sorti tout droit des Enfers !
Et elle s'étonnait d'être consignée ?! Par Morgane, un tiers de tout ceci aurait suffi à la faire tuer ! Mais non… à la place, son Maître l'ignorait, affligé par la honte et le regret de l'avoir nommé Initiée. Allait-il la destituer ? A ce stade, Hermione n'avait plus la moindre illusion. Elle ne méritait pas son titre. Elle ne méritait pas son indulgence, ni même sa considération. Elle avait failli… non pas à sa mission, mais à lui. Elle avait ignoré tout ce qu'il lui avait ordonné, et avait fait de leur quête une guerre personnelle ! Elle avait voulu l'impressionner, mais n'était parvenu qu'à le décevoir. A tous les décevoir… car elle ne se leurrait pas. Les Malfoy devaient tout autant que lui rougir de honte face à sa seule existence. Bon Dieu… les Malfoy. Sa famille adoptive. Ses seuls amis. Eux aussi devaient la détester. Eux aussi devait prier pour qu'elle s'étouffe avec son petit-déjeuner. Elle les avait trahis. Elle leur avait menti. Et par sa faute, ils avaient été punis. Une ultime pensée, qui dans son malheur suffit à l'achever. L'elfe qui lui apportait ses repas lui avait dit ce que son Maître leur avait fait… Il lui avait dit comment ils avaient souffert de ses doloris et évités de peu ses Avada ! Par sa faute, leur nom avait été entaché et leur loyauté reconsidérée. Une vérité dont même la plus pure des intentions ne pouvait se dédouaner… Par Merlin, même Arnis avait payé le prix. Condamné à rester en cuisine, la pauvre créature s'était vue durement punir pour sa seule faute d'avoir été son complice. Elle ne pourrait jamais le voir… cela lui avait été interdit. Oui, tous ceux qui l'avait aidé s'étaient vu condamner.
Aussi et après ce huitième jour, un nouveau calvaire débuta. Celui du savoir, de la culpabilité, de la prise de conscience et de la honte. Jamais Hermione n'aurait cru en arriver là. Jamais elle n'avait imaginé ne serait-ce qu'un dixième de tout cela. Mais c'était vrai… elle avait réellement déçu les seules personnes qui était encore prête à l'aimer ; les seules qui lui avaient donné sa chance. Et pourquoi ? Par fierté. Par avidité. Par désir de faire ses preuves. Par égoïsme.
Elle ne valait pas mieux qu'Harry et Ron.
Elle ne valait pas mieux que la résistance.
Elle était défaillante...
Une évidence qui se concrétisa à peine deux jours plus tard.
- Hermione… s'il te plaît arrête.
Un regard suppliant. Une grimace douloureuse. Des joues pâles… et des lunettes fissurées. A une autre époque, la jeune femme les aurait sûrement déjà réparées d'un simple Oculus Reparo. Mais comme tout ce qui avait constitué leur amitié, cette ère était révolue…
- Arrête ! Insista-t-il.
- Il faut que tu me croies !
- Mais enfin, qu'est-ce que tu veux que je croie ? Une prophétie ?! Explosa-t-il brutalement. La dernière ne nous a pas beaucoup aidé que je sache !
- Mais… mais c'était différent… Bafouilla-t-elle.
- Différent ? Ma prophétie assurait la mort de mon ennemi en échange de mon sacrifice ! Et qu'est-ce que ça m'a apporté ?! Rien ! Je suis mort, je suis revenu, j'ai tenté de le tuer et surprise ! Ça n'a pas marché !
Il ne voulait pas l'entendre. Il ne voulait pas l'écouter ! Et pourtant, tout ce qu'elle s'évertuait à crier dépassait de loin tout ce qu'ils avaient déjà enduré…
- Harry… souffla-t-elle désespérée. Je t'en prie, tu dois me faire confiance.
Incertain, le survivant déglutit avec peine, terrassé par plus de doutes et de douleurs qu'il ne pouvait en supporter. Il détestait la contredire. Il détestait la voir le supplier… mais ils avaient trop souffert pour croire de nouvelle fantaisie. Ils avaient trop souffert pour se laisser à nouveau tromper par les reflets menteurs d'une prophétie...
- Bon sang Hermione… je te fais confiance !
- Alors crois-moi !
- Pourquoi ?! Hurla-t-il à bout.
- Pour sauver notre magie ! Sauver notre monde !
Il aurait voulu la croire. Mais à quoi bon ? Il n'était même pas parvenu à sauver ses amis... Alors le monde ? La magie ? Non… il ne survivrait pas à une nouvelle quête. Il ne survivrait à pas un nouvel échec.
- Hermione, je… je ne peux pas t'aider. Je ne peux aider personne !
- Mais tu es le Survivant ! Tu es… Harry Potter !
Et qu'est-ce que cela lui avait apporté ? La mort. Le deuil. Des cauchemars. Et une vie de misère passée à errer entre les tombes de ceux qui avaient été trop bête pour le croire.
- Justement… dit-il durement. J'ai survécu à deux Avada et je refuse d'offrir à Voldemort la chance de m'en lancer un troisième…
- Mais…
- Cette conversation est clause Hermione. Tonna-t-il alors. C'est non.
Nauséeuse, Hermione s'éveilla brusquement entre deux halètements. Confuse, elle sentit sa joue se décoller douloureusement de la faïence de sa salle de bain et se redressa dans un frisson.
« C'est non. ».
Etourdie, la vivacité de ses souvenirs la garda stoïque de longues secondes. Harry… C'était lui. Il n'y avait aucun doute. Pétrifiée, elle se sentit trembler devant l'image de son visage désolé et regarda tout autour d'elle dans un haut le cœur étouffé. Mais sa salle de bain était vide. Elle était seule. Ce n'était qu'un rêve. Un rêve remontant à un siècle... Une ère à jamais gravée dans sa chaire et sa mémoire, mais qui continuait de la hanter telle la plus infâme des histoires. Elle avait tenté de le convaincre. Il avait hésité à la croire. Mais la suite, elle la connaissait déjà…
« Hermione… s'il te plaît arrête. »
Résonnant avec force, sa voix la fit sursauter plus encore. Non… non il n'était pas là. Ce n'était qu'un rêve. Un rêve ! Elle devait se ressaisir. Elle devait se relever ! Mais alors qu'elle rassemblait ses forces, tout son corps se plia sous la violence d'une nouvelle nausée. Plongée dans la cuvette des toilettes, elle rendit son dernier repas avec peine et déglutit dans un râle douloureux. Sa gorge était en feu… non pas sa gorge ; son corps. Oui, son corps entier se consumait. Plus ardentes et insatiables que jamais, les flammes de l'Enfer se répandaient dans ses veines ! Pourtant et malgré le dégoût que lui inspira la vue de ses WC, Hermione ne parvînt qu'à retomber lourdement sur son sol carrelé. Depuis combien était-elle là ? Une heure ? Plus ? A juger la rougeur de sa joue restée collée contre la faïence, probablement plus. Un constat qui loin de la surprendre, ne réussit qu'à la dégoûter d'avantage. Ses derniers souvenirs remontaient à sa course nocturne jusqu'à sa salle de bain. Quant aux restes de sa nuit bien… ils étaient dans sa cuvette.
Cela durait depuis deux jours déjà. Peu inquiète, elle avait simplement pensé à une intoxication alimentaire ou au pire, à une conséquence de son stress. Mais sa fièvre avait commencé à monter... suivit d'étranges douleurs musculaires, de migraines, de sueurs froides et de tremblements. Une grippe ? Non… cela aurait été trop beau. Trop doux. Car plus les heures étaient passées, plus la gravité de son état l'avait frappé. Un état qu'elle ne connaissait que trop bien et qui déjà failli la tuer il y a plusieurs années. Un état qu'elle pouvait sentir empirer un peu plus à chaque seconde et qu'elle avait vainement cru pouvoir éviter…
Le manque.
Eh oui… non contente d'être une véritable déception pour son Maître et sa famille adoptive, Hermione Granger était en manque de sang de Dragon. Ironique non ? Si elle n'avait pas perdu connaissance au bord de ses WC, elle en aurait probablement ri. Pourtant et à cette heure, elle ne parvint qu'à se dégoûter. Elle gisait là, à moitié avachie sur le carrelage de sa salle de bain, la figure pâle et le corps tremblant… Pitoyable. Voilà ce qu'elle était. Voilà l'adjectif qui la représentait ! Elle s'était crue plus maligne… plus forte. Elle avait cru que cette fois serait différente, qu'elle ne retomberait pas dans son addiction et qu'elle surpasserait la faiblesse du manque ! Une belle pensée récurrente chez tous les drogués incapables de décrocher… Quelle idiote. Personne ne pouvait vaincre les effets du manque ! Pour preuve, son dernier sevrage avait bien failli la tuer ! Plus que de la magie, c'était chimique ! Physique ! En transe, son corps luttait avidement, déterminé à survivre malgré le démon qui le dévorait. Une ultime pénitence, à laquelle elle ne put s'empêcher de sourire. Elle, la célèbre guerrière du Trio d'Or, la sorcière la plus brillante de sa génération, l'Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres, la Déesse Rouge qui avait éradiqué les sirènes, risquait de succomber des effets de sa toxicomanie. Ouah… elle qui avait peur que son épitaphe ne soit pas glorieuse.
Grimaçant sous la douleur de ses membres, Hermione s'accrocha aux murs pour se relever et déglutit amèrement devant le sol en mouvement. Bon sang… le monde tournait tout autour d'elle et sa gorge brûlait sous l'acidité de sa bile… un goût familier : le goût de la honte. Une fois encore, les conséquences de son inconscience la rattrapaient. Et une fois encore elle le méritait. Trempe de fièvre, elle lutta pour aligner trois pas devant elle et dû presque ramper pour atteindre son lit. Après son Maître, son corps l'abandonnait, la laissant frêle et vulnérable sous le regard carnassier de ses cauchemars. Aussi, elle trouva à peine la force de monter sur son matelas et frissonna sous la douceur des draps. Le moindre toucher n'était que brûlure… le moindre mouvement n'était que torture ; et ça ne faisait que commencer. Elle le savait, sa fièvre ne ferait qu'empirer, suivit d'hallucinations et de crises d'hystéries. Y survivrait-elle une nouvelle fois ? Elle l'ignorait, mais ne chercha pas à le savoir. Bien sûr, elle aurait dû appeler un médicomage, prévenir son Maître et Narcissa… mais à quoi bon ? Elle n'était qu'un déchet… qu'une accro payant amèrement le prix de son addiction. Elle ne voulait pas que son Maître la voie dans cet état. Elle ne voulait pas lui causer cette ultime déception…
Et si elle venait à succomber… si sa fièvre et la folie finissaient par l'emporter… et bien soit.
Nul doute que la Satan en avait assez de l'attendre.
Hello ! Petit chapitre pour une énorme introspection de la part de notre sorcière préférée... chaque acte à ses conséquences et les siennes ne font que commencer.
