Tenue. Rigueur. Discipline.
Ne pas flancher…
Tenue. Rigueur. Discipline.
Ne pas faillir…
Tenue. Rigueur. Discipline.
Ne rien montrer…
Tels étaient les mots que Lucius entendait résonner dans son esprit. Forts et exigent, ils battaient la mesure de son adrénaline, assourdissaient ses tympans et paralysaient son corps de la plus avilissant des tétanies… mais même si la seule idée de leur obéir lui donnait la nausée, que son honneur hurlait et que ses poings se serraient, ces mots étaient tout ce qui lui restait… car il savait. Sans eux, il aurait déjà cédé. Cédé à l'horreur. Céder à la rancœur. Céder à la rage qui étreignait son cœur. Oui… cela ne faisait aucun doute. Il aurait cédé à l'appel du sang ; et aux cris lancinant de sa vengeance.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Des cris qui n'avaient eu de cesse de le hanter depuis qu'il avait rassemblé ses rangs, qui le laissait tremblant entre deux grincements de dent et intoxiquaient la noblesse de son sang ! Mais qui en de tels instants… et devant l'imminence d'un dernier jugement … ne lui avait jamais paru plus grands.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Non… Il n'avait pas le droit de céder. De trembler ou de se laisser emporter par la rage qui l'asphyxiait !
Tenue. Rigueur. Discipline.
Il devait se calmer… respirer et se redresser malgré les milles affronts que ces démons s'acharnaient à proférer ! Faire preuve d'honneur et de dignité ! D'abnégation et de lucidité ! Car bien que son orgueil ne soit bafoué et que son égo ne s'étouffe devant ceux qui le défiait, la vie de son fils valait bien plus qu'une simple fierté... Aussi, c'est le souffle court que le Malfoy sentit sa gorge se serrer dans l'écho d'un silence forcé.
- C'est ridicule !
- Bella... Grinça-t-il entre ses lèvres.
- Nous devrions attaquer ! Maintenant ! S'écria-t-elle.
- Hors de question !
- Mais…
- Ferme la ! S'écria-t-il.
Sonnée, Bellatrix sursauta brusquement devant la violence de sa sommation et le regarda dans un frisson. Elle était habituée à ses humeurs, ordres, reproches et quelques écarts de conduites… mais jamais encore, il ne s'était permis de l'assommer de tel cris. A croire que l'on ne voyait le véritable visage d'un homme qu'au procès de son fils…
- Rejoint les hommes et tempère toi ! Siffla-t-il à demie-voix.
Vexée, la Mangemort laissa échapper un grondement, peu convaincue devant l'hypocrise de ses veines tentatives de négociation... mais qu'aurait-elle pu dire ? Drago n'était pas son enfant. C'est donc sans rien ajouter qu'elle se détourna les lèvres pincées et partit rejoindre leur armée entre deux plaintes étouffées. Un silence on ne peut plus bruyant, fasse auquel Lucius ne parvint qu'à profondément soupirer… Elle n'aimait pas attendre, il le savait… Mais comment aurait-il pu la blâmer ? Elle et la centaine d'autres mangemorts venue venger l'honneur de leur Chef d'Armée ? Cela faisait des heures qu'ils attendaient, acculés sur la Piazza Del Campo tel du bétail prêt à être marqué. Cela faisait des heures qu'ils frissonnaient, le corps transit par les ombres chancelantes de la semi-obscurité. Cela faisait des heures qu'ils trépignaient, poings serrés et baguettes armées… et tout cela dans l'espoir d'une seule finalité : attaquer. Restaurer l'ordre et le respect qui sied à leur qualité de sorcier. Eradiquer ceux qui les avaient défiés, et marquer l'histoire du vengeance mille fois méritée ! Un état de fait que nul n'aurait pu ignorer à la vue de cette armée de sorciers ,dont les bottes et l'impatience frappaient le pavé avec avidité… mais que Lucius se devait d'apaiser, à l'heure où le destin de son fils était en pourparlers.
Aussi, c'est sans trouver le courage de respirer que le Malfoy détailla les portes closes du Palazzo Pubblico qui les surplombait. Enfermés à l'intérieur depuis déjà plusieurs heures, le Roi Marcello Von Bassito et sa Cour s'y étaient retirés pour délibérer ; un choix de monument particulièrement impressionnant, il ne pouvait le nier… mais dont le faste, les ombres et l'implacable silence ne parvinrent qu'à le faire frissonner. Non pas que ce soit véritablement surprenant... Réquisitionnée à l'occasion de leurs négociations, c'est toute la ville de Sienne qui avait été évacuée dans un souci de sécurité – en cas bien entendu, que leur entrevue ne se transforme en bain de sang. Cependant et bien que cette mesure soit probablement la plus censée que cette horde de vampires ait pris depuis une centaine d'années, Lucius ne put s'empêcher de frémir sous l'épais silence de l'obscurité. Vides tout habitant et seulement éclairées de quelques torches vacillantes, les rues de cette ville autrefois pleines de vie serpentaient avec indifférence, dénuées du plus infime bruit de fond. Lointaine au-dessus d'eux, la Lune les contemplait depuis son ciel d'encre, insensible à leurs murmures et faibles balbutiements… tandis que face à eux, cachés derrière les murs d'un Palais presque trop récent pour eux, les Von Bassito débattaient orgueilleusement de la valeur de ses propositions… Une attente tout aussi longue que profondément humiliante, qui le laissait lui et ses hommes devant des gardes armés jusqu'aux dents. Mais quand bien même cet affront devait perdurer, ses jambes trembler et son nom être bafoué, Lucius n'était pas prêt d'abandonner… car peu lui importait de devoir attendre toute une nuit sur ces maudits pavés ! Peu lui importait de subir les moqueries impatientes de ses hommes ou le froid mordant de cette nuit d'octobre ! Il était venu cherché son fils… et ni l'attente, ni ces vampires ou leurs offenses ne l'empêcheraient de sauver son enfant.
C'est donc profondément déterminé que le Malfoy attendit. Combien de temps cela dura ? Il ne sut pas exactement ; du moins, jusqu'à les gardes du Palazzo n'abaissent subitement le regard… et que la clameur d'un tambour ne résonne lourdement dans la Plazzia. Fort et puissants, il électrisa leurs tympans de son étrange présage et les laissa frissonner de son écho macabre. Pourtant et alors que les sorciers guettaient déjà l'obscurité, ils ne mirent pas longtemps avant de voir les portes du Palais s'entrouvrirent dans un grincement… et que tonne avec lui l'heure du dernier jugement.
- Faîtes place ! S'écria un valet.
Ça y est… c'était le moment. Se redressant fièrement malgré le tremblement nerveux de ses jambes, Lucius sentit son souffle se couper à la vue de leurs escadrons armés et entendit ses hommes resserrer les rangs dans un réflexe inquiet… Et pour cause, ce n'était pas de simples soldats qui leur faisait face ; mais de véritables machines à carnage. Plus grands et musclés que tous les hommes qui lui avait été donné de rencontrer, ils sortirent de la pénombre dans l'éclat de leurs crocs acérés, le corps et la figure bariolés de peinture dorée. Seulement vêtus de peaux de bêtes et de colliers de dents, ils se dispersèrent sans sourciller, frappèrent le sol du bout de leurs lances et grondèrent dans le frémissement imperceptible de leurs pupilles de sang, avant de ne brusquement s'agenouiller à l'arrêt du gong. Un instant pour le moins… impressionnant, qui n'était en réalité que la mise en bouche de leur insupportable arrogance.
- La Cour du Roi !
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Pourtant et face aux yeux rouges... sourires satisfaits... et corps à moitié dénudés... Lucius peina à contenir un soupir affligé. Il avait rencontré bon nombre de créatures magiques au cours de sa vie ; des Elfes, des Vélanes, des Centaures, des Trolls, des Furies… des êtres tout aussi vils que dénués d'esprits, dont la seule existence ne lui inspirait que le plus profond des mépris. Mais jamais ô grand jamais, il n'avait davantage eu envie de vomir que devant celle de ces immondes vampires… Car bien entendu, se revêtir de titres princiers mensongers et laisser un parterre de cadavres éventrés n'était pas assez ! Non, il fallait que le monde entier sache qui ils étaient… qu'il tremble d'effroi devant leur cruauté et d'envie devant leurs richesses ! Qu'il s'incline, honore et glorifie la majesté de leur espèce, tout en convoitant la beauté de leur éternité enchanteresse ! Mais aucun de ses hommes n'aurait pu se laisser tromper devant la grossièreté de telles promesses ; car ils le savaient… tout ceci n'était qu'une odieuse mise en scène.
Pieds nus et seulement couverts de fines étoffes de soie, c'est plus d'une centaine de mâles et femelles qui leur firent face sur la Piazza. Ornés de colliers de crocs, de bracelets d'émeraudes et des Armoiries des Von Bassito, ils avancèrent têtes hautes avant de lentement prendre place autour du trône. Imperturbable malgré les prémices de l'aube, ils se murent avec grâce et volupté dans l'éclat insolent de leurs corps, dont les courbes envieuses, ongles et cheveux avaient été intégralement enduit d'or. Parsemés de légères dorures, seuls leurs visages semblaient distinguables sous de tels apparats ; un spectacle pour le moins original, qui loin de l'élégante noblesse des Volturi ou du protocole archaïque des Darvalle, laissa Lucius hausser un sourcil consterné. Seigneur… comment parvenaient-ils à se supporter ? Fiers de leurs traditions et pupilles de sang, ils se pavanaient dans l'éclat de leur magnificence, convaincus que la noblesse de leurs rangs les exemptait de la plus primaire des décences. Car ce n'était pas seulement une centaine d'homme et de femme qui leur faisait l'honneur de leur frémissement de dents… mais également une dizaine d'enfants. Un détail face auquel le Malfoy peina à rester de marbre, et que même ses hommes contemplèrent d'un air hagard. Oui… il était toujours surprenant de constater qu'il existait plus grande cruauté que celle de leur Maître en ce monde. Pourtant et malgré le dégoût qui défigura ses traits, Lucius ne put le nier… les Von Bassito savaient se faire respecter. Une ultime pensée qui ne tarda pas à le plonger en apnée.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
- Sorciers et Sorcières… Le Roi Marcello Alessandro Giovanni Francesco Santo Von Bassito !
Et c'est dans cette annonce hurlée à pleins poumons…
Dans cette impatience rythmée de frissons…
Et ce silence assourdissant…
Que le Roi sortit enfin de la pénombre.
Entouré de ses derniers conseillers et bras de droits, Marcello Von Bassito ne les gratifia ni d'un mot, ni d'un regard. Cela aurait été trop beau. Trop respectable… Non à la place, il se contenta de lentement descendre les marches de son Palais, le menton levé vers les Ciel et le torse gonflé devant les révérences de ses sujets. Insensible à l'armée de sorciers qui lui faisait face, à l'effervescence de leur hargne et la rage de leurs regards, il s'avança les bras ouverts et les yeux fermés, comme s'il eut été la réincarnation d'une Divinité oubliée. Une entrée et une arrogance devant laquelle Lucius se serait volontiers étouffé, mais que les circonstances le contraignirent à honorer d'une révérence forcée… Seulement vêtu d'une imposante cape de velours rouge, d'un pantalon de soie noire et d'une couronne de crocs et d'ivoire, il n'afficha ni or, ni bracelet, ni apparat de quelque sorte. Une simplicité qui loin d'être banal, révélait à elle seule la grandeur de sa majesté royale… et pour cause, un Roi n'avait nullement besoin d'un tel attirail. Honoré d'une beauté légendaire et d'une cruauté réputée sans pareille, c'est un homme figé dans la fleur de sa trentaine d'année que Lucius se mit silencieusement à détailler. D'origine Grecque, le Vampire arborait un visage allongé, une mâchoire saillante ainsi qu'un teint halé que même sa pâle immortalité n'avait su délaver. Sanglantes, ses pupilles allaient et venaient depuis son regard en amande, tandis que ses crocs luisaient fièrement de leur incomparable tranchant. Impérial sur son trône d'ossements, il se grandit devant l'assemblée qui le contemplait et laissa son imposante chevelure ondulée tomber négligemment sur son torse dénudé. Une allure à la hauteur de sa stature… une beauté tout aussi princière qu'immortelle… un regard tout aussi rouge que cruel… Oui, il ne faisait aucun doute que cet homme avait tous d'un être légendaire. D'un Roi et d'un Dieu vivant sur cette terre ! Mais même si les dos se courbaient, les têtes se baissaient et qu'une telle prestance imposait le respect, le Malfoy le savait… le véritable pouvoir ne reposait pas entre les mains d'une Dynastie nostalgique du temps des monarchies... mais entre celles de ceux qui avaient l'audace de le saisir. Aussi, c'est sans sourciller qu'il se redressa fièrement devant eux et s'avança d'un pas respectueux.
L'heure du verdict avait enfin sonné…
- Votre Majesté... Déclara-t-il.
- Signor Ministro…
Tressaillant à l'accent de sa voix sifflante, le Malfoy grinça des dents. A croire qu'il était condamné à ramper devant des hommes aux langues de serpents…
- Vous êtes-vous décidé ? Demanda-t-il.
Ne répondant pas à son impatience, Marcello le détailla un court instant avant de se murer dans un étrange silence. Figés, tous retinrent leurs souffles dans l'attente de sa sentence ; pourtant et contrairement aux apparences, aucune hésitation n'effleura son regard ardent.
- Oui.
Oh seigneur…
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
C'était le moment…
- Pourrais-je… pourrais-je en connaître l'issue ? Se risqua-t-il à demander.
Se redressant sur son trône, Marcello laissa échapper un rictus amusé. Il n'était pas étranger aux sorciers… à leurs pratiques, coutume et ô combien détestables façons de penser. Pourtant, il ne put le nier ; de tous les représentants, ambassadeurs, messagers et conseillers qu'il avait vus défiler au cours de ces deux dernières centaines d'années, les « Malfoy » étaient de loin les plus divertissants avec qui il ait jamais négocié. Non pas que cela ait bénéficié à son fils par le passé… mais qui sait ? Peut-être que son vieux père saurait faire un meilleur usage du temps qui lui était donné ?
- Avant tout chose caro minsitro, je tiens à ce que vous sachiez que nous avons été sensible à la générosité de vos propositions… de même qu'aux symboles de votre estimée considération. Dit-il gracieusement.
A ce dernier mot, le Malfoy peina à réfréner un grondement.
- Vous avez fait preuve d'honnêteté, de transparence et de respect à notre égard ; et ce en dépit des déplorables circonstances qui vous ont amené ici…
Si seulement il savait de quel sort il rêvait de le frapper à cet instant…
- Et pour cela, ma Cour et moi-même vous en remercions.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Ça pouvait marcher…
- En ce qui concerne la vie de votre figlio… (fils) Reprit-il d'un ton plus grave. Le dénommée Drago Lucius Malfoy, Grand Général des Armées de Lord Voldemort, votre dévotion à son égard est plus qu'honorable.
Ça pouvait marcher !
- Néanmoins, c'est avec regret que mes Conseillers et moi-même estimons votre offre… insuffisante. Grimaça-t-il dans un sourire.
Sonné, Lucius manqua de se fendre une dent sous la teneur d'une telle réponse. Qu'avait-il dit ?!
- In… insuffisante ? Répéta-t-il sans comprendre.
- C'est exact.
« Insuffisante… ». Son offre était… insuffisante. Insuffisante ? Non… il avait dû mal entendre ! In… insuffisante ?! Mais… mais comment ?! Comment son offre pouvait-elle être insuffisante ?! Il offrait des terres ! Des titres et des obligations ! De l'or, du sang et plus de milles offrandes ?! Alors… les décréter d'insuffisantes ?! Non… non cela ne se pouvait pas ! Il ne pouvait pas ! Ce… ce simulacre de Roi, ce pourceau de bas étage, cet… immonde rat n'avait pas le droit ! Ce n'était pas possible ! Pas même envisageable ! Et pourtant, c'est dans l'éclat d'un sourire amusé et d'une œillade effrontée, que Marcello Von Bassito l'assomma d'une moquerie à peine cachée. Une offense tout aussi dangereuse que parfaitement préméditée, qui ne tarda pas à transcender son armée dont les baguettes commencèrent à trembler.
- Je… je ne comprend pas. Souffla-t-il sans respirer. Il me semblait que… que nos propositions s'alignaient avec… avec vos exigences.
- Elles sont acceptables, je le reconnais. Concéda-t-il d'un ton léger. Néanmoins, il nous est apparu que nos intérêts avaient trop longtemps été négligés par votre communauté, pour que nous nous contentions de simples présents de paix…
De simples présent ?! Mais… il leur avait tout donné ! Tout offert ! Tout proposé !
- Bien sûr, nous entendons vos arguments et comprenons les enjeux des courantes négociations... Continua-t-il. Mais à moins que vous n'ayez d'avantage à offrir, je ne crains que ma Cour et moi-même ne soyons en mesure de vous rendre votre fils.
Abasourdi, le Malfoy manqua de chanceler devant l'avidité de son sourire. Non… non, il ne pouvait pas. Il… il n'avait pas le droit ! Et pourtant, il aurait dû s'en douter… Il aurait dû savoir que rien ne suffirait jamais à satisfaire l'appétit d'une charogne affamée ! Plus qu'une prémonition, c'était assuré ! Acté ! Revendiqué ! Car aucune des légendes ne mentait. Les Von Bassito ne reculaient jamais… Une évidence qu'il avait délibérément ignoré au profit d'un espoir désespéré, mais qui ne pouvait que le frapper à l'heure où ses propres certitudes s'effritaient. Et pourtant, la seule idée d'abandonner… de se résigner… et de laisser son fils à la merci de ses monstres enragés, ne parvînt qu'à lui donner la nausée. Non… il ne pouvait pas abandonner. Les jeux n'étaient pas encore faits !
- Et quelles… quelles exigences pourriez-vous davantage réclamer ? Déglutit-t-il les dents serrées.
Ravi, le Roi Vampire esquissa un sourie. De nouvelles exigences ? Oh, il en avait… Mais il était-il prêt à les accepter ? Là était la seule question qui se posait ; et la seule qui l'intéressait… Quand il avait appris que Lucius Malfoy, le Ministre de la Magie de Voldemort en personne, s'apprêtait à venir négocier la vie de son misérable fils, une profonde curiosité l'avait saisi. Bien entendu, il n'était pas étranger à la réputation d'une telle famille… pas plus qu'à l'étroitesse de leurs esprits, qu'à leurs discours hypocrites, fausse modestie et récurrente félonie. Mais de là à ce que deux d'entre eux lui rende visite ? Non pas dans la même décennie, mais même semaine ?! Voilà qui était une surprise ! Et également profondément stupide… Car il y avait une chose qu'il avait appris au cours de sa longue vie ; une chose toute aussi vrai qu'incroyablement utile.
Les humains étaient prévisibles…
En particulier un père prêt à tout pour sauver son fils…
Aussi, c'est dans l'élan d'une nouvelle curiosité que Marcello le détailla un court instant, avant de s'avancer sur son trône dans un claquement de dents. Essoufflé, en sueur et de toute évidence mortifié par l'affront de son orgueil, il entendit son sang résonner avec force depuis les battements frénétiques de son cœur. Avait-il peur ? C'était évident ! Mais autre chose vibrait depuis le crissement imperceptible de ses gants ; quelque chose qu'il aurait reconnu entre mille et dont la fougue et l'adrénaline, lui arrachèrent un fin sourire...
- Est-il vraiment nécessaire d'en faire la liste cher Ministre ? Demanda-t-il. Je ne voudrais pas perdre davantage de temps en négociations inutiles…
- Elles ne le seront pas. Claqua-t-il.
- Vraiment ?
- Oui.
Amusé devant l'agressivité outrageante de sa réponse, le Vampire sourit franchement. Par tous les Sang, ce que les sorciers pouvaient être amusants ! A croire qu'ils ne retiendraient jamais leurs leçons… et pourtant, ce n'était pas faute de la leur faire apprendre !
- J'apprécie votre dévouement… Sourit-il. Mais je doute sincèrement que vous soyez prêts à payer le prix de la délivrance de votre fils.
- Vous ne savez rien de ce que je suis prêts à payer pour lui !
Etonné devant la hargne d'une telle réplique, Marcello Von Bassito ne put s'empêcher d'hausser un sourcil surpris. Fier, orgueilleux et de toute évidence peu informé des dangers de ses grimaces ô combien irrespectueuses, il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir la rage grandissante dans l'éclat acerbe de ses yeux. Pour autant et contrairement à ses gardes armés, le Roi ne parvînt pas à s'offenser devant la marque d'un tel irrespect. Comment l'aurait-il pu d'ailleurs ?! Ce misérable mortel était si drôle à tourmenter… et si facile à manipuler.
- Entendu… Souffla-t-il ravi. Si telle est votre intention caro ministro, ma Cour et moi-même acceptons de poursuivre les négociations.
Frémissant violemment, Lucius sentit son souffle se couper dans un jappement. Par Merlin ! Il avait encore une chance… il avait encore une chance !
- Bien ! Que… qu'exigez-vous ? Demanda-t-il alors.
En apnée devant son frémissement de lèvre mal caché, le Malfoy le vit regarder sa Cour d'un œil amusé. Oh bien sûr, il n'était pas assez sot pour ignorer qu'il se ridiculisait… mais il devait essayer. Quitte à y perdre son titre, sa tête ou ses privilèges, il était prêt à tout tenter ! Tout risquer ! Car rien au monde n'aurait pu le convaincre d'abandonner son fils entre ces crocs acérés… Une évidence que Marcello ne put s'empêcher de constater dans un frémissement endiablé, et dont le désespoir le fit presque saliver. Enfin, les choses sérieuses commençaient…
- Notre peuple a longtemps souffert des mains de votre espèce Signor Malfoy… Déclara-t-il alors avec force. Plus qu'un simple reproche, ceci est un fait historique.
Hoquetant soudainement à la dureté d'une telle amorce, Lucius se mordit la langue.
- Pendant des milliers d'années, nous avons vu nos terres, nos richesses et notre patrimoine être dilapidés. Tonna-t-il. Pendant des milliers d'années, nous avons été contraints de nous exiler, de nous cacher et de fuir, tels des rebus de la société ! Et pendant des milliers d'années, nous avons été traqués… torturés et condamnés aux bûchers par vos Mages et Rois Sorciers.
Oh non…
- Alors même que nous régnions en Maîtres absolus pendant des siècles… que nous cultivions nos terres, prenions soins de nos sujets, vivions paisiblement et honorions les traditions de nos ancêtres, vous… les sorciers, nous avez réduit à devoir mendier…
- Votre majesté…
- A devoir implorer ! S'écria-t-il enragé.
Transit d'effroi, Lucius se sentit sursauter sous le feu de son regard.
- Vous rendez-vous compte Signor Malfoy ?! Demanda-t-il en transe. Implorer le droit de vivre… Implorer le droit d'exister !
- Je… j'ai bien conscience que… que l'histoire de mon peuple…
- L'histoire de votre peuple n'est rien de plus que les souvenirs du mien ! Cingla-t-il. Car je peux vous l'assurer cher Ministre… s'il est une chose que l'éternité nous a appris, c'est que rien ne s'oublie.
Affligé devant les menaces implicites d'un discours aussi insultant, le Malfoy sentit ses poings se serrer malgré son la résignation de son silence. « Rien ne s'oublie ». Seigneur… existait-il discours plus hypocrite ? Plus vile ? Plus opportuniste ?! Il en doutait. Car eux non plus n'avait rien oublié ! En particulier le versant de l'histoire qu'il se gardait bien de raconter…
- Il est impardonnable que nous ayons subi de telles atrocités… Continua-t-il. Et il est impardonnable, qu'aujourd'hui encore, nous soyons réduits à devoir nous cacher de peur de subir le courroux de votre cruauté !
De leur cruauté ?! Mais… c'était le Diable qui se foutait des damnés ! Que faisait-il des milliers de massacres que son clan avait perpétré au nom de leurs sacrosaintes traditions ? Des milliers d'innocents, de femmes et d'enfant qu'ils avaient vidés de leurs sangs ? Des siècles de malheur, d'enfer et de déchéance qu'ils avaient répandus sur le monde ? Des villes qu'ils avaient incendiées, des pays qu'ils avaient assiégés et des civilisations qu'ils avaient exterminées ?! Des génocides qu'ils avaient orchestrés, des sévices dont ils s'étaient repus et des guerres qu'ils avaient causées ?! Eux aussi faisait partie de leur Histoire ! Plus encore, ils étaient la raison d'être du déclin de leur pouvoir ! Il ne pouvait pas simplement les ignorer ! Les oublier tels de misérables détails perdus dans les récits de l'humanité et se revendiquer victime d'un sort injustifié ! C'était une honte ! Un affront et une insulte ! Mais à quoi bon le lui rappeler ? Un Roi n'avait pour vérité que celle qu'il s'évertuait à proclamer…
- Il est temps que nous sortions enfin de l'ombre… Il est temps que nous retrouvions la liberté, l'honneur et la décence qui sied à notre rang !
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
- En ce sens, ma Cour et moi-même sommes prêts à vous laisser une ultime chance. Mais que cela soit clair… elle est et restera à jamais, la dernière.
Abasourdit, Lucius ne sut comment réagir. Il était venu négocier la libération de son fils… pas signer un traité de paix avec les Vampires ou mettre un terme à une guerre inter-espèce plus vieille que lui !
- Pardonnez-moi, mais… je crains de ne pas comprendre. Souffla-t-il inquiet.
- Tout cela est pourtant très simple Signor…
Mal à l'aise devant l'éclat malsain de son sourire, le Malfoy se sentit violemment frémir. Une telle joie ne pouvait que présager que le pire…
- Moi, Marcello Alessandro Giovanni Francesco Santo Von Bassito, Roi de la Dynastie Vampirique des Von Bassito, Seigneur de Toscane et Héritier légitime du Trône d'Italie… consent à vous rendre votre fils…
Oh Seigneur…
Oh Seigneur…
Oh Seigneur…
- A la condition expresse que vous autres Sorciers, reconnaissiez la souveraineté de notre espèce.
Pétrifiée, un silence de mort parcouru l'assemblée aux mots du Roi. Des mots que Lucius et ses hommes ne comprirent pas… avant qu'ils ne les frappent du plus fatal des effrois. La… la souveraineté de leur espèce ? Il… il lui demandait de reconnaitre la souveraineté de leur espèce ?! Mais… mais si une telle chose arrivait… s'il accédait à une telle requête… alors…
- Qu… qu'avez-vous dit ? Souffla-t-il livide.
- Il est inadmissible que nous subissions le courroux de votre tyrannie ! Argua-t-il. Ainsi cher Ministre de la Magie, si vous souhaitez un jour revoir votre fils… vous devrez cesser vos hostilités, démanteler vos Ministères, ôter notre espèce de votre infâme bestiaire, nous remettre l'intégralité de nos terres et par-dessus tout… reconnaître la légitimité, la suprématie et la souveraineté de notre règne.
Interdit, Lucius resta figé devant le trône de Marcello, le souffle coupé pour la simple signification de ces mots. Par tous les Dieux… Démanteler les ministères ? Les ôter du bestiaire ? Leur rendre leurs terres et… reconnaître la suprématie de leur règne ? Non… ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas lui demander une telle chose ! Une telle… folie ! Plus que de l'ambition ou de l'extorsion, c'était une véritable hérésie ! Le souhait d'un esprit rongé par l'âge et la maladie ! Une infâmie sans nom qu'aucun sorcier ne pouvait entendre sans sourire ! Un mirage sans la moindre crédibilité, une requête vouée à échouer, un rêve que même les Dieux ne pouvaient exhausser ! Et pourtant, tel était le prix qu'il devait payer pour que son fils soit épargné… Sonné, il ne parvînt plus à respirer, le corps et l'esprit paralysés par l'ultimatum qui lui était imposé. Car il n'était pas uniquement question d'une simple reconnaissance de souveraineté… Tout au contraire ! Ce serait la fin d'une ère, de leur guerre, du contrôle de la régulation et de l'ordre des espèces, des Traités d'Alliance et de Paix… mais également la fin du règne de son Maître. Privé des trois quarts de ses Ministères, contraint de reconnaître la suprématie de leur espèce, acculé sans appuie ni ressource en Angleterre, il n'aurait plus d'Empire sur lequel régner ! Plus de sujets à gouverner ! Et plus de Monde Magique à sauver… Car il ne fallait pas rêver. Un tel accord n'ouvrirait les portes d'aucune Paix ! D'aucune clémence ! D'aucun respect ! Non… ce serait l'anarchie. Pire encore ! Ce serait l'avènement de la barbarie, un déferlement de crimes et d'ignominies menant inexorablement à l'extinction de toute vie ! Et pour cause, ils ne seraient pas qu'à la seule merci des Von Bassito… mais à celles de toutes les Dynasties. Des Darvalle et des Volturi ! Des nomades et des ermites ! De tous les vampires rampant dans les ombres de la nuit, désireux d'étancher leurs soifs de sang et de cris ! Ainsi, ils n'auraient plus la moindre chance… ni contre les Centaures, contre les furies ou la Résistance ! Envahis en moins d'une seule nuit, leurs terres seraient assiégées. Assassinés par milliers, leurs femmes seraient asservies et leurs enfants transformés ! Chassés pour leur seule nature de sorciers, ils seraient réduits à l'état de proie seulement bonnes à subir leurs rites et infâmes cruautés !
Et dans cet Enfer sans nom…
Dans ce cauchemar digne des fantasmes de Satan…
Et ce carnage couleur de sang…
Résonnerait le rire de la honte... Celui du Roi Marcello Von Bassito, le bourreau de leur Monde.
Ebranlé à cette seule pensée, Lucius chancela sous les yeux de l'assemblée. Sûrement attendait-elle qu'il parle ? Hurle ? Ou s'esclaffe ? Pourtant, seul son silence résonna au cœur de la Piazza. Un silence ahurit, consterné et profondément horrifié, très vite supplanté par le grondement sourd de ses mangemorts enragés. Transcendés, ils s'embrasèrent dans l'élan d'un murmure indigné, laissant alors résonner les étincelles de leurs baguettes prêtes à faire payer l'affront d'une requête aussi déplacée. Une clameur toute aussi vivante qu'incontestablement grandissante, dont le gong lancinant se mit à galvaniser la haine qui intoxiquait son sang. Grand Dieu… Il avait espéré pouvoir trouver une solution ; naïvement, il avait cru en ses chances de récupérer son fils sans esclandre ! De parlementer, de marchander une rançon et de convenir à un arrangement qui leur épargnerait à tous la sombre tentation d'un incontournable bain de sang ! Mais face à eux… à leur trône d'ossement, couronne de dent et coutumes moyenâgeuses… à leur ton orgueilleux, rictus heureux et levé de poignet dédaigneux… jamais un mensonge de paix ne lui avait semblé aussi coûteux. Installés au beau milieu cette immense place tel des monarques descendus rendre visite à la populace, il faisait face à leur estrade comme s'il eut été sur le point d'être condamné par leur tribunal. Quelle odieuse mascarade… Lui le Ministre de la Magie, contraint de marchander la vie de son fils unique contre la survie de son Empire ! D'essuyer leurs sourires et hypocrisie ! Leur cupidité et ignominie ! Existait-il plus infâme ? Plus honteux ? Plus détestable ?! Non… il ne croyait pas. Aussi, c'est transit d'une rage qu'il ne put nommer que Lucius sentit sa baguette s'animer au creux de son poing armé.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Tenue. Rigueur. Discipline.
Il devait se calmer… se tempérer et se contrôler ! Mais comment aurait-il pu ? Plus que la haine, c'est un véritable poison qui se répandait dans ses veines, le laissant trembler dans la chaleur cuisante d'une nouvelle fièvre. Et dire que son pauvre fils était là quelque part, la main tranchée et l'honneur bafoué… que la chaire de sa chaire attendait des chaînes aux pieds, dans l'espoir d'être sauvé… que son enfant avait été torturé, entravé et profané par ces monstres aux lèvres retroussées et figures bariolées ! Par tous les Dieux, que n'aurait pas donner pour les éventrer ? Là ? Dans l'instant ? Pour leur arracher chacune de leurs dents et les traîner sous les rayons du soleil levant ? Il ne savait pas… mais bien qu'une telle idée le fasse saliver, que sa baguette lui hurle d'y céder et que chacun de ses hommes vibre de cette clameur enragée, c'est dans un pincement de lèvres étouffé que Lucius dû se contenter de grimacer. Il devait résister. Il devait résister !
- Votre Majesté… Siffla-t-il les dents serrés. Avec tout le respect que je vous dois, je… je crains qu'il ne me soit impossible d'accéder à votre requête.
Intrigué devant ses tremblements de poings incontrôlés, Marcello se grandit dans l'écho d'un claquement de dents contrarié. Bien entendu, il n'était que peu surpris par sa réponse… mais profondément curieux d'en connaître le dénouement.
- Perché no ? Cingla-t-il. (Pourquoi?)
- En dépit de ma qualité de Ministre de la Magie et de mes nombreuses prérogatives, je ne suis pas en droit de reconnaître la souveraineté d'un peuple de créatures Magiques. Seul mon Maître, le Seigneur des Ténèbres en personne serait en mesure de vous octroyer un tel accord…
Manquant de s'étouffer d'hilarité, le Roi le jaugea d'un œil consterné. Ainsi, c'était cela sa justification ? L'absence du chien de berger censé guider les moutons ? Par tous les Sang… quelle honte.
- Mais… votre Maître est absent si je ne me trompe ?!
- Pour un voyage de la plus haute importance, en effet... Déglutit-il.
- Et que proposez-vous ?
- Eh bien… je ne peux que vous recommander de lui demander audience à son retour afin qu'il puisse lui-même étudier votre proposition. En attendant, je suis persuadé que nous pouvons trouver un accord et agréer à de nouvelles conditions, qui …
- Il n'y a qu'une seule condition !
Sursautant violemment à la soudaineté de son cri, Lucius entendit ses hommes lever leurs baguettes tandis que les soldats du Roi s'armèrent dans un réflexe. Un bref instant annonciateur de chaos et de défaite…
- Vous ne semblez pas comprendre la gravité de la situation cher Ministre…
- Mais…
- Votre fils nous a offensé ! S'écria-t-il enragé. Sans vergogne, votre misérable progéniture nous a honteusement manqué de respect ! Alors à moins que vous ne vous décidiez à accepter notre condition, un châtiment digne de ce nom lui sera infligé en paiement de son affront !
- Qu'elle qu'ait été sa faute, je suis certain que nous pouvons trouver un compromis !
- Je vous ai offert ce compromis !
- Un compromis ?! S'étouffa-t-il ahurit. Votre condition n'est qu'une odieuse insulte à…
- Silenzio ! S'écria-t-il soudainement.
Frappé de plein fouet par l'ordre d'une telle sommation, Lucius se tu violemment. Pourtant, cela ne fut pas de choc ou de résignation… mais de pure consternation. « Silenzio »... Alors qu'il cherchait à sauver son fils de leur ignominie… qu'il contenait la rage de ses hommes qui ne demandait qu'à rugir… et qu'il s'évertuait à trouver un accord capable de les ravir… ce monstre, ce démon – que dire ! – ce faux roi et infâme scélérat, osait le réduire au silence ?! Non… ce n'était pas possible. Et pourtant, c'est galvanisé par la soudaine colère de leur seigneur, qu'il vit les vampires frémir. Aux aguets, les soldats se redressèrent, des canines tremblèrent et plusieurs centaines yeux le détaillèrent… une réaction aussi rapide qu'unanime, qui se renforça si tôt que Marcello quitta son trône d'un jeu de jambes agile. Seigneur… allait-il l'affronter ? Le tuer ? Lui déclarer la guerre et transformer la Piazza en cimetière ? Il le crut… du moins, jusqu'à ce qu'il ne l'entende soudainement soupirer. Se mouvant élégamment dans le froissement délicat de sa cape, il le vit faire quelque pas, temporiser sa rage et grimacer sans un regard… avant de ne lentement descendre les marches de son impériale estrade. Une approche toute aussi calme que profondément étonnante, qui laissa Lucius et ses hommes se figer dans leur silence..
- Caro Ministro… Souffla-t-il plus adoucit. Je comprends que vous souhaitiez sauver votre fils ; je vous assure… Je suis moi-même père de nombreux bambini et je conçois aisément la peine et le désarroi qui vous afflige !
Ahurit, Lucius n'osa réagir devant lui. Il comprenait ?! Ce malade mental avait envoyé la main de son fils à sa femme, et il comprenait ?! A croire que même la plus pesante des hypocrisies était incapable de les étouffer !
- Cependant, il est une chose que mon peuple et moi-même avons appris au cours de ces dernières centaines d'années ; une chose qu'aucun lien de sang ou de cœur n'est en droit de surpasser…
- Et… qu'est-elle ? Demanda-t-il les poings serrés.
Pétrifié, Lucius n'osa respirer en le voyant s'approcher. Ou était-ce à cause de son sourire ? Qu'importe… les deux lui donnèrent une irrépressible envie de vomir.
- Un crimine non si paga in promessas… si paga in lacrime.
Ainsi il n'y aurait pas d'accord…
- Un crime ne se paie pas en promesse ; il se paie en larmes. Traduit le sorcier du bout des lèvres.
Ainsi il n'y aurait pas de miséricorde…
- Sì…
Ainsi il n'y aurait que la mort…
Figés l'un en face de l'autre, un étrange silence suivit leur échange. Sûrement parce qu'il n'y avait rien de plus à dire ? Que toute réponse était inutile ? Et que rien ne pourrait davantage affliger ce misérable petit ministre ? Marcello le crut… Pourtant et bien qu'il soit incapable de lui répondre, Lucius ne parvînt plus à taire son grondement. Horrifié, outré et mortifié, il ne trouva pas la force de le regarder, conscient que ses derniers remparts de volonté s'effondreraient dès l'instant où ses yeux se porteraient sur le visage de cette bête enragée. Mais à quoi tenter de résister ? De se montrer civilisé, raisonnable et éduqué ? Ces sauvages ne méritaient rien de lui ! Rien de ses hommes ! Et rien de son fils… Aussi, c'est dans l'élan d'une nouvelle adrénaline que le Malfoy se grandit.
Il en avait fini des négociations.
Fini de ce cirque !
Fini des humiliations !
Et fini d'attendre…
- Ma famille a déjà payé... Siffla-t-il alors les dents serrées.
- Minitro… Sourit-il amusé.
- C'est à moi de parler !
Tétanisés devant l'affront d'un tel ton, on entendit chacun des vampires se figer dans un frisson. Une réaction face à laquelle Bellatrix et les mangemort sourirent fièrement dans leur soif de confrontation, mais que ni Lucius ni Marcello ne purent entendre… Vissée l'une sur l'autre, leurs haines s'affrontèrent dans l'éclat de leurs regards acerbes, mélange d'impatience et rage incendiaire ; des regards désormais synonymes de guerre, que plus aucun compromis n'aurait pu faire taire.
- Mon fils a payé. Ma femme a payé. J'ai payé !
- Et il en sera ainsi jusqu'à ce que notre honneur soit vengé… Siffla-t-il
- Envoyer la main d'un enfant à sa mère n'a rien d'une preuve d'honneur ! Cracha-t-il.
- Prenez garde Ministre… contrairement à moi, ma patience n'est pas immortelle.
En transe, Lucius ne parvînt plus à cacher son dégoût ; et quand bien, il ne l'aurait pas voulu. Car le temps de nouvelles négociations était venu…
- Pas plus que la mienne.
Frappé par l'inconscience d'une telle assurance, Marcello faillit s'étouffer dans son propre grondement. Il avait rencontré beaucoup d'ennemis au cours de ces dernières centaines d'années… des vampires, loups et sorciers qui tout aussi déterminés qu'affligeants de stupidité, n'avaient pas hésité à le menacer, à tenter de l'intimider et de lui imposer leurs volontés. Certains – il ne pouvait le nier – étaient parvenus à le faire trembler, à le désarmer et à même le plonger dans une profonde perplexité… Mais lui ? Ce misérable sorcier ? A la tête de cette grotesque armée de criminels dépravés ? Par tous les sangs… qu'il pense avoir la moindre chance était presque insultant.
- Oseriez-vous me menacer Lucius ? Demanda-t-il dans un murmure.
- Vous m'avez pris mon fils… je préfèrerais vous tuer.
Assommé par la brutalité d'une telle sincérité, un silence mortifié parcouru l'assemblée. Lourd et pesant, il s'imprégna de l'écho latent de milles rages grandissantes, intoxiqua la nuit d'un souffle infâmant, fit frémir chacune des pupilles couleur de sang et transit la Piazza d'une fièvre étouffante. Pourtant et malgré l'offense, le Vampire ne parvint qu'à exulter dans l'écho d'un rire cinglant. Non… il n'avait pas osé...
- Vous croyez vraiment qu'un misérable sorcier est en mesure de rivaliser contre moi ? Contre un Roi ?! S'exclama-t-il hilare.
Immobile malgré l'insulte d'un tel rire, Lucius frissonna en voyant sa Cour sourire. Oui… ils se croyaient invincibles. Tous autant qu'ils étaient, ils se croyaient invulnérables et insubmersibles ! Fiers des mensonges de leur fausse suprématie, ils se repaissaient des prérogatives de leur monarchie, la bouche en cœur et l'œil irascible ! Insensibles aux cris de leurs victimes, ils se gaussaient dans la clameur malsaine de leur hypocrisie, heureux de voir le monde s'aplatir ! Surement se pensaient-ils intouchables, cachés dans les ombres des nuits de Toscanes ? Mais ils ne l'étaient pas… et bien que l'aube ne soit pas encore là, il était temps de le leur faire savoir.
- Et vous ? Demanda-t-il alors. Vous croyez vraiment qu'un infâme vampire est en mesure de rivaliser contre un Malfoy ? Contre un père déterminé à reprendre son fils ?!
Surpris de l'entendre à nouveau renchérir, Marcello le jaugea d'un air ahurit. Bon sang, cet homme appelait au suicide !
- Voyons Lucius… Gloussa-t-il. Ne vous bercez pas d'illusions ; quoi que vous espériez vous n'aurez jamais la moindre chance.
Peut-être… Mais à quoi bon se le demander quand la mort s'impatientait ?
- Je ne le redirais qu'une seule fois… Gronda-t-il.
Oui… il était prêt.
- Rendez-moi mon fils !
Les baguettes de ses hommes étaient armées.
- Ou quoi ? Siffla-t-il.
Leurs magies étaient prêtes à les frapper.
- Ou j'irais moi-même le chercher.
Leurs destins étaient déjà scellés…
- Vous croyez-ça ? Demanda-t-il.
- A buon intenditor, poche parole… (A bon entendeur, salut)
Presque impressionné devant l'absurdité d'une telle témérité, Marcello ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amusé. Il voulait un carnage ? Bien… si tel était son désir, il se ferait un plaisir d'envoyer un nouveau colis à sa femme.
- Dans ce cas… impressionnez-moi.
Enragé, Lucius l'asséna d'un profond silence, avant de lentement se reculer dans l'éclat d'un rictus écœuré. Oui… il n'est plus question de tenue, de rigueur ou de discipline. Il n'était plus de question de négociations, d'accords ou de compromis! Ne subsistait que la promesse qu'il avait fait à son fils… et le glorieux macabre du sourire de Bellatrix.
- Vous avez fait un choix… Cracha-t-il.
Réagissant avant même qu'il n'en donne l'ordre, les Mangemorts levèrent leurs baguettes avec empressement, resserrèrent les rangs et frappèrent le sol de leur soif de vengeance.
- Que Dieu vous garde cher Ministre !
Transit d'adrénaline, la Piazza vit les Vampires se grandir au même instant, saisir leurs lances et montrer les crocs dans l'écho de leur milles claquement de dents. Oui… Plus rien ne pouvait l'empêcher.
- Mangemorts !
Une ultime guerre allait éclater…
- Soldati !
Pourtant et alors que la Mort souriait déjà devant son futur festin… que les crocs tremblaient et que la magie frémissait… un cri résonna soudainement dans le lointain. Assourdissant malgré la pesanteur de la nuit, il figea chacun des vampires de sa clameur grandissante, et fit frémir les Sorciers au lever d'un nouveau vent. Un vent tout aussi étrange qu'incroyablement bruyant, qui les laissa tous béats dans le funeste présage d'un frémissement... Par tous les diables, rêvaient-ils ? Divaguaient-ils ? Ils le crurent un court instant, leurs dents et baguettes instinctivement tournés vers l'immensité du ciel qui les surplombaient. Mais aucun d'eux n'aurait pu se préparer à ce qu'ils virent lentement approcher… car ce n'était pas un démon qui hurlait, mais un véritable destrier qui chevauchait l'obscurité.
- Arrêter !
Abasourdi, Marcello n'y crut pas.
- Arrêter !
Ahuri, Lucius ne respira pas. Mais il ne rêvait pas… ce vent était celui d'un Sombral.
- Arrêter !
Et ce cri, était celui de Luna.
