Assise en silence depuis déjà plusieurs minutes, Luna contempla sa tasse de thé d'un œil distrait. A peine infusé, elle y vit son propre reflet chanceler, avant que de légères volutes colorées ne se mettent subitement à tournoyer en son centre. Mélange de roses et de jasmin, de sucre et d'une pointe de thym, elles s'échappèrent du petit sac immergé tel un minuscule nuage enfermé dans le fond d'une cage nacrée. Un spectacle lent, dansant et incroyablement élégant, d'où ne tarda pas à s'élever une délicate vapeur. Tiède et réconfortante dans son tourbillon d'odeurs enivrantes, elle lui chatouilla les narines et éveilla même ses papilles dans l'écho d'un tressaillement heureux. A croire que rien ne pourrait jamais égaler la douceur d'une tasse de thé et la chaleur d'un bon feu…

- Je suis heureuse que vous ayez accepté mon invitation Miss Lovegood.

Surprise de la voir briser le silence qui occupait la pièce depuis son entrée, la jeune femme regarda Narcissa égoutter sa cuillère sur le rebord de sa tasse. Un geste lent et mesuré, qui dans le bruissement de sa manche satinée révéla tout de la grâce qui sciait aux Sang-Purs bien nés ; aussi, c'est presque intimidé qu'elle se risqua à l'imiter dans un sourire gêné.

- Tout le plaisir est pour moi Madame Malfoy. Souffla-t-elle du bout des lèvres.

Hochant vaguement la tête, un nouveau silence retomba presque aussitôt entres elles. Seulement interrompu de légers tintements de porcelaine et du crépitement irrégulier des braises, il sembla s'alourdir dans le petit salon et ne tarda à pas rosir leurs joues de son oppressante tension. Non pas que cela soit véritablement surprenant… Quand Luna avait reçu son invitation à boire un thé, un étrange présentiment l'avait secoué. De peur ? D'anxiété ? De curiosité ? Probablement un peu des trois… et pour cause ; jamais encore Narcissa Malfoy n'avait encore cherché à la côtoyer de son plein gré. Toujours profondément distante malgré la Grâce d'Hermione à son encontre, leurs entrevues ne s'étaient toujours résumées qu'à quelques coups d'œil suspicieux entre deux promenades croisées. Peu encline à faire sa connaissance, elle ne lui offrait généralement que le tranchant de son regard d'acier, avant de se détourner dans l'éclat un pincement de lèvres gêné et l'esquisse d'un rictus à peine déguisé. Une froideur quelque peu intimidante, elle ne pouvait le nier… mais peu étonnante aux vues de leur tumultueux passé. Pour preuve, elle-même avait eu des aprioris à son arrivée… des doutes et idées reçues dont elle n'aurait jamais cru pouvoir se détacher. Mais Hermione et elles avaient fait un marché ; et se faisant, elle lui avait montré à quel point elle se trompait. Loin de la marâtre qu'elle s'était toujours imaginée, elle avait découvert le visage d'une Narcissa attentionnée, d'une épouse dévouée et d'une mère à l'amour démesuré. Douce et réservée malgré la dureté de ses traits finement ciselés, elle était ce genre de femme que la vie n'avait pas épargné mais qui jamais ne cédait face à l'adversité. Qu'il s'agisse du Ministère, de la guerre, de son mariage ou de ses enfants, elle menait chacun de ses combats de front, insensible aux critiques et jugements de ceux dont les ambitions ne dépassaient jamais le stade de l'imagination. Le dos droit et le regard franc, elle marchait fièrement dans l'écho impérial de ses talons, fière et sûr d'elle en dépit des milles murmures qui s'évertuaient à remettre en cause de sa droiture. Mais aucun chuchotement, aucun complot, aucune rumeur ni trahison ne saurait un jour ébranler la fureur de sa détermination… que dire ! La grandeur d'un tel monument ! Oui… Luna le voyait désormais. Derrière ses silences oppressants et levé de menton arrogant, Narcissa Malfoy était une combattante. Un soldat de l'ombre dont les victoires muettes avaient changé à la face du monde ! Une âme esquintée mais robuste. Une véritable force de la nature. Un exemple d'éducation et de tenue, dont l'étonnante bonté n'avait d'égal que la richesse de ses parures. Aussi, c'est presque naïvement que Luna avait espéré voir sa rancœur s'apaiser après ses heures de soins, de pansements et de bains… un souhait cependant resté vain, qui n'était parvenu qu'à resserrer l'étau de son implacable dédain.

Mais comment lui en vouloir ? Elle n'était au château que depuis deux mois… et Narcissa ne la connaissait pas. A ses yeux, elle n'était qu'une rebelle aux attachements douteux. Une potentielle menace, au passé trouble et au destin hasardeux. Une enfant désœuvrée, dont la naïveté n'avait d'égal que la clarté de ses cheveux ! Et pourtant… elle l'avait fait appeler. Malgré ses jugements, préjugés et coups d'œil acérés, elle l'avait invité à boire le thé. Une surprise pour le moins inattendue et franchement déstabilisante, qui l'avait laissé tremblante dans l'écho de son cœur battant. Que lui voulait-elle ? Elle n'en avait pas la moindre idée… un mystère qui plus que tous les autres, avait ravivé le feu d'une nouvelle curiosité. C'est donc tout aussi impatiente qu'anxieuse, que Luna s'était présentée à elle en cet après-midi pluvieux. Vêtue d'une simple robe en coton bleu, elle avait tenté de se montrer sous son meilleur jour et avait même rehaussé le rose de ses joues. Pourquoi ? Sûrement pour faire bonne impression. Car elle n'était pas sotte ; tout comme elle avait dû prouver la valeur de son savoir à Drago, elle devrait convaincre sa mère de sa bonne foi et de son désir de renouveau… Un combat bien différent de ceux qu'elle avait déjà mené par le passé, mais qui contrairement aux autres, la laissait trembler d'une adrénaline déterminée.

- J'ai appris que ma fille vous avez fait installer dans les appartements de Serdaigle…

- C'est exact Madame. Je lui suis très reconnaissante de m'avoir porté une telle attention.

- Sont-ils… à votre goût ? Grinça-t-elle du bout des lèvres.

De toute évidence mal à l'aise devant la superficialité de leur discussion, Luna la vit se raidir entre deux faux sourires. Un aveu d'agacement à peine dissimulé, qui la fit haleter dans son apnée.

- Ils sont parfaits… et bien plus calmeq que dans mon souvenir.

- Tien donc ? S'étonna-t-elle.

- Oui… du temps où j'étais élève, nous pouvions entendre les lamentations de la Dame Grise depuis les fenêtres de la Tour d'Astronomie.

Haussant un sourcil consterné, Narcissa se mordit la lèvre avant de rouler des yeux au ciel.

- Maudits fantômes… heureusement pour nous, ils ont quitté le château après la guerre ! S'exclama-t-elle.

- Même Myrtle Elizabeth Warren ? S'enquit-elle surprise.

- Qui donc ?!

- Mimi Geignarde… la fantôme des toilettes du deuxième étage.

- Oh ! Cet insupportable petit démon a été la première à décamper ! Non pas que soit surprenant ; elle et le Maître ont un passif que je qualifierais… des plus troublants.

« Troublant ». Un choix de mot intéressant ; mais si peu éloquent comparé à ce qu'il était vraiment… Emplit de cris, de larmes et de supplications, leur histoire avait été aussi fugace qu'horrifiante. Une histoire trouble, dissimulée dans la plus obscure des pénombres… mais qui avait marqué les premiers balbutiements de la plus maléfiques de toutes les ascensions. Car Luna le savait ; leurs conforts, luxes et délicieuses tasses de thé n'étaient que l'héritage sanglant du meurtre d'une pauvre Serdaigle désœuvrée. Et pourtant… comme si mourir dans la chambre des Secrets n'était pas été d'une assez grande cruauté, son nom avait été évincé de la légende du Sorcier qui l'avait tué. Pour preuve, ne restait d'elle qu'un surnom infâme, qu'une voix criarde et qu'une réputation de fantôme éternellement pleurnicharde…. Mais qui pourrait lui en vouloir ? A elle. Mimi Geignarde. Elle n'avait rien demandé. Rien choisi. Rien accepté. Et se faisant, elle s'était elle-même condamnée à errer là où elle était certaine de ne jamais trouver la paix… du moins, jusqu'à ce que les pupilles sanglantes de son meurtrier ne viennent la déloger de son sanctuaire de plaintes éplorées.

- Oui… souffla-t-elle alors du bout des lèvres. Ce n'est pas étonnant qu'elle soit partie.

- Mais c'est une chance ! Assura Narcissa. Croyez-moi je ne vivrais pas ici, si je n'avais pas l'absolue certitude que les couloirs sont vides.

Vides ? Mais de quoi donc ? De fantôme ? De joie ? De rires ? Elle n'était pas certaine de la réponse adéquate à cette affirmation…. Pourtant et bien à y réfléchir, toutes semblèrent capable de convenir à la sévérité de l'étiquette qui régentait leurs vies.

- Pardonnez-moi Madame Malfoy mais… j'avoue avoir été surprise par votre invitation. Se risqua-t-elle subitement à dire.

- Et pourquoi cela ? Demanda-t-elle sans la regarder.

- Eh bien… j'avais le sentiment que ma présence vous accommodait.

Déstabilisée devant le franc parlé de sa déclaration, Narcissa se figea un court instant. Silencieuse devant sa tasse, elle se tut de longues secondes… avant de boire une gorgée et de déglutir les dents serrées. Elle ignorait quel genre de réponse cette petite cherchait à obtenir ; mais devait reconnaître que son honnêteté avait un certain mérite…

- Je le concède. Dit-elle dans une grimace. Votre sentiment ainsi que votre… déduction, sont exactes. Votre présence dans ce château, ainsi que la grâce dont ma fille vous a fait cadeau me déplaisent.

Peu surprise, Luna ne put s'empêcher d'esquiver un sourire. A défaut d'avoir sa sympathie, elle avait sa franchise…

- Pourrais-je… vous demander pourquoi ?

- Je doute que cette question soit véritablement opportune. Claqua-t-elle sèchement. Vous êtes une Résistante. Et bien que ma fille semble vous estimer, je ne peux raisonnablement pas oublier votre implication dans l'attaque que vos… « amis » ont honteusement perpétré à notre encontre.

- Je comprends.

Etonnée, Narcissa haussa un sourcil curieux devant son étrange sérénité. Elle… comprenait ? Etait-ce possible ?! La Malfoy en douta sincèrement. Pourtant et bien qu'elle crût un instant à un mensonge, c'est le plus naturellement du monde qu'elle la vit se saisir de sa tasse entre deux papillonnements innocents. Loin de paraître offensée, elle en huma le parfum dans un soupir apaisé, avant d'en boire une gorgée dont elle sembla se délecter. Un comportement simple, teinté par la légèreté de son regard bleuté, qui ne réussit qu'à profondément l'intriguer.

- Vraiment ?

- Bien sûr. La confiance est une denrée rare en temps de guerre ; mais c'est aussi un grand risque qui ne doit pas être pris à la légère.

- Que dois-je comprendre ? Demanda-t-elle suspicieuse.

- Vous l'avez-dit vous-même… j'étais une Résistante. Une ennemie de votre allégeance et une menace au règne de votre Maître. Il est donc parfaitement normal que vous soyez réticente à m'accorder votre confiance, sous seul prétexte qu'Hermione ait choisi de me donner une chance.

Surprise devant la clairvoyance de son raisonnement, la Malfoy haleta dans son propre silence. Cela ne ressemblait pas aux paroles d'une femme toute juste sortie de l'adolescence… ni même à celles d'une petite impertinente. Simple et raisonné, son ton n'inspirait si défiance ou colère réprimée ; mais seulement une profonde lucidité, qui face à l'éclat de ses traits reposés, la poussa à la détailler dans un mutisme étonné. Pâle malgré le rose de ses joues, elle ressemblait à une étrange enfant qu'on aurait tout juste sorti de sa tour. Simplement vêtue d'une robe de seconde main qu'elle avait agrémenté de rubans et de fleurs cueillies du matin, elle arborait d'étonnant bijoux, un châle en lin, ainsi qu'une imposante chevelure tressée tombant jusque dans le bas de ses reins. Pourtant et bien qu'elle la voie errer dans les couloirs du château depuis presque deux mois, elle ne savait presque rien de cette célèbre Luna… Sang-Pur issue d'une famille modeste, Serdaigle estimée par ses pairs, Résistante farouche mais aux aspirations désuètes, elle n'en affichait pas moins une profonde perspicacité ; un trait que Narcissa n'avait jusqu'alors jamais soupçonné... Censée malgré son regard égaré, elle ne semblait rien ignorer des clameurs scandalisées qu'avaient engendré son Titre de Graciée ; de la honte et de l'effroi dont le Ministère tout entier s'était étouffé. Mais elle n'en semblait pas s'en offusquer… Un détail qui plus que tous les autres, la laissa sans voix devant sa tasse de thé.

- Vous n'êtes donc pas surprise de la manière dont je vous ai traité ? Ni même des doutes que je nourris encore à votre sujet ? Demanda-t-elle.

- Non. Dit-elle simplement. A vrai dire, l'inverse m'aurait davantage étonnée.

- Comment cela ?

- Vous êtes une Malfoy ; une sorcière de haut rang, avec des devoirs et obligations. Mais vous êtes aussi une mère qui cherche à protéger ses enfants. Votre confiance n'est pas un dû dont je peux disposer au nom de ma grâce… je me dois de la mériter.

Elle parlait bien… elle ne pouvait le nier. Belle et innocente derrière ses battements de cils et cheveux nacrés, il ne faisait aucun doute que le Bon Dieu lui-même l'aurait cru sans hésiter. Mais de belles paroles ne définissaient pas la valeur d'une âme ; aussi, c'est d'un regard plus aiguisé que Narcissa s'entendit murmurer.

- Vous semblez bien informé…

- Hermione aime parler de ceux qu'elle aime.

- Cela ne m'étonne pas. Concéda-t-elle dans un sourire. Vous a-t-elle dit… autre chose ?

Silencieuse dans sa réflexion, Luna se surprit de l'originalité de sa propre réponse. Techniquement parlant, Hermione ne lui avait presque rien dit sa famille adoptive… et pour cause ! Elle lui avait montré l'intégralité de leur vie ! Qu'il s'agisse de leur quotidien, leçons, étreintes, discussions, craintes et confessions, elle avait tout entendu, vu et ressenti aussi clairement que si elle l'avait elle-même vécu ! Une expérience de légimencie comme elle n'en avait encore jamais connu et qui face au bonheur de ses souvenirs, lui avait presque donné l'impression de faire partie de leur famille…

- Elle m'a dit comment vous avez pris soin d'elle avant son procès. Souffla-t-elle depuis les images de sa mémoire.

- Vraiment ?!

- Oui. Elle m'a dit que… vous avez mis des huiles de roses, de karité, de mangue et de jasmin dans l'eau de son bain ; que vous l'avez nourri, vêtu et coiffé avec tendresse et respect. Et que… malgré le fossé qui vous séparait, vous l'avez soigné comme si elle était votre propre fille.

Décontenancée devant le détail d'un tel récit, Narcissa peina à ne rien laisser paraître du sanglot qui lui oppressa la poitrine… Oui. Elle s'en souvenait elle aussi. Bien sûr, en ce temps elle n'avait fait que son devoir… mais même quand le dégoût et l'horreur auraient dû la convaincre de ne faire que le strict minimum, la fragilité d'Hermione avait ébranlé l'acier de son cœur. Telle une fleur que l'on aurait piétiné à coups de botte sur un sol gravelé, elle avait vu cette jeune fille au corps décharné s'émerveiller à la seule idée de pouvoir se laver, s'habiller et d'être autorisée à manger. Un émoi dont la sincérité l'avait profondément désarmé, avant que ne commencent peu à peu à naître les prémices d'un amour que nul ne pourrait jamais expliquer. L'amour d'un parent. L'amour pour son enfant. Et dans le cas précis, celui de sa fille chérie…

- Elle… elle doit vous porter en haute estime, pour vous conter un chapitre aussi personnel de sa vie. Déclara-t-elle alors du bout des lèvres.

- J'aime à le croire. Hermione compte pour moi.

- C'est bon à savoir.

Fuyant son regard dans la pesanteur d'un nouveau silence, Luna la vit boire son thé à grandes gorgées… sûrement pour se donner le courage d'à nouveau respirer ? Elle l'ignorait, mais la rougeur de ses joues n'aurait su tromper l'ardeur de son apnée. Pourtant et elle le savait, une nouvelle risquait de bientôt la faire haleter…

- J'ignorais tout des horreurs que Ron et Harry lui ont fait subir. Dit-elle soudainement.

Pris de court, Narcissa faillit s'étouffer dans son tasse et se sentit frissonner. Décidément, cette petite savait se faire écouter !

- Que dites-vous ?!

Peu surprise devant sa réaction, Luna tressaillit à l'écho de sa propre confession. Oui… elle devait lui dire. Elle devait l'entendre. Elle devait savoir ! Non pas pour gagner sa confiance, mais pour que jamais elle ne se risque à faire d'amalgame… car quoi que Narcissa puisse penser de son passé « douteux », elle n'était pas comme eux. Elle n'était pas comme Seamus, Krum, Harry ou Ron ! Bien sûr, elle avait été leur amie et ne renierait jamais la joie tous leurs souvenirs… Mais aucun serment, aucune amitié, aucune loyauté ne justifiait la tolérance d'une telle cruauté. Peu importe leurs raisons, croyances ou superstitions, ces traitements n'étaient rien d'autre que l'expression de leurs pires démons ! Aussi, elle le savait… bien qu'elle soit de nature pacifique, fluette et discrète, jamais elle n'aurait accepté qu'Hermione subisse le courroux d'un fouet. Quitte à se faire renier, juger, attacher et même fouetter à sa place, elle l'aurait défendu. Elle l'aurait soutenu. Une certitude dont Luna n'avait pas l'intention de se cacher et qu'elle était aujourd'hui prête à revendiquer...

- J'ignorais tout de ce qu'ils lui ont fait. Répéta-t-elle. En ce temps, moi et mon père avions quitté leur campement et vivions isolés du monde. Je n'ai reçu qu'une simple lettre m'annonçant sa trahison… mais aujourd'hui je comprends pourquoi. Je comprends sa décision et… ses motivations.

Intriguée devant l'étrange tristesse qui assaillit ses traits, la Malfoy s'étonna de voir sa main trembler… un réflexe sans importance, résultant probablement d'une douleur inconsciente. Mais un détail face auquel elle ne put rester indifférente.

- Hermione est quelqu'un de bien. Continua-t-elle du bout des lèvres. Elle est loyale, sincère et d'une rare bonté. Elle ne méritait rien de ce qu'ils lui ont fait et… je regrette de ne pas avoir été présente ce jour-là. Bien sûr, je sais que je ne suis pas une sorcière très puissante mais… j'aurais aimé pouvoir la défendre…

Elle était sincère… elle pouvait le lire aux tremblements de sa voix et balbutiements de ses lèvres. Elle n'était pas triste ; mais seulement rongée par le regret.

- Je suis heureuse que vous l'ayez accueilli comme votre propre fille. Elle mérite de connaître le bonheur.

Terrassée par la douleur d'un nouveau sanglot refoulé, Narcissa détourna le regard et déglutit dans la saveur éventée de son thé. Ce n'était pas un sujet dont elle aimait parler… et pour cause, savoir ce qui était arrivé à sa fille était déjà bien assez lourd à porter ! Mais elle aurait menti en disant que cet aveu ne réchauffait pas son cœur affligé. Oui… elle aussi aurait aimé que quelqu'un soit là pour l'aider ; pour se dresser contre cette horde de chiens enragés et les empêcher de frapper sa fille de leur infâme cruauté. Mais le passé était le passé. Le mal était déjà fait. Ne leur restait plus que le moment présent à apprécier et l'avenir à redouter…

- Vous avez raison. Dit-elle alors. Hermione est quelqu'un de bien… et vous ?

- Comment ?

- Et vous Luna ? Insista-t-elle d'une voix plus douce. Je ne sais presque rien de vous…

Elle ? Par Rowena, elle n'était personne. Juste une simple sorcière aux pensées trop abstraites ; une orpheline, sans père ni mère. Une ancienne idéaliste, qui s'était perdue au détour d'une énième guerre…

- J'aime à penser que je suis une bonne personne… souffla-t-elle pour elle-même. Que je suis une amie fidèle et que je me bats pour la paix. Mais je doute que ces dernières années m'autorisent à le croire.

- Que voulez-vous dire ?

Le regard perdu dans sa tasse de thé, Luna peine à déglutir malgré la douceur des effluves de roses qui agitaient son palais. Elle n'aimait pas beaucoup parler d'elle… pourquoi ? Elle n'était pas certaine de le savoir. Sûrement parce qu'elle craignait de se plaindre et de paraître ingrate ? Que la vie ne lui avait pas souvent laissé le choix ? Que les combats avaient fini par dénaturer son âme ? Que son quotidien n'était plus qu'une insupportable défilé de funérailles ? Qu'elle redoutait de n'être plus qu'un réceptacle à désespoir ? Ou tout cela à la fois… Comment savoir ? Elle n'était même plus certaine de savoir différencier ses rêves de ses cauchemars…

- Ma mère disait que « nous sommes qui nous avons envie d'être ». Ça m'aide à avancer mais… j'ai peur qu'elle ait tort. Je ne suis pas celle que je veux être. Avoua-t-elle du bout des lèvres.

- Et que voulez-vous être ?

- Meilleure…

Ebranlée devant la douleur de son regard, Narcissa sentit son cœur rater un battement à l'écho de ce murmure. Non… pas un murmure. Un souhait. Une prière. Une requête hurlée à plein poumons mais seulement chuchoté du bout des lèvres. « Meilleure… » Oui. Ils le voulaient tous. Mais le pouvaient-ils seulement ? Avaient-ils encore le droit d'espérer un jour obtenir une rédemption ? Là était la véritable question. La seule dont ils ne connaîtraient jamais la réponse.

- Hermione m'a dit que… votre mère était décédée quand vous étiez enfant. Dit-elle avec peine.

- C'est exact. J'avais neuf ans.

- Et votre père ? Se risqua-t-elle à demander.

- Tué au cours d'une attaque de raffleurs l'année dernière.

Grand Dieu… une si jeune enfant, orpheline de tout parent, jetée en pâture dans l'immensité cruelle d'un monde à feu à sang.

- Je suis désolée de l'apprendre… Souffla-t-elle.

- Ce n'est pas votre faute. Les hommes qui l'ont assassiné n'étaient même pas au service de votre Maître… ils n'étaient que des voleurs qui cherchaient à nous dérober nos baguettes.

- Vos… vos baguettes ? Répéta-t-elle surprise.

- Ils en revendent beaucoup au Marché Noir depuis la fin de la Grande Guerre. Mon père a tenté de les convaincre de nous laisser partir mais ils n'ont pas voulu écouter… il est mort dans mes bras quelques heures plus tard.

A ces mots, Narcissa sentit son souffle se couper dans un halètement horrifié. Mourir… à cause d'une baguette ? Être assassiné aussi froidement ? Agoniser dans les bras de son enfant ? Savoir qu'il la laissait seule au monde ? Qu'il ne pourrait plus la protéger ? Qu'elle serait à la merci de leurs ennemis et de tous les dangers ? Sans défense, ni famille pour l'aider ? Seigneur… elle ne pouvait l'imaginer. Plus que de la cruauté, c'était tout bonnement la plus atroce des tortures qu'un parent pouvait endurer ; savoir qu'on abandonnait sa chaire et son sang dans un monde conçu pour la tuer…

- Luna, je… pardonnez-moi d'avoir abordé un tel sujet.

- Ce n'est pas grave. Lui dit-elle. Je vais mieux et… je sais qu'il repose en paix.

- Mais… vous n'avez plus aucune famille ?

A sa question, Luna réfléchit un court instant. Ses grands-parents avaient succombé à la Dragoncelle un an seulement avant qu'elle ne vienne au monde. Elle avait aussi eu une tante du côté de son père, malheureusement décédée quelques mois à peine après sa mère. Pour le reste, elle n'en savait pas plus… à vrai dire, elle n'avait même jamais cherché à en savoir plus. Pourquoi l'aurait- fait d'ailleurs ? Elle avait ses amis… et l'Ordre était devenue sa famille. Harry, Ron, Neville, Ginny, Billy, Percy, Dean, Fleur… ils l'avaient tous soutenus et aidé après l'avoir retrouvé en pleure dans la chaumière que les raffleurs avaient incendié. Mais malgré leur bonté, leurs encouragements et milles sourires partagés, une ombre s'était peu à peu infiltrée dans le simulacre de réconfort dans lequel elle s'était laissée flotter… Non, pas une ombre. Un obstacle. Un ordre déguisé sous l'étoffe d'un devoir. Un dû que sa « nouvelle famille » avaient ardemment espéré recevoir. Une chance dont elle était censée leur être redevable : son utilité.

Oui… pendant des mois, Harry et Ron avaient attendu qu'elle se batte ; qu'elle essuie ses larmes, sorte de sa tente, s'arme et parte aux combats la rage à l'âme. Comme si la mort de son père était censée la transcender de haine, raviver sa force guerrière et la plonger dans la tourmente d'une quête vengeresse, ils avaient tout tenté pour « la réveiller » ; la changer et la façonner à l'image de leurs milles soldats enragés. Mais cet espoir était voué à échouer… Non pas parce qu'elle ne voulait pas venger l'honneur de son père, mettre fin à la guerre et vivre en paix ; mais parce qu'ils avaient désespérément cherché à attiser un feu dont elle n'avait jamais brûlé : le désir de tuer. Malheureusement, ni ses discours, ses prières et son indifférence profonde pour tout ce qui se rattachait à la guerre, n'avaient su les convaincre d'abandonner cette quête meurtrière. Persuadés qu'elle finirait par se ranger de leurs côtés et que la précarité de leurs campements la mènerait à partager leur indignation, ils avaient attendu. Longtemps même. Jusqu'à ce que leurs encouragements ne laissent peu à peu place à des murmures… que leur impatience ne se transforme lentement en frustration… et que leur amitié, ne se résume plus qu'à des regards exaspérés, grimaces écœurées, remarques désobligeantes et réflexions outrées. Non pas que ces dernières l'aient véritablement blessé ; déconnectée de leur monde, elle avait fait la sourde oreilles aux milles commentaires qui s'étaient mis à pleuvoir par-delà sa tente. Mais même si elle les avait ignorés, même si elle avait tenté de surpasser sa nouvelle étiquette de « planquée », « d'ingrate » et de « cas désespéré », et qu'elle avait supporté les stigmates de son « inutilité » sans sourciller … une fois de plus, elle s'était sentit abandonnée. Reniée. Rejetée par la dernière famille qui lui restait, au seul motif qu'elle n'était pas animée par le désir de tuer et qu'elle ne nourrissait pas le vice d'une cruauté travestie en soif justice méritée.

Alors à la question de Narcissa, non. Elle n'avait plus aucune famille.

- Je suis seule. Mais ce n'est pas grave. Comme ma mère disait, « Mieux vaut être seul, que mal accompagné ». Dit-elle d'un sourire gêné.

- Des paroles bien sages… admit-elle.

- Puis-je à mon tour vous poser une question ? Demanda-t-elle soudainement.

- Je vous écoute.

- Pourquoi m'avez-vous invité aujourd'hui ?

Mal à l'aise, Narcissa hoqueta devant l'ultimatum de sa sincérité… Pourquoi l'avait-elle invité ? Grand Dieu, elle n'était même pas certaine d'avoir de réponses à lui donner. Pour preuve, son invitation n'était en rien préméditée. Seule dans cet immense château depuis ce qui lui semblait une éternité, elle s'était laissée attendrir par l'idée d'un après-midi partagé… d'un moment de simplicité… d'une compagnie désintéressée… et d'une présence avec qui parler. Mais Hermione était en mission, Drago constamment absent, son mari à Londres et sa sœur au front ! Ainsi, elle n'avait plus personne avec qui sourire et se divertir… plus personne avec qui oublier la guerre et leurs sacrifices… plus personne avec qui elle pourrait retrouver le goût de vivre. Bien sûr, elle connaissait l'importance de leurs obligations. Que dire ! La nécessité de leur implacable dévotion ! Mais Narcissa ne pouvait le nier ; ces dernières semaines de silence l'avaient affligé d'une solitude qu'elle n'avait jusqu'alors jamais imaginé. Assise devant sa cheminée, elle contemplait le vide de ses journées, attendait des lettres qui n'arrivaient jamais et conversait avec quelques elfes avant de partir se coucher pour une nuit de cauchemars et cris étouffés… un quotidien désormais rôdé, dans lequel elle se sentait peu à peu étouffer.

- Eh bien… j'imagine qu'avec mon mari vivant au Ministère, mon fils à la guerre et ma fille partie en mer, que… vous êtes la dernière personne de ce château avec qui je puisse discuter de manière civilisée. Avoua-t-elle du bout des lèvres.

Etonnée devant une telle sincérité, Luna la regarda noyer son regard dans le fond de son thé. Par gêne ? Orgueil ? Fierté ? Cela ne serait pas très surprenant… et pourtant, la Lovegood ne put s'empêcher de s'émouvoir devant une réserve aussi touchante.

- Et puis, je dois bien admettre que j'étais aussi un peu curieuse à l'idée de vous connaître…

- Vraiment ? Demanda-t-elle.

Et encore, le mot était faible…

- Ne soyez pas si surprise. Déclara-t-elle dans un sourire. Vous avez su convaincre ma fille de vous gracier, le Maître de vous épargner et il semblerait que même Drago commence à vous apprécier ! Reconnaissez que de tels exploits suscitent la curiosité…

- Oh je… je doute que ce soit des exploits. Dit-elle gênée.

- Croyez-moi, ils en sont ! Affirma-t-elle dans un sourire. Pour preuve, Drago m'a fait part de l'aide que vous lui apportiez à la bibliothèque. Il ne s'est pas étendu sur le sujet, mais m'a fait comprendre que vous aviez su l'aiguiller sur des pistes prometteuses… et qu'il vous en était reconnaissant.

Franchement surprise, Luna ne sut plus quoi dire. Reconnaissant ? Par Rowena, c'était une première à entendre… en particulier devant l'orgueil de son tempérament.

- J'essaie de l'aider du mieux que je peux… mais ses recherches ne sont pas des plus simples.

- Tout comme mon fils.

Amusée devant son œillade complice, Luna sourit à la lueur de sa malice. Un éclat sincère et spontané, qu'elle n'aurait jamais cru déceler derrière la froideur de son regard d'acier… mais qui réchauffait déjà le teint de ses joues creusées d'anxiété.

- Il est vrai que… Drago n'est pas le partenaire de recherche le plus facile à supporter. Dit-elle dans un sourire. Mais il est déterminé.

- Je ne vous le fais pas dire ! Railla-t-elle. Et encore, il s'est assagi…

- Vraiment ?!

- Oh… vous n'imaginez pas à quel point. Je me souviens d'un jour en particulier ! S'exclama-t-elle soudainement. C'était la veille de sixième anniversaire et le pauvre petit ne tenait pas en place ! Bien sûr, nous savions qu'il passerait sa journée à chercher ses cadeaux, alors son père et moi avons décidé de les cacher dans une vielle cheminée. Nous l'avions condamné l'année passée et jamais nous n'aurions pensé qu'il chercherait à…

Attendrit devant la joie de cette anecdote, Luna sourit en voyant Narcissa reremplir leurs tasses sans y penser.

- Il a emprunté le balai de son père pour passer par le toit ! Rit-elle aux éclats. Mais bien entendu, il n'a pas eu la conscience d'esprit de penser à la largeur du conduit !

Comme si le monde s'était arrêté, elle ne se vit pas lui ajouter une cuillère de miel, lui tendre un cupcake et s'accouder à son fauteuil dans un soupir d'aise.

- Dobby l'a attendu hurlé depuis le conduit de cheminé et est arrivé en catastrophe dans notre salon ! Continua-t-elle sans respirer. La pauvre créature pleurait tellement que ni moi ni Lucius ne comprenions ce qu'elle disait, jusqu'à que ce que…

Heureuse dans son souvenir, elle ne remarqua pas ses gestes endiablés, sourires émerveillés et mimiques passionnée.

- Le pauvre enfant est resté toute une après-midi dans ce maudit conduit et en ressorti traumatisé et couvert de suie !

Oui… Narcissa ne se vit pas reprendre peu à peu vie.

- Lucius était fou de rage ! A juste titre d'ailleurs ; il aurait pu gravement se blesser ! Mais ce n'est qu'une histoire parmi tant d'autres… Jusqu'à son admission à Poudlard, Drago était un enfant extrêmement turbulent ! Il courrait sans cesse, jouait avec les Elfes et nous a même…

Confortablement assise, Luna se saisit de sa tasse et l'écouta dans un sourire. Elle ne savait pas à quoi s'attendre en acceptant son invitation ; elle ne savait pas si elle en ressortait heureuse et rassurée, ou gênée et humiliée… mais désormais, elle le savait. Narcissa Malfoy n'était pas la femme acariâtre, austère et sévère qu'elle avait craint d'affronter. Au contraire… elle était une femme d'esprit et de cœur. Aussi, la Lovegood en fut persuadée. Cette après-midi n'était que la première d'une longue série de tasses de thé.


- Hermione !

De l'obscurité… des cris… des ombres… un profond néant, seulement parcouru d'échos et de frissons.

- Hermione !

Quelqu'un l'appelait. Ou était-ce seulement les restes latents de sa conscience aliénée ? Elle n'aurait su dire. Pourtant, elle crut vaguement se sentir frémir… comme happée par un cri qui ne cessait de résonner dans son esprit. Devait-elle lui répondre ? Briser l'infime voile qui la gardait prisonnière de son inconscience ? Le pouvait-elle seulement ?!

- Oh non…

Oh non ? Que se passait-il ? Etait-ce grave ? Quelqu'un était-il malade ? Seigneur, elle avait tant de questions à poser ! Et si peu de réponses à espérer...

- Reste avec moi ! Reste avec moi !

Rester… mais rester où ? Avait-elle décidé de partir ? De ne pas revenir ? Mais où irait-elle ? Elle n'avait nul par où aller ; rien ni personne à visiter. A moins qu'elle l'ait oublié ? Confuse dans ses propres pensées, Hermione tenta vaguement de se rappeler… de se reconnecter à la réalité qui semblait lui échapper et de sortir de la torpeur qui la paralysait. Mais rien ne lui apparaissait… rien si ce n'est cette incroyable et assourdissant obscurité. Comme si elle s'apprêtait à la dévorer, elle la sentait l'entourer de ses bras glacés, fière et impatiente à l'idée d'en faire son dîner. Ou son déjeuner ? Grand Dieu, quelle heure était-il ?! Faisait-il jour ? Ou nuit ? Elle ne savait pas… mais l'obscurité savait. Silencieuse dans ses secrets, elle allait et venait dans l'éclat d'un sourire malicieux, prête à se repaitre de sa proie sous le regard inquisiteur des Cieux. Pouvait-elle résister ? Lutter ? Grand Dieu, elle aurait aimé l'espérer… mais sa conscience s'étiolait, les sons se confondaient et ses yeux balbutiaient sous une myriade de tâches colorées. Elle ne pouvait rien entendre, rien voir, rien penser… et n'avait pas d'autre choix que d'attendre que ce monstre d'Obscurité se décide enfin à l'achever.

- Hermione !

Peut-être qu'elle se trompait ? Peut-être que personne ne l'appelait ? Elle aurait aimé le savoir ; comprendre dans quel sombre théâtre le Destin la faisait danser ce soir. Mais à l'heure où la mort l'appelait, pouvait-elle encore espérer être sauvée ? Ou seulement être frappée par la vérité ? Comprendre ce que tout ce cirque signifiait ? Non… elle en doutait. Ainsi elle ne tarderait pas à être condamnée… à voir le monde défiler sous ses yeux crevés et à contempler ses restes se décomposer. Ne subsisterait bientôt qu'un corps vide de vie… qu'un esprit vide de tout génie… et qu'une âme mortellement engourdie, destinée à sombrer dans ce glacial infini. A bien y réfléchir, peut-être était-elle déjà morte ? Cela ne serait pas une surprise ! Elle ne se souvenait de rien… ne voyait rien… ne ressentait rien. N'était-ce pas la définition même d'un décès clinique ?

- Reste avec moi !

Seigneur, que la mort était exigeante ! Jalouse et impatiente, elle hurlait depuis les bas-fonds tel le cri d'un insupportable démon. Mais qu'elle n'ait crainte ! Bien que son voyage puisse être long, elle ne manquerait pas sa dernière destination…

- Ça va aller… je suis là ! Je vais te soigner !

Soigner ? Mais pourquoi ? Oh non… était-elle blessée ?! Mais où ? Quand ? Comment ?! Elle ne ressentait aucune douleur ! Aucun spasme ! Aucune terreur ! Etait-ce là le vrai problème ? Son absence de sensation cachait-elle une plaie ? Un saignement ?!

- Tiens bon !

Mais… ça n'avait aucun sens ! Pourquoi la mort voudrait-elle la soigner ? Au contraire, elle devrait la convaincre de se donner à l'obscurité ! De la rejoindre sans lutter ! A moins que…

- Hermione s'il te plaît !

Cette voix… ce ton… cette appel constant et incessant… se pouvait-il que ce ne soit pas un démon ? Que ce ne soit pas la mort, hurlant depuis l'épaule de Satan ? Nul doute que cela rendrait sa journée plus amusante… mais avait-elle le droit d'y croire ? D'attendre qu'on la sorte du noir ? De prier pour qu'on mette un terme à cet écrasant désespoir ? Non… non, ça ne se pouvait pas. Car un dernier espoir brisé suffirait à lui faire rendre l'âme…

- Hermione !

Elle ne devait pas l'écouter ! Elle ne devait pas espérer ! Elle ne…

- Initiée !

Initiée…
Initiée…
Initiée…
Initiée…

Assommée, la jeune femme sentit ce mot résonner avec violence dans son esprit embrumé. Un mot… suivit d'un étrange sentiment d'urgence, qui dans l'écho de leurs hurlements, commencèrent peu à peu agiter les restes de sa conscience… Etait-ce réel ? Ce frémissement, cette fougue, cet empressement… ne sortaient-il pas de son imagination ? Elle le crut un instant… avant que son propre cœur ne s'éveille soudainement sous la douleur de milles frissons. Forts et puissants, ils embrasèrent un corps qu'elle ne sentait plus, ranimèrent des sens qu'elle ne percevait plus et firent défiler des images qu'elle ne comprenait plus ! Pourtant, une seule persista malgré l'obscurité. Une seule la frappa malgré son apnée. Une seule lui donna le courage de respirer !

Un voilier.

Oui… elle le voyait désormais. Il était là, tout prêt ! Immaculé malgré ses contours floutés, elle le vit lentement s'approcher sur une mer bleutée. Pouvait-elle l'atteindre ? Le toucher ? Elle voulut s'y risquer ; caresser sa coque de bois peint et sentir ses lys l'envelopper de leur irrésistible parfum. Mais sa conscience commençait déjà à s'éveiller… et avec elle une nouvelle douleur qui sans qu'elle ne puisse lutter, la fit tragiquement hurler.


Hello ! Comme je vous l'ai dit, deux chapitres aujourd'hui ;) Alors accrochez-vous parce que la suite va secouer ^^'