Frappant le sol de ses sabots osseux, le Sombral se cambra violemment à son atterrissage, laissant un silence stupéfié résonner au cœur de la Piazza. Majestueusement vêtu d'obscurité, ses nasaux expirèrent un souffle bouillant, son encolure frémit sous la vitesse de son cœur palpitant et ses yeux se révulsèrent dans l'éclat de leur insoudable voile blanc. Tel un destrier descendu des enfers, son cri d'outre-tombe accompagna son furieux battement d'aile, dévoilant alors ses côtes enfoncées et l'armature de son puissant squelette. Une image à l'effigie presque biblique, devant laquelle Marcello et l'intégralité des vampires ne purent que faiblement déglutir. Par tous les Sangs… ils savaient que ce monde regorgeait de créatures étranges, que leur éternité parvenait à les surprendre et qu'ils avaient encore à apprendre… Mais un cheval ailé ?! Que dire ! Un squelette volant ! Cela ne pouvait exister ! Et pourtant, c'est tel l'ancêtre de Pégase que cette bête était descendue des Cieux pour se dresser fièrement devant eux… Insensible aux baguettes et crocs qui le contemplèrent, le Sombral trotta quelques secondes et henni avec indifférence, avant de ne se figer à la mort du vent dans un effroyable claquement de dent. Mais même s'il constituait la source de toutes les attentions et que sa seule présence inspirait l'ahurissement, Lucius en revanche, ne le regarda qu'une seule seconde. Et pour cause, autre chose lui glaçait le sang… quelque chose qu'il n'aurait jamais imaginé à une heure pareille et qui se dévoila sous ses yeux dans un délicat bruissement d'aile. Car il ne pouvait pas se tromper… Ce cri qui avait transit la nuit, cette ombre qui avait grandi sous la lune, ces cheveux blonds qui s'étaient perdu au vent… tout cela venait d'elle. De la plus impertinente de toutes les enfants ! De la seule et unique résistante capable de chevaucher un Sombral avec tant d'aisance ! Celle-là même que sa fille avait sauvé et avec qui son fils étudiait ! Luna Lovegood… La Graciée de l'Initiée.
Ahurit, le Malfoy ne trouva même pas la force de s'indigner, le souffle court et les yeux écarquillés devant la gravité d'une telle entrée. Et pourtant, sa stupéfaction ne fit que commencer… car alors que ses hommes s'agitaient et que les vampires tremblaient, une autre chevelure platine se dessina à mesure que les ailes se repliaient sur elles-mêmes. La seule qu'il n'aurait jamais cru voir en de tels lieux, mais dont les boucles légèrement décoiffés et chignon serré, lui retournèrent le ventre d'une effroyable nausée.
- Par Salazar… Souffla-t-il sans y croire.
- Cissi ?! S'étouffa Bellatrix horrifiée.
Non… cela ne se pouvait pas. Elle ne pouvait pas être là ! Pas elle ! Pas… sa femme ! Et quand bien même … comment ?! Comment une telle chose était-elle possible ?! Elle devrait être à Poudlard, sous la garde de son médicomage ! Elle devrait être en sécurité, loin de la guerre et du no man's land qu'elle venait tout juste de fouler ! Pas ici, sur ce cheval rachitique ! Pas ici, dans ce nid de vampires ! Mais aucune prière, aucun rêve et aucune illusion, n'aurait pu effacer la détermination qu'il lut sur le visage qu'il aimait tant… Aussi, et alors même que cette seule image n'avait pas le moindre sens, c'est transit d'horreur que Lucius et Bellatrix virent les sorcières descendre de leur monture avec empressement. Toutes deux décoiffées après plusieurs heures de vol endiablé, elles vacillèrent un court instant sur leurs jambes tremblantes, frémirent sous la pesanteur du silence et regardèrent autour d'elles dans un jappement… avant que la gravité de la situation ne les pétrifie brusquement. Grand Dieu… arrivaient-elles trop tard ? Elles n'eurent pas le temps de le savoir ; car de nouveaux grondements résonnaient déjà dans le noir…
- Narcissa !
Sursautant à l'appel de son mari, la Malfoy n'eut pas le temps de lui répondre qu'il était déjà en train d'accourir. Tout aussi livide que consterné, elle le vit les rejoindre en deux enjambés avant de brusquement l'enlacer sous les yeux effarés de son armée. Horrifié, il la serra contre lui sans respirer, la dévisagea d'un air inquiet et gronda les dents serrées. Pourtant et malgré la colère de son apnée, Narcissa réussit qu'à remercier le ciel d'une prière étouffée. Elles avaient réussi… alors que tout aurait dû les faire tomber dans le vide, se perdre dans la nuit ou atterrir dans un autre pays, elles avaient réussi ! Elles avaient atteint l'Italie… un détail qu'elle peina encore à croire, mais qui se concrétisa sous les feux ardents de ces milles regards.
- Dieu merci, tu es en vie… souffla-t-elle contre lui.
En vie ?! A juger les crocs luisants des vampires, cette affirmation n'était que partie remise…
- Bon sang, mais… qu'est-ce que tu fais là ?! S'exclama-t-il ahurit
- Lucius…
- As-tu perdu l'esprit ?! S'étouffa-t-il.
A cette question, Narcissa hoqueta dans un frisson. Avait-elle perdu l'esprit ? Avait-elle sombré dans la folie ? Etait-elle bonne pour l'asile ? Elle se l'était demandée elle aussi ; des milliers de fois à vrai dire… D'abord dans sa chambre, avachie contre son mur, l'âme engourdie par les sédatifs. Puis dans la forêt interdite, transit de froid et mortifiée devant les côtes apparentes de ce cheval famélique ; jusqu'en plein vol, tétanisée par l'obscurité et les ombres silencieuses de la nuit… Aurait-elle dû renoncer ? S'avouer vaincue par la fatalité ? Rester dans sa chambre à hurler pendant que Luna disparaissait sur son destrier ailé ? Elle l'avait envisagé… A chaque instant de cette étrange envolée, elle avait hésité à renoncer, partagée entre la peur d'atterrir dans un nouveau charnier et l'angoisse de s'écraser ! Et pourtant… alors même leur Sombral se cabrait dans les airs, que ses tympans saignaient sous la force de ses cris et que son cœur se soulevait à la vue du vide, aucun de ses doutes n'était parvenu à surpasser le feu battant de son adrénaline. Vive et insolente, elle avait rosi ses joues d'une nouvelle détermination, transit son cœur de milles battements et ravivé la rage de son sang ! Insensible à la nausée de ses vertiges, elle l'avait animée d'une force jusqu'à alors restée endormie et l'avait mené jusque sur cette terre promise ! Une terre emplit d'ennemis et de vampires… mais où l'attendait l'une de ses deux seules raisons de vivre : son fils.
- Ecoute… Haleta-t-elle à son mari. Je sais que tout ceci est risqué et… et inattendue mais…
- Inattendue ?!
Ahurit, Lucius sentit son souffle se couper à mesure que ses yeux s'écarquillaient... Inattendue ?! Leurs fils était prisonnier, les négociations avaient échoué, les armées se préparaient à attaquer et elle trouvait sa venue « inattendue » ?!
- Sais-tu seulement où tu te trouves femme ?! Scanda-t-il. Sais-tu seulement les risques que tu nous fais tous courir ?! Ragea-t-il ahurit.
- Je sais mais…
- M'auriez-vous trahi Lucius ? Tonna sombrement Marcello.
Mortifié, Lucius haleta violemment à la menace d'une telle insinuation. Oh non…
- Comment ? No… non ! Paniqua-t-il.
- Alors qui sont ces femmes, si ce n'est des renforts en prévision d'une honteuse attaque de votre part ?!
Formidable ! Comme si la situation ne s'était pas assez dégradée et que ces vampires n'étaient pas sur le point de les déchiqueter, il pensait à un plan ! A une trahison prévue à l'avance ! Une idée peu surprenante aux vues de la tournure de situation… mais qui ne parvînt qu'à l'horrifier dans un grondement.
- Par tous les Diables Narcissa, que faîtes-vous là ?! S'écria-t-il.
- Je suis venue récupérer mon fils !
Sonné, Lucius la regarda sans respirer. Par tous les Dieux… sauver leur fils ? Mais comment ?! En interrompant des négociations ? En chevauchant un Sombral ? En arrivant la fleur au fusil et la bouche en cœur sur un futur champs de bataille ? Non… elle ne pouvait pas être sérieuse ! Et pourtant, c'est plus déterminée que jamais qu'elle lui fit face, les lèvres pincées et les poings tremblant de rage.
- Je sais qu'il est en vie ! Tonna-t-elle avec force. Je sais qu'il est blessé et retenu en otage par ces vampires !
- Mais enfin… tu ne peux être là !
- Je suis sa mère Lucius ! Siffla-t-elle avec hargne. Ma place n'est nulle part ailleurs.
Il savait qu'elle était prête à tout pour sauver leurs enfants ; pour préserver leur famille et assurer leur avenir. Pour preuve, elle était allée jusqu'à mentir à leur Maître pendant la Bataille Finale, accordant alors à Potter sa dernière chance de victoire ! Mais cette folie ? Que dire ! Cette hérésie ?! Cette tragique et impossible lubie… ne parviendrait qu'à lui coûter la vie. Aussi, c'est le souffle court que Lucius serra les dents dans un jappement étouffé et se tourna vers l'armée qui les surplombait. Seigneur… tous étaient prêts à attaquer. Crocs en avant et bave aux mentons, ils attendaient avidement que leur Roi prenne une décision, impatient de pouvoir étancher leurs irradiantes soifs de sang ! Une soif que l'amour de sa femme pour son enfant, sembla galvaniser plus que de raison…
- Non… tu dois partir ! Maintenant !
- Hors de question !
- Tu ne comprends pas… s'ils attaquent, je ne pourrais te protéger ! Dit-il effrayé. Ni toi, ni notre fils ! Tu dois te mettre à l'abris !
- Mais…
- Vous laisseriez-vous dominer par votre femme cher Ministre ? Lança Marcello amusé. Peut-être voudriez-vous que nous reportions les hostilités ?
- Nul besoin votre Majesté… nous sommes venues en paix.
Estomaquée devant la spontanée d'une telle prise de parole, les sorciers retinrent le souffle dans un silence morne. Car ce n'était pas Narcissa, Lucius ou un mangemort qui avait parlé, mais bien celle que personne ne s'était attendu à voir arriver… La Graciée de l'Initiée.
Silencieuse depuis son arrivée, Luna n'avait pas bougé malgré la centaine d'yeux qui la détaillait. Immobile, elle s'était simplement contentée de les regarder de ses yeux bleutés, l'œil curieux et la gorge serrée tandis que sa main caressait l'encolure de son Sombral essoufflé. Pourtant et contrairement à ce qu'on aurait pu penser, ce n'était pas lui qu'elle tentait d'apaiser… mais bien les battements de son propre cœur, dont le rythme effréné battait la mesure de sa terreur.
Par Rowena…
Ça y est. C'était le moment…
Celui qu'elle avait attendu avec impatience.
Celui qui l'avait fait chevaucher avec empressement.
Celui pour lequel elle s'était jurée de contenir jusqu'au plus imperceptible de ses tremblements !
Celui de sa rencontre avec les plus anciennes créatures de ce monde…
Les Von Bassito.
Seigneur… elle s'était attendue à être intimidée, prise de court et même impressionnée par le faste de cette Monarchie oubliée ; mais bien qu'elle se soit préparée, qu'elle ait tout envisagé et que son cœur batte d'une fureur déterminée, Luna ne put le nier… jamais elle n'avait eu tant de peine à respirer devant une seule armée. Et pourtant, ce n'était pas faute de les avoir étudiés ! Livres après livres... récits après récits... elle avait répertorié chacun de leurs rites, coutumes et conquêtes historiques, curieuse d'exhumer jusqu'aux derniers secrets de cette Dynastie. Guidée par les souvenirs qu'Hermione lui avait transmis, elle avait retracé leurs épopées, voyages, péripéties, luttes et trahisons jusqu'à remonter à l'aube des temps ! Ainsi, elle s'était faîte une image de leur suprématie… de leurs sacrifices archaïques, sourires hypocrites et noblesse érudite ! Mais maintenant qu'elle leur faisait face ? Qu'elle affrontait leurs regards, crocs et instincts de chasse ? Par Rowena… il n'y avait pas d'égal. Munis de fouets, d'épées, de lances et de filets, chacun des vampires les détaillaient avec avidité, impatient de pouvoir céder à la soif de sang qui les torturaient. Enduit d'or, leurs corps divinement sculptés frémissaient sous leurs milles colliers. Ornés de griffes acérés, leurs poings se resserraient un peu plus à chaque grondement étouffé ; déterminés, leurs pupilles les dévisageaient telles des proies bonnes à être dégustée ! Et face à eux, leur Roi se grandissaient tel l'incarnation d'un véritable Dieu… Par Merlin, il aurait fallu être fou pour ne pas les craindre ! Pour ne pas trembler et prier de survivre jusqu'au petit matin ! Ou comme Voldemort, être un Seigneur des Ténèbres immortel… mais elle n'était ni l'un, ni l'autre... et se faisant, c'est la boule au ventre que la jeune femme lutta pour ne pas vaciller au rouge cruel de leurs lèvres. Prise en étau au milieu de deux camps près à s'étriper, elle sentit ses jambes trembler sous la lourdeur de leurs haines et haleta devant les torrents d'étincelles de leurs baguettes. Comme si le monde s'apprêtait à s'arrêter et que le Ciel lui-même les avait abandonnés, plus rien ne semblait capable d'empêcher le bain de sang qui se préparait. Que dire ! Le carnage qui les éradiquerait ! Car nul ne pouvait se leurrer… cette somptueuse Piazza ne serait bientôt plus qu'un immense charnier, dont aucun vainqueur ne serait sorcier.
- En paix ? Répéta Marcello amusé. Sur un destrier sorti tous droits des enfers ?!
Peu surprise devant l'effroi qu'insuffla sa monture, Luna raffermit doucement sa prise sur son encolure. Bouillante sous sa paume, elle sentit sa peau frémir, son souffle s'alourdir et ses grands yeux la contempler dans ce qu'elle aurait juré être l'esquisse d'un sourire. « Un destrier sorti des enfers » ? Non… un ami fidèle. Aussi, c'est apaisée par son léger battement d'aile que la jeune femme se grandit d'un air fier.
Oui… elle était effrayée.
Oui… elle ignorait si son plan allait marcher.
Et oui… il se pourrait bien qu'elle meurt avant même de pouvoir essayer.
Mais elle n'avait pas chevauché des heures pour renoncer... Elle n'avait pas sorti Narcissa de sa chambre pour qu'elle la voit trembler ! C'est donc dans l'élan d'un nouveau souffle que Luna se redressa devant la foule. Oui… quoi qu'elle craigne, elle pouvait y arriver. Elle pouvait négocier ! Elle pouvait empêcher la mort de tous ces sorciers ! Et plus important encore… elle pouvait les affronter.
- Il s'agit d'un Sombral… votre majesté. Vous n'avez pas à vous en faire, ils sont parfaitement inoffensifs.
Etonné par la simplicité de sa réponse, Marcello haussa un sourcil curieux. Et pour cause… cette femme le regardait dans les yeux. Indifférente à son rang et aux convenances, elle se tenait devant lui, le regard franc et l'air paisible, comme si leur rencontre était on ne peut plus civile. N'avait-elle donc aucun instinct de survie ?! Aucun bon sens ? Ou volonté de vivre ? Il le crut ; mais bien que cela aurait dû le conforter dans sa grandeur et le convaincre de sa bêtise, le vampire ne parvînt qu'à la contempler d'un air… sceptique.
- Et à qui ai-je l'honneur de m'adresser ? Siffla-t-il intrigué.
Horrifié, Lucius manqua de s'étouffer devant cet échange improvisé. Bon sang, cette insupportable gamine allait tous les faire tuer !
- Personne ! S'écria-t-il en accourant à ses côtés. Elle… elle n'est personne !
- Ce n'est pas à vous à qui je m'adressais !
Grimaçant franchement à la menace d'un tel ton, le Malfoy toisa la Serdaigle dans un grondement. Il voulait qu'elle se taise, qu'elle se ravise et tienne sa langue au nom de leurs maigres chances de survies. Pourtant et bien qu'elle comprenne son appréhension, c'est les joues roses et le feu au sang que la jeune femme ignora ses foudres et pris les devants.
- Je me nomme Luna Lovegood, votre Majesté.
Agréablement surpris, Marcello ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Nul doute qu'elle n'accordait que peu de valeur à l'autorité de son Ministre... Un détail tout aussi parlant qu'indéniablement amusant, qui ne parvînt cependant qu'à éveiller son attention. Luna… Un prénom peu banal, significatif et familier à sa langue natale. Un symbole de pureté, de calme et de beauté porté sous l'égide des plus beaux astres. Etait-elle Italienne ? Espagnole ? Sûrement pas à juger la clarté de son teint et sa chevelure d'or... Pourtant, c'est animé d'un tout nouvel intérêt que le Roi s'avança vers elle d'un pas intrigué. Jeune, pâle et pourvue d'un étrange regard, elle n'affichait aucune peur malgré la rapidité de ses impétueux battements de cœur. D'une allure presque fantomatique sous la clarté de la lune mourante, il regarda sa robe à moitié déchiré, son corset outragement serré et se surprit à contempler ses cheveux sauvagement décoiffés par son envolée. Plus blonds que les blés et bien plus longs que les siens, ils tombaient en une cacade désordonnée jusqu'en bas de ses reins, la couvrant de moitié de leurs reflets argentés. Etait-elle une parente des Malfoy ? Il l'ignorait… mais ne parvînt pas à calmer sa curiosité devant le calme insolent de ses traits. Car outre son indéniable beauté et la finesse d'un cou qui n'appelait qu'à s'y plonger, cette femme qui qu'elle soit, ne reculait pas devant le macabre de son regard... Une évidence qu'il peina à croire, mais qui se concrétisa à chacun de ses pas… Par tous les Sangs, il avait rencontré bon nombre de femmes au cours de sa vie ; tantôt sublimes, envoûtantes, délicieuses, avides, cruelles ou cupides, il avait fait le tour des traits de la gente féminine – non pas qu'il y en ait beaucoup à découvrir… Et pourtant, aucune d'elle n'était jamais parvenue à le regarder aussi longtemps sans frémir. Aucune d'elle n'était jamais parvenu à se tenir devant lui sans être prise de vertige. Et aucune d'elle n'était jamais parvenue à lui arracher un sourire.
- Luna… souffla-t-il du bout des lèvres.
Fière et immobile, elle ne tremblait ni ne reculait, ne tressaillait ni ne s'empourprait, le laissant alors s'approcher sans sourciller malgré les figures horrifiées de ses compagnons sorciers. Etait-elle folle ? Suicidaire ? Ou seulement familière de leur espèce ? Des centaines de questions l'assiégèrent… mais une seule compta aux prémices de leur guerre.
- Pourrais-je savoir quelles sont vos intentions à notre égard… signora ?
- Aucune ! S'exclama Lucius paniqué. Elle et ma femme ne sont aucunement concernées par cette rencontre !
- Et pourtant, elles sont là…
- Plus pour longtemps, je vous assure !
Plus tremblant qu'il ne l'avait jamais été, Luna vit Lucius l'agripper brusquement avant de la dévisager d'un regard enragé. Le même que Drago avait l'habitude de lui lancer, chaque fois qu'elle avait le malheur de démentir l'une de ses idées…
- Quoi que vous ayez en tête Miss Lovegood, cessez cela ! Gronda-t-il entre ses dents.
- Je regrette Monsieur Malfoy, mais je refuse…
- Pardon ?!
- Je dois essayer !
- Essayer ? Mais essayer quoi ?!
- Je… je sais comment sauver Drago. Souffla-t-elle à demi voix.
Ahurit, Lucius ne trouva même plus la force de hurler et soupira d'un air affligé. Seigneur… Qu'elle pense avoir la moindre chance de convaincre ces monstres de le relâcher était la preuve de son esprit dérangé.
- Vous devez me faire confiance. Supplia-t-elle.
- Confiance ?! Vous avez convaincu ma femme de venir sur un champ de bataille à dos de Sombral !
- Son médicomage lui a dit que son fils était mort ! Murmura-t-elle indignée. Et je déplore devoir vous le dire, mais elle se serait défenestrée avant l'aurore si je ne l'avais pas entraînée dans ma fuite…
- Alors vous préférez la voir mourir ici ?!
- Une seule personne mourra si nous n'agissons pas… et vous le savez aussi bien que moi.
Elle croyait ce qu'elle disait… elle croyait avoir une chance de le sauver. Mais devait-il la croire ? Elle, la Graciée divaguant pieds-nus dans les couloirs ? Par Salazar, une telle pensée semblait dérisoire ! Et pourtant, jamais encore il ne l'avait vu porteuse d'une telle hargne…
- S'il vous plaît Monsieur Malfoy… souffla-t-elle. Je sais que vous me croyez folle, mais Hermione m'a graciée, Narcissa m'a acceptée, et Drago lui-même m'a demandée de l'aider ! Vous êtes libre de ne pas vous fier à moi si vous le voulez, mais par pitié… fiez-vous à eux.
Troublé, le Malfoy hoqueta dans un silence mortifié. Elle n'avait pas le droit d'user de sa famille contre lui ! Elle n'avait pas le droit de le prendre par les sentiments et espérer le voir capituler sans rien dire ! Et pourtant… ni son orgueil et sa fierté ne parvinrent pas à faire taire l'étrange foi qui se mit à l'habiter. Car il ne pouvait le nier. Elle disait vrai… alors qu'il l'avait toujours jaugé d'une grimace écœurée, ses enfants l'avaient approché. Alors qu'il l'avait toujours assommé de critiques amusées, sa femme l'avait accepté. Et alors que tous ses mangemorts étaient impatient de pouvoir tuer, elle était déterminée à négocier... non pas pour la paix, mais pour lui: son fils. Un détail qui plus que tous les autres, le fit amèrement déglutir. Seigneur… aucun d'eux n'en sortirait vainqueur ! Mais était-il en droit de la rejeter ? De la faire taire et de la priver de ses chances à l'heure même où son propre enfant agonisait ? A cette question, Lucius ne préféra pas chercher de réponse. Qu'aurait-il pu dire d'ailleurs ? La guerre était sur point d'éclater ! Autant la retarder autant qu'il le pouvait…
- J'espère sincèrement… que vous savez ce que vous faîte. Souffla-t-il du bout des lèvres.
Surprise, Luna frémit quand il lui lâcha le bras, incrédule devant la profonde résilience de son regard. Par Rowena… il la croyait. Lucius Malfoy la croyait ! Pourquoi ?! Elle voulut le savoir, mais se ravisa... En particulier devant le sourire amusé du Roi.
- J'avoue que tout ceci est incroyablement divertissant… Rit-il subitement. Néanmoins, je crains que vous n'arriviez trop tard très chère. Votre Ministre a déjà refusé nos conditions.
- Des conditions ? Quelles… quelles conditions ?! S'étouffa Narcissa.
- Je ne suis pas en mesure de les accepter et vous le savez ! S'écria Lucius indigné.
- Toujours est-il que votre refus a marqué la fin de nos négociations !
Etouffant un hurlement entre ses dents, Luna vit le Malfoy trembler d'une rage mal cachée. Seigneur… il semblait sur le point d'exploser. La mâchoire serrée et la baguette levée, il ne faisait aucun doute que la situation ne tarderait pas à dégénérer ! Pour preuve, les hommes s'enfiévraient, les vampires s'agitaient et la magie crépitait ! Mais un tel comportement… un tel échange… et une telle animosité... ne réussiraient qu'à embraser les braises sur lesquelles Marcello soufflait. Aussi, c'est prise d'une nouvelle adrénaline que la Serdaigle avança brusquement face à lui ; immobile, son souffle se tarit l'écho de mille sursauts surpris, la laissant en apnée face à un Roi désormais ahurit. Elle venait de s'interposer… Une initiative toute aussi audacieuse qu'horriblement dangereuse, qui remplaça les grondements par des murmures de stupéfactions.
- J'insiste votre Majesté. Déclara-t-elle subitement. S'il vous plaît… Acceptez de reprendre les négociations.
Eberlué, Marcello ne sut pas s'il dû rire ou s'offenser devant une demande aussi déplacée. Pourtant, il ne put le nier… une pareille témérité l'impressionnait. Fière et intransigeante malgré la proximité mortelle de ses dents, cette femme se tenait devant lui en dépit de tout bon sens. Pire encore ! Elle faisait barrage de son propre corps, désireuse de protéger ce misérable Malfoy… Un détail, qui ajouté aux palpitations de sang et effluves de son parfum particulièrement alléchant, lui coupèrent le souffle un court instant. Par tous les sangs… cette sorcière savait se faire entendre.
- Et… pourquoi ferais-je une telle chose ? Demanda-t-il avidement.
- Pour éviter un bain de sang.
Riant franchement à cette réplique, le Roi se fendit d'un sourire.
- Le vôtre mia cara… pas le nôtre. Susurra-t-il.
N'osant répliquer face à lui, la jeune femme déglutit au scintillement de ses griffes. Seigneur… il était si grand. Ou était-elle trop petite ? Sûrement… mais cela ne changea rien à ses tremblements. Semblable à une véritable colonne de marbre, elle le vit s'avancer de quelques pas avant de ne soudainement la toiser d'un sourire froid. Tel un rapace en chasse, il ne faisait aucun doute qu'il s'imaginait déjà le goût de la veine qui étancherait sa soif… une évidence qu'elle ne put ignorer à un moins d'un mètre de ses muscles saillants, mais qui ne semblait pas être l'unique raison de son engouement.
- Mais je suis bon joueur… souffla-t-il après un court instant. Votre requête est raisonnable et votre détermination on ne peut plus respectable ; et puis, qui sait ? Peut-être saurez-vous nous surprendre… Luna.
« Surprendre » … Oui. Elle l'espérait aussi.
- Je vous remercie Votre Majesté…
- Nul besoin ! Mais que les choses soient claires très chère...
Frissonnant violemment à son approche, Luna retint son souffle quand il se pencha vers elle et déglutit à la chaleur de son haleine.
- Je suis las de perdre mon temps. Siffla-t-il contre son oreille. Las des doléances et las des négociations…
Par Rowena… il était si près.
- Je… je comprends.
- Je l'espère. Murmura-t-il. Car voyez-vous, il ne s'agit pas uniquement de votre dernière chance…
Se pétrifiant violemment à l'effleurement de ses lèvres contre sa joue, Luna vacilla sous la nouvelle joie de son regard. Un regard désormais heureux, malicieux et profondément… curieux. Aussi, elle ne comprit pas pourquoi son sourire s'agrandit. Elle ne comprit pas pourquoi ses dents frémirent et ses pupilles se rétrécirent… du moins, jusqu'à ce que certains de ses gardes ne se mettent à partir et que le grondement d'une nouvelle frénésie ne commence à retentir. Sourde entre les crocs des vampires, elle naquît lentement depuis leurs poitrines et résonna dans leurs gorges tel l'appel lancinant de la Mort… un appel dont la jeune femme ne put manquer l'impatience et dont la clameur ardente, la figea dans un jappement. Ce n'était pas normal… ce sourire, cette joie… ce n'était pas normal ! Et pourtant, rien ne semblait d'avantage ravir le Roi.
- Que voulez-vous dire ? Demanda-t-elle alors du bout des lèvres.
- N'est-ce pas évident ?
Si… ça l'était ; mais elle ne voulait pas y croire. Elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait même pas l'envisager ! Et pourtant, il ne lui suffit que d'un regard sur son sourire amusé pour que la jeune femme sente son cœur flancher... Par Rowena, il ne bluffait pas. Cette ultime chance n'était pas la leur…
- C'est également de la sienne… souffla-t-il.
La sienne. A lui…
A ce seul et unique objet de convoitise.
A ce symbole d'honneur et de fierté réduit à l'état de marchandise.
A cet homme… dont le sang frais, se mit à faire couler toutes les salives.
Sonnée, Luna ne trouva pas la force de réagir … et quand bien même elle l'aurait voulu, elle ne l'aurait pas pu. Incapable de parler, bouger ou de ne serait-ce que respirer, elle sentit son corps se paralyser, son esprit se vider de toute pensée et son cœur s'arrêter. Pourquoi ? Elle ne trouva même pas le courage de le conscientiser, de l'admettre ou de le réaliser. Non, elle ne le pouvait pas… Car ce n'est pas un simple effroi qui la pétrifia de toute part ; pas plus que de la haine ou du désespoir ! Non… c'était autre chose. Quelque chose qu'elle n'avait jusqu'alors jamais expérimenté, approché ni même imaginé ; quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru capable d'exister ! Et qui pourtant, la submergea avant même qu'elle ne trouve le courage de respirer... Qu'était-ce ? Elle n'aurait su le dire. Existait-il un mot capable de le décrire ? De dépeindre la quintessence même de l'horreur ? Le summum de la plus effroyable des terreurs ? Que dire, le nectar de la plus incommensurable de toutes les douleurs ? Probablement pas ; car jamais elle n'avait vu ça…
- Non ! Non !
Sourde dans son horreur, elle n'entendit pas Narcissa s'écrier…
- Cissi ! Non !
Aveugle dans sa terreur, elle ne vit pas Bellatrix l'attraper à la volée…
- Pitié…
Muette dans son haut le cœur, elle ne sentit pas Lucius s'effondrer à ses côtés...
- Monstre !
- Assassin !
- Vous mourrez pour ça ! Vous mourrez pour ça !
Non… Luna n'entendit rien de tout cela. Livide malgré la clameur enragée de leur armée, elle sentit sa propre âme la quitter, ne laissant d'elle qu'une enveloppe prostrée devant tout ce qu'elle avait redouté. Prostré devant lui…
Le Chef d'Armée qu'elle avait juré d'aider à l'heure où la guerre lui échappait.
Le Soldat chevronné qu'elle avait entendu hurler à l'échec de chacune de ses idées.
Le Malfoy dépassé qu'elle avait senti pleurer sur son épaule, affligé par la fatalité.
L'homme qu'elle avait supplié de ne pas partir négocier…
Drago… ou du moins, ce que les Von Bassito en avaient laissé.
Piégé entre inconscience et murmures de supplications, son corps fut traîné avec désintérêt sur la Piazza, laissant alors résonner le cliquetis irrégulier des chaînes qui lui cisaillait la taille. Incapable de se redresser, de lutter ou de ne serait-ce que parler, il dévala les marches sous la force de ses geôliers, le corps transit de spasmes incontrôlés à mesure que ses plaies s'éraflaient durement sur les pavés. Une image tout aussi surréaliste qu'indescriptible, qui dans son effroi, lui donna envie de vomir. Par tous les Dieux… que lui avaient-ils fait ? Inerte, en sang et sans souffle, il gisait tel un animal blessé sur le point d'être achevé, la figure grimaçante sous les rires assommants de l'Assemblée. Méconnaissable, sa tête dodelina sur le côté, laissant apparaître les lacérations ensanglantées d'un coup de griffe asséné avec brutalité ; remontant de l'extrémité de sa joue jusqu'en haut du crâne, elle barrait son visage tandis qu'une floppée d'ecchymoses violacés bariolait ses pommettes brisées. Aveugle malgré la lueur des torches, ses paupières s'étaient closes en deux gonflements sanglants, son nez cassé ruisselait de sang tandis que sa respiration sifflait bruyamment entre ses dents. Ainsi, ne restait rien de lui… rien de ses sourires narquois, œillades amusées et rictus agacés. Rien de ses grondements étouffés, idées passionnées et remarques inspirées. Rien du fier et glorieux Drago Malfoy qui les avait quittés… Ne subsistait plus qu'un corps ensanglanté, qu'un dos fouetté, un torse lacéré, un poignet tranché et une figure tuméfiée. Qu'un amas de chaires ensanglantées, d'os brisés et de peau arrachée… qu'une ombre décharnée, meurtrie et profanée, dont le moignon à peine bandé et les entailles infectées aguichaient déjà l'assemblée de vampires qui le contemplait. Seigneur… Elle savait qu'il souffrirait, que les Von Bassito le tortureraient et qu'il vivrait un Enfer. Elle s'était même préparée faire face à une telle scène, consciente qu'elle ne verrait en sa survie que les vestiges de son agonie ! Mais le voir en sang, tremblant et agonisant au milieu de la Piazza ? L'entendre gémir, prier et pleurer sous le sourire ravi du Roi ? Lui, le Malfoy le plus orgueilleux et buté que le monde n'est jamais porté ? Le mangemort élever au rang de Général d'armée ? Le sorcier que Voldemort lui-même avait honoré des plus hautes responsabilités ? Elle n'aurait jamais pu l'imaginer… pas plus que l'effroi qui se mit à la faire trembler.
- Comment… avez-vous… pu ? Siffla Lucius en transe.
- Drago ! Drago… Drago ! S'époumona Narcissa.
Amusé, Marcello esquissa un sourire devant leurs tremblements enragés et pleures éplorées ; nul doute qu'il se délectait des tortures qu'il leur affligeait. Pourtant et contrairement à ce qu'on aurait pu penser, jamais il ne daigna les regarder… non, son attention était ailleurs. Un détail que Luna ne pût ignorer et dont le regard acéré manqua de la faire vaciller.
- Prenez-garde très chère… vous blêmissez. Lui souffla-t-il amusé.
Il la provoquait. Il la testait ! Il… il jouait. Pas seulement avec elle, mais avec tous les soldats venus défendre leur honneur de sorcier, avec ses parents prêts à tout pour le venger et avec leur rage qui exigeait une réponse toute aussi extrême que démesurée ! Oui… tout cela n'était qu'un jeu pour lui. Une farce ! Une comédie ! Une infecte pièce de théâtre dont l'issue tragique lui était comique ! Et dont Drago n'était rien d'autre qu'un singe de cirque... Aussi, c'est la gorgée serrée que la jeune femme se pinça les lèvres dans un jappement étouffé. Par Rowena… cet homme n'avait-il pas la moindre once d'humanité ? De décence ? De pitié ?! N'était-il donc que ce monstre dont les livres parlaient ? Que cette créature sans foi ni morale que le monde redoutait ? A ses questions naïves, Luna ne parvînt qu'à frémir. Oui, il l'était… Car Drago ne méritait rien de tout cela. Il ne méritait pas de gésir là, à moitié dévêtu telle une bête de foire ! Il ne méritait pas de souffrir le martyre sous les regards avides de ces immondes vampires, condamné à endurer leurs vices et supplices ! Et pourtant, c'est les lèvres pleines de sourires et la gorge pleine de rires que ces démons se repaissaient de l'œuvre de leur ignominie…
- Comment avez-vous pu ?! S'étouffa Lucius.
- Je vous l'ai dit cher Ministre… son offense se doit d'être réparée.
- Réparée ?!
Il perdait pied… agenouillé au sol devant l'image de son fils décharné, Luna vit les contours de sa conscience se déliter aussi sûrement que Bellatrix peinait à contenir une Narcissa désormais possédée. Une scène tout aussi insoutenable qu'intolérable, qui ajoutée à la figure en sang d'un Drago agonisant, suffit à secouer la jeune femme d'un nouveau tremblement. Elle ne pouvait pas prétendre comprendre l'effroi d'un parent devant la torture de son enfant… mais jamais en vingt-deux ans d'existence, cinq ans de guerre, de totale déchéance et plus d'un millier de souffrances, elle n'avait ressenti une telle soif de vengeance.
- Vous le paierez… Gronda Lucius. Je jure devant les Dieux ! Vous le paierez !
Oui… il le paierait. C'est donc sans respirer que Luna se redressa durement malgré sa nausée et détailla Marcello d'un air changé. Toujours fixées sur elle, ses pupilles la détaillèrent plus que jamais, impatientes de voir ses traits se tordre de haine ; mais il se trompait s'il pensait pouvoir piéger une Serdaigle...
- Alors Luna… susurra-t-il du bout des lèvres. Toujours prête à négocier ?
- Pourquoi ? Vous souhaitez vous raviser ?
Frappé par l'insolence du calme qui l'habitait, Marcello sentit son sourire s'étirer. Bon Dieu… enfin une sorcière digne de son intérêt.
- Vous êtes… pleine de répondant. Concéda -t-il après un court instant.
- Seulement quand on me pose une question.
- Dans ce cas, répondez à celle-ci. Siffla-t-il intrigué. Pourquoi êtes-vous prête à risquer votre vie pour celle de votre… ami ?
- Il mérite de vivre. Dit-elle sans hésiter.
- Ce n'est pas mon avis… Grimaça-t-il. Mais admettons ! Qu'auriez-vous à m'offrir ?
Immobile devant son sourire, Luna sentit une sueur froide couler dans son dos et se risqua à un dernier regard sur Drago. Par Rowena… il semblait tellement brisé ; tellement seul et démuni devant cette estrade de sourires amusés. Comment une telle chose avait-elle pu arriver ?! Pourquoi lui avoir fait subir une telle cruauté ? Elle se le demandait… mais n'eut besoin que d'un regard sur lui, pour que son agonie lui conte le récit de son supplice. Allongé au sol de la Piazza, il haletait sans la voir, la tête tournée sur le côté tandis que ses plaies avaient recommencées a saigner. Plus rouge que blond, ses cheveux barraient son visage tuméfié, l'empêchant de distinguer les traits qu'elle avait si souvent contempler à la dérober… des traits désormais déformés par la douleur, dont l'effroi et la terreur lui éventrèrent le cœur. Savait-il qu'ils étaient là ? Qu'ils ne l'abandonneraient pas ? Qu'ils se battraient pour lui, peu importe le prix ? Et qu'ils ne le laisseraient pas une nuit de plus entre les mains de ces vampires ? Elle l'espéra… car l'heure était venue. Et elle ne reculerait pas.
- Je n'ai qu'une chose à vous offrir, votre Majesté. Souffla-t-elle alors.
- Je suis tout ouïe.
- Une chance de survie.
Interdit, Marcello mit plusieurs secondes avant de comprendre le sens de ses mots. Des mots soufflés du bout des lèvres… des mots simples et sincères… mais dont l'étrangeté et l'incroyable absurdité le heurtèrent de plein fouet. « Une chance de survie ». Par tous les sangs, avait-il bien entendu ? Une chance de survie ?! Non… elle ne pouvait pas être sérieuse ; le regarder droit dans les yeux et l'assommer d'une menace aussi odieuse ! Que dire ! D'un affront aussi pernicieux ! Et pourtant, il ne rêvait pas. Elle lui avait bien dit cela… Pour preuve, c'est transit de la même stupeur qu'il entendit sa Cour glousser d'un rire moqueur, hilare devant la détermination d'une telle clameur ! Mais ni leurs rires, sourires et murmures amusés, ne réussirent à la faire sourciller. Plus inflexible que jamais, cette sorcière le défiait de son regard de fer, le dos droit et le menton fier. Aussi, c'est profondément troublé que Marcello soupirât d'un air affligé. Autant qu'elle lui demande directement de la tuer…
- Oseriez-vous me menacer… Signora ?
Retenant un frisson à la chaleur malsaine de son haleine, Luna sursauta en sentant la main de Lucius s'accrocher brusquement à la sienne. Pourtant et contrairement à ce qu'elle crut, il ne la rappela pas l'ordre… mais la serra avec force. Un contact tout aussi inattendu qu'incroyable symbolique, qui galvanisa son adrénaline au gong de cette heure décisive. Il la soutenait… malgré la folie et l'hérésie de sa stratégie, il la soutenait ! Plus encore, il… il l'encourageait. Agenouillé derrière elle et le poing resserré sur sa baguette, elle sentit ses phalanges s'accrocher aux siennes, la chaleur bouillonnante de sa fièvre et l'écho silencieux de sa prière. Une ultime marque de confiance… une dernière chance… qui ne porteraient cependant les marques d'aucune clémence. Car contrairement à ce que Marcello pensait, les véritables négociations ne faisait que commencer ; et aucun de ses hommes ne s'en relèverait...
- Loin de moi cette idée. Dit-elle. Tout au contraire… je vous mets en garde.
Manquant de s'étouffer, Marcello la couvrit d'un regard amusé. Eh bien… si on lui avait dit que ces négociations seraient aussi attrayantes !
- C'est trop aimable de votre part. Railla-t-il dans un sourire.
- Je sais. Mais je doute que vous saisissiez les risques que vous encourez… Votre Majesté.
- Des risques ?! Par tous les sangs, ne sais-tu donc pas qui je suis jeune fille ?
- Oh si, je le sais… mais je ne suis pas la seule. Souffla-t-elle.
Troublé, le vampire sentit son sourire se faner à la soudaine intensité de son regard. Et pour cause… elle souriait. Alors même que l'appel de la guerre hurlait, que le fils Malfoy agonisait et qu'il s'apprêtait à donner l'ordre de les tuer, cette femme souriait ! Avait-elle perdu l'esprit ? Il voulut le croire… mais ne parvînt qu'à frémir aux murmures prophétiques de sa voix.
- Conosco il tuo segreto… (Je connais votre secret…)
Son secret…
- Conosco la tua paura… (Je connais votre peur)
Sa peur…
Pétrifié devant ses murmures, Marcello aurait pu rire, sourire et la faire taire d'un seul coup de griffe… mais quelque chose l'en empêcha ; quelque chose de fort, d'étrange et de presque impalpable, qui résonna dans tout son être à la seule lueur de son regard. Il ne savait pas de quoi elle parlait… il ne savait pas de quel mensonge elle le narguait ! Mais quoi qu'elle pense connaître de lui et de ses secret, cette femme le croyait. Un détail qui malgré son invulnérabilité, réussit presque à le faire trembler…
- Je vous conseille de choisir vos prochains mots avec soin Signora… Souffla-t-il.
Fort bien ; elle n'en avait qu'un.
- Aloff.
