Assoiffée, Hermione s'entendit à peine haleter à la sortie de son obscurité. Seigneur… elle respirait. Alors même qu'elle avait cru se perdre dans l'élan d'une dernière apnée, que ses sens et sa raison s'étaient délités dans la plus insoudable des obscurités et que les appels lancinant de la Mort n'avaient cessé de la chercher… elle respirait. Elle respirait ! Elle… vivait. Une évidence qu'elle eut presque du mal à intégrer, mais qui la frappa soudainement de sa douloureuse vérité.
La douleur.
Oui… elle se souvenait de la douleur.
Presque délicatement, elle l'avait possédé au détour d'un rêve innocent… avant que le Voilier de ses songes ne se mette subitement a voguer sur une mer de sang. Oui… tel un monstre surgissant des basfonds de l'Océan, la douleur était arrivée dans l'éclat d'un rire cinglant. Fière sur son sombre destrier, elle l'avait arraché à son mirage pour la plonger dans un enfer de flammes, de hurlement et de larmes. Une douleur insatiable, brûlante et lancinante. Une douleur effroyable, forgée aux cœurs même du vice et de l'infâme. Une douleur qu'elle n'avait jusqu'alors jamais imaginé… mais dont le feu l'avait irrémédiablement consumé. Sourde et aveugle, elle avait gis entre ses griffes, incapable de combattre son odieuse perfidie ; incapable même de comprendre les raisons de cette insupportable agonie ! Combien de temps cela avait-il duré ? Combien de temps avait-elle oscillé entre fièvre et inconscience tourmentée ? Elle l'ignorait… mais était certaine d'une chose. Elle avait hurlé. Plus encore, elle avait laissé son orgueil la quitter, ne laissant d'elle qu'un corps meurtri aux poumons déployés. N'était alors resté que ses cris. Des cris étouffés, hurlés les dents serrées… des cris arrachés entre deux prières éplorées… des cris dont le simple écho, lui donna l'impression d'étouffer.
Oui… elle le comprenait désormais. La douleur l'avait sorti de l'Obscurité. La douleur l'avait ramené à sa triste réalité. Et peut-être même l'avait-elle sauvé ? Mais une question demeurait : pourquoi ? Pourquoi cette douleur existait-elle ? Pourquoi l'avait-elle fait envier la Mort et ses milles promesses ? Juste… pourquoi ?! Elle savait qu'elle ne méritait aucune pitié et que ses crimes la prédestinaient à hurler dans les abîmes pour l'éternité ! Mais cet Enfer-là ? Que dire, ce supplice ?! Ce n'était pas une pénitence. Ce n'était pas le chemin de sa rédemption ! Ce n'était… qu'une punition. Une souffrance injuste, dénuée du moindre sens. Un fléau gratuit et infâmant, qu'elle pouvait encore sentir faire trembler ses membres. Au bord d'une énième inconscience, Hermione serra les dents dans un souffle haletant, le front en sueur après plus de milles frissons. Non… elle ne pouvait pas céder à nouveau ! Elle ne pouvait se laisser engourdir par la délivrance promise de son tombeau ! Elle… elle devait respirer ; se reconnecter doucement à la réalité, laisser ses sensations de côtés, se concentrer sur tout ce qu'elle savait et trouver un sens au désastre qu'elle vivait ! Mais son souffle sifflait… et son cœur s'épuisait. Semblable à un parchemin froissé, elle sentit les rebords sa gorge s'érafler douloureusement sous le peu de salive qu'elle parvînt à avaler. Une salive amère et salée, qui très vite la fit grimacer dans l'acidité d'une soudaine nausée. Allongé sur le dos depuis ce qu'elle comprit être une éternité, elle manqua de s'aveugler en tentant d'ouvrir les yeux et s'étouffa plus encore devant la clarté des cieux. Seigneur… il faisait si chaud ; et elle avait si mal ! Désorientée, elle tenta de se redresser, de chercher un appuie et de respirer à grande bouffées l'air que ses poumons lui refusaient. Mais la fièvre la paralysait, ses tympans saignaient et sa migraine l'ensuquait. Incapable de se retourner sur le côté ou de ne serait-ce que bouger, ses mains se réussirent qu'à s'esquinter sous l'irrégularité d'un plancher défoncé. Par tous les Dieux, mais où était-elle allongée ? Et comment s'était-elle retrouvée sous ce soleil d'été ?! A cette question, la jeune femme ne réagit pas immédiatement… avant que sa gravité ne la frappe violemment dans un nouveau frisson.
Le soleil. Il était là. Elle… elle ne rêvait pas ! Cette chaleur tenace, ces rayons fugaces, cette clarté instable… c'était lui. Mais cela n'aurait pas dû être possible. Elle devrait être dans le Bateau des Durmstrang, immergée à plusieurs centaines de mètres sous les flots ! Elle… elle devrait être avec son Maître.
- Hermione !
Oh Seigneur…
- Reste avec moi ! Reste avec moi !
Il était présent quand c'était arrivé. Il était là quand la douleur l'avait submergé ! Il… il avait tenté de la soigner. Mais de quoi ?! Que lui était-il arrivé ? Et que s'était-il passé ?! Le Bateau avait-il été attaqué ? Percuté ? S'était-il échoué ?! Non… non, cela ne se pouvait ! Le navire des Durmstrang était pourvu d'une magie protectrice veille de plusieurs centaines d'années ! Il ne pouvait pas couler ! Ni même être détecté ! Mais plus elle tenta de s'en persuader, plus ses souvenirs commencèrent à s'agiter. Troubles sous la vivacité inconstante de ses pensées, elle ne vit que des brides défiler sous ses paupières plissées ; des morceaux confus et désordonnés, qui peu à peu, laissèrent un nouvel effroi la frapper. La salle d'arme… ils étaient dans la salle d'arme quand la coque avait commencé à grincer ! Mais pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourq… le piano ! Son Maître l'avait surprise en train de chanter au piano ! Il l'avait rejoint, ils avaient discuté, s'étaient souris et… elle avait chanté. Mais chanté quoi ? L'une des chansons de Narcissa ? Un récital ? Non, non, non… c'était plus profond que ça ! Plus douloureux aussi ! C'était… le voilier. Oui, elle s'en souvenait désormais ! Elle avait chanté une comptine trouvée dans l'une des malles de la calle ! Qu'est-ce c'était déjà ? Sail… Sailma… Sailboat Of Mine ! Elle avait chanté Sailboat Of Mine ! Son Maître l'avait regardé, ébranlé par la beauté de ce texte oublié et puis… et puis… bon sang ! Et puis quoi ?! Ils se regardaient, ils riaient, ils… non ! Non ! Ils désespéraient ! C'est ça ! La guerre avançait, leur doutes s'accroissaient et l'éventualité d'un retour prématuré les taraudaient ! Ils devaient atteindre l'Archipel des Açores d'ici deux jours, et redoutaient déjà les mois de mers qui les attendaient après ce dernier détour ! Ils s'inquiétaient, se tourmentaient et… un grondement avait retentit. Plus puissant que le cri des Océans, il les avait brusquement assourdis ! Avant que tout ne s'assombrisse… Voilé par la douleur lancinante de son corps paralysé, Hermione crut se revoir être projetée contre le plancher. Ou était-ce les murs ? Sûrement les deux à juger la fébrilité de sa mémoire… mais pourquoi ? Bon Dieu pourquoi ?! Elle devait savoir ! Elle devait comprendre ! Elle…
Grand Dieu, et son Maître ? A cette seule pensée, la jeune femme sentit son souffle couper. Où était-il ? Etait-il blessé lui aussi ?! Non… il ne le pouvait pas. Son immortalité le protégeait ! Mais la magie du bateau avait failli… et le venin d'Aloff l'avait presque condamné à la plus atroce des agonies. Ainsi, il n'était pas aussi invulnérable que le monde le pensait… et que son cœur l'espérait. Horrifiée, une nouvelle adrénaline se mit à battre dans ses veines, laissant alors défiler les pires scénarios devant elle. Des images d'un Voldemort démuni et impuissant ; de son Maître bien aimé, blessé et agonisant… pendant qu'elle rôtissait sous un soleil de plomb. Non. Elle ne pouvait le tolérer ! Elle… elle devait le trouver ! Se relever ! Le rejoindre ! Et l'aider ! Un souhait fort et puissant, qui depuis la chaleur de sa marque en sang, s'allia à une impétueuse détermination. Oui… elle pouvait le faire. Elle pouvait ouvrir les yeux ! Elle pouvait se redresser ! Elle pouvait le retrouver !
Mais quand ses paupières s'ouvrirent enfin sur le monde…
Quand elle trouva la force de se redresser…
Et que son corps lui apparut devant elle…
Elle se sentit replonger en Enfer.
- Hermione ?!
Non… non, ce n'était pas possible.
- Hermione !
Son Maître était là… mais elle ne le regarda pas. A vrai dire, elle ne l'entendit même pas accourir jusqu'à elle. Non, tout ce qu'elle entendit fut ses propres cris. Des cris de détresse. Des cris de douleurs. Des cris d'horreur. Des cris… mêlée aux plus effroyables des pleurs.
- Calme toi ! Calme toi !
Non. Elle ne le pouvait pas ; et ne le pourrait plus jamais… car ce qu'elle voyait sous ses yeux exorbités, dépassait tout ce qu'elle aurait pu redouter.
- Ce n'est rien ! Je te jure, ce n'est rien !
Son Maître aussi hurlait. Agenouillé à ses côtés, il tentait de la faire regarder ailleurs, de calmer ses pleurs et d'apaiser son horreur… mais rien n'aurait pu surpasser cette nouvelle douleur.
- Ma… ma…
Mais même ses mots se noyèrent dans ses hurlements… Incontrôlable, elle se mordit la langue sous la violence de nouveaux des tremblements, se griffa le visage et haleta la bouche en sang. Un sang de plus, parmi la marre qu'elle voyait étendu devant elle… Un sang métallique et chaud qui se mit à subitement à couler depuis ses lèvres.
- Ma… ma j…
- Ce n'est rien ! Ce n'est rien !
Bouleversé, Voldemort prit son visage en coupe dans un souffle désespéré, caressa ses joues inondées et la pressa contre lui avec autant de force qu'il le pouvait. Mais même son étreinte, ses mots et son toucher ne réussirent à pas la calmer... Se débattant dans le vide, il la sentit hoqueter contre lui, s'accrocher à sa chemise et étouffer ses derniers cris dans les pleurs de son agonie. Une agonie qu'elle réalisa davantage, quand elle le vit la couvrir d'un drap…
- Hermione regarde-moi !
- Ma… Ma…
- Regarde-moi ! Tonna-t-il.
Front contre front, elle ne put lutter contre sa poigne et s'étouffa dans ses larmes. Elle ne pouvait pas y croire… elle ne pouvait pas y croire…
- Je vais te soigner. Assura-t-il avec force. Je te le jure ! Je vais te soigner !
Soigner ? Mais soigner quoi ? Il n'y avait plus rien à soigner ! Plus rien à espérer ! Plus rien à sauver ! Mais il était déterminé… Implacable face à elle, il ne la laissa pas retomber sur le plancher et la redressa avec force contre son torse. Elle devait tenir le coup. Elle n'avait pas le choix ! Aussi, c'est les mains tremblantes qu'il essuya ses lèvres ensanglantées et la regarda hoqueter entre deux sanglots étouffés. Il savait qu'elle souffrirait... il savait qu'elle hurlerait. Mais la voir ainsi ? Entendre ses cris ? Voir la peur et le désespoir dans son regard meurtri ? Que Merlin lui en soit témoin, jamais il n'avait connu pareille souffrance de sa vie.
- Ma j… ma jam...
- Je vais te soigner. Répéta-t-il. Je te le jure Hermione, je vais te soigner !
Elle aurait aimé le croire.
Elle aurait aimé garder espoir.
Mais comment aurait-elle pu ? Sa jambe n'était plus là...
- Comment est-ce arrivé ?
Une question.
Cinq mots.
Les seuls, qu'Hermione trouva le courage de souffler depuis ses lèvres desséchées.
Les seuls, qu'Hermione parvînt à formuler dans son apnée.
Les seuls, qu'Hermione s'entendit prononcer après plusieurs heures de cris acharnés.
Allongée au sol depuis plus de temps qu'elle n'aurait pu en compter, la jeune femme déglutit douloureusement au son de sa voix éraillée. Une voix faible, brisée et incertaine qu'elle ne reconnut presque pas comme étant la sienne... Rauque et étouffée, elle l'entendit fébrilement résonner dans la pesanteur son mutisme affligé. Pourtant et bien que son esprit embrumé doute d'avoir véritablement parler, Hermione ne trouva pas le courage de se répéter. Non… à la place, elle se contenta simplement de respirer. Un acte anodin à l'effort presque enfantin, mais qui à la lueur de son regard éteint, lui sembla incontestablement vain…
- Tu n'es pas obligée de savoir…
C'était vrai… elle ne l'était pas ; peut-être était-il même préférable qu'elle ne le sache pas ? Mais comment savoir ? Elle avait toujours privilégié la connaissance au déni… l'intellect à la bêtise… l'esprit à l'oubli… et ce même quand elle était certaine d'en souffrir. Mais ce choix-là ? Que dire… ce savoir-là ? Pourrait-elle y survivre ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus rien… ses certitudes, ses espoirs, ses croyances, ses doutes et même ses peurs ; tout se confondait sous le poids de sa douleur. Une douleur qui ne l'avait pas quitté et qu'elle pouvait presque voir la narguer de son sourire amusé... « Pas obligée ». L'était-elle vraiment ? Pouvait-elle accepter de vivre dans l'ignorance ? De retourner à ses occupations ? Et de se lever chaque matin sans jamais se poser la moindre question ? Elle se le demanda. Le regard vague, elle alla même jusqu'à s'imaginer vivre loin de cette détestable vérité. Elle s'imagina gésir là, cloitrée dans son désespoir et sa fatalité… elle s'imagina accepter son sort, chérir son ignorance et se résigner… elle s'imagina reprendre le cours de sa vie et oublier. Et pourtant… aucune de ces images ne parvînt à l'apaiser. Non… elle ne pouvait l'accepter. Elle devait savoir. Plus qu'un besoin, c'était nécessaire ! Vitale ! Car elle n'en doutait pas ; cette question ne cesserait jamais de la hanter. Tout comme la douleur ne la quitterait plus jamais…
- Non. Souffla-t-elle à nouveau. Je… je veux savoir.
Mal à l'aise, Voldemort soupira lourdement face à elle. Epuisé, il se mordit la lèvre dans une grimace amère et passa une main sur son visage défait. Savoir… elle voulait savoir. Mais savoir quoi ? Lui-même ignorait presque tout ce qui leur était arrivé ce soir-là ! Ne lui restait que des suppositions, des idées et suspicions… de quoi agiter son imagination pendant un temps, mais sans jamais lui apporter la moindre réponse.
- Je veux savoir.
Désorientée, Hermione ne s'entendit même pas se répéter et haleta sous la douleur de sa gorge enflammée. Un détail que son Maître peina à regarder sans trembler, et qui le laissa profondément désarmé devant les vestiges de sa glorieuse Initiée. Par Salazar… que n'aurait-il pas donné pour prendre sa place ? Lui éviter un tel drame ? Essuyer ses larmes et raviver les braises étouffées de son âme ?! Rien… Oui, rien ne serait trop cher payé pour la sauver. Pour lui rendre son sourire, sa joie, sa mobilité et voir se relever comme si de rien n'était. Mais à quoi bon se flageller... il le savait ; quoi qu'il souhaite, le mal était déjà fait. Aussi c'est profondément résigné que le Mage Noir la détailla sans respirer. Immobile sous son drap ensanglanté, Hermione gisait là… Confuse et silencieuse sur le plancher défoncé sur lequel elle était installée, elle avait peu à peu cessé de bouger, de pleurer et de hurler… avant de soudainement se figer dans l'écho d'une respiration épuisée. Délavées par la violence de ses pleurs, il avait vu ses joues perdre de leur naturelle rougeur pour se revêtir d'une étrange pâleur… des joues désormais sales, égratignées et creusées, qui ne laissaient plus que deux pommettes osseuses barrer les traits de son visage tuméfié. Brisé, son nez ne cessait de saigner. Violacé, son œil droit semblait à jamais fermé. Balafré, son front ne ressemblait plus qu'à une immense plaie à peine suturée. Et encore… après plusieurs heures de soins et d'efforts acharnés, Voldemort avait cessé de compter. Intégralement couverte d'ecchymoses bleutés et d'entailles boursoufflées, sa peau autrefois immaculée n'affichait plus que griffures gonflées et tâches de sang séchées. Une palette de couleur chaotique et désordonnée qu'il avait lentement vu s'étendre sur son corps désormais paralysé, et dont la simple signification lui donnait la nausée… Seigneur… elle était brisée. Tel un nourrisson que l'on aurait laissé s'écraser sur des rochers, pas un seul centimètre de peau, de cartilage ou d'os n'avait été épargné ! Impuissants face à leurs impacts et chutes répétées, ses muscles s'étaient retournés, ses tendons arrachés, ses côtés fêlés, ses épaules disloquées, sa peau détachée et ses os morcelés ! Et se faisant, un profond état de choc l'avait submergé. Amorphe après plus d'une heure de cris éplorés, ses membres s'étaient lentement engourdis, ses pupilles s'étaient rétrécies et son souffle s'était alourdi… avant qu'elle ne se finisse par fixer le vide entre deux balbutiements étourdis. Un spectacle lent et infâme qu'il avait senti éventrer son âme et dont l'amertume n'avait d'égal que le sel de ses larmes…
Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé. Réveillé quelques minutes seulement après leur incident, il avait tout tenté pour la sauver ; pour la soigner et restaurer l'intégrité de son corps profané ! Mais le Bateau s'était retourné… frappé par une Magie qui n'avait jusqu'alors jamais rencontré, la coque s'était éventrée, les calles s'étaient inondées et ses fioles de potions s'étaient brisées sous le poids des poutres effondrées ! Ainsi, il avait dû faire preuve d'inventivité… et transformer les restes de sa cabine en bloc opératoire improvisé. La gardant en vie à l'aide de sa seule magie, il avait remboîté ses épaules sans anesthésie, stoppé ses multiples hémorragies, reconstitué ses muscles, resoudé ses os, suturé ses plaies, transfusé son sang, reconstitué ses ligaments ; et ce sur le plancher branlant d'un navire dérivant en plein Océan ! Mais ni ses soins d'urgence, ni sa magie et sa détermination n'avaient pas pu lui rendre ce qui lui avait été arraché ; ce que l'univers lui avait honteusement enlevé… Grand Dieu, qu'avait-il fait ? Qu'avait-il espéré ? Qu'avait-il pensé ?! Il savait ce qu'une telle quête représentait ! Il savait quel genre de danger ils courraient ! Mais qu'avait-il décidé ?! Lui ?! Le plus Grand Mage Noir du Monde Sorcier ?! Il l'avait gardé à ses côtés… Elle. Son Initiée. Une sorcière dénuée de toute immortalité et dont l'existence pouvait cesser en moins d'une seule seconde ! Une âme fragile et sans défense enfermé dans un corps à la merci des éléments ! Une jeune femme robuste et téméraire mais dont la vie s'était transformé en Enfer ! Quel idiot ! Quel fou ! Quel sot ! Il connaissait les risques ! Il connaissait le prix de cette folie ! Et pourtant… il avait choisi de se complaire dans le déni. Pire encore, il avait nié la fragilité de son corps, persuadé que rien ne pourrait jamais lui arriver ! Persuadé qu'il serait toujours là pour la sauver du moindre danger ! Mais il s'était fourvoyé… et se faisant, il avait une fois de plus failli perdre son Initiée. Un constat qui devant son visage balafré, ne parvînt qu'à l'horrifier dans un soupir affligé. Par Salazar… il n'aurait jamais dû l'emmener. Il aurait dû la laisser à Poudlard ! La garder saine et sauve, loin des caprices du large ! Pas ici ! Pas sur ce navire à moitié détruit ! Pas dans cette cabine, convertie en salle d'opération ! Pas sur un plancher regorgeant de son propre sang !
Mais sa faiblesse et son égoïsme en avaient décidé autrement…
- Le piano. Déclara-t-il alors dans un frisson. Le piano t'est… tombé dessus.
Désorientée, Hermione papillonna un court instant à sa réponse. « Tombé dessus. » Un choix de mot intéressant… prononcés à voix basse… qui voulait tout et rien dire à la fois. Pourtant, la jeune femme ne sourcilla pas. Figée, elle ne parvînt qu'à respirer ; encore et encore jusqu'à ce que son esprit ne commence lentement à s'éveiller. « Tombé dessus. ». Le piano lui était tombé dessus. Mais comment ? Pourquoi ? Cela n'aurait jamais dû arriver…
- Et… et ma…
Non… elle ne pouvait pas le demander. Pour preuve, elle pouvait à peine y penser sans sentir son corps se contracter sous la douleur de cette nouvelle vérité. Une vérité que tout son être semblait vouloir rejeter… que son esprit et sa lucidité tentaient désespérément d'ignorer… que son propre cœur refusait d'envisager ; mais que son corps en revanche, n'avait d'autre choix que d'endurer. Aussi, c'est la nausée au bord des lèvres qu'elle haleta devant la noirceur son drap ensanglanté. Sale et déchiré, il ressemblait davantage à une vielle voile raccommodée ; ou à une bâche trouée ? Seigneur, à quoi bon se le demander ?! Quoi qu'il soit, il n'avait plus rien à cacher…
- Et ma jambe ? Demanda-t-elle finalement.
- Hermione…
- Je vous en prie.
Désarmé devant la détresse de sa supplication, Voldemort déglutit durement à la lueur de son regard larmoyant. Luttant vainement contre ses nouveaux sanglots, il vit sa poitrine tressauter entre deux halètements avant que son visage ne se torde peu à peu sous le poids de sa résignation… un sentiment qu'il ne put s'empêcher de partager, et qui le poussa à la rejoindre dans un soupir affligé. Assis à même le sol, il frémit en la sentant trembler et se tut de longues secondes dans un silence mitigé. Il ne savait pas par où commencer… à vrai dire, il n'était même pas certain de savoir comment une telle tragédie avait pu arriver ! Tant de choses s'étaient passées… tant de cris et de larmes avaient été versés. Et pourtant, quelques heures à peine les séparaient de leurs chansons et sourires partagés. Un contraste qu'il peinait encore à réaliser, mais qui ne cessait de le narguer depuis le rouge sanglant de ses mains esquintées…
- Je ne sais pas précisément ce qui est arrivé. Dit-il alors. Je ne sais pas si… nous avons été percuté ou attaqué, mais le Bateau s'est brusquement… retourné. La coque et les mats se sont brisés, les ponts inférieurs ont été inondés et notre magie défensive s'est tout simplement… envolée. Nous sommes remontés en surface, mais la pression de l'eau et la violence des impacts n'ont fait… qu'empirer les dégâts.
Sonnée, Hermione l'écouta parler sans respirer. Ahurit devant tant d'incohérences, elle sentit son esprit s'agiter malgré son apnée et le regarda grimacer dans un silence désabusé. Retourné ? Le… Bateau s'était retourné ? Grand Dieu… cela n'aurait pas dû être possible. Pourtant, elle n'aurait pas dû être surprise… Installée dans ce qui devait être la cabine de son Maître, elle ne vit de ses appartements que poutres effondrées, plancher gondolé, hublots brisés et babioles brisées. Des restes branlants, grinçants et peu reluisants, qui à eux seuls réussirent à traduire toute la violence de leur sombre destruction….
- Nous aurions dû couler… dit-il subitement. Mais pour je ne sais quelle raison, le bateau est resté à flots et nous avons dérivé. C'est là que je me suis réveillé et que… je t'ai trouvé.
Déglutissant à ce souvenir, le Mage Noir ferma les yeux dans un nouveau soupir. Lui aussi semblait épuisé… cerné et salement amoché malgré son immortalité, son aura scintillait sous la puissance de sa guérison accélérée. Pourtant et malgré ses quelques plaies tout juste cicatrisées, jamais elle ne l'avait encore vu aussi affligé. Comme si le poids de monde reposait sur ses épaules, ses mains s'accrochaient à ses cheveux, son regard brillait d'un éclat malheureux et son souffle s'épuisait sous ses spasmes nerveux. Une souffrance évidente… un désespoir grandissant… et une douleur partagée, qui ne réussit qu'à la tétaniser.
- Tu étais inconsciente sous les décombres. Souffla-t-il sans la regarder. Je… je t'ai dégagé du mieux que j'ai pu mais…
Mais le mal était déjà fait.
- Le piano t'écrasait de tout son poids, et ta jambe…
Non… non, elle avait tort. Elle ne voulait pas savoir ! Elle ne voulait pas l'entendre ! Elle ne voulait même pas le comprendre ! Elle… elle voulait juste se réveiller ; sortir de ce cauchemar, retourner à sa vie et ne plus jamais y penser ! Oublier ! Nier ! Se persuader que rien n'était jamais arrivé ! Mais c'était trop tard… et bien que son Maître parle tout bas, la légèreté de son drap ne mentait pas.
- Ta jambe a presque été coupée nette.
C'était dit.
- Ton fémur s'est cassé, mais ton genou… ton genou a presque été arraché. Souffla-t-il. Ta rotule, tes muscles, tes ligaments, tes tendons… il ne restait rien à sauver.
C'était fait.
- Pour le reste, ton… ton tibia, ton péroné et ta malléole étaient en miette. Tu avais une triple facture ouverte.
C'était acté.
- J'ai essayé de limiter les dégâts. Dit-il la gorge nouée. J'ai… j'ai vraiment tout tenté pour sauver ta jambe mais l'artère fémorale était touchée et… tu te vidais de ton sang.
Elle ne pouvait plus le nier.
- Tes blessures étaient trop graves… Souffla-t-il sans la regarder. Tu allais mourir, ce n'était qu'une question de secondes… Alors… alors j'ai dû prendre une décision et t'amputer en urgence.
Sa jambe droite avait été amputée.
Sa jambe droite avait été amputée.
Sa jambe droite avait été amputée.
Une vérité inacceptable, effroyable et tout bonnement intolérable, qu'Hermione sentit peu à peu la submerger depuis le spasme de sa cuisse sectionnée. Oui… elle le voyait désormais. Ce vide. Ce manque. Cette absence. Cet espace froid et désert que couvrait son drap en sang. Cette indescriptible et effroyable sensation de membre de manquant. Elle… elle les voyait. Elle les ressentait. Elle ne pouvait plus l'ignorer ! Elle… elle avait perdu sa jambe. Une évidence que son déni ne parvînt plus à combler dans son imaginaire tourmenté et qui laissa une nouvelle douleur la faire sangloter… A son réveil, elle avait espéré se tromper. Elle avait espéré que le bandage sanglant de son moignon ne soit rien d'autre que le mirage d'un rêve dérangé. Un mensonge ! Une hallucination ! Une vision dû à quelques effets résiduels du manque ! Mais ses espoirs étaient vains… tout comme celui de pouvoir à nouveau se lever au petit matin. Dévastée, Hermione sa poitrine s'oppresser sous la violence de ses hoquets désespérés, et serra les poings dans une grimace déformée. Sa jambe avait été amputée. Sa jambe avait été amputée. Sa jambe avait été amputée. Sa jambe avait été amputée. En boucle dans son esprit, elle entendit cette nouvelle litanie la hanter de son chant meurtrier. Mais là encore, cette clameur macabre était erronée… car elle ne venait pas seulement de perdre une jambe ! Non… elle venait de perdre un genou, un mollet, une cheville et un pied. Elle venait de perdre des os, des muscles, des tendons, des ligaments et de la peau. Elle venait de perdre sa stabilité, ses repères, sa mobilité, son équilibre et un quart de toutes ses capacités ! Ne lui restait plus qu'une demie-cuisse chancelant dans le vide… qu'un moignon sanglant qui ne tarderait pas à l'assaillir de milles nouveaux supplices… un tiers d'un membre pour le reste de sa vie.
- Je suis désolé. Souffla Voldemort. Je…
Sa voix se coupa un bref instant, terrassé par le souvenir de son amputation. Il avait vu beaucoup de choses au cours de sa vie… des choses dont la seule pensée lui donnait encore aujourd'hui envie de vomir. Mais ça. Cette amputation. Sur elle... Par tous les Dieux, jamais il ne pourrait s'en remette.
- Je n'avais pas le choix. Si j'avais attendu plus longtemps, tu… tu serais morte.
Oui… elle le croyait. Elle savait qu'il avait tout tenté pour la sauver. Elle savait qu'il ne l'aurait jamais amputé s'il n'avait été convaincu de cette nécessité. Mais bien qu'elle n'éprouve aucune rancœur, Hermione ne réussit pas à le regarder... Non pas pour ce qu'il avait fait, mais pour tout ce que cela signifiait. Car elle le savait ; son corps ne serait plus jamais le même. Sa vie ne serait plus jamais la même. Elle, ne serait plus jamais la même… une nouvelle vérité qu'elle put déjà sentir la faire haleter.
- Ce… ce n'est pas votre faute. Souffla-t-elle entre deux hoquets.
- Hermione…
- Vous… vous deviez le faire. Il le… il le fallait.
Oui. Il lui avait sauvé la vie… mais à un prix exorbitant. Un prix infâmant. Un prix dont la seule pensée lui retournait le ventre ! Sa jambe. Aussi, c'est les poings serrés que Voldemort la regarda examiner les restes de son corps balafrés. Sûrement craignait-elle d'avoir perdu un autre membre…
- Ma magie accélère ta cicatrisation. Dit-il alors du bout des lèvres. Ce n'est pas aussi rapide que je le souhaiterais mais… tu devrais être remise d'ici quelques jours.
Remise… Un mot simple qui la fit tragiquement sourire.
- Oui… me… merci.
- Hermione…
- Ne vous en faîte pas… Continua-t-elle le souffle court. Vous m'avez sauvé la vie et je… je ne gâcherais pas vos efforts.
Oui. Elle n'avait pas le choix. Malgré la douleur, les cris, l'horreur et la fatalité elle… elle n'avait pas le droit d'abandonner. De se montrer égoïste et de s'écrouler ! De dépérir au risque de voir tout ce qu'ils avaient construit s'effondrer ! Et pour cause… ils avaient encore une mission à accomplir. Une sphère à trouver ! Un monde à sauver ! Un royaume à gouverner ! Et quoi qu'il lui en coûte, elle ne pouvait pas se laisser sombrer. Oui… bien que la route soit encore longue, elle finirait par se relever ; par accepter ce qui était arrivé et aimer ce corps qui lui semblait aujourd'hui étranger. Il le fallait ! Elle… devait se montrer forte ! Digne ! Et brave ! Respirer sans jamais céder au désespoir ! Relever la tête et garder la foi ! Elle le devait pour son Maître ! Les Malfoy ! Et pour tout ce qui comme elle, avaient été affligé par le Sort... Car elle le savait, elle n'était pas la première à souffrir ; et ne serait certainement pas la dernière. Pour preuve, des centaines de moldus et de sorciers perdaient des membres chaque jour. Des jambes, des bras, des mains et des pieds ! Parfois plusieurs en une seule journée ! Qu'ils soient pauvres, bien nés, jeunes ou âgés… qu'il s'agissent de femmes, d'hommes, d'enfants… tous en étaient frappés ! Et pourtant le monde continuait de tourner. Indifférent aux cris de ses pauvres sujets, il les ignorait de sa céleste supériorité et ne leur offrait qu'un vague regard désintérêt. Un coup d'œil à peine esquivé. Un mépris presque revendiqué… mais malgré ça, chacun d'eux finissait par se relever. Tantôt en boitant, en pleurant, en souffrant, en hurlant ou en tombant ; mais ils avançaient. Téméraires malgré leurs malheurs, ils s'accommodaient de cette douleur et marchaient sans sourciller ! Persévéraient sans abandonner ! Vivaient sans s'écrouler ! Et tout comme eux, elle aussi y parviendrait. Il lui faudrait juste un peu de temps… du temps pour s'habituer à sa nouvelle légèreté. Du temps pour guérir ses dernières plaies. Et faire le deuil de cette jambe qu'elle ne révérait plus jamais… Mais elle survivrait. Comme elle l'avait toujours fait.
Aussi, c'est profondément intrigué par ses mots que Mage la vit rejeter la tête en arrière et fermer les yeux dans un soupir résigné. « Je ne gâcherais pas vos efforts ». Que cela voulait-il dire ? Qu'elle était prête à accepter son sort ? A s'accommoder de cette nouvelle douleur ? A faire face malgré l'horreur ? Cela ne le surprendrait pas… mais lui revanche, ne le pouvait pas. Non pas seulement à cause de sa jambe, mais à cause de tout cette tragédie lui avait fait comprendre…
- Hermione, je ne compte pas abandonner. Dit-il avec force.
- Vous… vous m'avez sauvé la vie. C'est… déjà bien assez…
- Non. Gronda-t-il les dents serrés. Ce ne sera jamais assez.
Oui… Il le voyait désormais. Ses pouvoirs, sa magie, son invulnérabilité… tout cela l'avait mené au sommet ! Fier et puissant, il avait renversé le monde, fait naître un nouvel empire, marqué l'histoire et redéfinit les limites du possible ! Et pourtant, c'est tel un moldu impuissant qu'il avait regardé sa propre Initiée se vider de son sang… Quelle honte. Que dire, quel déshonneur ! Lui Voldemort, mis en échec par un piano ! Lui, le plus Grand Seigneur des Ténèbres, vaincu par les remous houleux d'un Bateau ! Lui, le Roi du nouveau Monde, incapable de sauver une jambe... Par Salazar, ses ancêtres se seraient étouffés devant une telle indignité. Devant cette immonde bassesse ! Cet intolérable aveux de faiblesse ! A juste titre d'ailleurs ! Il avait échoué… Lui Voldemort avait échoué. Et se faisant, son Initiée avait perdu sa jambe. Une honte qui le frappa davantage devant son regard mouillé, et qui rosit ses joues dans un grondement étouffé. Non… il ne pouvait pas l'accepter. Il ne pouvait pas s'y résigner ! Hermione était son Initiée ! Sa protégée ! Sa Déesse ! L'égérie même de son règne ! Et il devrait la regarder boîter ? S'accommoder d'une prothèse pour marcher ? Faire le deuil de sa jambe ? Pleurer en silencer ? Boire milles potions pour sauver les apparences ? Non… Elle méritait mieux que cela. Elle méritait mieux que ce tragique handicap ! Mieux qu'une demie-cuisse ! Mieux qu'une demi-vie ! Mieux… qu'une simple survie.
Un mieux dont la seule pensée le fit frémir, mais qu'il se jura de lui offrir.
- Je t'en fais la promesse…
Oui. Hermione ne serait pas estropiée
- Qu… Quoi ? Demanda-t-elle surprise.
- Je te promets de te rendre ta jambe.
Quoi qu'il lui en coûte et quoi qu'il doive donner… il la rendrait ce qui lui avait été arraché.
- Mais…
- En attendant, je te donnerais une prothèse viable qui te permettra de te déplacer.
Il n'était plus question de la retenir au bord du précipice, de la sauver in-extremis, de la voir endurer mille supplices et étouffer ses cris contre sa chemise…
- Mais qu'allez… qu'allez-vous faire ? Demanda-t-elle confuse.
Il allait la sauver. Non pas pour sa blessure d'aujourd'hui… mais pour le reste de sa vie.
Alors... ne paniquez pas... ça va s'arranger ! XD
Je vous rassure, tout ceci à un but bien précis et n'est pas purement gratuit ! (je sais que je peux être sadique avec mes personnages mais quand même faut pas abuser XD) Du coup, comme vous avez pu le voir il y a un nouvel enjeu en course, mais beaucoup de questions restent sans réponses, dont celle de leur "naufrage"... mais vous en saurez bientôt d'avantage ;)
En tout cas j'espère que ces deux chapitres vous auront quand même plu malgré ce tournant quelque peu... inattendu ^^'''''.
N'hésitez pas à me donner vos avis et vous pronostiques !
Je vous dis à la semaine prochaine !
Bizzzeeeee
