- Maître ? Vous êtes là ?
Une pile de livre à la main, Hermione entra dans sa cabine le souffle court. Par Merlin… ce qu'elle haïssait descendre à la cale. Sérieusement, comment un simple navire pouvait-il avoir autant d'étages ?! Cela n'avait aucune utilité ! Sans parler des escaliers qui ne cessaient de tanguer avec la marée ! Bon Dieu ce n'était qu'un bateau ! Un bateau ! Il n'avait pas besoin d'une trentaine de salle de classe, d'un musée d'arme ou encore de deux étages seulement dédiés au rangement des rames ! Mais non… de tous les châteaux qu'ils possédaient, il avait fallu que les russes s'en offrent un capable de flotter !
- Maître ?! Appela-t-elle à grande voix.
Déséquilibrée, la jeune femme claqua sa porte à grand coup de pied, aveugle devant la dizaine de reliure qui lui chatouillait le nez. Une flopée de cartes sous le bras et un sac de compas sur l'épaule, elle maugréa en sentant ses genoux s'érafler sur l'angle des tabourets et avança les dents serrées. Heureusement pour elle, ses talons et corsets avaient laissé place à une paire de botte et de bretelles… mais à bien y repenser, une paire de genouillères auraient sûrement été plus appropriée.
- Maître !
- Je t'avais entendu la première fois…
- Dans ce cas répondez-moi !
Encore ensommeillé après une nuit d'insomnie, Voldemort la rejoint lentement dans l'écho d'un soupir épuisé. Formidable… voilà qu'il devait supporter les cris de son Initiée avant le petit déjeuné ; à croire que rien ne lui serait épargné. Pourtant et face à l'étrange spectacle qu'elle lui offrit, le Mage ne put s'empêcher de pouffer. Un rire immature à peine contenu, qu'il tenta d'étouffer mais qui ne réussit qu'à galvaniser les grondements de sa sorcière préférée.
- Cessez de vous moquer ! Scanda-t-elle.
- Voyons, Hermione… je ne me permettrais pas.
- Menteur !
Franchement amusé devant son air contrarié, Voldemort sourit davantage en l'entendant marmonner. C'était vrai, il mentait... Mais à quoi bon le lui dire ? Elle le savait aussi bien que lui ! Aussi, c'est sans rien ajouter que le mage s'assit confortablement et se contenta de la regarder. Tout aussi amusé qu'intrigué devant son jeu d'équilibre endiablé, il ne vit d'elle qu'une pile de livre tanguant sur un pantalon taille haute et une chemise délavée. Le dos cambré et les jambes arquées, elle avançait à l'aveugle sans savoir où aller, les bras et les épaules chargés de tous les bibelots qu'elle avait pu trouver. Une image profondément hilarante, qui ne manqua cependant pas de l'impressionner. Après une nouvelle semaine de recherches infructueuses, il aurait cru que son engouement pour leur quête retomberait ; que tout comme lui, elle serait gagnée par la fatalité et que ses espoirs se faneraient devant leur implacable manque de progrès. Mais il n'en était rien… Incapable de s'avouer vaincue, elle s'acharnait à étudier tout ce que bateau avait à leur donner : cartes, mappemondes, journal de bord… rien n'était laissé de côté, la poussant même à explorer les cales les plus reculées à la recherche de vieux trésors oubliés. Une force de caractère qui forçait le respect, mais qu'il ne pouvait que contempler dans un sourire amer. Et pour cause… cela faisait désormais 17 jours qu'ils avaient pris la mer. 17 jours qu'ils peinaient dans leurs recherches. 17 jours qu'ils naviguaient têtes baissées dans des eaux glacées ! 17 maudits jours à regarder les heures passer ! Et qu'avaient-ils trouvé ? Rien… en 17 longs et interminables jours, aucun d'eux n'avait fait la moindre avancée. Un échec lourd et cuisant, teinté de désespoir et d'inquiétude qui, il le savait, ne tarderait pas à venir à bout de leurs dernières certitudes.
- Pourriez-vous… m'aider ?
- Pourquoi ne pas faire deux voyages ? Lui demanda-t-il amusé.
Ahurit à cette simple question, Hermione manqua de trébucher sur son propre pied. Par Merlin, était-il aveugle ?! Elle sentait encore ses jambes trembler aux souvenirs des milliers de marches qu'elle venait de monter ! Alors deux voyages ?! Non… non, que Godrick Gryffondor lui en soit témoin, elle préférait tomber et se casser un tibia que de redescendre une quinzaine étages !
- Nul besoin… grinça-t-elle.
- Tu es sûr de ça ?
Essoufflée, elle l'ignora d'un soupir agacé et réussit à atteindre leur table de travail dans un râle épuisé… mais la mer était agitée et son Maître bien trop amusé pour l'aider. Un combo fatal pour son équilibre précaire, qui la fit très vite chavirer en arrière. Désorientée, elle se rattrapa à la volée, avant de ne voir la moitié de ses cartes tomber à ses pieds… suivit des livres… et du sac de compas qu'elle entendit s'écraser avec fracas.
- Tu vois. Dit-il dans un fou rire. Deux voyages !
Au bord de la crise de nerf, Hermione se redressa dans l'éclat d'un regard acerbe. Deux voyages… deux voyages !? Cet avorton… que dire, cet abject imbécile n'avait donc rien de mieux à lui dire ?! Non ! Après tout, il était le plus grand Seigneur des Ténèbres ! Pourquoi l'aiderait-il à monter leurs affaires, quand il pouvait simplement la regarder faire ! Et puis, ce n'était pas comme si ce bateau tanguait ; ou que les escaliers bougeaient ! Ou qu'elle n'avait que deux bras pour tout porter ! Non… c'était bien connu, les Initiées d'Honneurs étaient formées pour fouiller les cales des bateaux ensorcelés ! C'était d'ailleurs pour ça que Narcissa lui avait fait porter des talons et des corsets ! Hors d'elle, la jeune femme lutta pour ne pas lui envoyer un livre en pleine tête et frissonna en sentant ses joues s'empourprer de colère. Deux voyages… Pensa-t-elle amère. Qu'il aille au diable et les fassent lui-même !
- Ne fais pas ta mauvaise tête… Souffla-t-il amusé.
- Je ne fais pas mauvaise tête ! Rétorqua-t-elle vexée.
- Oh je t'en prie, tes yeux sont de vrais doloris !
- Vous auriez pu m'aider ! S'exclama-t-elle d'un air rancunier.
- Et interrompre un tel spectacle ? Je ne crois pas…
Grondant entre ses dents, Hermione détourna le regard et s'attela à ranger ses livres entre deux jurons étouffés. Quel empoté… ces cartes étaient uniques ! Leurs chutes auraient pu les abimer ! Ou pire, les déchirer ! Mais pourquoi y aurait-il pensé ? Après tout, c'était si amusant de déléguer ses corvées…
- Alors ? Lui demanda-t-il. Tu as trouvé ton bonheur ?
Respirant à grands coups pour calmer son adrénaline, la sorcière rassembla ses pensées avant de déglutir.
- Je ne sais pas encore… Mais je l'espère.
Oui… de tout son coeur et de ton âme, la sorcière espérait ressortir quelque chose de ses trouvailles. Plus encore, elle priait Merlin pour que l'une d'elle guide enfin leur voyage. Mais après une nouvelle semaine à chasser un mirage, elle le savait… il leur faudrait un miracle. Aussi, c'est pleine d'espoir qu'Hermione déplia soigneusement ses nouvelles cartes. Vielles et usées par l'iode des marées, elles avaient été entreposées par les russes à la fin des conquêtes du premier siècle. Un trésor à la valeur historique inestimable, qui oublié depuis lors n'avait fait que prendre la poussière entre deux caisses de cigares. Du moins jusqu'à ce qu'elle ne trébuche violemment sur leur malle… une découverte quelque peu fortuite et douloureuse, qui elle l'espérait saurait compenser la douleur de son genou esquinté.
- Tu as tout ce que je t'avais demandé ?
- Oui… dit-elle distraite. Les compas sont un peu abîmés, mais je pense que nous pourrons les utiliser.
- Tu veux dire qu'ils l'étaient avant que tu ne les fasses tomber ?
Piquée à vif, Hermione se pinça les lèvres devant son sourire… à croire que même le mal de mer n'affectait pas ses railleries.
- Ils ne seraient pas tombés si vous m'aviez aidé ! Grinça-t-elle outrée.
- Tu n'aurais pas eu besoin de mon aide si tu avais fait deux voyages…
Evitant de justesse le livre qu'elle lui lança à la figure, Voldemort haussa un sourcil devant son air revanchard. De toute évidence, son humour n'était pas matinal…
- Cessez de vous moquer et regardez plutôt ce que j'ai trouvé ! S'exclama-t-elle.
Intrigué, le Mage la vit se tourner vers la nouvelle pile de carte qu'elle avait apporté ; un tas de feuilles à l'encre délavé et aux inscriptions codées, dont la seule vue fit naître une migraine dans son esprit embrumé. Bien sûr… comme s'ils n'étaient pas assez épuisés, il fallait que son Initiée leur rapporte de nouveaux casse-têtes à étudier.
- De quoi s'agit-il ? Demanda-t-il fatigué.
- J'ai trouvé ces cartes dans une vielle malle. Elles datent de l'ère des premières conquêtes…
- Des premières conquêtes ?! S'étouffa-t-il. Mais… c'était il y a plus de mille ans !
- Incroyable, non ? Dit-elle enjouée. La magie les a protégés de l'effet du temps !
Franchement troublé, Voldemort grimaça devant sa joie. Contrairement à ce qu'elle croyait, sa remarque ne traduisait pas son admiration… mais davantage sa sidération. Mille ans… Par Merlin, que pouvaient-ils faire de cartes vielles de plus d'un millénaire ?! Elles ne pourraient jamais leur servir ! Encore moins aujourd'hui ! Et pourtant, c'est avec avidité que son Initiée s'attelait déjà à les examiner. Une vision attendrissante – il dû bien l'avouer – mais dont il ne pût s'empêcher de douter de la finalité. Jusqu'alors aucune de leur carte ne leur avait été de la moindre utilité… alors elles ? Non il n'y croyait pas. Mais qu'aurait-il pu lui dire ? Plus obstinée que jamais, Hermione passait le plus claire de ses journées à chercher de nouvelles pistes ! Allant jusqu'à s'endormir à même le sol de sa cabine, elle luttait jusqu'à ce que ses yeux ne se ferment eux-mêmes de fatigue. Une détermination sans faille qu'il ne pouvait qu'admirer, mais qui commençait peu à peu à l'exaspérer à l'heure où sa propre motivation dépérissait… non pas qu'il souhaitait abandonner leurs recherches ou faire marche arrière ! Non, ce qui le tourmentait dépassait de loin leur projet ; à vrai dire cela dépassait même leur échec. Car la seule chose à laquelle le Mage parvenait à penser face à elle, était bien le désir qui le terrassait de plus belle. Un désir qu'il avait senti se décupler face à leur nouvelle proximité, et qu'il ne savait plus comment réprimer quand il la trouvait endormie à seulement quelques mètres de son lit…
Bien sûr il s'était attendu à de tel risques… il savait que leur nouvelle collaboration ne serait pas sans faille et qu'il devait s'adonner au plus vile des combats. Qu'il devrait lutter… et se battre chaque jour contre l'avidité du feu qui se rassasiait de sa chaire et de ses pensées ! Mais après une semaine de travail acharné, enfermés l'un avec l'autre entre quatre murs immergés sous une mer agitée… Seigneur, c'est à peine s'il parvenait encore à respirer ! Embrumé, son esprit s'embrasait dès lors qu'elle se risquait le regarder, le laissant béat et chancelant sous la fièvre qui le possédait. Non. Pas une fièvre… un démon. Un démon affamé et gourmand, qui ne se repaissait jamais de sa présence… et qui en demandait plus. Oui… Matins et soirs, nuits et jours, ce démon hurlait dans sa poitrine, prêts à sortir de sa cage thoracique pour courir vers celle qui lui était promise. Et le pire était qu'il ne pouvait rien dire… Muet et enchaîné à sa propre fatalité, le Mage Noir ne pouvait que souffrir les lèvres pincées, incapable de se débarrasser du mal qui le torturait. Un mal qui semblait avoir évolué et qui désormais, parvenait à le contrôler… Pour preuve ! Il avait beau tenter de rester à distance, de faire bonne figure et de ne rien montrer, son propre corps le trahissait ! Que ce soit par la rougeur de ses joues, la fière de son front, le tremblement de ses mains ou d'insupportables frissons, c'est tout son être qui réagissait à la présence de son Initiée. Et le pire était quoi qu'il fasse ou tente de penser, il finissait inexorablement par céder à la tentation de sa proximité… D'abord lentement, ils se souriaient entre deux théories insensées. Puis et sans même qu'ils ne s'en rendent compte, ils riaient dans l'écho de leur complicité retrouvée. Jusqu'à ce que leurs mains ne commencent à s'effleurer… et que leurs souffles ne s'alourdissent soudainement sous leurs coups d'œil gênés. Un scénario qui ne cessait de se répéter et qui, loin du retour à la normal qu'il avait espéré, le laissait redouter le jour où ses dernières forces vacilleraient…
Mais il n'avait pas le droit d'y penser. Leur mission était leur seule priorité ! Ainsi, il n'avait pas d'autre choix que de sourire malgré les flammes qui le dévoraient. Un combat tout aussi infâme qu'avilissant, qui le laissa à nouveau tremblant devant l'écho de sa présence…
- C'est incroyable… souffla-t-elle sans le regarder. Regardez, ils se sont servis des étoiles pour redresser leur trajectoire. C'est extrêmement novateur pour l'époque ! Pas étonnant que nos explorateurs aient découvert l'Amérique avant Christophe Colomb…
- Hermione… J'apprécie ton dévouement mais je doute sincèrement que ces cartes soient utilisables.
- Pourquoi ?! Elles sont en parfait état ! S'offusqua-t-elle.
- Je ne parlais pas de ça…
Surprise, Hermione se mordit la langue devant son scepticisme. Certes, elles étaient incomplètes et leurs représentations du monde étaient quelque peu désuètes… mais ça ne voulait rien dire ! Pour preuve, la plupart des livres les plus précieux du Monde Magique étaient de véritables reliques !
- Il est vrai qu'ils manquent quelques pays et… qu'elles sont écrites en latin. Admit-t-elle. Mais je suis sûr que leurs informations sont fiables !
- Fiables ?! Hermione, tu divagues… Soupira-t-il.
- Non !
- Bien ! S'exclama-t-il. Dans ce cas je suis ravi d'apprendre que la terre est plate…
- Vous exagérez… Gronda-t-elle.
- Tu crois ça ?
- Oui ! Insista-t-elle. Nous ne faisons aucune avancée alors un nouveau point de vue pourrait nous aider !
Désabusé, Voldemort la vit les détailler avec insistance, peu encline à écouter ses remontrances. Il savait que leur temps était compté et que toutes les pistes devaient être exploitées ; pourtant, il ne lui suffit que d'un regard sur ces cartes, pour frôler la crise cardiaque...
- Un nouveau point de vue ?! Répéta-t-il ahurit. Hermione, il manque trois continents !
- Nous n'avons besoin que des océans !
- Il en manque quatre !
Un long silence suivit ses mots. Oui… dit ainsi, cette idée ne semblait pas très maligne.
- Oui, mais… au moins, nous avons l'Atlantique ! Bafouilla-t-elle.
- Hermione !
- J'essaie d'élargir nos champs de recherches ! S'agaça-t-elle. Et puis, ils ont pu cartographier des îles aujourd'hui disparues !
Résigné devant son obstination, le Mage noir s'entendit soupirer dans sa propre sidération. Par Merlin, elle n'abandonnerait jamais… mais ces cartes n'étaient pas qu'une simple perte de temps ; elles étaient erronées ! Une évidence qu'il la vit nier avec ténacité et qui pourtant était plus criante que jamais.
- Hermione, je t'en prie… Supplia-t-il épuisé. Tu ne peux pas raisonnablement croire que ces cartes peuvent nous aider !
- Bien sûr que si !
- Mais enfin, ils ont mis un désert au beau milieu de l'Atlantique ! Hurla-t-il dépité.
- C'est peut-être un code !
- C'est du latin !
- Et bien peut-être que c'est un code en latin ! S'écria-t-elle.
Un code en Latin ?! Ahuri, Voldemort ne chercha même pas à répliquer. Et pour cause, il ne pourrait pas la raisonner. Il ne put donc que soupirer devant son air déterminé et se mordit la lèvre d'un air consterné. Un code en latin… Par Merlin, il ferait mieux fait de rester couché.
- Histoire de l'Herbologie, Science rhétorique de l'Herbologie, Médicomagie et potions d'herbologie, l'art des herbes au service de l'Occlumencie…
Affligé par sa fatigue grandissante, Drago soupira devant son nouvel échec. Par Morgane… il s'était encore trompé d'étagère.
- Potion de niveau 6, Les Potions et leur mythologie, Ingrédients maudits, la chaudronnerie au service du crime, l'histoire des potions d'Asie…
Bon sang, cette bibliothèque se payait sa tête ! Il savait qu'il n'avait jamais été un élève très attentif et que ses années d'études n'avaient été que turbulences et moqueries … mais par Merlin, il ne fallait pas avoir fait MagicSupp pour trouver la section des Créatures Magiques ! Et pourtant, après déjà plusieurs heures de recherches intensives, d'efforts et de détermination, le jeune Malfoy n'était parvenu qu'à trouver des livres d'Herbologie et de potions…. Un constat qui le laissa échapper un grondement tandis qu'il essuyait durement la sueur qui lui barrait le front. Qu'il soit maudit… Des heures qu'il jouait les funambules dans les aires, des heures qu'il chancelait les deux pieds en équilibre sur les rebords d'une échelle, des heures qu'il se trompait de section et changeait d'étagères ! Et qu'est-ce qu'il avait gagné ? Qu'est-ce que sa brillante nouvelle idée lui avait rapporté ? Rien ! Rien, si ce n'est des chevilles enflées et un mal de crâne carabiné… Sérieusement, ces livres ne devraient-ils pas être rangés par ordre alphabétique ?! Ou disposés avec un minimum de logique ? Non… après tout, pourquoi se faciliter la vie quand on pouvait simplement mélanger l'Herbologie avec l'Histoire des poisons d'Asie ! Et puis, ce n'était pas comme s'il avait mieux à faire ! Ce n'était pas comme s'ils étaient en guerre, que son Maître avait pris la mer ou que les centaures foulaient honteusement leurs terres ! Ce n'était pas comme si leurs troupes commençaient à douter, que leurs propres alliés se mettaient à les défier ou que la Résistance se préparait à attaquer ! Non ! Bien sûr que non ! Il avait tout le temps de flâner ! D'ailleurs, il n'avait qu'à prendre des congés ! Avec un peu de chance, Potter finirait par se lasser et capitulerait sans résister ! Car il n'en doutait pas, cette guerre serait achevée qu'il serait toujours là ! Coincé sur sa maudite échelle ! Condamné à traduire des centaines d'étiquette sans jamais parvenir à trouver la bonne étagère !
Peinant subitement à respirer, Drago sentit les muscles de sons dos se contracter sous la violence de ses pensées, mélange de sueurs froides et de gémissement étouffés. Grand Dieu… il perdait pied. Epuisé, c'est à peine s'il parvenait encore à réfléchir sans s'entendre hurler, les poings serrés devant la gravité de tout ce qui se préparait. Aussi, c'est le souffle court qu'il se sentit trembler sur son échelle et rejeta la tête en arrière. Seigneur… il devait se recentrer ; s'armer de courage et persévérer ! Et pour cause… il était Général d'Armée. Ses hommes comptaient sur lui. Son Maître comptait sur lui. Son père et sa mère aussi… sans parler du peuple et de leur avenir ! De sa sœur et de tout l'Empire ! Oui… Quoi qu'il craigne et quoi que lui sort lui réserve, il n'avait pas le droit de céder à la facilité ; de faire preuve de lâcheté ou de se cacher derrière un bureau blindé. Il avait un devoir. Une mission à honorer. Une guerre à gagner ! Mais plus le temps passait, plus le jeune homme se sentait dépasser par le poids de ses responsabilités… Certes, ces dernières étaient honorables et incroyablement gratifiantes ; un symbole de fierté et une récompense, qui faisait la fierté de sa famille et de son rang ! Mais jamais il n'aurait cru payer le prix d'une telle ascension… Terrassé par la seule idée qu'ils puissent échouer, il transplannait de pays en pays, le pas pressé et la gorge serrée. Hurlant ses ordres d'un ton enragé, il enfermait des prisonniers, envoyait des lettres par milliers, déjouait les complots de ses aînés, traquait les déserteurs apeurés, ravitaillait ses armées… Baguette en main, il passait ses nuits sur les champs de batailles, l'esprit agité par leurs milles plans d'attaques tandis que les cris des blessés lui nouaient les entrailles… A l'affut de la moindre information, il ne cessait d'organiser des réunions, de rassembler ses espions, d'orchestrer leurs défenses et de redouter la moindre trahison…
Et malgré tout cela…
Malgré ses efforts et la foi indéfectible de ses soldats…
Leurs ennemis ne reculaient pas…
Acculées à Zagreb, Vienne et Budapest, les Centaures tenaient leurs promesses de guerre vengeresse malgré la perte de plus de cinq cent de leurs frères. Laissant libre court à la haine que leurs années de paix avaient réfrénée, une nouvelle rage semblait les avoir possédés, avilissant leurs âmes de la plus abjecte des cruautés… une cruauté que le jeune Malfoy n'avait jusqu'alors jamais imaginé, et qui - il ne pouvait plus le nier - aurait presque su concurrencer celle du Maître qu'il servait. Ainsi et sans qu'il ne puisse rien y faire, un nouveau chaos était né. Effarés devant la prise de leurs capitales, les Ministères Hongrois, Autrichiens et Croates avaient capitulé sans résister. Terrorisés devant l'avidité de leurs troupes armées, des milliers de sorciers s'étaient mis à migrer vers leurs alliés, envahissant les routes et les forêts de centaines de familles blessées et d'enfants affamés… mais cela ne suffisait pas à les apaiser. Non… insatiables devant les cris d'agonie de leurs victimes, les troupeaux les plus sauvages s'étaient mis à exécuter leurs prisonniers, à chasser les fuyards et à torturer les braves qui s'étaient battus pour l'honneur de leurs foyers. Une escalade de violence, d'horreur et de défiance, qui laissait lentement apparaître les couleurs de leurs véritables intentions. Car les centaures ne voulaient pas seulement venger leurs frères ; non… ils menaient une nouvelle guerre. Une guerre à multiples facettes.
Commençant par le pillage de quelques villages, était apparu les prémices d'une guerre de territoire.
N'hésitant plus à dépecer leurs prisonniers vivants pour se vêtir de leurs peaux et récupérer leurs larmes, s'était confirmée la naissance d'une guerre barbare.
S'acharnant à traquer leurs espions, s'était révélé le visage d'une guerre de savoir et d'informations.
Déterminé à étoffer leurs rangs de leurs propres enfants, s'était peu à peu dessiné le mirage une guerre d'éducation.
Jusqu'à ce que leurs provocations et odieuses revendications, ne cèdent lentement place à une véritable extermination…
Quand ses conseillers l'en avait informé, Drago n'avait pas voulu y croire… mais les rapports d'un Ministère Hongrois ne mentait pas. Cents sorciers avaient été retrouvé empalés après l'échec de leur première attaque ; suivit de deux cents de plus, tous noyés dans les eaux d'un lac en signe de représailles… avant que très vite, le compte de victime ne manque de le tuer sur place. Un millier de sorciers avaient tués. Un millier de sorciers ! Soit deux pour chaque Centaures tombés... Seigneur, c'était à peine imaginable. Des familles de civils innocents, des villages entiers de fermiers et de commerçants, des héritiers de domaines, des parents, des enfants… Et il le savait, ce n'était que le commencement. Convaincu que leur vengeance valait la barbarie de leurs actes, les troupeaux en marches depuis l'Est s'étaient mis à recruter des fidèles, à amasser des armes, à tuer tous ceux qui refusaient de leur venir en aide, à taillader leurs visages, à brûler leurs baguettes et à abuser de leurs femmes… et tout cela dans la clameur d'un seul espoir : assiéger Poudlard. Une idée qui plus que toute les autres, le laissait tremblant à l'aube de ses 23 ans. Grand Dieu… Il n'avait jamais connu ça. Il n'avait jamais vu autant de corps, de sang et de cadavres… Et le pire de tout, était que c'était lui qui disait ça ! Lui ! L'héritier des familles Malfoy et Black ! Un mangemort au Service de Voldemort ! Pour preuve, même sa tante avait eu la nausée devant les corps mutilés qui se décomposaient dans leurs charniers ! Et il devait les arrêter ? Guider ses armées ? Les affronter en sachant qu'ils tueraient davantage de sorciers ?! Par Merlin, à ce rythme l'Empire serait décimé ! Son Maître n'aurait même plus de peuple sur qui régner ! Et ce serait lui qui devrait payer le prix de cette responsabilité…. Non, il ne pouvait pas le tolérer ! Mais plus que tout, il ne pouvait pas se leurrer ; car ces massacres n'étaient pas seulement la preuve de leur cruauté… Non, ils étaient les prémices d'une œuvre bien pensée, d'un plan savant et méticuleusement préparé, d'une tactique ingénieuse et risquée… qui n'avait que pour seul et unique but de les piéger.
Et ça marchait…
S'il attaquait, de nouveau sorciers seraient tués.
Or, un trop grand nombre de dommages collatéraux ferait fuir le reste de leurs alliés.
Mais s'il refusait d'attaquer, cette fois ce serait leur peuple qui commencerait à douter !
Jusqu'à que la peur ne finisse par atteindre ses armées et que tout le pays ne décide de se soulever…
Ainsi et quoi qu'il puisse décider, la guerre semblait immanquablement lui échapper. Un calcul simple qu'il ne cessait de repenser dans son esprit agité, mais qui ne parvenait qu'à le laisser hébété. C'est donc profondément désespéré que Drago s'était lancé dans la folie d'une ultime idée… la seule qui semblait encore capable de les sauver. Mais cette bibliothèque, ce soi-disant lieu de savoir et de recherches… Par Morgane, ce n'était qu'une vaste blague. Un mensonge ! Une farce ! Un dédale de couloirs, d'étages, de sections et de marches, qui n'avait pas plus d'utilité que la centaine de livres d'herbologie qui lui faisait face !
- Je peux t'aider ?
Haletant à la voix qui s'éleva dans son dos, Drago sentit son souffle se couper et s'écria quand son échelle commença à tanguer. Un bref instant pendant lequel il crut bien voir sa vie défiler, avant qu'une chevelure blond platine ne l'aide brusquement à redresser son trépied… une chevelure qu'il n'eut aucun mal à reconnaître et qui malgré ses gémissements effrayés, lui arracha un juron étouffé.
- Fais attention. Tu pourrais tomber…
- Sans blague ! Je n'avais pas remarqué… Grinça-t-il amer.
- Tu cherches quelque chose ?!
- Rien qui te concerne Lovegood…
Intriguée devant son équilibre précaire, Luna ne répondit pas à la froideur de son ton et se contenta de le regarder descendre à terre. Un spectacle tout aussi étrange qu'amusant, qui laissa flotter un fin sourire sur ses lèvres. Et pour cause ! Elle avait vu beaucoup de choses dans cette bibliothèque - des livres hurleurs, des fantômes rieurs, des araignées sauteuses et même quelques Niffleurs - mais un Malfoy en équilibre sur une échelle de plus de quinze mètres ? ça, c'était une première ! Elle le regarda donc de ses grands yeux bleu écarquillés de surprise, tandis que ceux du Malfoy se plissaient déjà dans l'écho d'un nouveau soupir.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Cingla-t-il amer face à elle.
- Je me promenais.
Agacé, Drago la jaugea gravement de son rictus horripilé et se mordit la lèvre dans un grondement étouffé. Formidable… comme s'il n'avait pas assez à endurer, il fallait qu'il supporte la « Graciée de l'Initiée ». La savoir dans ce château était une chose. Mais la croiser à l'heure où leur empire brûlait ? Où tout se jouait ? Et où il désespérait ? Par Salazar, les Dieux ne cesseraient jamais de l'affliger.
- Oui eh bien il est tard… Claqua-t-il. Tu n'as pas à être là.
- Mais je n'arrivais pas à dormir.
ça, il aurait pu le deviner. Décoiffée, pieds nus et seulement vêtue d'une robe de nuit, il ne faisait aucun doute la célèbre Luffoca Lovegood était tombée du lit. Pourtant et face à son regard tranquille, Drago ne trouva pas l'énergie de lui lancer la moindre raillerie… non à la place, il se contenta simplement de la regarder de ses pupilles d'acier, la visage grave et la mâchoire serrée. Bien entendu, il n'ignorait rien de la Grâce que sa sœur lui avait accordé ; un marché selon lui dangereux et incroyablement risqué… une décision que son père avait mis des jours à officialiser… un acte devant lequel le Ministère lui-même s'était étouffé ! Et qui l'avait cependant mené à être leur invité.Elle. Luna Lovegood. La plus célèbre des Serdaigles après Rowena elle-même. Celle-là même qui transformait des radis en boucle d'oreilles…
- Qu'importe. Soupira-t-il. Tes insomnies ne te donnent pas le droit de te promener la nuit.
- Pourquoi ça ? Demanda-t-elle surprise.
- Parce qu'un mangemort pourrait te voir.
- Serait-ce si grave ?
Franchement surpris devant l'absurdité de sa question, le Malfoy ne put s'empêcher d'esquiver un sourire désabusé. Par Merlin… toutes les Serdaigles qu'elle aurait pu gracier, il avait fallu que sa sœur choisisse la moins futée.
- Oui ! S'exclama-t-il atterré.
- Pourquoi ça ?
Bon Dieu, elle le faisait exprès !
- Parce que tu es une ancienne Résistance ! Alors à moins que tu ne veuilles servir de jouet à ma tante, je te conseil de retourner dans ta chambre.
Intriguée, Luna réfléchit un court instant à ses mots avant de ne se sentir frissonner… dit ainsi, il était vrai qu'elle ferait mieux de retourner se coucher. Pourtant et face à lui, la jeune femme ne parvînt pas à se détourner.
- Tu as besoin d'aide ? Lui demanda-t-elle alors en le voyant saisir son échelle.
- Sans façon.
- Mais…
- Retourne dans ta chambre Luna. Soupira-t-il. ça vaut mieux pour toi.
Etonnée de le voir l'appeler par son prénom, elle le regarda saisir son échelle à pleine main avant de se détourner avec désintérêt. Peut-être devrait-elle l'écouter ? Faire comme lui et partir sans se retourner ? Pourtant et malgré la faible lueur des chandeliers, la jeune femme ne pût s'empêcher de détailler sa figure fatiguée. Pâle et essoufflé après plusieurs heures de recherches acharnées, ses traits s'étaient creusés sous la largeur de ses cernes, symptômes criants de son profond manque de sommeil. Aussi, elle ne fut presque pas surprise de le voir tousser de longues secondes dans sa manche, les yeux rouges et la gorge irritée par la poussière des livres centenaires. Une réaction allergique qui ne tarderait pas à empirer vu l'allée qu'il s'apprêtait à emprunter, mais qui ne sembla cependant pas le convaincre de s'arrêter.
- Tu es sûr de prendre la bonne direction ? Lui demanda-t-elle subitement.
- Mes directions ne te concernent pas…
- Mais…
- Par Merlin, va te coucher !
Peu surprise par sa réaction, Luna se tu un court instant avant de se renfrogner dans un frisson… Sûrement en faisait-elle trop ? Après tout, il semblait occupé… mais cela faisait si longtemps qu'elle ne s'était pas entendu parler. Et pour cause ! Depuis qu'Hermione était partie, elle n'avait eu que peu d'occasion de conversations… non pas que ce soit une surprise ! Après tout, qui voudrait fraterniser avec la Graciée de l'Initiée ?! Une ancienne Résistance qui plus est ! Mais elle aurait beau le nier, le silence de ses appartements commençait à lui peser… Cloitrée dans l'Aile de Serdaigle, elle passait le plus clair de ses journées à vagabonder entre deux lectures. Loin des mangemorts et de l'agitation de la guerre, elle voyait ses jours défiler sans les compter, le cœur lourd et les poings serrés devant les odieux crimes que les journaux recensaient. Aussi, ses seuls divertissements se limitaient à Arnis et ses quelques visites inopinées ; un quotidien certes tranquille et reposant, qui bien loin des camps de fortune de la Résistance, lui offrait repas chauds et convalescence. Et pourtant… malgré sa profonde reconnaissance, Luna s'était surprise à ressentir un étrange sentiment. L'un de ceux qu'elle n'avait jusqu'alors jamais éprouvé pendant ses années de fuites et de combats acharnés, mais qui commençait peu à peu à s'enraciner dans son esprit troublé. Un sentiment de désespoir… oui, pour la première fois de sa vie Luna désespérait. Une vérité qu'elle avait d'abord tentée d'ignorer, mais qui la frappait un peu plus chaque fois qu'elle se surprenait à pleurer…
Comme si le monde n'avait plus le moindre sens et que le Ciel lui-même la jaugeait avec véhémence, elle se sentait divaguer dans un océan de pensées confuses et incohérentes. Incapable de s'accrocher à la moindre idée sans voir cette dernière lui échapper, son souffle s'épuisait à mesure que ses mains tremblaient, la laissant hagard et hébétée dans les couloirs désertés. Ainsi, c'est telle une ombre errant en silence qu'elle étudiait sans passion, mangeait sans faim, frissonnait sans raison et attendait en vain… Un état d'esprit pesant et inhabituel, qu'elle sentait lentement imprégner chaque fibre de son être. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Les Centaures leurs faisaient la guerre et les Dieux avaient fait le vœu de les envoyer en Enfer ! Plus qu'une simple révolte ou un complot politique, l'Univers lui-même cherchait à les exterminer de cette terre ! Et elle… elle était là… cachée derrière les murs de Poudlard, à écouter les lamentations prémonitoires des Sombrals. C'est donc vaincue par sa propre impuissance que Luna se voyait cohabiter avec de nouveaux démons… Peu habituée à ne pas entendre les hurlements enragés des soldats déterminés à se venger, le silence lui était devenu étranger. Désorientée par le calme et la sérénité que sa grâce lui avait assurée, elle errait dans les couloirs sans savoir où aller. Hanté par les dires des prophéties, son esprit s'agitait sous le poids de ses nouveaux souvenirs et l'imminence de leur mort promise. Mais quand venait la nuit… Par Rowena, ses pires cauchemars semblaient prendre vie.
Comme si l'obscurité ravivait tout ce qu'elle cherchait à oublier, elle revoyait son père mourir dans ses bras au rythme des comptines que sa mère lui chantait tout bas… avant que leurs cris d'agonies ne la tétanisent dans son lit. Pétrifiée sous ses draps trempés d'anxiété, le moelleux de son matelas lui donnait l'impression de gésir dans la bouche d'un monstre sur le point de la dévorer. Incapable de hurler, elle se sentait agoniser sous le regard moqueur de Morphée… jusqu'à ce que le jour ne décide enfin de se lever et que ses gémissements éplorés ne laissent place à un sommeil agité. C'est donc terrorisée par ses nuits, que Luna fuyait son lit. Quittant sa chambre des lors que le soleil tombait, elle n'hésitait plus à marcher par-delà les couloirs qui lui étaient attribués et se laissait divaguer sous la douceur complice des nuits d'été. Des instants calmes et silencieux, qui laissait la brise se perdre dans ses cheveux… mais des instants fugaces et temporaires, qui la quittaient tout aussi violemment que l'éblouissait le lever du Soleil.
Pourtant, jamais encore ses promenade ne l'avait mené jusqu'à la bibliothèque… Un détail aux premiers abords sans importance, qui la laissa cependant intriguée devant le dos d'un Malfoy pressé. Impatient de la semer, elle le vit balloter son échelle dans l'écho de son souffle épuisé, avant d'hésiter entre deux couloirs et de maugréer. Un bref instant qu'elle ne put s'empêcher de saisir à la volée.
- Je ne savais pas que tu t'intéressais aux Théorèmes Arithmentiques de Temporalité Relative. Lui dit-t-elle.
Surpris de l'entendre renchérir, le Malfoy marqua un temps d'arrêt avant de brusquement hausser un sourcil. Les… les Théorèmes Arithmentiques de Temporalité Relative ?!
- Quoi ? S'étouffa-t-il confus. Non… non pourquoi ?!
- Eh bien, tu te diriges vers leur allée.
Sonné devant une telle annonce, Drago se figea dans sa propre sidération. Non, ce n'était pas possible… il venait juste de passer en revu celle d'Herbologie !
- Mais… je croyais que les livres d'Arithmencie étaient au deuxième étage. Déclara-t-il.
- Ils le sont… en plus de ceux du premier, du deuxième, du troisième et du quatrième étage. Enuméra-t-elle. Mais je te déconseille ceux du deuxième étage !
- Quoi ?!
- Je ne dis pas qu'ils ne sont pas intéressants, mais leurs calculs d'incidence des Vecteurs de Temporalité sur la théorie du Continum inter-dimensionnel manquent cruellement d'originalité…
Cette fois, Drago ne sut même pas quoi répliquer. Des vecteurs de temporalité ? Un Continum inter-dimensionnel ?! Mais… par Merlin, de quoi elle parlait ?!
- En revanche, si tu cherches à approfondir la théorie Astro-Arithmentique de Relativité Absolue, selon laquelle le Continum inter-dimensionnel serait en réalité un Continum tri-dimensionnel en rotation autour d'un seul point de gravité, je te recommande la section des Théorèmes Cosmiques et Astro-Magiques. Elle est au troisième étage, juste à côté de l'allée de Divination et des Spectres Astrales…
Ahurit, le jeune homme n'entendit même pas son échelle tomber sous la violence de son apnée. Par Merlin… elle connaissait l'ordre de rangement de cette bibliothèque. Elle… Luffoca Lovegood… la Graciée arrivée il y a moins de trois semaines, connaissait l'ordre de rangement de cette bibliothèque ! Ce n'était pas possible ! Et pourtant il n'aurait pas dû être surpris… les Serdaigles étaient des sorciers d'esprit, d'intellect et de mystère. Des âmes étranges, qui percevaient le monde par-delà le brouhaha constant des mortels qui la foulait avec indifférence. Des êtres doués d'une toute autre intelligence, qu'il n'avait jusqu'alors regardé qu'avec arrogance. Et pourtant… ce soir d'un œil profondément intrigué que Drago se mit à la jauger. D'allure presque fantomatique, elle se tenait là… pâle et tranquille malgré l'évidence de son mépris. Telle l'Héritière de la Dame Grise, il vit son imposante crinière de cheveux blond se parer de reflets argentés sous la lueur des chandeliers, avant de ne brusquement frissonner devant l'éclat de son regard bleuté. Mélange d'intrigue et de sérénité, ses pupilles allaient et venaient au rythme de ses pensées tandis que ses lèvres s'étaient mises à fredonner une mélodie oubliée… Une image étrangement touchante de simplicité, qui ne manqua pas de le désarmer à l'heure où son monde ne se résumait plus qu'à un défilé de cadavres empalés.
- Tu… tu connais-tu toutes ces allées ? Demanda-t-il du bout des lèvres.
- Hum hum… acquiesça-t-elle. J'y viens souvent pour chercher de nouveaux livres à étudier.
- Et tu sais où ils sont tous rangés ?!
- Seulement ceux que j'ai déjà lu.
- Et combien en as-tu lu ?
Réfléchissant un court instant à sa question, Drago la vit compter des chiffres imaginaires au-dessus de têtes… avant que sa réponse ne lui donne une nouvelle migraine.
- Outre ceux que j'ai étudié en classe… 15.
- En seulement trois semaines ?! S'étouffa-t-il ahurit.
- Oh ! Tu voulais dire depuis mon arrivée ?
- Qu... quoi ?! Mais…
- Je dirais une bonne centaine… mais je n'ai pas compté. Rectifia-t-elle.
Une centaine en trois semaines… Par Merlin, pas étonnant qu'Hermione l'ait gracié ! Cette fille avait lu plus de livres depuis son arrivée, que lui en plusieurs années ! Un détail qu'il aurait habituellement ignoré d'un rictus agacé, mais qui éveilla subitement sa curiosité…
- Tu… tu sais donc où les livres sur les Créatures Magiques sont rangés ? Lui demanda-t-il.
- Cela dépend des créatures que tu veux étudier. Dit-elle.
- Pardon ?!
- Hum hum…
- Mais pourquoi ne pas toutes les mettre dans la même section ?!
Heureuse de le voir lui parler, Luna esquissa un sourire amusé et s'avança jusqu'à lui d'un pas chaloupé. Bien sûr, elle n'était pas sans savoir que leur échange était purement intéressé ; pourtant elle ne parvînt pas à s'en offusquer. Et puis, elle n'avait aucun mérite… Sans les souvenirs d'Hermione pour la guider, elle se serait sûrement perdue elle aussi.
- Après leur retour de Turquie et le léger… enfermement d'Hermione, Voldemort a décidé de réorganiser l'intégralité des étages de la bibliothèque. Expliqua-t-elle.
- Pourquoi ça ?
- Je ne sais pas… mais ce n'est pas plus mal. J'ai toujours trouvé que les rangements par ordre alphabétique manquaient d'esprit.
Manquaient d'esprit ?! Il venait de passer plus de trois heures suspendues au-dessus de la section d'Herbologie, uniquement parce que les rangements alphabétiques manquaient d'esprit ?! Par Salazar, ils étaient tous bon pour l'asile !
- D'accord… grinça-t-il amer. Et comment je suis censé trouver un livre sans rangement alphabétique ?! S'exclama-t-il ahurit.
- Grâce à la nouvelle méthode de rangement.
- Quelle méthode ?! S'écria-t-il.
- Celle établie par Allan Merks.
- Qu... quoi ?! S'étouffa-t-il. Mais c'est qui ça encore ?
- Un brillant scientifique allemand du 18ème siècle. Dit-elle avec engouement. Malheureusement, il n'a pas vécu longtemps… mais ses travaux ont révolutionné la Classification des Variables à Double Branche !
Débecté, le jeune Malfoy la regarda sans respirer. Par Merlin… cette fille était plus ravagée que sa sœur.
- D'accord… capitula-t-il désespéré. Et comment ce cher Allemand rangeait ses bouquins ?
- Ses bouquins ? Répéta-t-elle surprise. Ça je n'en ai pas la moindre idée… c'était un homme très discret sur sa vie privée.
- Quoi ?! S'écria-t-il. Mais tu viens juste de dire que le Maître s'était inspiré de lui !
- Ohhh… comprit-elle soudainement. Tu voulais parler de sa méthode de classification de variable ?
Bon sang, ils n'allaient jamais y arriver…
- Oui ! S'écria-t-il ahurit.
- Oh… et bien c'est assez simple. Voldemort s'est servi de la théorie selon laquelle des variables disposées dans un environnement clos ne peuvent être ordonnées que selon un degré de solvabilité prédéterminé.
- Quoi ?!
- Je suis d'accord, c'est une méthode hautement discréditée… mais Hermione et ton Maître l'ont toujours trouvé très inspirée !
- Qu… quoi ?! Mais…
- D'ailleurs, Allan Merks a démontré son efficacité à de nombreuses reprises ! En particulier dans le domaine des variables asymétriques et des…
- Luna !
Désespéré devant ses litanies incompréhensibles, Drago la vit se figer sous la violence de son cri. Bon Sang, il n'avait pas le temps d'écouter ses théories ! Il voulait des réponses claires, simples et précises ! Quelque chose de concret qu'il pourrait écouter sans avoir envie de se jeter du Haut de la Tour d'Astronomie ! Aussi, c'est à bout de nerf que le jeune homme se mordit le poing dans un râle étouffé… un étrange spectacle devant lequel Luna se sentit frissonner.
- Par difficulté. Souffla-t-elle du bout des lèvres. Les… les livres sont rangés par degré de difficulté.
Respirant à grandes bouffées, le jeune homme serra les dents à l'écho de sa réponse et peina contenir de nouveaux hurlements. Par degré de difficulté… les livres étaient rangés par degré de difficulté ! Par Moragne, ces rats de bibliothèque allaient finir par le tuer !
- Très bien… Déglutit-il le souffle court. Et quel degré de difficulté tu donnerais à la section d'étude des Centaures ?
- Oh ! C'est amusant que tu demandes ça, car il existe justement une méthode de sous classement qui répertorie…
- Luna… Gronda-t-il.
- Le troisième étage. S'empressa-t-elle d'ajouter. La plupart des livres qui leurs sont consacrés sont… au troisième étage.
3ème étage… la section des Centaures était au 3ème étage… Merlin soit loué ! Il avait une réponse... Une piste à explorer ! Une zone de recherche déterminée ! Et plus important encore, le cours de théories sur les variables était enfin terminé. Aussi, c'est dans l'écho d'un soupir exaspéré que Drago ramassa son échelle à la volée. Il pouvait y arriver. Il pouvait trouver ce qu'il était venu chercher ! Faire la différence et déjouer les sombres pronostiques de ses conseillers ! Car il le savait, les Centaures n'étaient pas invisibles… ils n'étaient pas des Dieux, ni des martyrs ! Non… ils n'étaient que des bêtes. Des chevaux mal sellés et armés d'épées, qui ne tarderaient à payer la barbarie des crimes qu'ils avaient osés perpétrés ! C'est donc revigoré par de nouveaux espoirs que le jeune homme se détourna de la Serdaigle sans demander son reste. Déterminé, il s'élança à grands pas vers l'escalier, leur cœur et le front enfiévrés par l'adrénaline de ses pensées. Pourtant alors même qu'il aurait déjà dû disparaître dans les allées, Luna s'étonna de le voir soudainement se figer. Immobile, il ne bougea pendant de longues secondes, comme paralysé par une soudaine hésitation. Et encore, elle était loin du compte… car c'est le souffle court que Drago se sentit haleter sous le poids de sa propre indécision. Bon sang… il ne devait pas se poser de question ! Il devait avancer ! Courir, se dépêcher et gravir cet escalier sans regret ! Mais même son orgueil ne parvînt pas à le raisonner… il resta donc là, sans rien dire ni même respirer, avant de sentir les muscles de son dos se contracter dans un spasme épuisé. Par Merlin… Il n'avait pas le droit de se laisser aveugler par un mirage de facilité. Il n'avait pas le droit de rejeter le bon sens au profit d'une quelconque fierté ! Oui… il avait un devoir, une mission, un Maître et des responsabilités… mais plus important encore : il avait l'interdiction d'échouer. Et se faisant, il lui fallait user de toute l'aide dont il pouvait disposer. En particulier celui d'une Serdaigle à l'esprit si… inspirée. Une vérité qui le fit amèrement grimacer et qui le contraint malgré lui à se retourner.
Bien entendu, Luna n'avait pas bougé. Toute aussi immobile que lui, elle le contemplait de ses grands yeux curieux, intriguée mais silencieuse devant son mutisme orgueilleux. Une image qu'il ne put s'empêcher de maudire, avant de s'entendre dire :
- Qu'est-ce que t'attend ?
Confuse, Luna le regarda sans comprendre. Il voulait qu'elle le suive ? Qu'elle l'aide ?! Elle ?! Mais pourquoi ?! Ne désirait-il pas la fuir ? Courir loin d'elle et ses théories ?! Si… et pourtant, il ne bougea pas d'un cil. Non, elle devait mal comprendre. Elle était une ancienne Résistante, une Graciée et une Serdaigle ! Jamais un Malfoy ne lui demanderait de l'aide ! Et d'une certaine façon, elle avait raison… Car Drago ne demanda rien. Non, à la place il se contenta simplement de la regarder de ses pupilles d'acier. Un regard froid et cinglant, identique à tous ceux qu'il lui avait déjà lancés… et qui pourtant s'accompagna d'un furtif hochement de tête agacé. Un geste simple à peine perceptible… une mimique fugace qu'elle crut imaginer… mais qui suffit à dire les milles mots que son orgueil taisait.
Oui, il ne lui demanderait pas de l'aider.
Aussi, elle respecta son silence et se contenta simplement de le rejoindre d'un pas empressé.
Hey ! Comme promis me revoilà avec le deuxième chapitre de la semaine ! :DDD
Comme vous le voyez, le temps avance, Hermione et le Maître retrouvent une certaine complicité ettttttttttt... de nouvelles alliances commencent à apparaître ;)
A votre avis, le comportement des Centaures est-il normal malgré la guerre ? Luna et Drago vont-ils trouver une piste ? Vont-ils seulement réussir à travailler ensemble ?! Que de questions... mais ne vous en faîte pas, vous aurez bientôt vos réponses ;)
Je vous dis à la semaine prochaine !
Bissseee
