Un grand silence retenti au cœur de la Piazza del Campo. D'abord pendant quelques secondes… suivit d'une minute, et d'une deuxième… avant qu'une véritable éternité ne s'écoule dans l'écho de ce mutisme providentiel. Ne subsista que la respiration sifflante de Drago, la faible ruade du Sombral et le murmure chatoyant de l'aurore Toscane… des sons légers, simples et apaisants ; des brides résonnant doucement dans le chant mélodieux du vent, porteur de matin et de soleil levant… Et pourtant, jamais on n'entendit silence plus oppressant entre les rangs. Tel un gong hurlant dans la nuit, il parcouru l'assemblée de vampires d'une apnée ahurit, les laissant se pétrifier sous le regard surpris de leurs ennemis. Transit d'une tétanie presque instinctive, leurs bouches avaient cessé de sourires, leurs gorges avaient cessé de rires, leurs dents avaient cessé de frémir et leurs joues déjà pâles devinrent livides. Un état de choc tout aussi soudain que collectif, une terreur toute aussi primitive qu'indélébile… face auxquelles Luna ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.

Ça y est.
Elle l'avait dit.

Alors que tout aurait dû la convaincre de se raviser, de fuir et d'engager des négociations pacifiques, elle venait de pétrifier d'horreur toute une assemblée de vampires… mais pas seulement. Elle venait également de franchir une limite ; la seule face à laquelle Marcello n'aurait jamais eu l'audace de rire. Aussi, c'est profondément silencieuse que Luna se grandit devant lui, insensible au soudain frémissement de ses pupilles. Elle l'avait promis ; ce soir ce n'était pas seulement une armée, un ministre et une mère éplorée qu'ils devraient affronter… mais le plus grand ennemi de leur Dynastie. Celui-là même qu'Hermione et Voldemort avait ranimé en Turquie et dont les promesses de vengeance n'avaient d'égal que la fureur de ses cris… Avait-elle tort ? Elle n'aurait su dire ; mais ne parvînt pas à regretter son choix, devant le hoquet pétrifié du Roi. Frappé d'une terreur que nul n'aurait pu décrire, il vacilla sans respirer, le regard hagard malgré ses yeux écarquillés. Immobile, il ne dit rien pendant plusieurs secondes, presque incertain quant à ce qu'il venait d'entendre. Et pourtant… aucun de ses doutes ne parvînt à tarir son épouvante. Car aucun de ses doutes ne parvînt à effacer l'empreinte de ce nom.

Aloff.

Son nom…

Aloff.

A lui…

Aloff.

Leur seule et unique Némésis…

Par tous les Sangs… des siècles qu'il ne l'avait pas entendu. Des siècles qu'il ne l'avait pas prononcé. Des siècles qu'il avait éradiqué jusqu'à sa seule sonorité, déterminé à le laisser sombrer dans l'oubli de son éternité ! Et pourtant, c'est depuis les lèvres de cette sorcière érudite, que le fantôme de ses nuits, le monstre de l'infâmie, le fléau de toute une décennie et l'ombre de sa suprématie… reprenait vie.

Aloff.

Non... cela ne pouvait exister. Il devait se tromper. Divaguer ! Délirer ! Ce nom… ce nom ne pouvait avoir été prononcé ! C'était impossible ! Irréel ! Chimérique ! Imaginaire ! Il… il avait été oublié ! Interdit ! Proscrit ! Perdu quelque part entre les roches maudites des Montagnes de Turquie ! Banni de tous les récits de l'Histoire Vampirique ! Chassé de leurs légendes et décomptes de leurs victoires monarchiques ! Dénué de tout souvenir, ce mot n'était n'avait pas plus de valeur qu'un bruit ; qu'un son bref et insipide, destiné à sombrer dans les abysses ! Mais tout comme eux, les morts prenaient leur temps. Silencieux dans leurs linceuls, ils épiaient le monde depuis le bois fendu de leurs cercueils, attendant le jour béni où les vivants oublieraient naïvement leurs deuils ; avant que leur orgueil ne les fasse lentement ramper hors de leurs dernière demeure… et qu'ils ne marchent, heureux de venger les restes pourrissant de leurs honneurs. Aussi, c'est plus fébrile qu'il ne l'avait jamais été que Marcello se sentit trembler dans un jappement étouffé… et pourtant, son horreur ne faisait que commencer.

- Un vampire millénaire... Souffla-t-elle.

Oh non...

- Une bête sortie tout droit des enfers…

C'était impossible…

- Un démon capable de changer ses ennemis en pierre…

Cela ne se pouvait pas…

- Un monstre dissimulé au cœur de la Dynastie Erzeg…

Elle ne pouvait pas le savoir !

- Dont le regard de braise se reflète dans la lueur d'une sphère.

Ahurit, Marcello s'entendit hoqueter sous la violence de son apnée et recula d'un réflexe incontrôlé. Par tous les sang… « Un vampire des enfers au pouvoir de pierre, dissimulé au cœur de la Dynastie Erzeg et dont le regard de braise se reflétait dans la lueur d'une sphère ». Non. Non, ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible ! Ce n'était pas possible ! Et pourtant, rien n'aurait pu tromper la sincérité de son sourire. Grand Dieu… elle n'avait pas menti. Alors même qu'il lui avait ri au nez, cette femme n'avait pas mentit ! Elle connaissait le plus grand secret de sa Dynastie ; ainsi que le nom de leur plus grand ennemi… Transit d'horreur, le vampire crut sentir le sol se dérober sous ses pieds, impatient de le voir plonger dans les méandres du plus grand cauchemar de son éternité. Un cauchemar qu'il avait cru à jamais enterrer, mais qui tel l'ombre d'un revenant hurlant depuis les tréfonds, revenait le hanter à l'heure de sa glorieuse apogée.

- No… Siffla-t-il du bout des lèvres. Cela… cela ne se peut !

Il aurait voulu ne pas y croire… Se gausser devant une histoire aussi dérisoire et se détourner dans un soupir las ! Mais bien qu'il tente vainement de garder la face, son corps ne parvenait qu'à se tétaniser sous l'oracle d'un tel présage. Plus qu'un réflexe, c'est tout son être qui se replia dans les bras de ses instincts millénaires ! Des instincts qu'il aurait souhaité pouvoir faire taire, mais que sa Cour et soldats centenaires partagèrent dans un frisson amer… Comme si la mort était descendue du Ciel, que la Terre s'était ouverte sur les Enfers et que les Dieux eux-mêmes s'étaient mis à hurler au blasphème, un tremblement agita leurs lèvres, leurs yeux se révulsèrent, les gardes psalmodièrent d'étranges prières et les enfants sa cachèrent urgemment dans les jupes de leurs mères. Une scène toute aussi étrange que dénuée du moindre sens, que l'armée de Sorciers ne plus s'empêcher de détailler dans un frisson. Que se passait-il ? Ils l'ignoraient… mais ne purent rester indifférent devant l'asphyxie mortifiée qui les étreignaient. Incapable de reprendre leur souffle, une nouvelle frénésie enfiévra leurs pouls, de violentes secousses agitèrent leurs bijoux tandis que de vifs murmures échauffèrent leurs joues... Etait-ce de la peur ? De la colère ? De l'indignation ? Ou tout à la fois ? Ils ne surent pas… du moins, jusqu'à ce que ne résonne à nouveau la voix de Luna.

- Prenez-garde Votre Majesté. Dit-elle d'un ton inquiet. Il me semble que vous blêmissez.

Par tous les sangs… elle se moquait de lui. Alors même qu'elle le narguait de l'ombre d'un démon, cette femme – que dire ! – cette enfant, cette odieuse et insupportable petite arrogante, se moquait ouvertement de son rang ! Mais bien qu'il aurait dû répliquer, s'indigner et lui trancher la gorge d'un coup de griffes acérées, Marcello ne réussit qu'à frissonner sous l'étau de son regard bleuté. Un regard simple, calme et apaisé mais dont les paillettes argentées semblèrent le défier avec avidité. Non… il ne pouvait le tolérer. Son sourire, ses mots, ses traits ciselés et menaces dissimulées... tout ceci n'était que le reflet d'une manipulation savamment préparée ! D'un mensonge bien pensé ! D'un dernier affront désespéré ! Car elle ne savait rien de leur histoire ; rien de la honte, de l'horreur et du désespoir qu'ils avaient enduré sous le joug de cet Être macabre ! Pas plus que le prix que leur avait coûté leur ultime victoire…

- Quoi que vous croyiez savoir Luna… je vous conseille de vous raviser. Murmura-t-il sans respirer.

Immobile malgré le reflet de ses dents, Luna se grandit dans un frisson. Il voulait qu'elle se taise… qu'elle se détourne et s'envole avec ses secrets. Malheureusement pour lui, préserver l'ignorance n'était pas Serdaigle.

- Est-ce, ce que vous lui avez dit ? Demanda-t-elle doucement.

- Comment ?!

- A Elias Erzeg… précisa-t-elle. Est-ce ce que vous lui avez dit, quand il est venu négocier la survie de sa Dynastie ? De se raviser ?

Par tous les Diables…

- Nul doute que sa requête a dû vous surprendre… Continua-t-elle légèrement. En particulier après que vous ayez éviscéré son père et assassiné onze de ses frères. Mais il craignait qu'Aloff ne lui vole son trône… et se faisant, il s'est rallié à votre cause.

Non… non, cela ne se pouvait pas ! Elle… elle ne pouvait pas savoir ça !

- Une chance pour vous bien sûr. Assura-t-elle. Sans son aide, il ne fait aucun doute que vous auriez perdu de précieuses semaines… et peut-être même la guerre.

C'est impossible ! Inconcevable ! Plus qu'un secret, cet accord n'avait jamais figuré dans l'histoire ! Et pourtant, c'est sans sourciller qu'elle l'assommait de son étrange regard, la bouche en cœur et les lèvres pleines de savoir…

- Com… comment savez-vous tout cela ? Souffla-t-il d'une voix blanche.

- C'est une bonne question… et en toute honnêteté la réponse est tout aussi curieuse qu'étrange. Mais aux vues des circonstances Votre Majesté, je crains que ce genre de détail ne soient pas très importants.

Pas important ? Pas important ?! Elle se permettait de le défier ouvertement, de proférer le plus abjecte de tous les noms et de lui conter les dessous de sa victoire contre un démon… et ce n'était pas important ?!

- Maintenant et si vous le permettez, je souhaiterais reprendre nos négociations. Ajouta-t-elle brusquement.

- Pardon ?! S'étouffa Marcello.

A ses mots, Luna frémit en sentant la main de Lucius se resserrer brusquement sur la sienne. Agenouillé dans son dos, il n'avait pas bougé depuis qu'elle s'était interposée, le regard toujours vissé sur le corps de Drago dont les spasmes et convulsions ne cessaient de s'intensifier. Mais la douleur d'un tel spectacle ne l'avait pas empêché d'écouter… pas plus que l'armée de mangemort, qui la contempla sans respirer. Par Merlin… se pourrait-il que la Graciée réussisse là où ils avaient échoué ?!

- Je vous demande officiellement de nous rendre Drago Lucius Malfoy sans délais. Déclara-t-elle dignement. En échange de quoi, moi Luna Lovegood, Graciée de l'Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres, m'engage à protéger votre Dynastie et à empêcher son génocide.

Abasourdi, le vampire sentit son cœur se figer dans sa poitrine. Il avait vécu de longues années sur cette terre – plus de mille trois cent vingt-sept pour être exact… mais jamais ô grand jamais, il n'avait entendu de pareils mots dans une seule et même phrase. Que dire ! Un oxymore aussi infâme ! Dynastie et génocide… Il ne pouvait y croire ! Et pourtant, c'est sans même frémir que cette sorcière se permettait de l'affliger d'une telle ignominie ; de cet accord faussement politique, dont les mensonges et promesses hérétiques, manquèrent de le faire vomir…

- Un… génocide ?! Siffla-t-il ahurit.

- Je vous assure… dit-elle calmement. Vous pouvez encore vous épargnez un bain de sang.

Par tous les sangs, mais… cette femme n'avait donc aucune limite ? Aucun bon sens ?! Aucune décence ?! Un génocide ! Contre sa Dynastie ! Il devrait l'éventrer sur place pour oser proférer une telle folie ! Mais il n'en eut pas le temps… car alors qu'il la croyait folle, un nouveau présage s'abattait déjà sur sa couronne.

- Aloff vous a fait une promesse Votre Majesté… et il est impatient de l'honorer.

Aloff... Une promesse…

Non… elle mentait. Il en avait la preuve désormais, cette sorcière lui mentait ! Plus encore, elle pensait pouvoir l'intimider de son mensonge mal tissé ! L'effrayer de cette menace éhontée ! Le manipuler sous le joug d'un fantôme du passé, persuadée qu'il s'agenouillerait devant elle sans sourciller ! Bon Dieu… quelle honte. Quelle horreur ! Quel déshonneur ! Car elle ne pouvait le tromper… Aloff était mort. Mort et emmuré ! Mort et oublié ! Mort et perdu à jamais ! Plus qu'une certitude, c'était un fait ! Une promesse scellée à même la roche des Catacombes de la Valée d'Hatila ! Un pacte inaliénable conçut il y a désormais plus de trois cent ans de cela ! Pour preuve, il l'avait tué de ses propres mains ; éventré, brulé et démembré avant de l'enfermer dans le montage pour l'y laisser pourrir en son sein ! Alors qu'une sorcière se permette de lui assurer le contraire ? Qu'elle ose le menacer de déchaîner sur eux un monstre des Enfers ? En échange de la vie de ce misérable… vers ? Non… Non, il ne pouvait le tolérer. Plus encore, il en avait assez ! Assez de ces sourires, mensonges et négociations hypocrites ! De ces farces, menaces et insultantes répliques ! Oui… tout cela devait cesser. Et se faisant, il n'était plus question de négocier.

Aussi, c'est transit d'une nouvelle adrénaline que Luna entendit ses muscles vrombir brusquement dans le silence de la nuit. Pourquoi ? Elle ne le comprit pas ; jusqu'à ce que ne résonne le cri horrifié de Narcissa, que la main de Lucius ne se remplace subitement d'un grand froid… et que son souffle ne se coupe violemment sous l'étau d'une poigne.

- Non !

- Luna !

- Assez ! Scanda le Roi.

Prostrée, la jeune femme haleta violemment sous la brutalité de son apnée. Les yeux écarquillés d'horreur, elle n'eut pas le temps de résister, de hurler ni même comprendre la raison de son haut-le-cœur… car des griffes l'enserraient déjà de leurs milles promesses de douleurs. Impuissante, elle sentit ses cervicales craquer, ses jambes chanceler et ses poumons s'embraser sous le joug de cette main d'acier. Une main qu'elle n'avait pas vu fendre l'air… et dont les griffes se languissaient de faire couler le sang d'une sorcière… Agrippé à sa gorge dans un rugissement d'outre-tombe, Marcello la souleva dans les aires en moins d'un dixième de seconde, la réduisant à l'état de poupée de chiffon gisant lâchement sous l'éclat de ses dents. Enragé, ses lèvres se mirent à saliver, son regard la jaugea d'un œil affamé, son corps commença à trembler et tout son être se transit sous la soif de sang qui le possédait. Une image tout aussi glaçante que profondément horrifiante, que Luna peina à distinguer entre deux jappements. Par Rowena… Allait-il la tuer ? Là ? Maintenant ? Elle n'eut pas le temps de se poser la question. Asphyxiée, sa vue se brouilla en un instant, son cœur s'emballa et sa conscience se délita soudainement quand il la hissa face à ses pupilles rouge sang. Des pupilles désormais embrasées d'un feu incandescent, dont la lueur mortelle n'eut d'égale que celle de Satan…

- Ne joue pas avec moi Sorcière ! S'écria-t-il enragé.

Il ne se laisserait pas humilier. Il ne laisserait insulter ! Et encore moins par ces immondes sorciers…

- Aloff est mort ! Siffla-t-il contre son visage. Mort !

Au bord de l'arrêt cardiaque, Luna s'étouffa sous la brûlure de son regard. Seigneur… il allait la tuer. Il allait la tuer ! Etirée de son long, son cou lui sembla sur le point de se rompre, un brasier se mit à dévorer ses poumons et une fièvre mortelle lui monta au front. Accrochée au dernier filet d'air que sa poigne lui laissait respirer, c'est à peine si elle parvenait encore à réfléchir tant la douleur la paralysait. Et pourtant, il insistait…. Front contre front, nez contre nez, rapace contre proie, il la tenait à la seule force d'un bras, déterminé à lui faire connaître la vengeance d'un Roi. Déterminé à lui faire payer son savoir…

- N… non… je…

- Tu mens ! Hurla-t-il brutalement.

Non... Non ! Non ! Non ! Elle ne pouvait se laisser tuer ! Pas maintenant ! Pas alors que Drago se vidait de son sang ! Elle devait résister ! Elle devait parler ! Réfléchir ! Se concentrer !

- Vous… vous pouvez encore… être sauvé. Hoqueta-t-elle dans son apnée.

- Assez !

- Il… il vous l'a juré. Il a juré de… se venger.

Ebranlé, Marcello la détailla sans respirer. Se venger. Se venger. Se ven… non ! Non, elle ne savait pas de quoi elle parlait !

- Tu mens... Gronda-t-il entre ses dents. Aloff est mort ! Mort et emmuré !

- Dans les… Catacombes de la vallée d'Hatila… je sais…

- No… No ! Tu non sai niente ! Tu non sai niente ! (Tu ne sais rien. Tu ne sais rien !)

Si elle savait. Elle savait ! Mais elle étouffait… Ensuquée, ses souvenirs lui échappaient, ses sens se confondaient et ses chances s'amenuisaient.

- Dans… Dans le mur gauche…

- Quoi ?

- Le mur gauche de… la dernière allée…

Non…

- Celle… où les anciens Rois…

Non ! Non ! Non !

- Sont… inhumés.

Sonné, on n'eut jamais vu Marcello se figer plus violemment en un millier d'année. Comme si un mort venait de le frapper, son visage se décomposa, son corps se pétrifia et l'essence même de son âme sembla se liquéfier sur place. Par tous les Sangs… « Le mur gauche de la dernière allée, celle où les anciens Rois étaient inhumés. » Non… non… non ! Il pouvait accepter qu'elle connaisse leur histoire, leurs complots et peut-être même quelques détails… mais ça ? Non… cela ne se pouvait pas ! Elle… elle ne pouvait pas savoir ça ! Il ne pouvait y croire ! Nul à part lui et Elias connaissaient l'exacte emplacement de la carcasse ! Nul à part lui et Elias connaissaient l'ultime demeure de leur cauchemar ! Et pourtant, il ne rêvait pas. Cette femme savait où il reposait. Cette savait où Aloff était emmuré ! Et se faisant, cette femme savait où le trouver… une ultime évidence, qui sans qu'il ne s'en rende compte, desserra l'étau de sa poigne dans un frisson.

- Vous l'avez combattu… pendant six jours et six nuits… Continua-t-elle brusquement.

Non…

- Vous l'avez empalé… de trois lances dans le cœur et de sept… dans l'abdomen.

Non !

- Mais… il n'était pas mort. Vous avez tout essayé… mais… mais rien ne marchait.

- Tais-toi !

Il ne pouvait en entendre d'avantage !

- Vous l'avez démembré… brulé et éventré. Mais même là, il… il continuait de hurler.

Il devait la faire taire !

- Il… il commençait à guérir. Il commençait à… reprendre des forces.

Lui arracher la langue et l'envoyer brûler en Enfer !

- Vous aviez peur alors… vous l'avez emmuré dans la roche… avec la sphère enfoncée dans son torse.

Horrifié, Marcello sentit son cœur se figer avec brutalité. Par tous les Dieux… elle en savait trop. Trop pour mentir ! Trop sur lui ! Trop sur Aloff ! Trop sur ce qu'il lui avait fait subir ! Et beaucoup trop pour qu'il puisse en rire… C'est donc plus incertain qu'il ne l'avait jamais été, que le vampire la jaugea d'un air inquiet. Au bord de l'agonie sous les contours acéré de ses griffes, il vit ses paupières balbutier, ses yeux se révulser et son souffle s'épuiser. Impuissante, elle ne ressemblait plus qu'à une poupée de porcelaine sur le point d'être brisée ; qu'à une proie prête à être dévorée. Et pourtant, jamais il ne vit de regard plus criant de vérité… Un détail, qui alors même qu'il pouvait la tuer, suffit à lui promette tout ce qu'il avait toujours redouté.

La Vengeant d'Aloff…

Seigneur… se pouvait-il qu'elle dise vrai ? Que derrière l'allure d'un mensonge se cache une vérité ? Un avertissement qu'il n'avait jusqu'alors jamais décelé ? Une véritable menace qu'il peinait à imaginer ? Non. Non, il… il ne pouvait pas le concevoir. Mais son effroi le possédait déjà ; un effroi qui portait la couleur de son regard. Aussi, c'est les joues livides et les corps pétrifié que le Roi la lâcha brusquement dans un jappement horrifié. S'écrasant lourdement sur les pavés, Luna inspira violemment sous la douleur de ses poumons, le cœur battant malgré sa nausée et sa gorge en sang. Sonnée sous la vivacité soudaine d'un tel oxygène, elle se cambra, toussa et grimaça, le corps transit de tremblements tandis que résonnaient déjà les pleures soulagées de Narcissa. Par Rowena… elle n'était pas encore morte. Elle n'était pas encore morte ! Pourquoi ? Elle n'était pas certaine de le savoir ; mais bien que sa gorge saigne, que son cœur batte et sa douleur s'apaise, elle n'était pas encore sortie d'affaire. Prostré devant elle, Marcello la fixait d'un air consterné, les poings tremblants et le souffle coupé. Comme si le seul contact de sa peau l'avait brûlé au troisième degré, il s'était reculé de plusieurs pas en la voyant tomber à ses pieds, incapable de supporter la crainte qu'elle avait insinué dans ses pensées. Une image devant laquelle elle ne put s'empêcher de frissonner et qui la fit se redresser d'un élan inespéré. Seigneur… il la croyait. Elle pouvait le voir au trouble de son regard, il la croyait ! Mais serait-il prêt à céder ? A se fier corps et âme à toutes ces paroles insensées ? Et à négocier ? Elle l'espéra… plus encore, elle pria pour ses doutes croissent, que son sang se glace et son orgueil trépasse ! Mais pour cela, elle devait lui porter le coup de grâce.

- Nous avons la sphère. Siffla-t-elle d'une voix éraillée.

Non…

- Nous avons Aloff…

Non !

- Il arrive Marcello…

- No… No…

- Il arrive pour vous !

- No ! Argua-t-il désespérément. Aloff est emmuré ! Prisonnier de la Vallée ! Piégé pour l'éternité ! Aucune magie ne peut le libérer ! Aucune !

- Pas une magie… quelqu'un.

- Impossibile ! S'écria-t-il enragé. Aucun sorcier ne peut…

- Elias Erzeg…

- Quoi ?

- Le sang d'un ennemi… pour libérer celui qui a été trahit.

Ahurit, Marcello chancela sous l'étau d'une telle proclamation ; la seule qu'il n'aurait jamais cru entendre.

- Le sang d'Elias Erzeg.

Le sang d'Elias.
Le sang d'Elias.
Le sang d'Elias…

Par tous les sang…. Le sang d'Elias pouvait ouvrir la roche des Catacombes. Le sang d'Elias pouvait révéler l'antre de ce monstre. Le sang d'Elias pouvait le libérer de sa tombe. Bouleversé, le vampire regarda sa Cour d'un œil apeuré, l'esprit paralysé par le présage qui le hantait. Un présage que nul ne put ignorer, et qui les fit tous haleter...

- No… Souffla-t-il confus. Elias…Elias ne ferait jamais ça ! Nous avons fait un pacte ; jamais il ne nous trahirait !

Non pas qu'il ait eu le choix…

- Je suis désolé de vous l'annoncer mais… Elias Erzeg est mort. Corrigea-t-elle du bout des lèvres.

- Qu… quoi ?

- Toutes mes condoléances.

- Mais… mais come ?! Demanda-t-il furieusement. (Comment ?)

Grimaçant franchement à cette question, la jeune femme hésita à répondre. Bien sûr, elle n'ignorait rien de sa mort et de sa « légère » altercation avec Voldemort. Néanmoins et bien qu'Elias ne semblât pas être un homme très plaisant, elle doutait encore qu'il ait véritablement mérité une telle… décapitation.

- Je ne souhaite pas entrer dans les détails mais… il s'en est pris aux mauvaises personnes. Déglutit-t-elle. Et en a payé le prix fort.

Murmurant avidement entre eux, la Cour regarda Luna se redresser sur ses jambes dans l'écho d'un souffle nerveux. Aidée d'un Lucius au bord de l'arrêt cardiaque, ils les virent faire lentement face à leur Roi, dont le silence mortifié les déstabilisa. Ils n'étaient pas accoutumés à voir leur souverain trembler… pas plus qu'à entendre une sorcière réveiller les monstres de leur passé. Mais bien qu'ils tentent de garder la tête haute devant l'armée de sorciers, aucun d'eux ne put le nier : ce qu'elle présageait signait la fin de leur éternité.

- Mais… Mais s'il est mort, alors…

Alors c'était vrai.
Alors les portes des Enfers avaient été ouvertes.
Alors Aloff marchait sur terre… et avec lui la certitude de voir tout ce qu'il avait accompli partir en poussière.

- Ne commettez pas les mêmes erreurs que lui Marcello… Dit-elle. Je vous en prie ! Vous pouvez encore sauver votre vie… vous pouvez encore sauvez votre Dynastie !

Par tous les sangs… c'était vrai. C'était vrai !

- Il arrive votre Majesté. Il arrive pour se venger…

Aloff était réveillé.
Aloff était réveillé.
Aloff était réveillé !

Englué dans sa peur, la Vampire fut assourdi par ses battements de cœur et regarda autour de lui dans un jappement d'horreur. Comme s'il craignait que son ombre ne surgisse de derrière lui, son ouïe se décupla, sa vue s'embrasa et ses narines frémirent sous la force de son odorat, lui peignant alors les alentours de la Piazza. Des instincts initialement réservés pour la chasse, mais qui ne révélèrent de lui que le visage d'une proie…

- Comment avez-vous pu faire ça ?! Trembla-t-il. Comment… comment avez-vous pu libérer un telle mostruosità ?!

Accroché à Lucius, Luna frissonna à l'écho de ses cris et peina à déglutir. Une main sur la gorge, elle lutta pour ne pas faillir et se redressa pleinement malgré ses vertiges. Car c'était maintenant que se jouait leur ultime survie…

- Nous ne voulions pas en arriver là… Dit-elle. Mais votre allégeance à la Résistance et l'enlèvement de notre Général d'Armée ne nous a laissé aucun choix.

- Ne savez-vous donc pas, ce que vous avez fait ?! Hurla-t-il enragé. Aloff è un demone ! Un mostro ! (Aloff est un démon ! Un monstre !)

- Nous le savons… et c'est précisément l'enjeu de ces négociations.

Ebranlé, le vampire se tut dans un silence mortifié. Par tous les sangs… Voilà ce qu'était la plus grande abomination du monde à leur yeux ?! Un moyen de pression ? Une tactique d'intimidation ? Un argument en faveur d'une libération ?! Seigneur… ils savaient que les sorciers étaient vicieux, vils et trompeurs ; mais de là s'abaisser à cela ? A s'allier avec ce renégat ? Il peinait à le croire. Et pourtant, cette femme n'en démordait pas… Une évidence qui raviva le tranchant de ses dents, et dont le cri infâmant ébouillanta son sang dans l'écho d'un nouveau grondement.

- Je vous réitère mon offre votre Majesté… Rendez-nous Drago et vous survivrez. Tonna-t-elle. Ou le sort de votre Dynastie sera à jamais scellé…

Non…

- Vous avez jusqu'au lever du soleil.

- Comment ?! S'étouffa-t-il. Mais… l'aurore point déjà à l'horizon !

- Je vous conseille donc de prendre une décision tant qu'il en est encore temps. Trancha-t-elle froidement.

Seigneur… il était fait. Piégé ! Acculé !

- Aloff n'attendra pas. Et nous non plus…

Plus rien ne pourrait l'empêcher ! Les Sorciers avaient gagné...


Et voilà comment on cloue la langue d'un vampire ;)

J'espère que ces chapitres vous auront plus ! Comme vous le voyez, Drago est en très mauvaise posture mais Luna est déterminée ! Et quoi de mieux que l'ombre d'un vieux Démon pour négocier ;) N'hésitez pas à me laissez vos avis en review et à me donner vos pronostiques ! A votre avis, Marcello cèdera-t-il ? La réponse la semaine prochaine !

A très vite ;)