- Non, non, non… J'avais dit de la soie ! S'écria Narcissa. Pas cet immonde taffetas !

- Je… je suis infiniment navré Maîtresse…

- Et ça ?! Qu'est-ce que c'est ?

Prostrée devant la dureté de ses pupilles acérés, l'Elfe de maison tituba dans sa propre référence et déglutit les joues roses d'apnée. Par tous les Dieux… ce n'était pas sa maîtresse qui lui faisait face, mais un effroyable démon dont il peinait à soutenir le regard.

- Du… du lin…

- Du lin ?! S'étouffa-t-elle horrifiée. J'avais demandé du satin !

- Je… je sais mais… mais nos approvisionnements ont été retardés par…

- Peu m'importe ! Cingla-t-elle amère. J'ai ordonné qu'on m'apporte de la soie noire, des rubans en satin et trois rouleaux de dentelles argentées ! Alors cessez d'être aussi incompétent, et trouvez m'en !

Mal à l'aise, Luna n'osa plus bouger devant les cris enragés de la Malfoy. Un réflexe que la petite créature sembla partager devant le coussin d'aiguilles accroché à son poignet, et qui le fit presque aussitôt décamper entre deux excuses éplorées…

- Sombres idiots ! Ragea-t-elle les dents serrées. Du taffetas… vous rendez-vous compte ?! C''est une véritable honte !

Retenant son souffle à son approche, la jeune femme frissonna devant la vigueur de ses grondements et se mordit la langue en silence. Seigneur… elle avait déjà vu Drago s'énerver après elle, hurler et manquer de la frapper dans un élan de colère. Mais sa mère ? Par Rowena, elle n'avait encore jamais vu ça… encore moins pour un simple rouleau de taffetas.

- Je devrais les faire fouetter pour un tel outrage ! Les enfermer dans les cachots et jeter la clé aux rats !

Pour du tissu ? Bon dieu, cela semblait horriblement disproportionné… et quelque peu ridicule. Pourtant, c'est plus intimidé que jamais que Luna se contenta d'acquiescer et la laissa ajuster son corset sans sourciller. Mieux valait ne pas la contrarier ; en particulier quand elle s'évertuait à l'épingler de la tête aux pieds...

- Du lin ! Continua-t-elle à maugréer. Sérieusement… qui sommes-nous ? Des hippies ? Des mendiants ?!

Presque amusée devant de telles extrapolations, Luna ne put s'empêcher de détailler son habit avec attention. Des hippies ? Des mendiants ? A juger les ornements de pierres précieuses et tissus soyeux dont elle la couvrait depuis des heures, non… ils n'en étaient pas. Une évidence que la Malfoy ne sembla pas voir, mais que la jeune femme vint presque à regretter dans l'écho d'une grimace étouffée. Quel dommage… elle aimait le lin ; son toucher rugueux, ses lignes imparfaites et coupes amples. Elle aimait sa sensation de tissu brute, de coutures effilées et sa douce mélodie d'étoffe froissé. Bien sûr, elle appréciait la soie, le satin et les dentelles que Narcissa ne cessait de commander ; mais ce n'était pas pareil. Leurs matières étaient plus travaillées, plus lisses, plus… volatiles. Souples sur sa peau, elle frissonnait à leurs caresses imperceptibles, tel une centaine de fleurs la couvrant de leurs milliers de pistils. Mais cela ne durait jamais longtemps. Ne restait pas la suite que leurs contours statiques et froideur rigide, qui l'étriquait de leurs épingles un peu plus chaque fois qu'elles hérissaient son échine.

- Que veulent-ils que j'en fasse ?! S'agaça Narcissa. Des nappes ?!

Cela aurait sûrement été moins désagréable à porter que le corset métallisé dans lequel elle cherchait désespérément à l'enfermer… ou que ces centaines de talons avec lesquels elle la faisait défiler. Mais à quoi bon lui partager une telle pensée ? Elle pouvait le voir à la pâleur de ses lèvres pincées et murmures agités, cet habillage et couture acharnée n'était qu'un moyen de distraire son esprit tourmenté. Un prétexte destiné à lui faire oublier le désespoir de son cœur affligé ; une excuse pour ne pas avoir à affronter tout ce qu'elle redoutait…

Et pour cause… un mois était passé.
Un mois que Narcissa attendait le cœur lourd et les dents serrés.
Un mois que Drago était partit en Italie pour négocier…
Un mois qu'elle et Luna avaient passé à prier…

Jours et nuits, heures après heures, semaine après semaines, leurs regards étaient restés rivés sur les volets de leur fenêtre. Une fenêtre désormais déserté par les lettres et nouvelles de guerre... Bien sûr, elles savaient que sa mission était de plus haute importance ; que les enjeux étaient immenses et les risques imminents ! Mais son silence – que dire, son insupportable absence – les laissaient gésir dans la plus cruelle des ignorances… Comme si les combats avaient soudainement interrompu toute communication, les hiboux avaient cessé de voler, les lettres se faisaient désirer, les Sombrals avaient déserté les forêts, le Ministère était devenu muet et même Lucius s'était muré dans un silence résigné. A croire que le monde entier s'était arrêté à l'approche des Von Bassito et des cris enragés de leurs armées... Mais comment savoir si le pire n'était pas déjà arrivé ? Si les Vampires ne les avaient pas trompés ? Si Drago n'était pas déjà mort et enterré ?! Devaient-elles craindre le pire ? Espérer ? Attendre ? Se barricader ? Aucune d'elle ne savait ce qu'il se passait ! Aucune d'elle n'était tenue informé ! Qu'il s'agisse des avancées de leur armée, des combats engagés, des morts à déplorer, des batailles gagnées, des échecs à redouter ou de l'état des Ministères assiégés, aucune information ne leur parvenait ! Rien ! Pas un seul mémo. Pas la moindre annonce… Ne leur restait alors que les cauchemars de leurs imaginations pour combler le vide de cet intolérable silence. Des fabulations, des craintes et des mirages qui loin d'être très confortant, les laissaient osciller entre paranoïa et résignation. Et c'était précisément cela qui leur éventraient le cœur : l'incertitude. Cette perpétuelle et insupportable inquiétude, galvanisée par l'étau de la plus implacable des solitudes. Cette amertume, qui leur brûlait la gorge à chaque nouveau crépuscule. Cette blessure, aux allures de torture… voilà ce qui hantait Narcissa et la plongeait dans ses œuvres de coutures. Voilà ce qui galvanisait sa colère et assombrissait sa figure.

Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Ce n'était pas un simple silence qu'elle subissait entre deux grincements de dents ! C'était celui de ses enfants… de deux soldats de renom qui malgré leurs forces et déterminations, semblaient s'être perdus dans le vent. Certes, Hermione était avec le Maître et Drago avec un escadron composé des meilleurs soldats de sa génération ; mais cela ne changeait rien à l'angoisse qui intoxiquait son sang… Une angoisse vile et infâmante qui bien malgré elle, ravivait l'ardeur de ses plus anciens démons. Exténuée par ses insomnies et plus anxieuse qu'elle ne l'avait jamais été au cours de sa vie, Luna l'avait peu à peu vu perdre sa joie de vivre pour sombrer dans une étrange folie. Incapable de trouver le repos, elle confectionnait des robes de jours comme de nuits, terrorisait les elfes entre deux cris, commandait des tissus hors de prix et toisait le monde avec mépris. Une attitude quelque peu excessive et déconcertante que la Serdaigle ne pouvait s'empêcher de contempler dans un frisson… mais qui n'était que le résultat des carquois de son éducation. Car elle le savait ; cette étrange froideur, ses colères et son implacable arrogance n'étaient que le reflet distordu d'une savante apparence. Un mensonge façonné depuis l'enfance par l'étiquette de son rang. Un mur qui n'avait pour but que d'étouffer le feu intempestif de ses émotions ! Un masque d'indifférence et de véhémence, qu'elle se devait de porter en toutes circonstances ! Non pas que cela soit très surprenant…. Après tout, elle était une Malfoy. La femme du Ministre de la Magie. L'une des dernières ambassadrices de la magnificence de leurs pays. Une Sang-Pure de haut rang et d'esprit, qui se devait de faire baver le monde d'envie. C'était son rôle ! Sa mission ! Son devoir ! Alors qui était-elle pour la juger ? Pour lui jeter la pierre ? Et lui reprocher ses hurlements acerbes ? Chacun gérait le stress d'une guerre comme il le pouvait… Il n'y avait pas de manuel, de bonne réponse ou de comportement cliniquement approprié. Seulement des hommes et des femmes, qui tentaient de faire face... des victimes collatérales, dont les joues se creusaient sous le poids des larmes. Des survivants, qui n'avaient d'autre choix que d'attendre malgré l'effroi qui habitait leurs âmes. Pour preuve, certains noyaient leurs désespoirs dans l'alcool, les femmes et les jeux de bars. D'autres encore s'enfermaient dans leur paranoïa, montaient la garde et enseignaient à leurs enfants comment manier une arme. Quant à Narcissa, eh bien… elle hurlait pour du taffetas…

- De la soie ! Ce n'est pas compliqué à faire importer !

Aussi et bien qu'elle soit épuisée après plus d'une heure d'essayages endiablés, Luna ne dit rien face à ses commentaires et se contenter de s'accrocher. Les poings serrés sur la barre de sa coiffeuse, elle peina à respirer sous la force de ses nœuds saccadés et tangua devant son reflet minutieusement apprêté.

- Je n'en doute pas… Dit-elle en apnée.

- A croire que plus personne n'a de goût dans ce maudit pays…

Peut-être avait-elle raison ? Après tout, comment pourrait-elle savoir ? Elle n'avait porté que des haillons déchirés pendant plus de cinq longues années… Un contraste qui ne put que la frapper devant les contours de sa silhouette galbée et les pans de sa robe satinée.

- Ne vous en faîte pas. Lui dit-elle alors. Cette robe est bien assez belle.

- Oh pauvre enfant… soupira-t-elle. Vous avez encore tant de choses à apprendre.

Loin de s'offenser, Luna esquiva un sourire amusé. C'était sûrement vrai… loin d'acheter ses vêtements dans de simples boutiques, elle s'était toujours amusée à repriser ceux de sa mère et à recoudre ceux de son père. Une activité de création seulement guidée par son imagination, mais que Narcissa lui avait ardemment défendu de pratiquer à la vue de ses boucles d'oreilles à base de bulbe d'oignons…

- Allons ! Reprenons où nous en étions… Dit-elle soudainement. Que pouvez-vous me dire des associations de bleu et de noir ?

- Elles sont défendues.

- Et quelles autres couleurs ne doivent pas être associées ? Demanda-t-elle.

- Le rouge et l'or, le brun et le daim, et…

- Le vert et le pourpre !

Par Rowena, ce que les sangs-purs manquaient d'originalité…

- Pourquoi est-ce défendu ? Se risqua-t-elle à demander.

- N'est-ce pas évident ?!

A sa question, Luna ne lui offrit qu'une grimace incertaine… de quoi blanchir un peu plus les racines d'une Malfoy plus dépassée que jamais.

- Parce que c'est une affreuse faute de goût ! S'étouffa-t-elle.

- Selon qui ?

- Le livre des Manières et Coutumes des Sangs-Purs, la bienséance de la Cour et bien évidement les règles du cercle chromatique établies par la renommée styliste Olga Finch… récita-t-elle.

- Le cercle chromatique ?!

- La règle est très claire : ne jamais associer deux couleurs diamétralement opposées. Alors à moins que vous ne soyez daltonienne, je vous en conjure épargnez moi une telle horreur…

Ne jamais associer ce qui est fondamentalement opposé… intéressante leçon en effet.

- C'est dommage… Soupira-t-elle. J'ai toujours trouvé que l'association des opposés avaient un certain charme.

- Un charme ?!

- Oui… les moldus ont même un dicton disant que les opposés s'attirent.

Peu surprise de la voir tenir un tel discours, Narcissa réajusta son corset en esquivant un sourire amusé.

- Pas étonnant qu'ils soient si mal vêtus dans ce cas… leurs soi-disant « jeans » sont une véritable insulte à la mode.

- Je ne trouve pas.

- Par Salazar, très chère concentrez-vous ! S'exclama-t-elle agacée. Vous devez vous conformer à l'étiquette de ce château et faire taire vos appréciations personnelles !

- Veuillez m'excuser. Dit-elle dans un sourire gêné. C'est juste que… je ne suis pas habituée à une telle uniformité.

Et encore, c'était un euphémisme. Apprêté des pieds à la tête, c'est à peine si la jeune femme parvenait encore à se reconnaitre. Corset noir, jupe de soie, dentelle, rubans, bas, décolleté… elle avait tout d'une veuve s'apprêtant à enterrer un mari qu'elle avait elle-même tué ! Sans parler de ses yeux maquillés, lèvres carmin, ongles limés et étrange chignon bouclé dont son crâne était orné. Oui… il ne faisait aucun doute que ce reflet était à l'opposé de tout ce qu'elle était. Mais Narcissa avait insisté… et tout comme Drago, la sincérité de sa requête l'avait fait céder. A croire qu'elle était incapable de résister à l'appel d'un Malfoy éploré.

- Raison de plus pour vous y atteler ! Vous êtes la Graciée de l'Initiée ; la première de l'histoire du règne de notre Maître qui plus est ! Vous devrez parader aux côtés de ma fille et vous montrez sous votre meilleur jour !

Sous son meilleur jour ? Elle était si pâle sous ce maquillage, qu'elle en avait l'air malade !

- J'ignorais que ce titre m'incomberait d'une telle discipline vestimentaire. Fit-elle remarquer.

- Vous vous y habituerez.

- Vous croyez ? Demanda-t-elle peu convaincue.

- Bien sûr ! Dit-elle. Et puis, une fois que la guerre sera gagnée vous n'aurez plus à vous cantonner à mon modeste atelier… Nous ferons venir des couturiers, de stylistes et des modélistes ; des artisans de la haute société triés sur le volet, qui auront à cœur de révéler la Lady qui se cache derrière vos jupes colorées et collants troués…

Etourdie dans ses propres pensées, Luna n'entendit plus Narcissa lui parler. « Quand la guerre sera gagnée… » Avait-elle raison d'y croire ? D'espérer ? De nier jusqu'à la plus infime possibilité qu'ils puissent échouer ? A ces questions, la jeune femme n'osa pas chercher de réponses. Tout était si confus, si flou, si pesant… qu'il s'agisse des Unes des journaux, des rapports fumeux du Ministère ou du silence des fronts, ni elles ni le peuple n'avaient de véritables espoirs à se mettre sous la dent. Et pourtant la Malfoy s'acharnait ; persuadée que la cruauté des Centaures et l'avidité des Vampires ne les atteindraient jamais, elle refusait d'envisager une autre issue à cette guerre qui n'en finissait plus. Mais bien qu'elle cherche elle-même à s'en convaincre, Luna ne pouvait nier la douleur de ses propres craintes… Bien sûr, elle tentait de faire face ; de ne rien dire de ses cauchemars et de faire taire ses angoisses. Mais comment aurait-elle pu croire un seul instant en son simulacre de calme et de confiance ? Drago était parti depuis un mois. Un mois ! C'était une éternité ! Et pas seulement pour combattre, mais pour négocier… négocier avec les plus viles créatures que le monde est jamais porté. Et le pire était que c'était elle qui l'avait conseillé ! Elle ! Or, elle n'était pas une politicienne. Elle ne savait rien des conflits géopolitiques qui régissaient cette guerre. Elle n'était qu'une ancienne résistance, sauvée par la chance. Une graciée à qui avait bénéficié d'une inédite clémence ! Mais il avait insisté… en pleure dans ses bras, Drago l'avait supplié de l'aider ; de trouver une solution et un moyen de convaincre les Von Bassito de se retirer. Alors elle avait essayé... Pendant deux jours et deux nuits, ils avaient rédigé un ensemble de propositions susceptibles de les intéresser. Allant d'avantages commerciaux à la reconnaissance de leurs Titres Princiers, ils avaient listé pas moins d'une centaine de compromis capable de les convaincre de rappeler leurs armées. Mais suffiraient-ils à satisfaire la soif de sang et de pouvoir de la plus ancienne Royauté du Monde Sorcier ? Elle l'espérait… mais n'avait que ses doutes avec qui en parler.

- Hermione vous a élevé à un rang que beaucoup chercheront à discréditer ; en particulier aux vues de votre passé ! Tout comme elle, vous devrez gagner votre place au sein de la bonne société…

Oui… elle n'avait pas le droit de lui faire part de ses pensées ; de lui dire ses craintes au risque de voir sa parfaite façade s'effriter.

- Il vous faudra donc faire preuve de tenue, de mesure et de retenue ! En particulier pendant les bals et représentations publiques ! S'exclama-t-elle.

Des bals ? Par Rowena… elle aimait les bals ; la danse et la musique, la joie et le scintillement de milles bougies…

- L'étiquette sera votre plus précieux allié et il est de votre devoir de la maîtriser!

Oui… et accessoirement l'étiquette.

- Je ferais de mon mieux pour honorer la Grâce dont on m'a fait cadeau… je vous le promets. Souffla-t-elle alors.

- Je n'en doute pas très chère, mais vos leçons sont encore nombreuses et…

S'interrompant violemment à l'écho d'un tintement irrégulier dans leur dos, Narcissa hoqueta dans un sursaut. Surprises, les deux sorcières restèrent interdites, les pupilles écarquillées et le cœur battant. Immobiles, elles n'osèrent plus respirer, comme par crainte de voir leur imagination leur jouer un nouveau tour après des semaines de prières acharnées. Pourtant et quand elles se risquèrent à regarder… à faire face à leur fenêtre malgré le feu de leurs apnées… c'est la lueur d'un nouvel espoir qui les fit soudainement haleter.

Car elles ne rêvaient pas.
Un hibou était là.

Impatient derrière le carreau de leur fenêtre, il les fixait de ses grands yeux jaunes entre deux battements d'ailes. Les serres resserrées autour d'un lourd paquet, elles le virent frapper le verre de son bec retroussé dans un empressement endiablé, les laissant toutes deux frissonner au rythme de ses assauts répétés. Pourtant, aucune d'elle ne trouva la force de bouger. Etait-ce réel ? Cet oiseau… la lettre dans son bec… le colis accroché à ses serres… était-ce réel ?! Pétrifiées, elles le regardèrent s'impatienter, hululer et frotter ses plumes dans un claquement contrarié, incapables de croire que leurs vœux puissent s'exhausser ; avant que la réalité ne les frappe soudainement dans l'écho d'une nouvelle apnée. Grand Dieu… c'était vrai. Un hibou les attendait. Une lettre était arrivée ! Etait-ce des nouvelles de la guerre ? De Drago ?! Elles ne surent pas… mais ne mirent pas longtemps avant d'accourir dans l'élan d'un nouvel émoi. Se précipitant à sa rencontre, Narcissa ouvrit la fenêtre d'un seul coup de baguette et se heurta presque à ses battements d'ailes. Volant avec force dans les hauteurs de leur atelier, il se délesta de son paquet et tournoya avec frénésie au-dessus d'elles ; une image devant laquelle la Malfoy aurait presque pu pleurer… mais que Luna se mit soudainement à détailler d'un air intrigué. Ce n'était pas un Grand-Duc… pas plus qu'un des hiboux de guerre utilisés par le Ministère. Petit, déplumé et étonnement sombre, il ressemblait davantage à une chouette qu'on aurait sorti des décombres. Un petit volatile au bec recourbé et aux griffes acérées, dont les cris la firent soudainement frissonner.

- Il a l'air mal en point…

Mais elle ne l'écoutait plus. Les mains tremblantes, la Malfoy s'était déjà saisit de sa lettre à la volée, désireuse de lire tout ce que son cœur se languissait d'espérer. Son fils était-il en vie ? Les négociations avaient-elle mené leurs fruits ? La proposition de trêve avait-elle abouti ? Les Von Bassito avaient-ils décidé de stopper la marche de leurs armées ? Cédé aux menaces d'une attaque de milles sorciers ? Signés des Accords de Neutralités ?! Elle l'espérait… plus encore, elle priait le ciel pour cette missive lui annonce la fin des hostilités et le retour de son enfant en bonne santé. Pourtant et alors que Luna récupérait le paquet tombé au sol, ce n'est qu'un profond soupir qui traversa ses lèvres pincées… un soupir mais aussi une déception, que son cœur de mère affligé n'eut pas le courage de cacher.

- Qu'y-a-t-il ?!

- Rien, juste… juste les rouleaux de dentelle italienne et de soie que j'avais commandé…

Surprise, Luna regarda le colis dont elle venait de se saisir et fronça franchement les sourcils. De la dentelle et de la soie ? Mais cela n'avait aucun sens ! Leur elfe de maison leur avait assuré que les combats avaient retardé leurs approvisionnements de plusieurs semaines. Et puis ce paquet était petit… et affreusement lourd ! Pas plus gros qu'une boite à cigare, elle dût le porter à bout de bras jusqu'à leur table et s'essouffla en seulement quelque pas. Ou était-ce à cause de son corset ? Elle ne le sut pas, mais ne put s'empêcher de le détailler d'un étrange regard. Enveloppé de soie rouge et d'un ruban de dentelle argentée, il reposait devant elle tel un trésor ne demandant qu'à être déballé. Un trésor emplit de mystère et à l'odeur étonnement… familière.

- Vous êtes-sûr ? Demanda-t-elle inquiète.

Mais Narcissa ne réussit plus à parler. Meurtrie par la douleur d'un faux espoir, Luna la vit se redresser sans respirer avant de détourner le regard dans une grimace mal dissimulée. Sûrement pour cacher ses larmes, sa détresse et son désespoir ? Pour étouffer l'horreur d'une attente à nouveau prolongée et reprendre contenance malgré l'acidité de sa soudaine nausée ? Oui. Luna le devina à la pâleur de ses jointures et joues délavées, cette lettre n'était rien de ce qu'elle avait espéré… Une lettre laissée au sol avec amertume et désintérêt, que la jeune femme ne put s'empêcher de lire avec curiosité.

Signora Malfoy

Vous trouverez séant ce dont vous vous languissiez… soyez sans crainte, ce maigre présent n'est que le premier.

A presto

- Mais… il n'est pas fait allusion à du tissu ? Fit-elle remarquer.

Plongée dans ses pensées, Narcissa sursauta presque à sa question et lui offrit un hochement de tête désintéressé. Nul doute que désormais, plus rien ne comptait…

- Frabicio… Dit-elle alors sans la regarder. C'est mon tailleur Vénitien. Il m'envoie toujours ses commandes enveloppées dans de… de luxueuse étoffes.

- Mais…

- Ne vous fatiguez pas Luna. Claqua-t-elle subitement. Ce colis n'est pas important.

Pas important ? Elle aurait aimé le croire… pourtant et sans qu'elle ne comprenne pourquoi, la Lovegood ne parvînt à pas en détacher son regard. Comme hypnotisée par les reflets de son enveloppe de soie, elle le détailla pendant de longues secondes, intriguée devant ses coutures dorées, plis mesurés et rebords… recourbés ? Pourquoi ses rebords seraient-ils recourbés ? Et pourquoi l'avoir autant parfumé ? Elle savait que les Italiens avaient un sens de l'esthétisme particulièrement prononcé ; mais cette senteur ? Cet étrange mélange d'épices et de… par Merlin qu'était-ce donc ?!

- J'ignorais que votre tailleur prêtait autant d'attention aux détails… souffla-t-elle.

- Oui. C'est un professionnel et un vieil ami de la famille… il a habillé pas moins de deux générations de Black et de Malfoy.

Un vieil ami de la famille… intéressant. Pourtant sa lettre semblait solennelle ; pour preuve, un ami aurait utilisé une formulation moins impersonnelle telles que « Cara Signora » ou « Cara Narcissa ». Mais il n'en était rien. Concis et expéditifs, ses mots se courbaient élégamment dans l'éclat d'une encre rougeoyante ; surement pour être assorti à la soie de son expédition ? Mais pourquoi ne pas signer sa lettre ? Et pourquoi ne pas stipuler qu'il s'agissait de rouleaux de dentelle ? Tant de légèreté et de mystères étaient affreusement imprudents en tant de guerre…

- Etes-vous sûr que c'est sans danger ?

- Oh… voyons Luna, ne soyez pas paranoïaque. Soupira-t-elle agacée. Fabricio me livre des rubans et de la soie depuis des années !

- Peut-être mais…

- Ouvrez le donc, vous verrez par vous-même !

Ne lui prêtant pas plus d'attention, la Malfoy se tourna vivement vers leur fenêtre et rappela le hibou d'un sifflement exigent. Bien moins enjouée qu'à son arrivée, elle ne gratifia le rapace que d'un coup d'œil ennuyé avant de ne le voir subitement s'envoler dans l'obscurité du début de soirée... Un instant étonnement silencieux, seulement ponctué par le tremblement fébrile son menton et le grincement orgueilleux de ses dents... mais un instant que Luna ne put s'empêcher de contempler avec déception. Sa réaction n'était pas surprenante ; et pour cause, il n'existait pas plus grand malheur qu'un faux espoir ranimant un cœur mourant. Mais que pouvaient-elles y faire ? La guerre était loin et le temps long… ne leur restait plus que cette interminable attente et ses promesses chancelantes.

Aussi, c'est presque intimidée que la jeune femme se mordit la lèvre dans un soupir étouffé et contempla l'élégant paquet. Après tout, peut-être disait-elle vrai ? Peut-être que le doute affectait son raisonnement ? Et que ce colis n'était rien de plus qu'une simple commande ? Oui… elle ne pouvait pas se laisser gagner par la peur des conspirations ; le hurlement des complots et l'angoisse muette des trahisons. Elle n'en avait pas le droit ! Et certainement pas maintenant… C'est donc sans plus d'interrogations que Luna commença à le déplier avec attention. De très haute facture, elle frissonna au contact léger de la soie et rebords pailleté des dentelles argentées, avant de dévoiler les contours d'un imposant coffret en or gravé. Nul doute que sa lourdeur n'avait plus de secret…

- Rangez-le sur l'étagère attitrée je vous prie…

Emerveillée, Luna hocha la tête sans la regarder, subjuguée devant la beauté des milles détails d'un tel coffret. Par Rowena… c'est à peine si elle osait y croire. Couvert de pierres précieuses, d'inscriptions latines et de motifs finement gravés, c'est un véritable chef d'œuvre d'orfèvrerie qu'elle se surprit à contempler. Semblable à une boîte à musique, il s'élevait sur de petits piliers d'ivoire avant que ses lignes d'or et de nacre ne s'évasent délicatement entre d'imposants rubis, diamants et topazes. Un inestimable trésor de finesse et d'élégance qui la laissa muette dans un silence d'admiration… Décidément, ce Frabicio savait fidéliser ses clients ! Pourtant et alors que ses pupilles frémissaient devant tant de beauté, Luna sentit un violent picotement lui prendre le nez. Délestée de sa soie, l'odeur d'épice qu'elle avait détecté assiégea ses narines avec brutalité, manquant presque de la faire éternuer. Trop forte pour être plaisante, elle se répandit sur ses mains, intoxiqua ses poumons et embauma leur atelier de son étrange essence. Qu'était-ce donc ? Du thym ? De la sauge ? Tout un bouquet d'herbes aromatiques ?! Cela y ressemblait… mais elle n'eut pas l'occasion de s'interroger. Animée d'une nouvelle curiosité, la jeune femme souleva son couvercle du bout des doigts, impatience d'y voir les rouleaux de dentelles et de soie ; mais ne vit rien de tout cela…

Figée, Luna n'osa pas réagir.

Incapable de comprendre ce qui gisait devant elle, elle resta là… immobile… sans rien dire. Peut-être rêvait-elle ? Peut-être était-elle endormie ? A cauchemarder, en sueur et haletante dans son lit ? Elle le crut un instant… plus encore, elle pria le ciel de ne jamais s'être éveillée ; de ne jamais avoir rejoint Narcissa dans son atelier et de ne jamais avoir ouvert cet étrange paquet. Mais c'était mal connaître l'infâme cruauté de leur chère réalité… une cruauté qu'elle sentit lentement animer sa conscience, avant que son propre corps ne tangue brusquement sous le poids de sa sidération. Comme si le plus grand fléau du monde reposait entre ses mains, elle sentit son souffle se couper, son ouïe s'étouffer, ses mains trembler et son échine frissonner sous la violence d'une soudaine nausée. Pourtant et malgré l'horreur que son esprit peinait à assimiler, la jeune femme fut incapable de s'en détacher… Paralysée, elle fixa le coffret sans respirer, les joues rouges et les yeux écarquillés. Combien de temps cela dura ? Une seconde ? Une minute ? Plus ? Elle ne le sut pas… mais ne réagit pas à l'impatience grandissante de Narcissa. Sourde, elle ne l'entendit pas l'appeler d'un ton agacé, lui demander ce qu'il se passait et la rejoindre d'un pas pressé. Aveugle, elle ne la vit pas se figer à la vue du coffret, hoqueter dans son apnée ni même s'écrouler brusquement inconsciente à ses côtés. Non… elle n'entendit rien. Ne vit rien. Ne sentit rien. Déconnectée du monde qui l'entourait, Lune ne perçut que ses propres battements de cœur. Un cœur épouvanté qu'elle sentit battre avec force dans sa poitrine, avant qu'il ne s'éventre sous la douleur de son propre cri… Par Rowena, elle ne rêvait pas. Elle ne dormait pas. Et ce colis… ce colis n'était pas plein de soie.

Ainsi, elle savait désormais.
Ainsi, elle connaissait toutes les réponses qu'elle et Narcissa attendaient depuis des semaines.

Les négociations en Italie ne s'étaient pas bien passées. Les Von Bassito n'avaient pas rappelé leurs armées. Et Drago n'était pas en bonne santé… Ce coffret en était la preuve. Un coffret plein de thym, de sauge et de branches de romarin… mais aucune herbe, aucun aromate, aucun parfum ne pourrait jamais masquer l'odeur qui lui soulevait le cœur.

Celle de la chaire en putréfaction.
Celle de l'horreur et du sang.
Celle d'une main en décomposition…
Et d'une bague aux armoiries couvertes de sang, comme ultime offrande.

Oui. Il n'y avait pas de doute possible. Ce colis ne venait pas de Fabricio...

Il venait des Von Bassito.
Et cette main était celle de Drago…


Hello tout le monde !

ALORS... surtout ne paniquez pas et promis c'est la dernière fois que je coupe quelque chose XDDDD ! Bon, comme vous le voyez la situation dégénère du côté de la guerre ! Les Von Bassito viennent de franchir une limite et cela ne sera pas conséquence, croyez-moi ! En particulier pour nous chère Luna... que va-t-elle faire ?! Et Lucius ? Narcissa ? Qu'aveindra-t-il de leur famille après ce nouveau drame ? Vous le saurez bientôt !

En tout cas, j'espère que le chapitre du jour vous aura plu ! Merci encore de me suivre après toutes ces semaines :3 j'espère ne pas vous décevoir pour la suite !

A très vite !