- Hermione !

Le pas pressé, Hermione ne sourcilla pas à l'appel de son frère et grimaça entre ses dents. Bon sang… elle n'avait pas le temps de parler ! Elle n'avait pas le temps d'écouter ! Non. Elle se devait d'avancer. Elle se devait de réparer la dernière offense qui avait été proférée. Et pour cela, elle n'avait pas le droit de flancher.

- Hermione !

Encore grisée par la chaleur du sang qui tâchait ses mains, la jeune femme ne lui lança pas même un regard et s'empressa de traverser les derniers couloirs… les derniers avant Luna. Oui. Elle devait lui parler. Elle devait connaître les derniers secrets que le corps de Seamus tairait à jamais ! Elle devait comprendre ce qui les avaient guidés dans cette quête insensée ! Mais c'était sans compter Drago, qui franchement agacé, dû courir dans son dos pour la rattraper. Une course rapide bien que désagréable, qui ne parvînt cependant qu'à l'inquiéter d'avantage. Et pour cause… il ne la reconnaissait pas. Bêtement et presque innocemment, il s'était convaincu que sa fureur n'était que le résultat de sa trop grande rancœur ; qu'une fois que Seamus serait mort, plus rien n'alimenterait le feu qui avait pris possession de son corps. Mais maintenant qu'il la voyait marcher… qu'il la voyait l'ignorer, le visage barrer de haine et de sang séché… il ne put plus le nier. Il s'était trompé. Elle n'était pas seulement possédée. Non, c'était plus fort que ça. Plus dangereux. Plus grave ! Car il avait vu son regard là-bas… il avait vu son sourire et sa joie. Des images étranges et profondément dérangeantes, qui auraient su désarmer jusqu'à sa propre tante. Mais également des images qu'il n'aurait jamais cru voir.

Elle.
Hermione.
En proie à la rage.
Que dire ! En proie au vice et à l'infâme !
Et le pire était qu'elle avait aimé ça.

Elle n'avait pas besoin de le lui dire pour le savoir. Il avait vu l'éclat de son regard devant leurs corps agenouillés. Il avait vu son bonheur devant leurs cris étouffés, de même que la frénésie macabre qui l'avait fait trembler ! Oui… il avait vu son humanité s'effacer. Plus rapide qu'un Sombral, sa haine l'avait supplanté avant même que la poussière des portes de la Grande Salle ne soit retombée ! Et dans cette entrée… dans ces étranges volutes de fumées… était apparu ce que le monde entier s'était mis à redouter. Une tueuse née. Un monstre sans pitié. Une sorcière aliénée prête à tout pour se venger ! Ainsi et sans qu'il ne puisse l'empêcher, la sœur qu'il connaissait les avait quittés, ne laissant alors qu'une Déesse avide de cruauté aux talons aiguisés. Et c'est bien cette dernière qu'il fit se retourner. Une évidence qui dans l'écho de son grondement menaçant, ne put que le frapper…

Ce n'était plus sa sœur qui lui faisait face… mais bien l'étrange et sanglante inconnue qui avait pris sa place. Enragée, elle se dégagea d'un tour de bras et se grandit devant lui dans le nouveau souffle de sa rage. Mal à l'aise, leurs regards se croisèrent violement avant que sa magie ne commence à crépiter depuis son poing sanglant. Un poing rouge, puissant et parcourus de reste de chaire, que le jeune homme ne parvînt pas à regarder sans avoir une nausée. Grand Dieu… Ainsi les elfes n'avaient pas menti. Elle l'avait fait. Alors que leurs ennemis étaient à sa merci, tremblant et saignant sous ses talons, elle avait entamé l'œuvre de sa vengeance. Elle avait arraché un nouveau cœur.

- Quoi ?! Cracha-t-elle violement.

Choqué devant une telle brutalité, Drago sentit son cœur s'arrêter et lutta pour ne pas bafouiller. Seigneur… elle était à faire peur. Décoiffée et en transe, son regard brûlait avidement tandis que ses joues s'étaient bariolées de sang. Le même sang qui nappait le dessous de ses talons et tâchait le château de son effroyable ascension.

- Où vas-tu ? Demanda-t-il froidement.

- Interroger Luna.

- Je croyais que tu ne voulais pas lui faire de mal.

Surprise devant l'audace d'une telle remarque, Hermione haussa un sourcil avant de le jauger avec gravité. Lui faire du mal ?! Mais enfin que pensait-il là ? Elle avait une mission ! L'interroger ! Lui extraire la vérité ! Pour ce qui était du reste, cela ne dépendrait que de ce qu'elle avait à raconter …

- Ce n'est pas au programme… déglutit-elle. Mais ses informations sont essentielles !

- Et sa vie ?

- Qu… quoi ?! S'étouffa-t-elle. Depuis quand la vie de Luffoca Lovegood t'intéresse-t-elle ?

- Depuis que ma sœur s'apprête à y mettre un terme.

Un terme ?! Mais… elle n'avait pas l'intention de la tuer ! Ni même de la torturer ! Par Merlin, Luna ne lui avait rien fait ! Non, elle… elle voulait juste lui parler ! Cesser cette mascarade et retrouver la tranquillité qui l'avait quitté ! Car elle le savait, cette attaque marquait un véritable tournant dans leur guerre. Un tournant qu'elle avait longtemps redouté, mais qu'elle pouvait déjà sentir infiltrer ses pensées…

- J'ai une mission ! Cracha-t-elle amère. Sa mort ne ressouderait rien !

- Tu es sûr de ça ?

- Tu me croies capable d'assassiner une innocente de sang-froid ?!

- Cela dépend à qui je m'adresse. Tonna-t-il durement.

- Mais enfin, qu'est-ce…

- A qui je m'adresse Hermione ?! Insista-t-il d'un ton plus fort. A ma Sœur ? Ou à la Déesse ?

- Quelle différence cela fait ? S'étonna-t-elle.

- Facile. Ma sœur n'est pas assez stupide pour interroger une Lovegood, encore couverte du sang de son ami à peine éventré.

Cette fois, Hermione ne trouva pas quoi répliquer. Bouchée bée, elle jeta un bref regard à son bras ensanglanté et déglutit en sentant la rugosité du sang séché. Grand Dieu… il marquait un point. Luna était douce et sensible, mais également fidèle à la cause qu'elle défendait. Elle ne lui dirait jamais rien en affichant les derniers vestiges de Seamus sur son bras. Un détail auquel elle n'avait pas pensé mais qui suffit à ébranler son esprit embrumé.

- Ce… ce n'est rien. Bafouilla-t-elle. Un coup de baguette et il n'en restera rien.

- Ah oui ? Demanda-t-il du bout des lèvres.

- Drago…

- Je suis sérieux Hermione.

- Mais enfin, qu'est-ce que tu cherches à la fin ?! S'agaça-t-elle.

- Ma sœur. Claqua-t-il.

- Je suis ta sœur !

- Tu ne lui ressemble pas…

Abasourdi, Hermione recula de quelque pas. Grand Dieu… comment osait-il lui dire ça ? Maintenant qui plus est ?! Leur château venait d'être attaqué. La résistance les provoquait ! Elle n'avait pas le temps d'opérer un examen de conscience ou de culpabiliser ! Et pourtant, jamais son regard ne l'avait autant transpercé.

- Tu es mal placé pour me faire des reproches. Cingla-t-elle. Tu as toi-même torturé Victor !

- Le Maître me l'a ordonné.

- Et tu oserais me dire que tu n'y as pas pris de plaisir ?!

- Pas autant que toi…

Par Merlin… que lui arrivait-il ?! Ne comprenait-il donc pas l'enjeu de la situation ?! La nouvelle gravité de chacune de leur prochaine décision ?! L'ordre avait infiltré Poudlard ! Infiltré Poudlard ! Par Merlin, c'était à peine pensable… et pourtant ils avaient tenté l'irréalisable. Et elle devait savoir pourquoi. Plus qu'un besoin c'était vital ! Elle devait savoir ce qui les avaient amenés ici ! Elle devait savoir ce qui avait poussé Harry et Ron à prendre de tels risques ! Et pour cause… cette fois, cela dépassait de loin l'imminence de leur guerre. Non, cette fois c'était personnel. Une attaque visée et préméditée. Un affront à l'allure désordonné mais au but savamment étudié. Un coup risqué mais calculé, qui portait en lui l'orgueil d'une Résistance renforcée… Aussi, elle ne pouvait se résoudre à faire preuve de pitié. Elle n'en avait pas le droit ! Harry et Ron les avaient défiés ! Et il était hors de question qu'elle reste les bras croisés à attendre qu'ils aient la décence de se justifier.

- Seamus méritait de mourir. Tonna-t-elle. Je ne regrette pas ce que j'ai fait.

- Je sais. Et c'est précisément ce qui m'inquiète…

- Drag…

- Ce n'est pas toi Hermione ! Explosa-t-il. Tu peux jouer la comédie devant les ministres, battre des cils devant les Maître et terroriser tous ses fidèles, mais je ne marche pas. Tu n'es pas ça.

- « Ça » ? Répéta-t-elle outrée.

- Tu n'es pas une meurtrière. Du moins… pas ce genre-là.

Bouleversée devant le dégoût qui lui barra le visage, Hermione s'entendit haleter dans l'écho de son nouveau silence. Tremblante devant lui, ses mots résonnèrent en elle dans le chant hypnotique d'une cruelle rengaine. « Ce genre-là » … Ainsi, il se permettait de la juger. De lui faire la morale. Lui ? Drago Malfoy ? L'incarnation même du péché et de la vanité ? L'héritier des familles les plus cruelles de ces contrées ?! Non… il n'en avait pas le droit. Pas lui. Pas aujourd'hui. Pas à alors que les pavés ruisselaient encore du sang de leurs ennemis !

- Je n'ai fait que mon devoir d'Initiée ! Se défendit-elle.

- Tu te laisses aveugler !

- Non… tu te trompes ! Gronda-t-elle.

- Tu crois ça ?!

- Oh je t'en prie… cesse cette hypocrisie ! Ta tante a éventré des hommes pour moins que ça et je ne te vois pas aller lui faire la morale !

Sérieusement ?! Elle… elle se défendait en prenant l'exemple de sa tante ? De la femme la plus malsaine de ce siècle ? Non. Elle ne pouvait pas être sérieuse.

- Et cela te réconforte dans ton crime ? De te comparer à Bellatrix ?! Demanda-t-il désabusé.

- Quoi ?! Non, je…

- Ma tante a déjà tué pour moins que ça, tu as raison. Continua-t-il. Mais ne te méprend pas Hermione… de ce château, vous êtes les deux seules femmes à éventrer vos victimes et à y prendre du plaisir. Alors à moins que tu ne veuilles lui ressembler davantage, je te conseil de rester sur tes gardes.

Sans souffle, Hermione le vit se pincer les lèvres dans une grimace amère. Elle était en train de se perdre. Il le savait. Aussi il le lut à la fugacité de ses tremblements, la Déesse Rouge n'en démordrait pas ; du moins, pas tant que son cœur brûlerait de ce feu-là.

- Nettoie ce bras. Conclut-il gravement. Tu fais peur à voir.


- Pardonne mon retard… je ne voulais pas te faire attendre.

Surprise, Luna sursauta violement à l'écho de sa voix. Elle était là… elle était revenue. Pourquoi ? La jeune femme l'ignora. Pourtant et alors qu'elle s'attendit à subir un Doloris, c'est une Hermione étonnement plus apaisée qu'elle vit la détailler. Figée sur le pas de porte de sa propre chambre, elle parut fatiguée, las et même… inquiète. Un contraste quelque peu brutal comparé à sa dernière apparition, qui la laissa pantoise devant elle.

- Ce n'est pas grave. Dit-elle du bout des lèvres. Ta… ta chambre est confortable.

Visiblement gênée devant tant de luxe, Hermione ne fut presque pas surprise de la voir acculée à l'extrémité de son lit. Recroquevillée sur elle-même, elle s'accrochait à ses chevilles malgré le tintement de ses chaînes, la tête constamment tournée vers le bout de ciel traversant sa fenêtre. Une image étrangement paisible, qui pourtant ne l'était pas… Amaigrie, sale et égratignée, un léger sifflement s'échappait de son nez ensanglanté. Etait-il cassé ? Peut-être, mais elle ne semblait pas s'en inquiéter. Non, à la place Luna attendait. Sage, patiente et docile, elle jetait de bref regard à ses livres avant de se détourner dans une myriade de légers battements de cils. Aussi, c'est presque intimidée qu'Hermione se risqua à s'avancer. Elle semblait si calme, si sereine, si… confiante, que la sorcière ne put empêcher ses joues de se couvrir de gêne. Et dire qu'il y a quelques instants encore, elle était déterminée à la faire parler ; à lui arracher la vérité quitte à devoir faire couler son sang sur le sol carrelé. Mais Drago l'avait harponné entre deux couloirs… et sans qu'elle ne s'en rende compte, l'écho de ses mots avait fait naître un nouveau désespoir. Des mots qui l'avaient blessé et outré. Des mots qui lui avaient donné envie de hurler. Mais des mots empreint d'une sombre et étrange véracité... « Tu n'es pas une meurtrière. Du moins… pas ce genre-là. » Elle aurait pu feindre l'ignorance. Elle aurait pu laisser le déni la guider au seuil de la démence ; mais à quoi bon ? Cela n'aurait été que perte de temps. Elle ne voulait pas tuer par gratuité. Elle ne voulait pas suivre le chemin des ténèbres et s'y oublier. Non… elle voulait seulement comprendre : comprendre pourquoi l'Ordre les avaient envoyés ? Pourquoi eux en particulier ? S'ils allaient recommencer ? Sur quel plan ils se fondaient ? C'était tout ce qu'elle souhaitait… car désormais, une nouvelle peur la guettait. Celle de l'embuscade. Celle de l'attaque. Celle de la guerre et de tout ce qui s'y rattachait. Oui… cette infiltration ratée l'avait ramené à un état qu'elle avait presque oublié ; un état qui lui aussi, l'avait longtemps hanté : la survie. Comme si son passé l'avait rattrapé dans le simple écho d'un claquement fouet, tout ce que son esprit avait refoulé s'était mis à l'assiéger. L'angoisse. L'incertitude. Le doute. La colère. La vengeance… ce tout l'avait submergé. Tel une boîte de pandore, son cœur s'était ouvert dans sa cage thoracique, répandant ses milles et un supplices jusqu'aux confins de son esprit. Et dans cette confusion… dans cette horreur et étrange passion… la mort l'avait suivi. Bien entendu, elle ne regrettait rien du sort de Seamus. Mais maintenant qu'elle voyait Luna sagement assise dans le silence de sa condamnation promise, Hermione ne put s'empêcher de culpabiliser. Elle n'était pas un monstre… elle n'était pas Bellatrix ! Et elle ne voulait pas la faire souffrir. Pas elle. Pas Luna. Car pour la première fois depuis plus d'une année, elle avait enfin une amie à qui parler. Une camarade de son passé. Une compagne de guerre et de famine… mais également l'une des rares dont elle chérissait le souvenir.

- Je suis désolée pour… tout à l'heure. Souffla-t-elle du bout des lèvres. Je ne voulais pas que tu assistes à ça.

Etonnée, Luna la détailla un court instant avant de soupirer. Elle aussi aurait aimé ne rien voir… mais à quoi bon se plaindre de l'inéluctable ? La guerre engendrait la mort, le désespoir et les cris… même ceux de ses amis.

- J'imagine qu'ils sont morts…

- Seulement l'un d'eux. Dit-elle sans la regarder. Victor a été relâché.

Dans le cas présent, « renvoyer à l'expéditeur » aurait été une description plus honnête… mais à quoi bon s'encombrer de détails à une heure pareille.

- Et Seamus ? Demanda-t-elle.

Ebranlée devant le bleu de son regard, Hermione sentit son souffle se couper et déglutit avec peine. Elle aurait dû se douter que sa mort se payerait… S'avançant lentement face à elle, elle la vit la suivre du regard sans sourciller. Un regard calme étrange, doux et patient, qui ne parvînt qu'à rosir ses joues de honte. Recroquevillé dans les plis de sa robe, elle sentit son poing s'échauffer au souvenir du cœur ardent du jeune homme contre sa paume. Un cœur qu'elle avait arraché, contemplé et béni… avant de le jeter aux pieds de Krum. Aussi, c'est éprise d'un profond malaise qu'elle détourna le regard. Dans ses souvenirs, Seamus et Luna n'avaient jamais été très proches. Mais les temps avaient changé ; aussi, elle ne sût plus où regarder.

- Je te présente mes condoléances… Souffla-t-elle.

Elle avait exercé l'une de ses plus belles vengeances. Que dire ! L'une des plus exaltante ! Mais cet acte aurait un prix… et des conséquences. De quoi la faire davantage trembler, à l'heure où Luna était la seule capable de coopérer.

- Je doute que tu sois sincère. Lui dit-elle subitement. Mais j'apprécie l'attention.

Décontenancée, Hermione ne sut plus où se mettre et balbutia un court instant. Elle aurait dû s'attendre à une telle réponse… après tout, Luna avait été toujours la plus surprenante de ses connaissances. Tantôt joviale, excentrique, mélancolique et étourdie, elle portait en elle la douceur insolente d'une candeur enfantine. Un trait de caractère qui l'avait souvent exaspéré par le passé, mais qui aujourd'hui, revêtît les couleurs d'un trésor inespéré. Elle ne la rejetait pas. Elle ne hurlait pas. Elle… elle ne la méprisait pas. Pourtant et malgré son silence, une tension intoxiquait l'air ambiant. Celle de l'incertitude et de l'attente.

- Je veux que tu saches que je n'ai pas l'intention de te tuer. Dit-elle du but en blanc.

- Vraiment ?

- Oui. Seamus et moi avions des… affaires en suspens. Quant à Victor, il a ouvertement revendiqué sa trahison. Tu n'es mêlée à rien de tout cela.

Hochant distraitement la tête, Luna la regarda sans rien dire avant de se pincer les lèvres. Sèches et craquelées, Hermione vit quelques gouttes de sang y perler. Pourtant, aucune colère ne l'habitait.

- A vrai dire, je… je suis même contente de te voir. Ajouta-t-elle. Nous ne nous sommes pas vues depuis des années et… tu es bien l'un des seules contre qui je n'ai aucune rancœur.

S'asseyant face à elle, Hermione la vit la détailler sans cligner des yeux. Avait-elle peur d'être manipulée ? Trompée ? Abusée ? Probablement. D'ailleurs cela serait même logique ! Elle l'avait vu torturer ses amis avec cruauté et ce sans la moindre pitié ! Mais malgré cela, elle le pensait. Elle ne voulait pas la tuer. Assez de sang avait été versé aujourd'hui… et le sien était le dernier qu'elle voulait voir couler.

- Ecoute, je… je sais que tout ceci doit être extrêmement traumatisant pour toi. Et je sais aussi que je suis la dernière personne à qui tu veux parler mais…

- Moi aussi. Dit-elle subitement.

- Qu… Quoi ?!

- Moi aussi je suis contente de te voir.

Bouche bée, Hermione haleta violement. Elle… elle était contente ? De la voir ? Elle ? Mais ça n'avait aucun sens ! Pourtant son regard ne dévia pas. Un regard bleu ciel, étrangement sincère et incroyablement simple. Un regard dénué de haine et de crainte.

- Tu… tu es contente ? Répéta-t-elle sans y croire.

- Oui. Tu m'as manqué.

Cette fois, Hermione peina à contenir ses larmes.
Elle lui avait manqué.
A elle.
Luna.

Par Merlin, était-ce possible ? Etait-ce possible qu'après tout ce qu'elle ait fait, elle ait encore une amie ? Une alliée ? Un vestige intact de son passé ? Non… ça ne se pouvait pas. Mais Luna n'était pas une menteuse. Comme si ce simple concept était étranger à son esprit, elle n'avait jamais cherché l'approbation ou la sympathie d'autrui. Non. Elle était simplement elle. Luna. La fille aux cheveux d'ange et au regard vague… une âme trop pure pour un monde trop sale.

- Je… je pensais que tu me détesterais. Souffla-t-elle déstabilisée.

- J'y ai pensé. Admit-elle. Mais ma mère m'a toujours dit que la haine était un puzzle dont on a perdu les pièces. Une sorte de jeu sans issue, que personne ne gagne à la fin.

- Mais j'ai torturé tes amis. J'en ai même tué un !

- Je sais. Mais à défaut de te détester je dirais que… ce nouvel aspect de ta personnalité ne me manquera pas la prochaine fois.

Ebranlée. Elle était ébranlée. Luna l'avait vu défigurer Krum. Elle l'avait vu le torturer avant de s'acharner sur Seamus sans éprouver l'ombre d'un regret ! Et malgré ça… malgré tout ce qu'elle avait fait, elle ne la détestait pas.

- J'avoue que… que je ne sais pas quoi dire.

- C'est normal. Ta tête est remplie de Joncheruine.

Les Joncheruines…. Par Merlin, cela faisait si longtemps... Si longtemps qu'elle ne l'avait pas entendu en parler. Si longtemps qu'elle ne l'avait pas vu les chasser, une paire de lunettes pailleté sur le nez. Si longtemps que cette époque avait été enterrée. Aussi et face à sa sincérité, Hermione ne put s'empêcher d'échapper un sourire. Tout ceci semblait remonter à une autre vie.

- Tu as probablement raison. Souffla-t-elle émue.

- Je sais. Ce n'est pas difficile à voir… ils ont infesté le château.

Le château de Voldemort, empli de mangemorts dont leurs propres têtes étaient emplies de milles et une petites bestioles ? Oui, ça se tenait.

- Ecoute Luna, je… je ne m'attends pas à ce que tu veuilles me parler. Lui dit-elle alors. Ni même à ce que tu coopères mais… mon Maître attend un minimum de réponse. Et si je ne lui en apporte pas…

- Il me torturera ?

A sa question, Hermione ne préféra pas répondre. Oui… elle serait torturée, à la seule différence que ce ne serait pas son Maître qui devrait s'en charger.

- Cela peut s'éviter. Dit-elle sans respirer. Je t'en prie, je… je ne te demanderais pas où sont Harry et Ron. Je ne te demanderais pas non plus les noms de leurs partisans ou leurs tactiques de guerres. Non, je… je veux juste comprendre.

- Comprendre quoi ? Demanda-t-elle.

- Pourquoi ils vous ont envoyé.

A ces mots, la Lovegood détourna le regard et soupira. Comprendre… un si grand mot pour une époque si sombre, si… vide de sens. En son for intérieur, Luna avait cessé d'essayer de comprendre depuis des années. Le monde lui était devenu étranger. Les oiseaux avaient cessé de chanter. Le ciel ne semblait même plus la regarder… aussi, elle et son père avaient tenté de s'éloigner de tout cela. De la guerre, des morts, de la misère… et ils avaient réussi. Tels un rêve un peu trouble, le bonheur leur avait souri. Mais comme toute bonne gangrène qu'elle était, la guerre les avaient suivis. Et aujourd'hui encore, elle n'était pas certaine de vouloir y survivre.

- J'apprécie tes compromis. Lui dit-elle alors. Mais je doute pouvoir t'être utile.

- Que veux-tu dire ?

- Je n'ai pas vu Harry et Ron depuis des mois. Ils sont constamment en voyage. Quant aux autres, ils sont… dispersés. Je ne sais même pas combien sont encore en vie.

- Mais… ils vous ont donné une mission, n'est-ce pas ?

- Pas directement. Avoua-t-elle. En leur absence, c'est Neville qui est aux commandes.

Ahurit, Hermione ne sut plus quoi dire. Neville ? Aux commandes ?! Par tous les Dieux… Etait-ce possible ?!

- Victor et lui ont longuement discuté la nuit dernière. Continua-t-elle. Je ne sais pas de quoi. Tout ce que je sais c'est que Seamus et lui m'ont réveillé au petit matin et m'ont dit de les suivre.

- Tu… tu ne savais pas ce qu'ils préparaient ?!

- Non… j'espérais qu'il ne s'agisse que d'une promenade. Les fleurs sont si belles en cette saison. Mais j'ai fini par comprendre que c'était important. Victor n'arrêtait pas de nous mettre en garde…

- Contre quoi ?

- Toi.

Peu étonnée, Hermione se pinça les lèvres et déglutit en silence. Seigneur… tout ceci n'avait pas le moindre sens. Neville en dirigeant ? Krum en conseiller ? Et tout ça pour quoi ? Envoyer trois soldats à l'aveugle dans une mission d'infiltration vouée à l'échec ?! Non, ça ne se pouvait pas. Aussi, c'est profondément troublée que la jeune femme s'enfonçât gravement dans son siège. Il manquait quelque chose. Une étape. Un passage. N'importe quoi qui expliquerait cette odieuse mascarade ! Et pourtant, c'est tout aussi troublée que Luna la regardait…

- A-t-il dit autre chose ? Demanda-t-elle vainement.

- Il m'a expliqué que notre mission était capitale. Avoua-t-elle. Que l'opération était risquée, que je devais les suivre sans poser de questions. Dit-elle légèrement.

- Et… c'est tout ?

- J'avais pour rôle de faire le guet. Soupira-t-elle. Mais en toute honnêteté, je n'écoutais pas beaucoup ce qu'ils disaient…

- Mais ça n'a pas de sens ! Pourquoi venir ici sans rien te dire ?! C'est du suicide !

- Sa tête aussi était pleine de Joncheruines. J'ai bien essayé de le lui dire mais… lui non plus ne m'écoutait pas.

De mieux en mieux… ne manquait plus que les Joncheruines leur déclarent la guerre et ils seraient tous bons pour l'asile.

- Je suis désolée. Dit-elle subitement. Je doute que ces informations contentent ton Maître.

- Ne t'inquiète pas pour lui… Voldemort n'est pas notre plus gros problème à cette heure.

- Ah oui ?

Franchement surprise par sa réponse, Hermione vit ses yeux s'écarquiller. Une des rares expression capable d'agiter ses traits angéliquement ciselés.

- Oui. Assura-t-elle. Il n'est plus… aussi cruel qu'avant.

Assimilant ses mots d'un vague hochement de tête, Luna la détailla un court instant avant de se risquer à son tour à poser une question. La seule et unique dont elle rêvait de connaître la réponse.

- Est-ce pour ça que tu l'as rejoint ?

- Non, je… j'ai dû faire des choix mais… c'est un autre sujet.

- Dommage. Soupira-t-elle. J'espérais pouvoir comprendre moi aussi…

- Comprendre quoi ?

- Toi.

Elle ?!

- Pourquoi ? On ne peut pas dire que je sois la personnalité de l'année… Grimaça-t-elle.

- Peut-être mais… tu as toujours été la plus futée d'entre nous. Alors j'imagine que si tu as rejoint les forces du mal, c'est que tu avais une bonne raison de le faire.

Troublée devant la tendre simplicité de ses mots, Hermione sentit sa gorge se serrer. « Une bonne raison ». Oui… elle en avait une. Une raison qui les dépassait tous et que nul si ce n'est elle et son Maître, ne pourrait comprendre. Pour autant, c'est bien son résonnement qui la laissa pantoise un court instant. Jamais personne ne s'était donné la peine de connaître ses réelles motivations avant de juger sa décision. Jamais personne ne s'était interrogé sur la base de sa démarche. Non… elle avait simplement été condamnée. Une fatalité qu'elle avait depuis longtemps accepté, mais qui aujourd'hui la fit trembler.

- Que… que t'ont dit Harry et Ron ? Déglutit-elle.

- Beaucoup de choses. Mais ils ne sont pas doués pour compter les histoires.

- Les histoires ?

- Hum hum… j'aime à croire que nos vies sont des histoires qui ne demandent qu'à être racontées.

- Et comment… comment se finit la mienne selon eux ? Demanda-t-elle du bout des lèvres.

- Par la traitrise. Dit-elle d'une voix blanche. L'abandon de tes principes… et beaucoup d'autres mots que je n'ai pas envie de dire.

Bien sûr… ils n'avaient pas tari d'éloges à son sujet. Pourtant jamais Luna ne sembla encline à la juger. Grands ouverts, ses yeux la fixaient avec intensité, demandeurs de connaître tous les secrets qu'elle taisait. Un regard réciproque qui résonna dans l'écho de leur nouveau silence et qui subitement lui donna une idée.

- Luna… ce que je vais dire va sûrement te surprendre mais j'aimerais t'offrir un marché.

- Un marché ?

C'était le seul moyen de connaître la vérité.
Le seul capable de répondre aux milles questions qu'elle se posait.

- Mon Maître veut des réponses. Il ne se contentera pas du peu d'information que tu as… du moins pas tant qu'il n'aura pas la certitude que tu dis la vérité.

- Je peux boire du veritaserum si cela peut l'apaiser ? Proposa-t-elle.

- Non… certains résistants boivent de l'antipoison depuis des années. Grimaça-t-elle. Ce qui est assez ironique dans la mesure où c'était mon idée.

- Alors que puis-je faire ?

C'était risqué et très cher payé… mais elle était prête à tout tenter. Ce simulacre de mission, ce silence, cette infiltration… tout ceci était trop flou ! Trop brouillon ! Or il lui fallait de vraies réponses ; et Luna savait des choses. Qu'il soit conscient ou inconscient, son savoir était la seule monnaie d'échange capable de convaincre son Maître de l'épargner. Aussi, c'est la main tremblante qu'Hermione expira avec force. C'était le seul moyen d'être fixé. Le seul moyen d'extraire chaque parcelle de son savoir. Le seul moyen de ne pas la tuer… Et même si elle détestait cette idée, elle aussi devrait payer le prix de cette monnaie.

- Je ne veux pas que tu sois tuée. Déclara-t-elle brusquement. Je ne veux pas non plus que tu pourrisses dans les cachots entre deux tortures ! Je… je peux empêcher tout cela d'arriver. Mais j'ai besoin que tu m'aides…

- Comment ? Demanda-t-elle étonnée.

- En acceptant un échange.

- Un échange ?

Accepterait-elle ? A cet instant précis, Hermione l'ignorait. Mais c'était bien sa seule unique chance d'être sauvée.

- Ton esprit. Souffla-t-elle. Je… je te demande de m'ouvrir ton esprit.

Figée, Luna ne réagit pas à ses mots. Silencieuse elle la regarda sans rien dire, le souffle coupé entre deux battements de cils. Pourtant, elle put le voir à l'écarquillement de ses pupilles… cette proposition la terrifiait. Une réaction qui, aux vues des circonstances, était on ne peut plus justifiée…

- Je… je ne suis pas sûr de comprendre.

- Tu as vécu avec eux. Tu les as accompagnés jusqu'ici, tu les as entendu parler, vu opérer… tu sais ce qu'ils sont venus chercher.

- Mais je t'ai dit que…

- Je sais… mais c'est le seul moyen d'être sûr.

D'être sûr ? Mais de quoi donc ? Elle se désintéressait de la guerre, des complots, des stratégies et de tout ce qui faisait désormais sa vie ! Pire encore, elle faisait tout pour s'en éloigner le plus possible ! Sa présence en ces lieux n'était que le résultat d'une coïncidence ! N'importe qui aurait pu les accompagner. N'importe qui aurait pu faire le guet ! Mais ouvrir son esprit ? A Hermione Granger ? La nouvelle ennemie de la liberté ? Par Rowena, cette simple idée la fit frissonner…

- Hermione… je ne suis pas sûr de vouloir accepter. Je t'ai dit tout ce que je savais sur cette mission.

- Je te crois mais…

- Mon esprit renferme des secrets. Lui dit-elle. Des choses que tu ne dois pas connaître… et même si je veux croire en ta parole, ma vie ne vaut pas le sacrifice de celles de mes amis.

La loyauté. Une vertu si noble, si élégante… et si compréhensible. Elle-même ne pouvait envisager l'idée de trahir son Maître. Alors pourquoi le ferait-elle ? Pourquoi livrerait-elle tous ses secrets à la femme contre qui ses amis se battaient ? Pour certains, cette question semblait peut-être sans réponse… mais pas pour elle. Car pour la première fois, elle avait une contrepartie à offrir. Un cadeau… un risque… une folie… mais quelque chose de suffisamment précieux pour la faire changer d'avis.

- Oui, je comprends… Déglutit-elle. Et c'est pour cette raison que je suis prête à t'offrir quelque chose en échange.

- Hermione, je…

- Je t'offre le mien.

Sonné, la Lovegood chancela un court instant sur le rebord du lit. Le... le sien ? Parlait-elle sérieusement ? Elle… elle était prête à lui offrir son esprit ? Celui-là même de l'Initiée du Seigneur des ténèbres ?! A elle ? Une prisonnière ? Par tous les Dieux… c'était à peine croyable. Et pourtant, elle était sincère. Une évidence dont Luna ne douta pas devant l'intensité de ses yeux couleur noisette. Aussi, c'est profondément troublée qu'elle la vît lui prendre la main dans un sourire. Un contact étrangement doux et rassurant, mais dont la force et la fermeté traduisit l'importance de la décision qu'elle s'apprêtait à prendre.

- Je n'ai pas l'intention de te mentir. Déclara-t-elle. Je n'ai pas l'intention de te piéger ou de te manipuler. Mais ta confiance n'est pas un dû dont je peux user… c'est quelque chose que je dois mériter.

Elle ne savait pas comment son Maître réagirait quand il apprendrait la teneur de ce marché… mais ça en valait la peine.

- Tu te demandais quelles… raisons m'avaient poussé à rejoindre Voldemort. Continua-t-elle. Tu te demandais comment j'avais pu tourner le dos à la Résistance, à mes principes, à Harry et à Ron… et je suis prête à te le dire. Je suis prête à t'offrir mon esprit.

- Vraiment ? Souffla-t-elle sans y croire.

- Oui. Tu sauras tout ce que je sais, verras tout ce que j'ai vu et… ressentiras tout ce que j'ai ressenti.

Le dire à voix haute la fit frémir. Par tous les Dieux… c'était de la folie. Du suicide ! Mais Luna était de nature sensible… et si ce qu'elle voyait ne la réussissait pas à la rallier à elle, alors rien ne le pourrait.

- Et si je refuse ?

- Si ce que tu vois dans mon esprit n'affecte pas ta foi en la résistance, alors je… je respecterais ta décision.

Cela semblait équitable… à vrai dire, c'était même plus que ça. C'était une chance ! Une chance d'enfin démêler le vrai du faux. Une chance d'y voir clair à nouveaux. Une chance… de comprendre. Aussi, c'est pendant de longues secondes que Luna hésita à répondre. Elle ne voulait pas trahir les siens. Elle ne voulait pas changer de camps. Mais quelque chose l'intriguait… quelque chose de fort et puissant : sa confiance. Oui. Hermione était confiante. Pourquoi ? Là aussi, elle pouvait avoir la réponse.

- Et si… si j'accepte ? Se risqua-t-elle à demander. Que se passera-t-il après ?

- Je t'offrirais la grâce de l'Initiée. Lui dit-elle. Tes crimes te seront pardonnés et ton nom sera innocenté. Tu seras libre.

- L'Ordre me pourchassera à juste raison. Déglutit-elle.

- Non Luna… Je t'offrirais l'asile. Dit-elle plus fort. Tu vivras ici à mes côtés, dans le confort et la sécurité. Rien ne pourra t'atteindre !

Vivre à nouveau ici ? A Poudlard ? Cela semblait trop beau pour être vrai…

- Pourquoi te donnes-tu autant de mal ? Demanda-t-elle surprise. Qui te dit que je ne chercherais pas à les rejoindre pour leur dire ce que ton esprit m'aura révélé ?

C'était une très bonne question… pourtant, Hermione ne redoutait pas sa réponse.

- Si tu cherches à les rejoindre après ce que je t'aurais montré… eh bien, j'imagine que cela ne voudra dire qu'une chose.

- Laquelle ?

- Que tu es comme eux. Souffla-t-elle d'une voix blanche.

- Cela serait-il si grave ?

Etait-ce grave d'être semblable à des monstres de cruauté ? Des hommes bêtes et seulement guidés par l'orgueil de leur fierté ? Des fous capables de torturer celle qu'ils avaient juré d'aimer ? Des lâches dénués d'honneur et de la moindre bonté ? Oui, ça l'était…

- Oui Luna. Mais cela voudra également dire que je devrais te tuer...

- Parque ton Maître te l'aura ordonné ?

- Non Luna… parce que je le voudrais.


Hey ! ;) Alors ? Que pensez-vous de cette proposition ? Selon vous quel sera le choix de Luna ?

La réponse... maintenant ! ;)