- Il doit bien y avoir quelque chose ! Une maladie, une toxine ou un virus capable de…

- Je regrette mais les livres sont formels… soupira Luna. Le métabolisme des Centaures est inébranlable.

- Bon sang, ce ne sont que des hommes sur pattes ! S'écria-t-il ahuri. Ils ne peuvent pas être invincibles !

Mal à l'aise, Luna regarda Drago faire les cents pas devant elle. Essoufflé dans ses propres cris, il allait et venait sans la regarder, les joues rouges et la veine du front saillante après déjà plusieurs jours de recherches acharnées. Mais comme elle ne cessait de lui répéter, ses hypothèses étaient destinées à échouer…

- Invincibles, non. Mais hermétiques au rhume, à la grippe et aux infections… oui.

Par Morgane… il devait bien exister quelque chose capable de les affaiblir ! Une bactérie, un poison… n'importe quoi en mesure de ralentir leur ascension ! Mais plus il cherchait, plus le jeune Malfoy désespérait. Aussi, c'est plus affligé que jamais que Drago s'entendit soupirer, le cœur las et l'esprit tourmenté. Il ne pouvait pas échouer… Cette idée était tout ce qui lui restait ! La seule qui l'autorisait encore à espérer ! A croire en leurs chances de gagner ! Mais même le métabolisme de leur ennemi lui riait au nez…

- Et la Dragoncelle ? Demanda-t-il soudainement.

- Inefficace.

- La rage ?!

- Elle ne touche que les animaux moldus… dit-elle.

- Et la peste bubonique ?!

- Drago !

- Quoi ?! Je cherche ! S'écria-t-il désespéré.

Ahurit devant son désespoir, Luna se mordit la lèvre dans un soupir fatigué. Elle savait qu'il ressentait… ce sentiment d'échec et de colère, le tout condensé en une seule et même tristesse. L'impression de voir sa vie lui échapper et tous ses espoirs partir en fumée... de perdre le contrôle et de gésir devant son destin, le souffle court et les mains tremblante sous le poids de milles sacrifices vains. Et tout ça pourquoi ? Pour se retrouver acculé par la fatalité au petit matin… Bien sûr, elle tentait de l'aider du mieux qu'elle le pouvait ; de lui redonner confiance et d'approfondir chaque idée qui le saisissait. Mais vaincre Dame Nature était un combat perdu d'avance. Une folie ; un désir aussi inutile qu'arrogant. Pourtant son plan n'était pas mauvais… à vrai dire c'était même tout le contraire ! Affaiblir les Centaures au travers d'un virus ou d'une maladie était ingénieux. Prometteur même ! Du moins ça l'aurait été, s'ils n'avaient pas été pourvus de la plus robuste des santés de tout le monde Sorcier…

- Ecoute… je sais que tu es fatigué, mais je doute que la peste bubonique puisse nous être d'une quelconque aide. Grimaça-t-elle.

- Pourquoi ? Elle a fait des millions de morts !

- Des morts moldus. Corrigea-t-elle. Merlin Merci, notre peuple en a été préservé mais…

- Et si on la modifiait ?! Dit-il subitement. Si on arrivait à l'imbiber de magie et à la rendre transmissible aux Centaures ?!

Franchement sceptique, Luna sentit ses yeux s'écarquiller devant l'énormité d'une telle idée. Il ne pouvait pas y penser… Modifier la peste ? Celle-là qui avait fait près de 25 millions de morts au 14e siècle ?! Par Merlin, autant laisser les Centaures gagner cette guerre !

- Cette idée est… effrayante. Souffla-t-elle du bout des lèvres.

- Mais elle pourrait marcher ?!

En théorie ? Oui, probablement… Mais de là à la mettre en pratique ? A répandre un nouveau Fléau sur les Créatures Magiques ? Que dire ! Sur l'ensemble du Monde Magique ! Par Rowena… ce serait une véritable tragédie.

- Drago…

- Réponds-moi ! Insista-t-il.

Sursautant violement à son cri, la jeune femme déglutit dans un tressaillement surpris. Fébrile face à lui, elle le vit la regarder de son habituel regard d'acier, déterminé à l'entendre dire tout ce que son coeur se languissait d'espérer. Mais ses cernes et sa pâleur en revanche, ne parvinrent qu'à traduire la profonde détresse qui creusait ses traits… Non pas que ce soit surprenant ; debout nuits et jours depuis presque une semaine, il allait et venait le souffle court, l'esprit confus et désorienté après ses dizaines d'allers-retours. Passant de la frénésie sanglante des champs de Batailles à la quiétude paisible de Poudlard, il oscillait constamment entre tranquillité et désespoir… meurtres et études… charniers et lectures du soir… un quotidien loin d'être sain que partageait son père et redoutait sa mère, mais face auquel Luna ne put s'empêcher de soupirer avec peine. Par Rowena… cette guerre lui faisait perdre la tête. Elle pouvait le lire dans ses grimaces anxieuses et cris nerveux, son esprit s'agitait sous le poids de mille pensées insidieuses ! Semblables à une véritable gangrène, elles obscurcissaient ses sens, étiolaient sa conscience et le laissaient chancelant sur ses jambes tremblantes ! Une évidence qu'il refusait jusqu'alors d'entendre et qu'elle n'avait d'autre choix que de contempler en silence… Pourtant, elle ne s'était jamais faîte d'allusion. Elle savait qu'en acceptant de l'aider dans ses recherches, elle devrait supporter ses humeurs, sa véhémence, ses cris, ses plans et questions incessantes… mais assister à sa déchéance ? Le voir sombrer ? Lentement… douloureusement… irrévocablement jusqu'à ce qu'il ne reste de lui qu'une ombre hurlante ? Qu'un réceptacle de peur et d'impatience ? Cette simple idée lui retournait le ventre… Aussi, c'est profondément résignée que la jeune femme frissonna devant l'étau de ses pupilles acéré. Quoi qu'elle lui répondre, rien ne l'apaiserait…

- Cela dépend… Souffla-t-elle alors.

- Comment ça ?!

- Eh bien… il te faudrait un Doctorat en Magibiologie Expérimentale, en Science de la Magie et des Virus, en Epidémiologie Moldu ainsi qu'un Accord du Comité d'Ethique et de Protection de la Magie t'autorisant à opérer des Mutations sur des souches de Peste Bubonique encore vierges de toutes interaction avec le monde Magique…

- Quoi ?! S'étouffa-t-il. Mais… ce n'est qu'un virus !

- Une bactérie. Corrigea-t-elle.

- Peu importe… Grinça-t-il. La modifier ne doit pas être si compliqué que ça !

Manquant de tomber de sa chaine, la jeune femme ne sut même pas quoi répliquer. Pas si compliqué ?! Bon Dieu… heureusement que personne ne l'entendait.

- Tu te trompes. Un tel projet nécessite des tests en laboratoire, plusieurs années de recherches et d'expérimentations, la contrexpertise d'un Comité de chercheurs réunis pour l'occasion, l'avis d'un Expert de Magibiologie avancée ainsi qu'un…

- Luna… Gronda-t-il.

- Ce serait un immense risque de se lancer dans la mutation d'un virus sans un minimum de préparation… Insista-t-elle. Imbiber la peste de magie créerait une souche inédite !

- Justement !

- Tu ne comprends pas… elle pourrait s'étendre à l'intégralité des créatures magiques. Ce serait un nouveau génocide ! Sans parler des pertes humaines ; nous pourrions déclencher une nouvelle épidémie… et peut-être même une pandémie.

- Serait-ce si grave ?

Mal à l'aise devant l'œillade qu'elle lui lança, le jeune homme se renfrogna dans un grondement las. Une pandémie… au nom de leur victoire. L'idée était tentante ! Les Centaures seraient décimés, les Résistants éradiqués et la guerre serait gagnée ! Son Maître approuverait un tel procédé ! Mais leur peuple serait tout aussi impacté… un détail qui plus que tous les autres, le fit amèrement grimacer. Non… il n'avait pas le droit de faire ça. Et puis, les Centaures tuaient déjà bien assez de sorciers pour qu'il ait le luxe de sacrifier les derniers qui parvenaient à leur échapper. Mais que pouvait-il faire ? Quelle idée pouvait l'aider à gagner cette maudite guerre ?! Il se le demandait… nuit après nuit, heure après heure, livre après livre, section après section ! Mais rien ne marchait ; ni ses efforts, ni ses insomnies, ni plans, ni ses stratégies, ni même l'hypothèse d'une foutue pandémie !

- Tu devrais te reposer. Lui souffla Luna d'un air inquiet.

- Je n'en ai pas le temps. Claqua-t-il sèchement.

- Mais…

- Et Ebola ?! S'écria-t-il subitement.

Ebola ?! Ebola comme… Ebola le virus Tropical ?!

- Drago, tu divagues…

- Non ! Hermione m'en a déjà parlé ! Insista-t-il. C'est une bactérie…

- Un virus ! Rectifia-t-elle.

- Bon sang, accordez vos violons !

- Ça ne marchera pas… Dit-elle.

- Non… non, ça va marcher !

Oui ! Oui, il pouvait y arriver ! Il lui fallait juste… juste un peu de temps pour y penser ! Approfondir l'idée ! Oui, c'était ça ! Approfondir l'idée ! Réfléchir ! Approfondir l'idée ! Réfléchir ! Il pouvait y arriver… il pouvait faire toutes ces mutations ! Et puis, il ne serait pas seul ! Il n'avait qu'à en avertir son père, lui demander de l'aide et rassembler une dizaine d'experts ! Mais le Comité d'Ethique et de Protection de la magie leur tomberait dessus… ils leur feraient un procès ! Et sans Hermione pour les faire décamper, ils… non, non, non ! Il ne devait pas brûler les étapes ! Il devait réfléchir, se concentrer et avancer pas à pas !

- Pas à pas… souffla-t-il soudainement. Pas à pas…

- Quoi ?

Oui… pas à pas ! Pas à pas ! Pas à pas ! Et pour ça, il devait commencer par trouver un laboratoire fiable ! Un endroit secret et sécurisé où il pourrait travailler en paix ! Peut-être chez leurs alliés ? Pourquoi pas les Russes ?! Leurs anciennes bases Soviétiques regorgeaient d'armes chimiques et bactériologiques ! Mais il lui faudrait des souches vierges de toute interactions magiques… pourquoi pas les Moldus ? Ils devaient bien collectionner quelques virus ! Et puis, personne ne le suspecterait ! Il serait libre d'expérimenter sans craindre d'être repéré ! Et puis qui sait ? Peut-être ferait-il une véritable avancée ?! Peut-être que ses mutations seraient un succès ! Mieux encore, il pourrait en faire plusieurs ! Les tester ! Et même les mélanger !

- Oui… Dit-il dans le chaos de ses pensées. On pourrait les combiner…

- De quoi parles-tu ? Demanda-t-elle confuse.

Oui… ça marcherait ! Mieux encore, ça les sauverait ! Il pourrait… il pourrait allier la Peste à Ebola ! Ou au Choléra ! Répandre une bactérie dans l'eau ! Infecter les clans qui s'y abreuvent et décimer leurs peuples ! Ainsi, ils éviteraient un trop grand nombre de pertes ! Mais encore fallait-il prévenir les sorciers en migration ; les pauvres ne vivaient plus que des rivières et des restes trouver les longs des chemins de terres…

- Non, une annonce de prévention avertirait les Clans… marmonna-t-il.

Non, il fallait autre chose ! Quelque chose de plus vicieux, de plus fourbe ! Quelque chose que les Centaures ne suspecteraient pas et que son peuple pourrait supporter ! La Grippe Aviaire ? Non, ça ne touchait que les volatiles. La Vache Folle ? Non, non, non… elle ne ferait aucun dégât sur un peuple mi-homme mi-cheval ! Non, il lui fallait le bon virus… la bonne bactérie, la bonne maladie ! Et pourquoi pas la Malaria ?!

- Non, leurs métabolismes sont immunisés contre les maladies transmises par les moustiques ! S'exclama-t-il dans le vide.

- Drago, tu commences à me faire peur…

Mais il ne la regardait pas… et ne l'entendait pas. Insensible à ses appels, il allait et venait devant elle, le souffle court tandis que mille murmures agitaient frénétiquement ses lèvres. Le regard agité, il regardait le plafond et les allées, se retournait d'un pas enragé, s'exclamait sans respirer, sursautait sous l'avidité de nouvelles idées avant de peu à peu se perdre dans le flot intarissable de ses pensées. Une scène étrange, que Luna contempla d'un air effaré… et qui plus il parlait, plus semblait empirer.

- Drago…

- Je peux trouver… je peux trouver… mais il ne doit pas y avoir de moustiques. Pas de moustique. Pas de moustiques. Pas de moustiques ! Psalmodia-t-il en apnée.

- Mais enfin, trouver quoi ?!

- Quel autre virus je pourrais combiner avec Ebola sans utiliser les moustiques ! Hurla-t-il.

Interdite devant un tel cri, Luna le regarda d'un air ahurit. Des moustiques ? Combiner Ebola ?! Mais… par Rowena, il n'y pensait pas !

- Mais enfin…

- Et pourquoi pas la Grippe Espagnole ?! Dit-il subitement. Elle a déjà fait des millions des morts ! Ce serait parfait ! On pourrait en modifier la souche et…

- Quoi ?! Mais… non ! S'écria-t-elle horrifiée.

- Tu as raison, ils sont insensibles aux grippes…

Affligée, Luna ne put plus rester à le regarder et s'empressa de le rejoindre d'un pas mal assuré. Seigneur… il perdait l'esprit. C'était fait ! C'était acquis ! Les Joncheruines avaient transformé son crâne en une coquille vide !

- Drago… S'il te plaît, calme toi. Dit-elle paniquée.

- Non… non, je dois trouver ! C'est là, je le sens ! Je dois juste trouver ! Insista-t-il.

- Drago, respire…

- Et pourquoi pas la Variole ?!

- Calme toi !

- Je ne peux pas ! S'écria-t-il violemment.

Désemparé, la jeune femme sursauta brusquement devant la dureté de son cri et s'accrocha à leur table pour ne pas faillir. Face à face, il se dressait devant elle tel un lion sur le point de rugir, le cœur au bord des lèvres et les joues rouges de fièvre. Le souffle court, elle haleta devant les veines saillantes de ses bras et se mordit la lèvre pour ne pas tanguer à la vue de ses poings levés dans un réflexe défensive. Des poings tremblants d'adrénaline… des poings dont la violence se refléta dans l'étroitesse de ses pupilles… des poings arrêtés à quelques centimètres de son visage et dont la chaleur la fit soudainement frémir. Grand Dieu… ce n'était pas lui. Ces hurlements, ces divagations… ce n'était pas lui ! C'était la peur. Oui, la peur parlait… Pire encore, il attendait après elle pour qu'elle lui inspire davantage d'idées insensées. Car Ebola n'était pas le problème ; pas plus que la Peste, le Cholera ou la Malaria ! Non, le véritable problème était cette guerre… et comment il s'imaginait déjà la perdre. Aussi, c'est le corps pétrifié et les joues roses d'apnée que la jeune femme le regarda la fixer de son regard d'acier. Un regard qui ne la quittait plus. Un regard qui semblait la mettre à nue… mais qu'elle vit peu à peu balbutier dans l'écho d'un nouveau murmure.

- Je… je ne peux pas.

Il flanchait. Elle pouvait le voir à la pâleur de ses phalanges et lèvres bleutées, la fatigue et le désespoir le submergeaient. Et pour cause, il était hanté. Habité. Rongé. Désarmé. Ne gisait dans son esprit que les centaures et les crimes infâmes qu'ils proféraient ; que leur cruauté et haine barbare qu'ils revendiquaient... ajouté aux effroyables cris des milles Sorciers qu'il n'avait pas pu sauver. Quand cela s'arrêterait-il ? A écouter leurs chants et cris enragés… jamais. Du moins pas tant que Poudlard ne serait pas tombé. Pas tant que l'Initiée n'aura pas été tué. Et pas tant que Voldemort n'aura pas capitulé. Malheureusement, une telle idée était presque aussi risible que leurs revendications de paix entre deux charniers. Jamais ils ne se rendraient ! Jamais ils ne capituleraient ! Mais pendant ce temps, c'était lui qui envoyait ses hommes aux fronts… lui qui comptait les corps en décomposition… et lui qui payait le prix de leur détermination. Une vérité qu'il ne put plus nier et qui le frappa davantage quand il vit Luna abaisser son poing dans un frisson inquiet.

- Drago…

Par Salazar… il était prêt à la frapper. Il… il était prêt à la frapper !

- Lu… Luna, je…

Mais il ne parvînt plus à parler, étouffé par la douleur d'un sanglot refoulé… Affligé, il se sentit tituber sous la force de sa nausée et s'accrocha à leur table pour ne pas tomber. Seigneur, Il était prêt à la frapper ! Il était prêt à la frapper ! Il… il perdait pied. Non, non, non… il n'avait pas le droit de sombrer ! Il n'avait pas le droit de divaguer ! Trop était en jeu ! Il devait rester concentré ! Se faire violence et se raisonner ! Mais ses poings s'hérissaient déjà sous la chaleur fantôme de la peau qu'il avait failli esquinter… Une ultime sensation qui très vite, se mit à le hanter dans l'écho d'une nouvelle culpabilité. Par tous les Dieux, mais qu'est-ce qui lui arrivait ? Luna ne cherchait qu'à l'aider ; qu'à le soutenir et l'accompagner ! Il n'avait pas le droit de la menacer ! Il n'avait pas le droit de l'intimider ! Mais ses pensées lui échappaient, ses gestes le dépassaient et sa propre conscience s'effritait… Aussi, c'est dans la fièvre d'une nouvelle honte que Luna le vit se reculer dans un soupir vaincu. Un état qui ne parvînt qu'à attiser son inquiétude et qui la laissa incertaine devant son silence abattu. Bien sûr, ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait au bord de la crise de nerf… Habituée à ses cris, elle avait passé ces cinq derniers jours à l'entendre hurler, grimacer, extrapoler, s'emporter et désespérer à la mort de chacune de ses idées. Et pourtant… jamais encore elle ne l'avait vu craquer. Les poings serrés, ses bras semblaient vibrer sous la force de ses frissons incontrôlés. Galvanisés par les tressautements de ses muscles tendus d'anxiété, il semblait user de toutes ses forces pour ne pas imploser… pour ne pas déverser toute la haine, le désarroi et les larmes de rage qui lui piquait le nez. Un spectacle particulièrement déroutant, qu'elle détailla fébrilement dans l'écho de sa propre impuissance. Elle aurait aimé pourvoir le réconforter ; lui apporter un peu de paix et de sérénité… mais il était Drago Malfoy, et se faisant leurs rapports n'avaient pas beaucoup évolué. Certes, ils s'appelaient par leurs prénoms, discutaient cordialement et passaient leurs nuits à travailler ensemble... mais ils ne parlaient que de la guerre. Or, elle ignorait tout de l'homme qui se cachait derrière. Un homme discret, maladroit et tourmenté, qu'elle put presque distinguer dans les balbutiements de ses paupières cernées…

- Je suis désolée… souffla-t-elle subitement. J'aurais aimé pouvoir t'aider davantage.

Déglutissant durement à ses mots, Drago ne parvînt pas à la regarder. Décidément, il n'y avait qu'elle pour s'excuser après avoir presque été frappé au visage par un Chef D'Armées dépassé ! Et pourtant, elle était sincère… il le savait. De tous, elle était la seule à ne pas juger ses échecs ou s'offusquer de ses hurlements acerbes ; mais qu'aurait-il pu lui dire ? Il… il se sentait défaillir. Son Maître lui avait donné une mission : gagner. Exterminer la vermine qui les menaçait et faire revenir la paix ! Il n'avait pas le droit d'échouer ! L'avenir de tout l'empire était sous sa responsabilité ! Mais l'étau se resserrait. Leurs ennemis riaient. Et ses nerfs lâchaient… C'est donc dans une grimace résignée que le jeune homme se redressa pour la regarder. Toujours vêtue de ses éternelles robes de chambres en lin blanc, il la vit le détailler d'un air inquiet, les joues roses et cheveux ébouriffés. Un air qu'il ne put s'empêcher de partager et qui le laissa hagard dans l'écho brouillon de ses pensées.

- C'est à moi de m'excuser. Souffla-t-il. Je n'aurais pas dû… m'emporter.

- Ce n'est pas grave…

- Si ça l'est. Soupira-t-il. Mais ne t'inquiète pas… en ce qui te concerne, tu en fais déjà bien assez.

- Mais tu es triste.

Triste ? Non. Désespéré… oui.

- Mon humeur n'est pas de ton ressort…

- Je ne suis pas de cet avis. Dit-elle. Si tu me laissais chasser tous les Joncheruines qui embrouillent ton esprit, je suis certaine que tu retrouverais le sourire.

Amusé devant une telle remarque, le Malfoy esquissa un sourire désabusé.

- Je regrette mais je doute que les Joncheruines nous aide à gagner cette guerre…

- Non mais ils peuvent nous aider à la perdre.

- Luna… ces fadaises ne m'intéressent pas. Dit-il du bout des lèvres. Tout ce que je veux, c'est… trouver une solution ! Trouver un moyen de… de ralentir les Centaures !

- Sont-ils si proche que cela ? S'inquiéta-t-elle.

Proche ? Seigneur… si seulement elle savait. Car elle se trompait ; les Centaures n'étaient pas proches. Non… ils étaient là. A leur porte ! Pire encore, ils n'allaient pas tarder à la défoncer à grands coups de sabots ! A s'inviter dans leur château ! A renverser le trône et à transformer leur magnifique empire en une vulgaire écurie ! Une idée qui plus que toutes les autres, laissa une sueur froide le faire frémir…

- Oui… Souffla-t-il entre ses dents.

- Mais je croyais que leur troisième attaque avait échoué…

- Elle a échoué. Confirma-t-il amer. Deux cent ont été tués et leurs troupes se sont reculées dans les terres.

- N'est-ce pas une bonne nouvelle ? Demanda-t-elle.

A sa question, Drago déglutit durement. Elle aurait dû l'être en effet… mieux encore, elle aurait dû convaincre ces animaux sauvages de leurs bêtises et les faire capituler ! Mais c'était sans compter leur détermination, leurs vices et leur odieuse stupidité...

- Non Luna… ce n'est pas une. Souffla-t-il.

- Pourquoi ?

- Parce que cinq cent sorciers ont été retrouvé empalés le long des rives du Danube.

Sonné sous la violence d'une telle annonce, la jeune femme chancela dans l'écho de son propre halètement. Cinq… Cinq cents sorciers tués. Cinq cent sorciers… empalés. Par Rowena… alors c'était vrai. Elle avait entendu parler de leurs meurtres à répétition ; de leur manque de discernement et de l'étrange fureur qui les menaient à tuer femmes et enfants… mais elle n'avait pas voulu croire. Et pour cause, cela semblait inconcevable ! Les Centaures étaient des créatures au service de la nature. Des émissaires de paix ! Des soldats puissants, guidés par le devoir de préserver l'équilibre fragile de ce monde ! Pas des meurtriers avides de sang ! Certes, ils descendaient de peuples barbares ; de tribus anciennes aux rites païens et aux coutumes macabres. Mais une telle cruauté… une telle gratuité… Seigneur, elle peinait à l'imaginer.

- Ils sont déterminés. Souffla-t-il sans la regarder. Peu importe leurs pertes ou leurs échecs, ils s'acharnent à nous narguer et à tuer ! Ils répandent la terreur et gagnent du terrain dans les cœurs…

- Qu'en a… qu'en a dit ton Maître ? Demanda-t-elle.

- Je l'ignore. Il ne répond plus à mes lettres depuis deux jours…

Etonnée, Luna sentit son cœur rater un battement. Voldemort ne répondait plus ? Depuis deux jours ?!

- Et Hermione ? S'enquit-elle.

- Idem. Soupira-t-il. Et je ne te raconte pas la crise que va piquer notre mère…

Que le Seigneur des Ténèbres ne réponde pas à des missives de guerre était étrange… mais qu'Hermione ne réponde pas à Narcissa ?! Ça c'était grave.

- Nous sommes seuls désormais… Grinça-t-il soudainement. Et sans le Maître pour nous guider, mon père et moi devrons bientôt prendre des mesures pour attaquer.

- Attaquer ? Mais chaque Centaure tué…

- Est vengé par la mort de deux sorciers... Déglutit-il du bout des lèvres. C'est exact. Mais nous n'avons plus le choix.

- Comment ça ? Demanda-t-elle.

- Nous pouvons les tenir en respect en Croatie et en Hongrie, mais nos espions nous ont rapporté qu'ils s'étaient mis en marche vers l'Ouest. Nous ne sommes encore sûr de rien, mais tout laisse à penser qu'ils vont concentrer l'intégralité de leurs forces en Autriche. Et s'ils y arrivent…

Sa voix se tarit brusquement, comme paralysée par la gravité que représenterait un tel évènement. Une gravité que Luna ne comprit pas, mais qu'elle n'eut aucun mal à deviner devant ses tremblements…

- S'ils éparpillent leurs troupes le long des frontières Autrichiennes et décident d'attaquer… nous ne pourrons pas les contrer. Souffla-t-il atterré. Ils pourraient renverser le Ministère Allemand, Suisse, Italien, Slovène ou Tchèque en une seule journée ! Si ce n'est plusieurs…

- Seigneur…

- Ce n'est pas le pire… Ils pourraient faire capituler la moitié de nos alliés ; prendre le contrôle de l'Europe et envahir la France ! Plus rien ne les empêcherait de rejoindre la Grande-Bretagne par la Manche ! Et plus rien ne les empêcherait d'assiéger Poudlard…

Ahurit, Lune ne s'entendit plus respirer. S'il disait vrai alors… par Merlin, ce serait la fin. La fin de la guerre. La fin d'un règne ! Et tout cela à 10 mois à peine de la fin divine de cette ère !

- Mais… l'appui de la Russie ne vous est-il pas acquis ? Demanda-t-elle confuse. Ils pourraient vous envoyer des hommes !

- Ils l'ont déjà fait… mais il nous faudrait cinq cent-mille hommes de plus pour couvrir l'intégralité des frontières Autrichiennes.

- Et les Ministères d'Afrique ?!

- Ils ont fait vœu de Neutralité. Soupira-t-il.

Par tous les Dieux… ils étaient donc seuls. Seuls face à plusieurs armées. Seuls face aux meurtres sanglants de milliers de Sorciers innocents. Seuls face aux Centaures, aux Furies et la Résistance ! Seuls et sans Maître pour leur redonner confiance…

- Que… que vas-tu faire ? Souffla-t-elle.

Muet, Drago ne sut que répondre. Qu'allait-il faire ? C'était une bonne question… à vrai dire, c'était celle que ses Armées, son père, le Ministère et tout le Pays se posaient avidement. Malheureusement, et bien que son orgueil saigne de l'admettre… il n'en savait encore rien.

- Essayer de trouver une solution. Dit-il amèrement. Je n'ai pas le choix... ma famille, le Maître et mes hommes comptent sur moi.

- Nous y arriverons.

Etonné devant la vivacité de sa réponse, le jeune homme la regarda dans l'écho d'un frisson. « Nous… » Un simple mot… mais un mot étrange. Un mot qu'il n'aurait jamais cru entendre. Un mot qui il le comprit, consistait à lui seul un véritable tournant. Car jamais encore elle ne lui avait parlé avec une telle détermination… et jamais elle ne l'avait regardé avec autant de conviction. Très réservée sur ses opinions, il l'avait toujours vu garder une certaine distance avec les combats qui les opposaient à la Résistance – non pas que ce soit une surprise aux vues de ses anciens attachements. Et pourtant ce soir, elle ne s'excluait pas. Ce soir, elle ne détournait pas. Ce soir, elle prenait part à leur combat… Pourquoi ?! Il l'ignorait, mais ne chercha pas à lui demander. Non à la place il se contenta de la regarder, leur cœur lourd et le souffle coupé devant l'étrange paix qui habitait ses traits. Une paix qu'il ne comprenait toujours pas, mais qu'il se surprit à contempler dans l'éclat rayonnant de sa foi. Elle croyait en lui. Elle croyait en sa réussite ! Une évidence qui le troubla un court instant, avant qu'il ne sente sa main l'effleurer de son toucher réconfortant… Confiante malgré leurs échecs, elle le couvait de son regard bleu tendre, inquiète mais persuadée qu'ils avaient encore leurs chances. Avait-elle raison d'y croire ? De ne pas céder au désespoir ? Et de se rallier à lui ce soir ? Il l'espéra… Une ultime prière murmurée du bout des lèvres, un ultime souhait imploré avec détresse… mais une certitude qu'il sentit vibrer dans chaque fibre de son être. Oui… Luna allait l'aider. Non plus à mettre un terme à cette guerre, mais à la gagner. Un retournement de situation inédit qui le laissa muet, mais qu'il sentit peu à peu prendre vie sous la chaleur de son regard bleuté. Une chaleur qui réussit étrangement à l'apaiser… avant que l'appel de la guerre ne revienne subitement le hanter.

- Maître Drago ?

Sursautant violement à l'apparition de son Elfe de Maison, le jeune homme s'exclama brusquement dans un grondement.

- Bon sang !

- Je suis désolé de vous interrompre mais…

- Quoi ?! Grinça-t-il durement.

- C'est une missive urgente du Ministère.

Jaugeant la maigre créature d'un sale regard, Drago soupira lourdement. Bien sûr… quand ce n'était pas la Guerre, c'était le Ministère. Aussi, c'est profondément résigné qu'il se saisit de la lettre et congédia l'Elfe d'un ordre agacé.

- Cela vient de ton père ? Demanda Luna intriguée.

Oui… pourtant, il ne put le nier ; alors même qu'il était encore scellé, le présage de ce message le faisait déjà trembler. Non pas parce qu'il venait de son père, mais parce qu'il savait déjà que ses nouvelles seraient mauvaises. Ne restait donc qu'une seule et unique question à se poser : Combien de sorciers les centaures avaient-ils encore tués ? Prêt à lire les pires horreurs, Luna le vit fermer les yeux un court instant. Pour se donner du courage ? Probablement. Pourtant et contrairement à ce qu'il avait anticipé, son père ne lui annonçait pas la découverte d'un nouveau charnier… Non. C'était un bien pire. Un constat qu'il réalisa au bout de la deuxième ligne et qui commença peu à peu à le faire blêmir.

- Oh non…

- Qu'y a-t-il ?! Demanda-t-elle curieuse.

Ahurit, le jeune homme ne parvînt plus à respirer. Non… ce n'est pas possible. Ça ne pouvait pas arriver ! Pas maintenant ! Mais l'encre ne mentait pas… et son père non plus. Une évidence qu'il sentit résonner dans le cri hurlant d'une nouvelle fatalité et qui le laissa chanceler devant le pire des scénarios qu'il aurait pu imaginer.

- Le… le Ministère Italien est tombé.

Sonné, Luna sentit son souffle se couper. Qu'avait-il dit ?

- Tombé ?! Répéta-t-elle sans comprendre.

Oh Seigneur…

- Mais… c'est impossible ! S'étouffa-t-elle. Le Ministère Italien est composé des meilleurs sorciers ! De plusieurs escadrons d'élites et d'un soutien gouvernemental historique ! Il… il ne peut pas être tombé !

C'était vrai… et pourtant rien de tout cela n'avait suffit à endiguer un nouveau de bain sang. Le seul que Drago avait prié de ne jamais voir l'avènement, mais qui déjà tâchait le sol Italien de la plus vile des indécences.

- Une dizaine de sorciers ont été capturés… et plus de cent quinze ont été tués.

- Mais comment ?! Les centaures marchent vers l'Autriche ; tu l'as dit toi-même !

- Ce n'était pas les centaures…

Décontenancée, Luna ne sut plus quoi penser. Immobile à ses côtés, elle vit Drago fixer le vide sans respirer, les yeux écarquillés devant cette missive maudite qu'il ne cessait de relater. Aussi, elle n'eut aucun mal à la comprendre. Le gong d'un nouveau Fléau était sur le point de se faire entendre…

- Mais… mais qui pourrait…

Il ne voulait pas le dire.
Il ne voulait pas y croire !
Mais nier l'évidence était inutile… Un nouvel ennemi s'était juré de les voir mourir.

- Les Von Bassito… souffla-t-il d'une voix blanche. Le Ministère Italien a été pris d'assaut par les Von Bassito.

Ahurit, la jeune femme ne sut plus quoi dire.

- Ils ont prêté allégeance à la Résistance.

Par tous les Dieux… était-ce possible ? Les Von Bassito, la plus puissante des Dynasties Vampiriques, les plus cruelles créatures de la nuit, les héritiers même de l'horreur et vice... leurs ennemis ? Elle non plus ne voulut pas y croire. Et pourtant, rien n'aurait pas tarir l'étau de ce nouveau désespoir.

- Mais… mais alors, cela veut dire que…

- Ils nous déclarent la guerre.


Hello tout le monde ! Voici un nouveau chapitre... et avec lui, un nouvel ennemi ;)

Comme vous pouvez le voir, l'étau se resserre, Drago désespère et la guerre s'envenime ! La Résistance pose ses pions et renforce ses rangs... et se faisant les vampires y joigne leur soif de sang. Pensez-vous qu'ils arriveront à empêcher l'inévitable ? Qu'ils seront de taille face aux Von Bassito ? La réponse bientôt ;)

En tout cas, merci encore pour tous messages ! Sincèrement, ils sont le meilleur carburant que je puisse avoir !
Je vous aime, vous êtes géniaux :3

A la semaine prochaine ! (avec peut-être deux chapitres ;))