- Bien, récapitulons… Soupira le Mage à bout de nerfs. Notre magie est inefficace sur l'eau, les canaux de sauvetage, les voiles…

- La barre, les bardages, les cordages et à peu de chose près sur tout ce qui touche au bateau…

- De même que sur la température, le soleil, le vent…

- Les courants et les éléments…

- Et sur tout ce qui implique notre localisation…

Affligé devant une telle aberration, Voldemort sentit son échine s'hérisser dans l'écho d'un grondement. Bon Sang… il essayait de comprendre ; de se montrer patient et de faire taire les hurlements de son indignation. Mais plus le temps passait, plus une nausée le saisissait. « Inefficace ». Sa magie était « inefficace » …

SA magie…
A LUI Voldemort…
Le Plus Grand Seigneur des Ténèbres de tous les temps…
Etait simplement « inefficace » …

En d'autres circonstances il aurait probablement ri d'une telle idée, convaincu qu'une telle hypothèse ne pouvait relever que de la plus profonde des absurdités. Que dire ! De la plus aberrante des stupidités ! Après tout, pourquoi en aurait-il été autrement ? Lui ? Incapable de pratiquer la magie ? Privé de ses pouvoirs ? Condamné à subir les caprices du destin tel… un vulgaire humain ?! Sérieusement... Cela ne pouvait être que le tournant d'une mauvaise blague ! D'un canular ! Mais maintenant qu'il y faisait face, six jours seulement après leur naufrage et que son regard restait ancré sur leur seule et unique carte… c'est à peine s'il savait encore quoi croire. Et pour cause ; ce qu'ils vivaient n'avaient pas d'égal…

- C'est ridicule… Grinça-t-il amer.

Jamais il n'avait vu ça… jamais il n'avait ne serait-ce qu'entendu parler d'un phénomène tel que celui-là ! Il avait pourtant parcouru le monde ; pendant des années, il avait visité ses régions les plus reculées, découvert ses trésors les plus secrets, exhumé ses peuples les plus oubliés et affronté ses monstres les plus laids ! Fier et incontesté, il avait mis son peuple à genoux, déterminé à l'élever dans le sillage de sa Divine Supériorité. Orgueilleux malgré l'impureté résiduelle de son sang, il avait embrasé les ténèbres de ses ancêtres et honorer leurs rangs ! Déterminé à vaincre, il avait ignoré la décence et inversé le court même du temps ! Et se faisant, il était devenu un Dieu vivant… inflexible dans sa suprématie tyrannique, il avait tiré profit de chaque goutte de son savoir, de chaque parcelle de ses pouvoirs, de chaque ombre de son âme et de chaque cri de ses victoires ! Mais jamais au cours de ces glorieuses années de conquêtes et d'invulnérabilité, il n'avait été privé des effets de sa magie… jamais il ne s'était retrouvé acculé, seul et démuni de l'essence même de son génie ! Pas une seule fois au cours de sa vie ! Aussi, c'est le souffle court et la mort dans l'âme, que Voldemort peinait à contenir le désarroi de sa rage. Il ne pouvait pas l'accepter. Ce cirque, cette faiblesse, cette fatalité… il ne pouvait pas s'y résigner ! Mais à quoi bon nier une aussi flagrante vérité ; il ne pouvait plus se voiler la face ! Depuis leur naufrage, leurs magies étaient officiellement et indubitablement devenues « Inefficaces » … Inutiles. Vaines. Stériles. Dérisoires. Existait-il plus infâme ? Plus honteux ? Plus intolérable ?! Non. Il ne pouvait le concevoir. Car ce n'était pas uniquement sa magie qui était relégué au rang de simples tours de passe-passe ! Ce n'était pas seulement son savoir, son ascension ou sa puissance qui étaient entachés par le rire gras de cette odieuse farce ! Mais plusieurs décennies de travail… de dévotion, de pratiques Noirs, d'acharnement, de quête et de sacrifices ! L'œuvre de toute sa chienne de vie ! Des années entières passées à redéfinir les limites de la magie, tout cela au nom d'un seul et unique objectif : le pouvoir. La réussite. La conquête. La suprématie ! Et tout ça pourquoi ? Pourquoi ?! Pour se voir incapable de faire léviter une simple voile. Nul doute qu'une telle aberration n'aurait pas manqué d'assassiner Morgane et Salazar…

- Autant jeter nos baguettes à la mer et laisser ce maudit Soleil se repaître de nos restes !

Peu surprise devant le dégoût de sa grimace, Hermione baissa le regard dans un soupir las. Elle savait ce qu'il ressentait. L'indignation, la stupéfaction, l'incompréhension… elle-même les sentaient battre avidement dans son sang ; pour preuve, ils en étaient devenus les incarnations vivantes sous ce soleil de plomb ! Aussi et malgré sa détermination, la jeune femme ne parvînt qu'à haleter sous la sueur de son front. Seigneur… elle tentait de garder la foi, de respirer et de ne pas céder à la peur ; de sa battre et d'ignorer la terreur qui paralysait son cœur ! Mais c'est à peine si elle parvenait encore à respirer sous une telle chaleur… Vêtue d'une simple brassière et d'un pantalon converti en short, elle sentait sa peau ruisseler au moindre effort tandis que le manque d'air frais ensuquait chaque parcelle de son corps. Déshydratée malgré les seaux d'eau qu'elle s'évertuait à avaler, ses lèvres se desséchaient, son pouls ralentissait et le fil de ses pensées s'étiolait sous l'imminence de ses faiblesses... Et pour cause ! Les joues rouges et les poumons en feu, elle avait l'impression de rôtir dans un four tel le prochain festin d'un Dieu ! Après tout, qui sait ? Peut-être que Poséidon lui-même surgirait des flots pour les dévorer ? Pour goûter leurs chaires desséchées tel un encas destiné à satisfaire la finesse de son palais ? Quelle glorieuse fin serait-ce là ! Nourrir une Divinité qui dans leur monde n'existait même pas !

Leur monde…

Bon sang… comment avaient-ils pu en arriver là ? Comment des Sorciers de leurs puissances, pouvaient-ils être dénués de tant de savoir ?! Car ce n'était pas tant l'inefficacité de leur magie qui lui hantait l'esprit ; mais bien là où ils avaient atterri…

Un autre monde.

Grand Dieu, cette seule pensée lui donnait l'impression d'avoir perdu la raison. « Un autre monde. » Ils étaient dans un autre monde ! Eux ! Bien sûr ! Pourquoi pas ?! Au point où ils en étaient, ils n'étaient plus à ça près… mais était-ce seulement correcte ?! Devaient-ils parler de dimensions ? D'Univers ? D'extension de réalité ? Ou de multivers jusqu'alors resté caché ?! Existait-il seulement un vocabulaire capable d'exprimer ce qu'ils vivaient ? Une terminologie adaptée à l'effroi et l'impuissance qui les saisissaient ? A la sidération et la colère qui les tourmentaient ?! Elle en doutait sérieusement. A moins que ce monde possède ses propres civilisations ? Ses propres langues, codes et histoires ? Mais quand bien même, quelle importance ? Où qu'ils soient, ils étaient à plusieurs milliers de lieues de Poudlard… de leur royaume, de leurs familles, de la guerre et de tout espoir ! Un détail qui plus que tous les autres, les avaient plongés dans la plus consternante des agonies, elle-même supplantée par l'étau d'une profonde léthargie.

Allongés à même le sol de leur cabine, dépourvus de la moindre énergie et au bord de l'asphyxie, les deux sorciers n'avaient pas bougé depuis… depuis combien d'heure déjà ? Elle ne savait plus. Mais ce qu'elle savait en revanche, était qu'aucun d'eux n'avait trouvé la force de remonter sur le pont. Partagés entre l'épuisement et la résignation, ils étaient restés là, transis par la chaleur et l'hérésie de leur nouveau supplice… Et quand bien même, qu'auraient-ils pu faire d'autre ? Leurs horloges affichaient minuit passé, les températures ne cessaient de grimper et l'impuissance les accablaient ! Ils n'avaient plus rien à tenter ! A réparer ou à élucider ! Ils étaient coincés ! Piégés ! Condamnés ! Tout cela dans un monde inconnu, déterminé à les tuer… Ainsi, ils n'avaient plus que leurs rêves pour voyager par de là cet insoutenable désert. Mais quels rêves pouvaient-ils bien faire sur une telle mer ? Dans un tel enfer ? Dans cet antre de désolation et de mystère ? Ils n'avaient plus rien ! Plus de navire, plus de nuit et même plus de magie ! Et encore, cette affirmation était l'exemple même du vice ! Car ils n'avaient pas perdu leur magie au sens strict… Non, cela aurait trop beau. Trop facile ! Ils possédaient encore leurs magies ! Brulantes dans leurs veines, ils pouvaient la sentir vrombir, battre avec force et hurler dans l'écho de leur adrénaline ; mais malgré leurs efforts et incessantes litanies de maléfices, ces dernières restaient implacablement inutiles...

- On… on manque quelque chose. Souffla-t-elle du bout des lèvres.

- Hermione…

- Il y a forcément un sens à…

- Plus rien n'a de sens ! S'écria-t-il enragé. Admets-le ! Notre magie ne nous sert à rien en de tels lieux…

Plus de sens… Et pourtant, ce n'était pas faut d'essayer de comprendre. Prostrés devant leur carte et ses sombres présages, ils tentaient tant bien que mal de trouver une explication à cet acharnement ! Une raison valable ! Un raisonnement fiable ! Mais comme les aiguilles de leurs montres, les réponses se faisaient attendre…

- Mais vous avez pourtant été en mesure de créer ma prothèse. Répliqua-t-elle. Et vous êtes toujours immortel !

- Dieu merci ! S'étouffa-t-il. C'est tout ce qu'il me reste…

- Vous ne comprenez pas ! Si notre magie était véritablement impuissante dans cet univers, vous seriez mort !

Mort ? Par Salazar, ne souffrait-il donc pas assez comme ça ?!

- Je ne serais pas mort ! Dit-il agacé. Mais plutôt… inexistant.

- Il y a une différence ?

- Infime… mais tout est préférable est mort.

Soupirant franchement à sa remarque infantile, Hermione pivota sur le côté avant de l'entendre maugréer entre ses lèvres pincées. Tout aussi dévêtu qu'elle, il fixait le plafond sans la regarder, la mâchoire et les poings serrés malgré l'invulnérabilité de sa sacrosainte immortalité. Etincelantes dans l'éclat de leur parure rougeoyante, ses pupilles allaient et venaient, dansaient et viraient, frémissaient et brûlaient dans une danse qui ne s'arrêtait jamais… Un état d'inquiétude et d'anxiété qu'elle ne lui avait encore jamais connu, et qui la laissa silencieuse devant son torse nu. A quoi pensait-il ? Qu'envisageait-il ? Elle l'ignorait malgré la clameur de ses cris irascibles… mais ne put s'empêcher d'entendre ses mots résonner dans son esprit. « Tout est préférable à la mort ». Elle n'était pas d'accord ; loin de là même ! Mais à quoi bon débattre avec Immortel ? Il avait passé son existence à fuir la moindre faiblesse, l'appel naturel du Ciel et la notion même d'éphémère. Il ne pouvait pas comprendre son point de vue… ni même sa résilience face à la vie et son inexorable issue. C'est donc sans rien à ajouter et dans l'avènement d'une nouvelle curiosité que la jeune femme se mit à le détailler. Déshydraté, trempé et horrifié, il ne faisait aucun doute que sa lucidité s'effritait aussi sûrement que cette chaleur lui donnait envie de hurler. Pourtant, jamais son corps ne l'avait autant… hypnotisé. Saillants sous le teint halé de sa peau, ses muscles se dessinaient les uns après les autres ; biceps, trapèzes, abdos… tous semblaient se décupler sous le manque d'eau, tandis que l'angoisse les contractaient de ses impétueux assauts. Auréolé de magie divine, c'est tout son être qui vibrait littéralement de vie ! Une image à l'esthétisme mythologique, à l'attraction magnétique et à la beauté presque… séductrice, qui la fit brusquement déglutir.

Presque un mois était passé depuis qu'ils avaient quitté Poudlard… Un mois rempli de doutes, de travail, de détermination et de tragédies, qui s'était soldé par un naufrage. Pourtant et bien que cela soit surement l'effet d'une insolation, Hermione ne put empêcher son cœur de rater un battement ; car cela faisait un mois qu'ils vivaient à nouveau ensemble… Un mois de pleine et entière collaboration. De sourires et de discussions ! De soutien et de bonne entente ! Des instants de simplicité et de complicité qu'elle avait cessé d'attendre après le tumulte de leur dernière dispute… mais dont le souvenir la laissa esquisser un sourire ému. Elle n'avait pas cru en la sincérité de ses excuses ; à sa volonté de surpasser leurs différents et d'oublier leurs ignorances, défiances et souffrances… Convaincue qu'il la frapperait d'une nouvelle ruse, elle était restée à l'affut, consciente que son cœur n'en supporterait pas une de plus. Mais elle devait le reconnaître ; bien que ces dernières semaines aient été un véritable enfer, elles lui avaient offert un cadeau. Une offrande. Une chance ! Elles lui avaient permises de retrouver le Maître qu'elle pensait avoir perdu... celui-là même à qui elle avait prêté allégeance, pour qui elle avait profané les Océans et qu'elle était prête à suivre jusqu'au bout du monde. Celui qui la contemplait avec exaspération, colère et sermon, mais qui ne cachait jamais son admiration… celui pour qui son cœur brûlait du plus foudroyant des attachements.

Oui. Elle avait cru s'être laissée aveugler par un mirage trop beau pour durer ; par une apparence erronée dont les discours n'étaient que mensonges éhontés... Par un amour trop insensé pour exister ! Mais bien qu'une part d'elle cherche encore à le nier après les douleurs qu'il lui avait infligé, l'évidence la frappait chaque fois que leurs regards se croisaient. Le Maître qu'elle aimait ne l'avait jamais quitté… Terré sous des années de solitudes, de mépris et d'orgueil, il s'était simplement caché… mis en sommeil… effacé derrière la soif de sang, de pouvoir et de guerre ! Mais son cœur lui était toujours là, quelque part au milieu de la fureur et l'ébène de son regard ; quelque part où elle peinait à l'apercevoir, mais où sa bonté et son honneur gagnaient toutes les victoires. Pourquoi avait-il fait ça ? Pourquoi s'était cachait-il d'elle et de ses appels ? Elle aurait aimé le savoir… Elle aurait aimé connaître son raisonnement, les motifs de son comportement et la racine de son ignorance. Mais tout comme le reste, elle n'avait pas la moindre piste de réponses.

Bon sang… pourquoi fallait-il qu'ils soient à l'agonie pour se sourire ? Pour débattre sans hurler ? Se côtoyer sans s'ignorer ? Pour vivre comme ils l'avaient toujours fait et prendre soin l'un de l'autre, dans le respect et la dignité ? Le moment était mal choisi pour se le demander et pourtant cette question la hantait presque plus que la fatalité…

- Je sais que je me répète mais…

- Arrête de me remercier. Souffla-t-il sans la regarder.

- Mais vous m'avez sauvé et…

- Je t'ai donné une prothèse. Je ne t'ai pas encore rendu ta jambe…

Pas encore… des mots à la cruauté presque aussi douloureuse que leur réalité, qui le firent serrer les poings dans une grimace résignée.

- Ce n'est pas votre faute. Souffla-t-elle.

- Si… ça l'est.

- Mais…

- Tu as perdu ta jambe Hermione. Claqua-t-il. Et… je n'ai pas pu l'empêcher…

- Vous ne pouviez pas savoir ! Rétorqua-t-elle.

- Justement. Grimaça-t-il les dents serré. J'ai été imprudent. J'en savais trop peu sur notre destination, les dangers et les risques et pourtant j'ai choisi de céder à un caprice… à un désir égoïste.

Décontenancée devant la gravité de son regard, Hermione vit une étrange tristesse assombrir ses traits. Mélange d'angoisse et de regret, elle fit trembler son menton d'un étrange frémissement… un léger spasme qu'elle crut à peine apercevoir, mais qui suffit à traduire l'effroi qui habitait son âme.

- Et aujourd'hui… aujourd'hui ce caprice pourrait bien te couter la vie.

Il s'en voulait… elle pouvait le voir aussi clairement qu'il désespérait, il s'en voulait de l'avoir emmené ; de l'avoir laissé l'accompagner au risque de voir un quelconque danger la guetter. Et pourtant, Hermione le savait. Ni sa magie, ni ses ordres ou sa colère, n'auraient été en mesure de la garder en retrait…

- Maître… rien ne m'aurait empêché de vous suivre.

- Je sais. Mais j'aurais dû essayer… j'aurai dû partir ! Prendre la mer et ne rien te dire !

- Je ne vous aurais jamais pardonné ! Dit-elle horrifiée.

- Mais tu aurais été en sécurité ! S'écria-t-il. Tu n'aurais pas perdu ta jambe ! Tu… tu serais restée saine et sauve, loin de cet enfer, de ce soleil et de ce misérable fiasco qu'est devenu notre quête !

Ahuri, Hermione peina à déglutir devant lui. En sécurité ? Leur pays était en guerre ! Leurs soldats se battaient contre des armées déterminées à les assiéger et leurs ennemis complotaient pour les faire tomber ! Peu importe qu'elle soit ici à gésir sur un plancher gondolé ou enfermée à Poudlard derrière des portes blindées ! Elle aurait toujours été en danger… prit pour cible, et peut-être même en fuite ! Nul ne pouvait y échapper, c'était ainsi ! Mais quitte à choisir entre un front sanglant ou un naufrage sous un soleil de plomb, sa décision était prise. Elle préférait mille fois rester avec lui… et ce même si elle risquait d'en mourir.

- Non… je n'y crois pas. Dit-elle alors.

- Hermione…

- J'ai choisi de vous suivre ! Insista-t-elle. Quoi que vous pensiez, j'ai choisi de partir !

- N'entends-tu pas ce que je dis ?! S'agaça-t-il. Tu serais déjà morte si je ne t'avais pas trouvé ! La chaleur ne tardera pas à te tuer et sans ma magie pour te protéger, je…

- Peu importe ! Je me suis faîte à l'idée que cette quête pouvait m'être mortelle… je l'ai accepté ! Mais cela ne veut pas dire que nous devons abandonner !

A ses mots, le mage Noir se redressa dans un violent sursaut. Que lui disait-elle là ?! Accepté ? Elle… elle avait accepté l'éventualité d'une fin prématurée ? D'un non-retour ? D'une… mort ? Alors même qu'il s'était démené à reconstituer son corps ?! Qu'il était prêt à briser toutes les lois de la Magie pour lui éviter un tel Sort ?! Non… elle mentait. Elle ne pouvait pas dire vrai ! Personne ne pouvait accepter l'idée de mourir. Personne ! C'était contre nature ! Hérétique ! Une véritable invitation au suicide ! Pire encore, cela défiait le plus simple instinct de survie ! Et pourtant jamais son serpent ne frémit… fidèle à son discours, il le vit lentement s'enrouler autour de son monde dans un frémissement d'écailles silencieux. Une ultime preuve de son honnêteté que Voldemort détailla sans en croire ses yeux. Il ne rêvait pas. Son Initiée… celle-là même qui était destinée à rester éternellement à ses côtés… été prête à accepter ce qui lui-même avait passé des années à nier.

- Pourquoi ? Souffla-t-il atterré.

- Comment ?

- Pourquoi l'accepter ?

- Maître…

- Pourquoi te… te résigner ?! Insista-t-il sans respirer. Tu es belle, jeune, puissante et respectée ! Une déesse fière et redoutée dans le monde entier ! Tu n'as à pas subir une telle injustice !

Surprise devant la profonde incompréhension qui ridait son front, Hermione ne sut que répondre. Se résigner ?! Une injustice ?! Mais enfin… il ne s'agissait que du cycle de la vie. Et puis, ce n'était pas comme si elle avait le choix ! Peu importe qu'elle soit Sorcière ou Initiée du Seigneur des Ténèbres, elle restait avant tout une humaine ; et bien que cette idée lui déplaise, les humains mouraient…

- Ce n'est pas un exploit vous savez. Lui dit-elle alors. Tout le monde doit mourir un jour ou l'autre, alors… autant l'accepter.

- Je ne suis pas d'accord. Tonna-t-il gravement.

- Maître…

- Je suis sérieux Hermione !

- Bien sûr que vous l'êtes… Soupira-t-elle. Vous êtes immortel ! Ce débat ne vous concerne pas.

- Tu crois ça ?! Gronda-t-il.

Frissonnant devant le rouge sanglant de ses pupilles, Hermione s'entendit brusquement déglutir… Assis face à elle, elle le vit se redresser dans un rictus amer, les lèvres pincées et les mains parcourues d'étincelles. Comme si elle l'avait défié sur son terrain de prédilection, elle put presque entendre les hurlements de son indignation résonner en chœur avec la clameur de ses milles arguments… une image étrangement intimidante, qui la laissa frissonner dans un jappement. Par Merlin, qu'avait-elle dit ? Qu'avait-elle seulement espéré lui faire entendre ? Il était Voldemort ! L'homme qui avait dédié son existence à l'éradication de la mort ! Il ne pouvait pas la comprendre… Car il ne s'agissait pas de sa vie à lui ; mais de la sienne… Et contrairement à ce qu'il semblait croire, elle n'était pas immortelle.

- Maître…

- Tu te trompes ! Dit-il brusquement.

- Je…

- La mort me concerne ! En particulier la tienne…

Sonnée devant la brutalité de sa hargne, la jeune femme peina à lui faire face… nul doute qu'elle aurait dû s'attendre à une telle réaction de sa part.

- Je suis désolée… Souffla-t-elle. Je ne voulais pas me montrer ingrate, mais la mort fait partie de la vie. Toutes deux sont indissociables !

- Pour les faibles d'esprits et les lâches !

- Accepter l'inéluctable n'est pas lâche ! Se scandalisa-t-elle.

- Je connais la mort Hermione. Gronda-t-il vivement. Moi, mieux que personne ! Et tu peux me croire sur parole… il n'y a rien dans l'au-delà qui soit un tant soit peu enviable.

- Pas même la paix ?

- Quelle paix ?! S'étouffa-t-il. La mort n'est rien d'autre qu'un monstre d'égoïsme, d'indifférence et d'oubli ! Elle se repaît de tes cauchemars et se délecte de tes larmes, avant de t'envoyer hurler en enfer pendant que ton corps pourrit six pieds sous terre !

- Mais…

- Pourquoi crois-tu que j'aie passé ma vie à la combattre ?! A chercher l'immortalité et à accroître mon pouvoir ?!

A sa question, Hermione préféra se taire… pourtant, la réponse était on ne peut plus claire : par peur. Son ascension, ses quêtes, sa détermination et sa foi en l'avènement d'une vie immortelle… tout cela n'était que la preuve de sa plus grande faiblesse. La peur de l'oubli. La peur de l'absence. La peur de voir tout ce qu'il avait un jour accompli périr lentement entre les mains du temps… Mais à quoi tenter de le lui dire ? Il avait déjà vaincu sa plus grande Némésis.

- Aucune paix ne t'attend là-bas ! Aucun repos, aucun répit… rien ! Hurla-t-il ahurit.

- Je ne voulais pas vous offenser… soupira-t-elle devant ses cris.

- Et pourtant, tu te targues de l'avoir accepté ! Toi mon Initiée !

- Parce que je n'ai pas le choix ! S'agaça-t-elle brusquement. Vous l'avez dit vous-même, je ne suis qu'une… simple mortelle ! Où que j'aille et quoi que je fasse, la mort me guette ! Je veux dire… regardez-moi ! J'ai perdu une jambe !

- Et c'est une raison suffisante pour te résigner ?!

- Oui ! S'écria-t-elle.

Ebranlé devant la simplicité de sa réponse, Voldemort sentit son souffle se couper… Par Morgane, elle n'avait aucune honte à revendiquer sa résignation ; à le regarder dans le blanc des yeux et à relever le menton, fière et impertinente malgré cette absurdité sans nom. Un constat pour le moins effarant, qui le décontenança pendant de longues secondes…

- Comment peux-tu dire ça ? Souffla-t-il sans y croire.

- Parce que… craindre la mort ne m'empêchera pas de mourir. Dit-elle simplement. Alors pourquoi lutterais-je ? Pourquoi gâcherais-je les quelques d'années qu'il me reste à vivre, à redouter le moindre pas, la moindre décision ou le moindre risque ?!

- Mais enfin tu… tu es mon Initiée d'Honneur ! Répéta-t-il outré. L'Héritière même de mon règne et de mes Ténèbres ! Ta vie vaut infiniment plus que celles de milliers de Sorciers qui rampe sur cette maudite terre !

Mitigée malgré ses compliments, Hermione soupira entre ses dents. Elle comprenait ce qu'il voulait dire… et pourtant il manquait l'essentiel.

- Je n'en reste pas moins humaine. Je ne peux pas guérir sur commande, vivre sans eau, sans soins ou oxygène…

- Comment peux-tu l'accepter ?! Demanda-t-il brusquement. Comment peux-tu te contenter de cette misérable poignée d'année ?!

- Chaque jour vécu est un jour gagné.

- Gagné ?! Mais enfin, ne désires-tu pas vivre sans vieillir ? Sans craindre de mourir ? Sans redouter le jour où ton nom tombera dans l'oubli ?!

Intriguée devant le frémissement de ses poings serrés, Hermione soupira franchement malgré son sourire… il persistait à croire que cela avait la moindre importance à ses yeux ; et pourtant, rien de tout cela ne comptait.

- Je ne crains rien de tout cela.

- Mensonge… Gronda-t-il.

- Mais enfin, pourquoi ne voulez-vous pas y croire ?! S'agaça-t-elle.

- Parce que vivre sans s'inquiéter de mourir était inutile… vain et stérile ! Une assurance tacite de rejoindre les Cieux dans l'élan d'une dernière adrénaline, et de se complaire dans le mensonge hypocrite d'un ultime sourire !

Ainsi il redoutait l'impulsivité… la folie d'un calcul erroné… d'un geste mal pensé. Mais de telles craintes la mènerait à rester immobile ! A se terrer au fond de son lit et à ne jamais en sortir !

- Je sais que cela n'a aucun sens à vos yeux… l'interrompit-elle d'une voix plus douce. Mais je ne suis pas comme vous ; je n'ai jamais convoité l'idée d'être immortelle ou de vivre des centaines d'années ! Je ne suis qu'une simple sorcière, qui tente de survivre malgré la guerre. Je veux dire… je savais très bien quels risques je prenais en vous suivant jusqu'ici ; tout comme je sais que la moindre de mes décisions peux me coûter la vie… mais je refuse de me laisser guider par la peur de mourir. Je refuse de me cacher, de me cloîtrer derrière un mur et de prier pour survire ! Je… je veux vivre ! Vraiment vivre ; pleinement, furieusement, dangereusement et même douloureusement s'il le faut ! Craindre la mort ne serait… qu'un fardeau, un poids mort accroché à mes épaules. Je ne serais plus en vie mais… en sursis ! Condamnée à redouter un jugement qui quoi que je fasse, finira tôt ou tard par tomber ! Alors à quoi bon avoir peur ? A quoi bon craindre ce qui est déjà écrit ?

Débecté devant un tel discours, Voldemort ne sut pas ce qui l'horrifia le plus… qu'elle parvienne à vivre heureuse malgré le regard langoureux de la Faucheuse ? Ou qu'elle accepte la fugacité de sa vie aussi aisément que ses maigres chances de survie ? Pourtant et dans les deux cas, le Mage Noir peina à contenir l'indignation brûlante de sa rage… Par Salazar, comment pouvait-elle dire ça ?! Penser que la mort était une fatalité ? Que rien ne pouvait l'empêcher ? Que la moindre mauvaise chute pouvait la tuer ? Et que c'était le prix à payer pour vivre sans regret ?! Tout ceci frôlait la stupidité ! Pire encore, cela ouvrait la porte au plus abjecte mécanisme de pensées ! Croire que tout valait la peine d'être vécue au détriment de sa propre survie ?! Une bien belle morale en effet… mais synonyme de suicide ! De folie ! D'instabilité ! D'inconscience ! Et de légèreté ! Et pourtant, jamais ses yeux n'avaient autant brillé… vifs et déterminés, ils s'étaient parés de cet étrange éclat doré qu'il ne cessait de contempler entre deux coups d'œil volés. Un éclat aussi insolent que désarmant, dont les secrets et quelques tourments le laissèrent prostré dans un profond silence.

Seigneur… elle était sincère. Elle pensait ce qu'elle disait ; elle pensait qu'une vie de mortelle était plus qu'une poignée d'année arrachées avant le grand saut vers l'obscurité. Aussi, c'est plus troublé que jamais qu'il se mît à la détailler dans l'écho de son apnée. Confus dans ses propres pensées, ses pupilles se perdirent sur ses joues, ses lèvres et les lignes de son cou… Dénudées, il vit ses épaules se mouvoir lentement au rythme de ses inspirations, tandis que sa poitrine frémissait sous les gouttes de sueur qui tombaient depuis son front. Un instant simple, authentique et éphémère, qu'il aurait volontiers gravé dans la pierre… mais qui comme toute chose, ne tarderait pas à disparaître. Ne resterait alors plus rien du détail du grain de sa peau, du reflet scintillant de ses cheveux, du pli heureux de ses yeux ou de ses retroussements de lèvres curieux… Condamnées à l'oubli, ces quelques secondes d'éternité ne serait bientôt plus qu'un vague souvenir ; des brides de détails floutés, de sons étouffés et d'émotions brouillées… des vestiges délavés et vides de toute substance, qui jamais ne rendraient grâce à l'infini beauté qu'il admirait tant. Oui. Il le voyait désormais... Tout comme cet instant, la vie de son Initiée n'était pas faîte pour durer. Elle était humaine ; une simple mortelle aussi vulnérable que pleines de faiblesse, destinée un jour à rejoindre le ciel. Mais bien qu'elle soit prête à l'accepter, à se contenter de ses quelques années et à se résigner… lui, ne pouvait le tolérer.

Car elle se trompait. Elle n'était pas n'importe quelle mortelle… et elle n'était pas n'importe quelle sorcière.
Non… Elle était la sienne.

- J'entends ce que tu dis… souffla-t-il alors d'une voix changée. Mais je ne peux l'accepter.

- Comment ?!

- Je m'y refuse. Tonna-t-il plus fort.

Rien ne servait de le nier... la simple idée de la perdre lui donnait la nausée. Il l'avait compris quand il l'avait trouvé agonisant dans son propre sang, l'imminence de sa mort l'avait plongé dans une obscure démence. Comme si son esprit s'était fracturé, une étrange folie l'avait submergé, transcendant son cœur d'un émoi qu'il n'avait jusqu'alors jamais éprouvé. Un émoi dont les seules prémices le hantait encore chaque fois qu'il la voyait grimacer, et que sa propre âme peinait à supporter… Et encore, il était parvenu à la sauver ! De justesse certes ! Mais ce ne serait jamais assez… alors vivre sa mort pleinement ? Lentement et consciemment ? La voir dépérir au fil des années ? Rendre son dernier souffle et ne jamais se réveiller ? Endurer le supplice de la perte de sa Seule et Unique Initiée ? Par Salazar… il n'avait même pas la force de l'imaginer. Alors l'accepter ? Se résigner ? La regarder le quitter sans même sourciller ? Non. Il n'avait pas à l'endurer ! Il n'avait pas y s'en accommoder !

- Maître… soupira-t-elle attendrie. Vous n'avez pas en vous en faire.

- Tu crois ça ? Railla-t-il désabusé.

- Je suis têtue ! Et robuste… je n'ai pas l'intention de mourir demain.

Demain ?! Seigneur, que ferait-il s'il la perdait demain ? Si la chaleur venait à bout de ses forces ? Si elle trébuchait ? Se rompait le cou ? Et ne se relevait jamais ?! Elle l'avait dit elle-même, elle n'était qu'une simple humaine ! Ainsi le moindre faux pas pouvait lui être mortel… et l'œuvre de sa vie aurait été vaine.

- Non…

Il ne pouvait l'accepter. Il ne pouvait pas la voir mourir ! Ni aujourd'hui, ni demain, ni dans plusieurs décennies ! Plus qu'un souhait, il pouvait le sentir résonner jusque dans ses tripes ! C'était au-dessus de ses forces… au-dessus de sa volonté et de tout ce qu'il pouvait endurer.

- Je m'y refuse… répéta-t-il sans la regarder.

- Maître…

- Je ne peux concevoir que cela t'arrive… souffla-t-il subitement. Je ne peux t'imaginer vieillir, faiblir et mourir alors même que tu mérites de vivre !

Emue, Hermione se sentit brusquement frémir et ne sut quoi lui dire. Il semblait effrayé, pour ne pas dire véritablement horrifié à la seule idée qu'elle doive un jour le quitter. Une évidence attendrissante, qui ne réussit cependant qu'à la faire grimacer. Il voulait la voir vivre… la garder près de lui… et elle aussi. Mais une telle prière ne dépendait d'aucun d'eux ; ne substait que le jeu du Destin et la clémence arbitraire des Cieux.

- Maître, je ne vais pas mourir… le rassura-t-elle attendrie.

- Tu ne peux pas me le promettre. Gronda-t-il.

- Mais…

- Non Hermione ! Insista-t-il les poings serrés. Je… je ne peux pas m'en contenter. Ce ne sera jamais assez…

Jamais…

Oui. Plus il y pensait, plus ce mot le hantait.

Jamais il ne pourrait tolérer sa mort.
Jamais il ne pourrait endurer son absence.
Jamais il ne pourrait régner sans la savoir à ses côtés… sans la savoir dans la bibliothèque, corset serré et chignon épinglé, prête à exhumer les derniers secrets du monde à ses côtés !

Mais s'il voulait corrompre le sort, défier à nouveau la mort et honorer la promesse qu'il lui avait faite… il lui faudrait pour cela les faire sortir de cet enfer. Aussi, c'est tremblant d'une nouvelle adrénaline que Voldemort se redressa brusquement dans leur cabine. Grandit d'urgence et de colère, Hermione le regarda sans respirer, surprise devant un élan d'énergie aussi spontané. En transe, ses pupilles passèrent en revue les misérables restes de leur navire tandis que ses pensées s'agitèrent avidement dans son esprit. Il en avait assez de gésir sur le plancher délabré de ce taudis… assez d'attendre que le soleil les asphyxie et que le hasard mette un terme à leur supplice ! Il devait les faire sortir d'ici... Maintenant ! Aujourd'hui !

- Nous devons recommencer depuis le début ! S'exclama-t-il soudainement.

- Quoi ?! Quoi donc ? Demanda-t-elle sans comprendre.

- Nos recherches !

Décontenancée, la jeune femme se redressa à son tour… pourtant et bien qu'elle partage sa détermination, ils n'avaient pas plus d'indice qu'il y a quelques instants.

- Mais… comment ?!

- En commençant par les raisons de notre naufrage ! Dit-il. Peu importe que nous soyons dans un nouveau monde, en enfer ou en route vers une île pleine de pirates ! Nous ne savons même pas comment ni pourquoi nous sommes arrivés là !

- Je suis d'accord, mais nous avons déjà…

- Ce n'est pas assez ! Tonna-t-il enragé. Nous devons tout repenser, tout réétudier, tout envisager ! Il y a forcément eu un déclencheur à tout ça… un détail qui nous échappe !

- Un déclencheur ? Répéta-t-elle.

- C'est évident ! Nous étions à deux jours de l'Archipel des Açores ; or, la carte indique que le désert se trouve au large !

- Et donc ?

- Et donc quelque chose a provoqué notre dérive ! S'exclama-t-il. Quelque chose que n'avons pas encore compris !

Un déclencheur… oui c'était ça ! C'était forcément ça ! Mais quoi ? Bon Dieu quoi ?!

- Peut-être que quelque chose nous a attiré ici ? Réfléchit-elle.

- Comment ça ?!

- Eh bien… nous l'avez dit vous-même, nous étions à deux jours de l'Archipel des Açores. Cette route maritime est hautement fréquentée, que ce soit par le modus ou les sorciers ! Et pourtant, nous sommes les seuls à avoir dérivé !

- Nous le savons déjà ! Ragea-t-il. Et cela ne répond à aucune de nos questions…

- Mais ça nous donne une piste ! Insista-t-elle. Nous n'avons pas été choisi ou frappé à l'aveugle, nous… nous avons été ciblés !

- Mais pourquoi ?!

Mal à l'aise, la jeune femme hésita de longues secondes avant de lever les yeux au ciel. Elle savait qu'il ne voulait pas explorer cette piste… et pourtant, elle ne pouvait l'ôter de son esprit.

- Je l'ignore… mais je maintiens que cela a un rapport avec cette île maudite.

Affligé, le Mage Noir sentit sa mâchoire se contracter devant la ténacité de son Initiée… Bon Dieu, elle n'en démordrait donc jamais !

- Hermione… Gronda-t-il.

- Je sais que vous ne voulez pas l'envisager mais… réfléchissez y ! Nous prenons la mer pour la trouver et comme par hasard, une magie inconnue nous fait dériver dans un autre monde ?! Ça ne peut pas être une coïncidence !

- Il suffit ! Tonna-t-il. Où que ce soit cette île, l'heure n'est plus à notre quête…

- Mais…

- Je comprends ta frustration mais nous ne pouvons plus nous permettre de chasser des légendes ! Dit-il durement. La seule chose qui importe est que nous trouvions un moyen de quitter ce monde…

Bon sang, comment pouvait-il rester aveugle ?! Comment pouvait-il ignorer ce que les Dieux eux-mêmes leurs hurlaient depuis des heures ?! Leur quête était la réponse ! Cette île et ses légendes… tout cela donnait un sens à leur déchéance ! A leur naufrage ! A cette carte ! Et pourtant, il s'acharnait à ne pas le voir… pourquoi ?! Face à la noirceur de son regard, Hermione n'était pas certaine de vouloir le savoir ; mais elle ne pouvait se résoudre à baisser les bras.

- Cela ne peut être le fruit du hasard ! Insista-t-elle. Et puis, soyons réalistes… si d'autres navires disparaissaient régulièrement en mer, ce monde et sa magie auraient fatalement fini par être découvert !

- Et pourtant aucun livre n'a jamais recensé l'existence d'un tel univers… Souffla-t-il pour lui-même.

A cette pensée, Voldemort sentit son esprit s'agiter. C'était vrai… aucun livre, aucun auteur, scientifique ou sorcier n'avait jamais prouvé la théorie d'une pluri-réalité. Pour preuve, même lui avait toujours pensé qu'une telle chose relevait de l'imaginaire ! Et pourtant, cette carte existait… plus encore, elle peignait l'intégralité d'un nouveau monde sur un parchemin datant de plus mille ans ! Un détail qui soudainement, le saisit d'un frisson…

- Cette carte est la seule chose qui soit un tant soit peu reliée à ce monde… mais pourquoi ? Demanda-t-il soudainement.

- Comment ?!

- Cette carte ! Répéta-t-il. Les marins qui l'on dessiné n'ont pas seulement navigué sur ces mers, ils en sont revenus ! Alors pourquoi n'en ont-ils pas parlé ?! Pourquoi n'ont-ils pas cherché à faire connaître ce monde ? A relater leur voyage ? A transmettre leurs histoires ?!

- Peut-être l'ont-ils fait mais que personne ne les a cru ? Fit-elle.

- Non… ils auraient laissé davantage de traces ! Des récits, des légendes, des carnets de bords, des coordonnées et pas… cette unique carte !

Il leur manquait un élément… une pièce du puzzle… un dernier détail pouvant faire sens à toutes ces brides de réflexions et théories foisonnantes !

- Peut-être attendons-nous trop de cette carte ? Souffla-t-elle dans un soupir.

- Que veux-tu dire ?

- Eh bien nous espérons des réponses toutes faites, mais peut-être qu'il n'y a aucune ? Peut-être que nous devrions tenter notre chance et… explorer ce monde par nous-même ?!

Ahurit devant une telle idée, Voldemort manqua de s'étouffer. Explorer ce monde ?! Par Salazar, il voulait la garder en vie… pas la précipiter dans la tombe !

- Hermione…

- Je suis sérieuse !

- Et que ferons-nous ?! Demanda-t-il dépassé. Nous voguerons sur des mers inexplorées sous un soleil de plombs ? Parcourrons des kilomètres sans vent, eau, ni provision ? Laisserons notre chaloupe dériver au gré des marées, sans jamais savoir vers quels…

Pétrifié, le Mage Noir s'interrompit soudainement dans sa propre litanie. Par Morganes… que venait-il de dire ?

- Maître ?

Immobile face au regard surpris de son Initiée, Voldemort n'osa répondre dans sa stupéfaction. Livide malgré la sueur qui gouttait depuis son menton, il sentit son corps frémir sous la force de son apnée, comme transit d'une énergie qu'il n'avait jusqu'alors jamais soupçonné. Et pourtant, il n'avait pas rêvé ; ses mots hurlés sans y penser… son discours argumenté d'un ton enragé… ses paroles lancées avec désintérêts… aucun d'eux ne lui appartenait.

- Vous allez bien ?! S'inquiéta-t-elle subitement.

Bien ? Il ne savait pas… à tel point que c'est le regard hagard que le Mage s'entendit reculer de quelque pas. Désorienté, son esprit s'agitât sous le poids de milles nouvelles pensées, le laissant béat dans son mutisme effaré. Entremêlé les uns aux autres dans une cacophonie assourdissante, il peina à comprendre le sens de ses propres mots… à saisir l'essence même de leur existence et à passer outre sa profonde sidération. Mais il ne pouvait se tromper ! Ce qu'il pensait avoir dit, n'était pas de lui. Ce qu'il croyait penser ne venait même pas de son propre fait !

Non, il… il ne faisait que répéter des mots déjà prononcés.
Des paroles déjà scandées !
Des phrases déjà chantées…

- Nous parcourions des kilomètres à notre réveil… Souffla-t-il du bout des lèvres.

- Quoi ?!

Décontenancée devant ses murmures, Hermione le regarda haleter dans une grimace inquiète. Perdait-il la raison ? Souffrait-il d'un coup de Soleil ? Ou d'une insolation ? Elle le crut un instant. Et pourtant il n'en était rien… car il comprenait enfin la cause de leur incompréhensible déclin.

- Nous parcourions des kilomètres à notre réveil ! Répéta-t-il soudainement. Pour aller à la hâte, atteindre le Soleil levant !

- Maître…

- Et alors que la nuit se retire, les rayons du soleil saignent sur tout l'horizon !

- Mais enfin, qu'est-ce que…

- Ne comprends-tu donc pas ?! S'écria-t-il transcendé.

- Non, je…

- C'était ça ! Depuis le début, c'était ça !

- Quoi ça ?!

La réponse à leur question…

- A la dérive sur la mer, va n'importe où, où la marée m'emporte.

Hermione l'avait chanté juste avant leur naufrage…

- Doucement soulevé par les vagues.

Et se faisant, elle avait révélé le sens de son présage…

- Vers un endroit où personne n'est allé.

Interdite face à lui, la jeune femme mit de longues secondes avant de comprendre où il voulait en venir… léger et mélodieux, ses mots résonnèrent lentement dans son esprit, comme désireux de lui révéler ce qu'elle peinait encore à saisir. Et pourtant ce n'est qu'au souvenir de leur musique, que son cœur s'arrêta dans sa poitrine…

- C'est dans mon âme, impatiente et sauvage.

Le Voilier…
Depuis le début, il récitait les paroles de la chanson du Voilier !

- Toujours aussi curieuse qu'un enfant…

- J'ai besoin de voir tout ce qu'il y a là-bas, dans ce monde magique si rare… Reprit-elle à sa suite.

Ahurit, Hermione cessa de respirer. Grand Dieu, comment avait-elle pu l'oublier ?! Cette chanson, ses paroles, son sens… C'était elle ! C'était la pièce qui leur manquait ! Le déclencheur de tout ce qu'il avait enduré !

- Oh mon Voilier, emporte moi donc…

Oui… c'était ce qu'il avait fait.
Depuis ses paroles innocentes, le Voilier avait obéi à son incantation…
Et les avaient emportés malgré eux dans un autre monde…


Hello tout le monde ! :DDD

Voici le nouveau chapitre de cette semaine et avec lui, de nouvelles réponses ;) J'espère qu'il vous aura plu ! Comme vous l'avez vu, Voldemort cogite de plus en plus sur Hermione et sa condition de femme mortelle... faut dire qu'elle en a pas mal bavé depuis le début de leur voyage ^^' ! Mais où cela-t-il le mener ? Je vous laisse deviner ;)

En tout cas, merci infiniment pour tous vos messages ! Vous êtes incroyables ! 3

Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite (avec Luna et un vieille connaissance... XD )
A très vite !