- Luna ?
Assise depuis plusieurs minutes sur le rebord de la Piazza, la jeune femme ne réagit pas à l'approche de Narcissa. Silencieuse, prostrée et perdue dans ses pensées, elle n'avait pas bougé depuis que Marcello avait appelé sa Cour à délibérer. Et quand bien même elle aurait essayé, il ne faisait aucun doute qu'elle aurait été incapable de se lever… Comment aurait-il pu en être autrement ? Affaiblie, blessée et plus fébrile qu'elle ne l'avait jamais été, c'est à peine si elle était restée débout plus de trente secondes après qu'ils se soient retirés, la laissant alors s'écrouler sans un mot devant les portes closes du Palazzo Publico. Des portes qu'elle ne cessait de contempler et dont le silence cruel lui donnait l'impression d'agoniser…
« 15 minutes. »
Telle avait été la demande de Marcello.
« 15 minutes. »
Tels avaient été ses derniers mots.
« 15 minutes. »
Tel était son délai pour décider du sort de Drago…
Par Rowena… 15 minutes. Cela semblait incroyablement court pour décider du sort de leur éternité. Pour rassembler sa Cour, débattre et parlementer ; pour voter, convaincre les derniers sceptiques de se rallier à la majorité et rendre un jugement éclairé. Mais pour elle ? Qui n'avait pas plus de temps devant elle que celui d'une simple mortelle ? Seigneur… jamais 15 minutes ne lui parurent aussi lentes. Non, pas 15 ! 10 désormais… 10 longues et insupportables minutes, dont les 600 secondes restantes lui échauffaient les tempes de la plus insupportable des attentes. Mais avait-elle raison d'être aussi impatiente ? D'attendre avec anxiété un jugement capable de les achever ? De les faire sombrer ? De déclarer la guerre ? Et de les tuer ? Elle ne savait pas… pourtant elle voulait y croire. Elle voulait croire en leurs chances ! Croire en la peur de Marcello ! Croire en la survie de Drago ! Mais le soleil se levait lentement… et la laissait se languir devant la naissance de ses premiers rayons. Ainsi, elle resta là, la boule au ventre et la gorge enflée, le regard figé et les poings serrés, le souffle court et le cœur pétrifié… devant le silence macabre de ces portes scellées. Non pas qu'elle puisse faire quoi que ce soit d'autre ; Lucius rassemblait les rangs, Bellatrix s'impatientait en vociférant et leurs soldats tremblaient devant les prémices du soleil levant... Armés jusqu'aux dents, tout se préparaient à l'affrontement, inquiet de ne voir surgir un nouveau monstre à l'horizon. Mais elle ? Que pouvait-elle faire si ce n'est attendre ? Elle avait déjà tout donné, tout tenté et tout risqué. Il n'y avait plus rien qu'elle puisse ajouter, miser ou inventer ! Ne lui restait donc plus qu'à patienter malgré ses envies de hurler et à prier pour que les Dieux ne les aient pas abandonnés.
- Luna ?
Sursautant brusquement, la Serdaigle frissonna dans son silence. 9 minutes ; ils leur restaient 9 minutes à attendre ! Mais elle n'était pas la seule à tenir le décompte…
- Le médicomage est là. Lui souffla Narcissa.
- Bien… Drago en aura besoin.
A sa réponse, la Malfoy baissa le regard dans un frisson. Oui… c'était le moins qu'on puisse dire. Mais cela suffirait-il à sauver son fils ? A assurer sa survie ? A lui redonner le sourire et à faire disparaître les cicatrices de ces tortures indignes ?! Elle n'avait pas la force d'envisager le contraire… mais peinait à combattre la nausée qui lui montait aux lèvres.
- Oui… c'est vrai. Dit-t-elle. Mais toi aussi.
Passant une main inconsciente sur son cou bleuté, Luna déglutit dans une grimace étouffée et ne parvînt pas à renchérir devant son regard inquiet. Un regard vissé sa gorge violacée, mais qui se détourna presque aussitôt à la vue des contours boursoufflés de sa peau lacérée et traînées de sang séchées… Oui. Il était vrai que la poigne de Marcello ne l'avait pas épargné ; pas plus que ses griffes d'ailleurs. Accrochées à elle telles de véritables serres, elle pouvait encore sentir leur tranchant frémir sous la chaleur de son sang. Heureusement pour elle, les entailles n'étaient pas très profondes… mais suffisaient à orner l'entièreté de sa nuque du plus macabre des colliers sanglants. Nul doute qu'il regrettait de ne pas avoir pu en goûter un échantillon. Mais pour ce qui était de l'état de sa gorge en revanche… elle ne pouvait que le deviner, mais n'avait besoin d'aucun médicomage pour savoir qu'elle mettrait des semaines à se soigner. Presque entièrement écrasée par un poing d'acier, sa trachée l'élançait, ses poumons brûlaient, son thorax tressautait, sa respiration sifflait, sa vue vacillait et un goût métallisé écœurait son palais… Plus enflée que jamais, le contour de la main de Marcello se dessinait sur sa peau en d'étranges ecchymoses ; une empreinte tout aussi sinistre qu'incroyablement douloureuse, dont les sous-ton violet et bleu s'entremêlaient déjà avec le rouge de son sang anxieux. Peut-être Narcissa avait-elle raison ? Peut-être devrait-elle se laisser l'examiner ? Mais en de tels instant… comment pouvait-elle seulement s'en soucier ?! Certes, elle avait manqué de se faire étrangler ; mais elle pouvait encore respirer ! Parler, marcher, se lever et combattre si besoin il y avait ! Mais Drago… Drago avait été torturé. Battu, enchaîné et mutilé, il avait enduré plus de supplices qu'elle ne pouvait en compter sans pleurer ! Plus d'horreur qu'elle ne pouvait en imaginer sans s'écouler et plus de douleurs qu'elle ne pourrait jamais en supporter ! Et encore, elle devait être loin de la réalité ! Enchaîné, son corps avait été fouetté, lacéré et traîné sur les pavés…. Tranché à hauteur de poignet, son moignon avait été laissé à vif dans le but de s'infecter… Humiliée, son âme elle-même avait subi le courroux d'une vengeance injustifiée, ne laissant de lui qu'un futur cadavre tout juste bon à être jeté en pâture aux vautours qui le lorgnait. Grand Dieu… et elle devrait s'inquiéter de sa propre santé ? De ses douleurs et quelques crachats ensanglantés ? Alors même que le sang et les larmes de l'homme qui hantait ses pensées mouillaient encore le sol sur lequel elle gisait ?! Par Rowena… elle ne pouvait l'imaginer.
- Je vais bien. Lui assura-t-elle d'une voix éraillée.
- Tu es sûr ?
- Oui… ne vous en faîte pas pour moi. Lui sourit-elle.
Décontenancé devant sa sincérité, la Malfoy se mordit la lèvre d'un air gêné. Par Merlin… cette enfant aurait pu mourir. Là, sous leurs yeux… déchiquetée par les griffes de ce vampire ! Egorgée en place publique ! Et pourtant, elle n'avait pas hésité. Fière et déterminée, elle s'était redressée devant ce Roi, n'avait eu cure de son regard et l'avait défié en dépit de tout effroi ! Pourquoi avait-elle fait tout ça ? Pourquoi avait-elle pris le risque de rejoindre l'au-delà ? Elle se le demandait encore… mais savait déjà que nulle reconnaissance ne saurait rendre hommage à une telle force.
- C'est amusant… souffla-t-elle subitement. J'ai toujours été curieuse de connaître l'Italie.
- Vraiment ? Demanda Narcissa.
- Mon père y a vécu quelques années quand il était enfant… ça n'a pas duré très longtemps mais il a toujours su parler la langue.
- C'est lui qui te l'a enseigné ?
- Hum hum… il voulait que nous y partions en voyage. Que nous visitions Venise, Rome, le Vatican, la Chaine des Dolomites, Florence et les vignobles de Toscanes.
Mais le temps était passé… la guerre était arrivée et son père l'avait quitté. Et se faisant, l'un de ses plus chers rêves d'enfances s'était à jamais brisé.
- C'est dommage. Continua-t-elle du bout des lèvres. C'est un magnifique pays mais… mais maintenant je…
Sa voix se coupa un bref instant. De douleur ? D'émotion ? Narcissa ne le sut pas… mais n'eut aucun mal à deviner son émoi devant le sang qui tâchait la Piazza.
- Je dois avouer que… j'ai hâte que nous partions.
Hochant vaguement la tête à son aveu, la Malfoy acquiesça sans respirer et s'assit lentement à ses côtés. Oui… elle aussi avait hâte de partir. De quitter cette maudite ville et de ne plus jamais y revenir ! Mais Drago ferait-il parti du voyage lui aussi ? Là était la seule question qui agitait leurs esprits…
- Je comprends…
Cernée, décoiffée et plus nerveuse qu'elle ne l'avait jamais été, Luna l'a vit replier ses bras sur ses genoux et réajuster son col déchiré autour de son cou. Des petits gestes simples et distraits, mais dont la fébrilité et tremblements saccadés ne parvinrent qu'à trahir l'effroi qu'elle peinait à étouffer. Quelque peu esquintée après avoir combattu plus d'une heure entre les bras de sa sœur, son chignon s'était défait, ses bras avait été griffés, ses joues creusées et ses lèvres gercées. Sûrement après avoir tant hurler… ou pleurer ? Qu'importe ; les deux l'avaient dévasté. Aussi et pour la première fois, la jeune femme ne put s'empêcher de constater les quelques traces de son âge ; qu'il s'agisse de rides entourant son regard, des plis de ses fossettes ou des marques d'amertume de son visage, toutes racontaient une seule et même histoire. Celle d'une femme affligée par la vie… et dont le cœur était hanté par la dernière image de son fils.
- Quand… quand pense-tu qu'ils…
- Dans sept minutes...
7 minutes…
7 minutes…
7 minutes…
- Et que se passera-t-il s'ils… refusent ?
A sa question, Luna détourna le regard dans un frisson. S'ils refusent ? ? Seigneur… Elle ne voulait pas l'imaginer.
- J'imagine que la guerre sera officiellement déclarée.
Ils auraient tout perdu…
- Et Drago ?
Lui aussi, serait perdu…
- Je… je l'ignore. Dit-elle du bout des lèvres.
- Mais ce vampire dont tu parlais… Aloff.
Oh non…
- Il pourra le sauver ? Pas vrai ?! Demanda-t-elle brusquement.
Pris de court, Luna hoqueta sans souffle. Elle avait espéré que Marcello croit à son mensonge… que sa Cour tremble au souvenir d'un tel démon et qu'ils capitulent dans l'instant ! Mais certainement pas que Narcissa y voit l'ultime moyen de sauver son enfant… Pourtant, elle ne devrait pas s'en surprendre. Certes Aloff était un monstre, une créature étrange bénit par le temps et pourvue de pouvoirs dépassant l'entendement… mais il n'en restait pas moins extrêmement puissant. A tel point qu'aucun vampire au monde n'était en mesure de lui faire la moindre concurrence ; de lui survivre ou d'échapper au poison de ses dents ! Et se faisant, il était un atout... Du moins il en aurait été un, s'il avait réellement été en route pour attaquer au matin.
- Ça va marcher. Dit-elle mal à l'aise. Ne vous en faites pas, je… je suis certaine que nous n'aurons pas en arriver là.
Il le fallait… Plus qu'une nécessité, le sort de Drago, de leur armée et de tout l'empire en dépendait ! Car Aloff ne viendrait pas les sauver ; pas plus qu'il ne viendrait se venger de ceux qui l'avait emmuré... Un détail qu'elle n'osa lui révéler malgré son regard mouillé et qui lui fit lever les yeux vers l'aurore qui les surplombait. Par Rowena… nul à part elle, l'Initiée et le Seigneur des Ténèbres ne connaissaient la véritable histoire d'Aloff ; l'issue de son dernier combat, les effets du sort de Morgane, de la pétrification de Voldemort, le plan d'Hermione, suivit de sa lente et tragique mort... était-ce une bonne chose ? Elle ne savait pas. Avait-elle eu raison de mentir à la face d'un Roi ? Allez savoir. Mais ce qui était certain, c'est qu'elle n'avait eu aucun choix… Et pour cause ! La peur était leur dernière arme. Leur unique espoir ! L'ultime levier capable de leur éviter un drame ! Bien sûr, elle savait quels risques son plan représentait ; quel prix un pareil mensonge pouvait leur coûter et quels dangers une telle folie impliquait. Elle-même avait hésité à s'y aventurer, incertaine quant aux débouchés d'une tactique aussi osée. Mais quand elle avait vu Drago être trainé sur les pavés… quand elle l'avait vu son corps décharné, sa figure balafrée, son poignet tranché et son regard désespéré… elle n'avait pas pu le supporter. Abasourdi entre horreur et nausée, elle avait senti son cœur se briser, son souffle se couper, son esprit se liquéfier et son âme hurler. Plus que de la haine, de la tristesse ou du désespoir, c'est tout son être qui s'était transit d'un nouvel émoi, mélange de colère, de douleur et d'effroi. Pourquoi ? Elle n'était pas certaine de le savoir… mais ce dont elle était certaine, c'est que Drago ne méritait pas cela. Ainsi, c'est assourdi par le rythme de son adrénaline qu'elle s'était grandi, avait cessé de réfléchir et avait menacé toute une Dynastie de relâcher sur eux un Fléau synonyme de génocide ! Une réaction quelque peu impulsive, elle ne pouvait le nier… qui était aujourd'hui sa seule chance de le sauver.
- Oui… ça va marcher. Répéta-t-elle sans respirer.
- Tu crois ?
- Marcello n'est pas inconscient. Il connait l'enjeu de ces négociations… et l'imminence de leur extinction. Dit-elle plus fort. Il saura prendre la bonne décision.
Par Rowena… faîte qu'il les entendent ! Qu'ils les épient par de là les portes du Palazzo et tremblent devant l'assurance de son mensonge !
- Ils leur restent moins de cinq minutes… Souffla Narcissa.
- C'est suffisant.
- Tu es sûr ?
- Oui.
Si seulement elle pouvait dire vrai... Si seulement elle pouvait avoir la certitude que Drago leur reviendrait, que ses blessures se guériraient et que cet infâme cauchemar s'oublierait. Elle pourrait à nouveau respirer… à nouveau vivre, penser, réfléchir et parler sans que tout son être ne se fracture de douleur ; ne s'indigne d'horreur et ne vomisse l'imminence d'un nouveau deuil ! Mais un tel souhait ne dépendait plus d'elle… un fardeau supplémentaire dont le goût l'écœura d'une saveur amère.
- Sorciers ! Hurla Lucius.
Oh Seigneur…
- Préparez-vous !
4 minutes…
4 minutes…
4 minutes…
- Luna, Narcissa ! Les appela-t-il subitement.
Au bord du malaise, les deux jeunes femmes le virent s'approcher à grand pas et déglutirent à la gravité de son visage. Nul doute qu'il aurait préféré ne pas en arriver là… mais le décompte de l'attaque ne leur laissait aucun choix.
- L'aurore est là. Leur souffla-t-il.
- Non, il reste encore du temps.
- Ce n'est pas assez.
Ebranlés, les sorcières lui firent face sans respirer… par Merlin, mais que voulait-il insinuer ?!
- Il vous faut partir. Tonna-t-il brusquement. Maintenant.
- Quoi ?!
- Nous n'avons pas le choix.
- Non ! S'étouffa Narcissa.
- Monsieur Malfoy, s'il vous plait… Supplia Luna.
Intransigeant malgré la douleur de leurs regards, le Malfoy grimaça. Il n'aimait rien de tout cela… rien de cette attente, de ces délibérations et de la venue d'un nouveau monstre ! Mais quoi qu'ils doivent affronter, il ne pouvait se permettre de les laisser y participer ; en particulier si un massacre les attendait...
- Nous ne pouvons plus attendre…. Siffla-t-il.
- Mais…
- Votre Sombral est prêt à voler. Trancha-t-il. Vous décollerez sitôt que le soleil sera levé.
- Non !
- Monsieur Malfoy, il n'est pas trop tard ! Insista la Serdaigle.
- Ça ne se retarder…
3 minutes…
- Lucius ! S'exclama Narcissa horrifiée.
- C'est déjà décidé…
- Non ! Je refuse d'abandonner notre fils !
- Et je refuse de te voir mourir ! S'écria-t-il.
- Bon Dieu, personne n'est obligé de mourir ! S'exclama Luna horrifiée.
Frissonnant violemment à la vue de sa gorge ensanglantée, le Malfoy détourna le regard dans un soupir affligé. Oui… c'était vrai. Personne n'était obligé de mourir… et il restait encore du temps ; mais trop peu pour qu'il prenne le risque de voir couler davantage de leur sang. Aussi, c'est le cœur lourd qui la détailla et lui offrit un sourire résigné. Il n'aurait jamais imaginé que celle qu'il avait toujours jaugé avec véhémence serait la première à tout risquer pour sauver son enfant… pour leur donner une ultime chance et tenter d'éviter un bain de sang. Mais bien qu'il lui soit infiniment reconnaissant, Lucius le savait : les vampires ne capituleraient jamais sans combattre. Ils étaient bien trop fiers, orgueilleux et butés pour cela ! Non pas que ce soit une surprise venant d'une pareille Dynastie… mais il ne pouvait plus se permettre le moindre risque.
- Je salue votre courage et détermination Luna… sincèrement. Souffla-t-il. Mais dès l'instant où Aloff donnera la charge, il sera trop tard pour vous évacuer du champ de bataille.
- Mais…
- S'il est aussi terrible que les Von Bassito le disent, ce sera un véritable carnage ! Et je refuse que fassiez parti des victimes collatérales.
Oh non… il n'envisageait pas un seul instant que les Von Bassito puissent se rendre. Pire encore ! Il ne croyait pas en aucune de leurs chances ! Une évidence fasse laquelle Luna vacilla brutalement, et dont la gravité lui glaça le sang.
- Votre survie est essentielle… Insista-t-il.
- Tout comme la tienne ! S'écria sa femme.
- Non… Grimaça-t-il. Plus maintenant.
Ahurit, Narcissa vacilla aux mots de son mari. Par tous les Dieux… elle était venue sauver son fils ! Pas assister à l'extermination de sa famille !
- Rentrez à Poudlard. Leur dit-il la mort dans l'âme.
- Qu… quoi ?!
- Alertez le ministère et trouvez le Maître ! Lui seul pourra un mettre un terme à cette guerre…
- Non !
- Narcissa…
- C'est hors de question !
2 minutes…
- Je refuse de t'abandonner ! Scanda-t-elle.
- Tu n'as pas le choix ! Si les vampires prennent le dessus, il n'y aura plus d'espoir… La résistance assiégera Poudlard et l'empire tombera !
Horrifiée, la Serdaigle s'entendit haleter d'un souffle désespéré. Lucius était prêt à mourir… Narcissa était prête à mourir ! Tout le monde était prêt à mourir ! Une vérité qui lui donna soudainement envie de vomir… Non, ça ne pouvait pas se finir ainsi ! Pas pour lui ! Pas pour Narcissa ! Pas pour Drago ! Et pourtant, rien n'aurait pu supplanté le silence provenant du Palazzo…
- Non… non il reste du temps ! Paniqua Luna. Il reste du temps !
- Je suis désolé. Mais notre avenir dépend de vous désormais…
- Non !
Incapable de respirer, Luna vit Narcissa s'effondrer, les soldats s'armer et le soleil briller dans le décompte des dernières secondes qui leur restaient. Pas tous les Dieux… elle les avait condamnés. Elle les avait condamnés ! Tout autant qu'ils étaient, aucun d'eux ne pourrait s'en relever ! Aucun d'eux ne serait épargné ! Et le pire était que les soldats croyaient avoir une chance de gagner… elle pouvait le voir à la ferveur de leurs regards et clameur de leur rage, ils pensaient pouvoir assiéger le Palazzo, vaincre l'armée centenaire de Marcello et sauver Drago ! Mais Aloff ne serait pas là pour les aider, leur ouvrir la voie et les guider jusqu'à la victoire ! Non ! Ils… ils seraient seuls. Seuls et condamnés à échouer.
- Il… il doit bien y avoir un autre moyen ! Haleta Narcissa. Tu… tu ne peux pas me demander de partir ! Pas après ce qu'ils ont fait à notre fils !
- Je ferais tout ce qui est mon pouvoir pour le ramener en vie ! Mais si Marcello s'obstine…
Il n'y aurait plus rien à faire… L'armée attaquerait et serait décimée. Lucius mourrait et Drago serait tué. La guerre empirait et leur échec serait assuré. Ainsi plus rien ne serait en mesure de les sauver… et la Résistance aurait gagné. Pourtant et alors que Luna chancelait devant leurs destins scellés, un étrange écho la fit brusquement frissonner. Fugace et presque inaudible, il la paralysa de son gong imperceptible, laissant alors un violent frisson la parcourir. Tel un murmure destiné à mourir avec les dernières ombres de la nuit, elle ne distingua de lui que ses contours intangibles, vagues fébriles et vrombissements intempestifs. Des petites sonorités, légères et sans gravité, qu'elle ne parvînt cependant pas ignorer malgré le capharnaüm de ses pensées. Ce son, ce sifflement, ce murmure… Qu'était-ce ? Elle n'aurait su le dire. L'imaginait-elle ? Possible. Mais bien qu'elle tente de se ressaisir, de se grandir et de rassembler les restes de son esprit sur le conflit à venir, jamais il ne tarit… Un peu plus fort à chaque seconde, il résonna avec insistante dans ses tympans, la laissant confuse et grimaçante à mesure qu'une nouvelle inquiétude lui enfiévrait le front. Était-elle dont la seule à l'entendre ? Elle se le demanda… à tel point qu'elle regarda l'armée, Lucius, Bellatrix et Narcissa, attendant que l'un d'eux réagisse tout comme elle à cette clameur synonyme d'effroi ! A ce souffle irascible ! Bruit tout aussi oppressant qu'incontestablement fragile ! Mais ils étaient assourdis par leurs adrénalines ; grisés à l'idée de combattre, leurs cris jaillissaient de leurs gosiers, leurs magies claquaient avec avidité et leurs souffles s'alourdissaient… les rendant sourd à cette étrange sonorité. Par Rowena, devenait-elle folle ? Hallucinait-elle ? Elle le crut… jusqu'à ce qu'un un étrange souvenir ne s'aligne brusquement à cet écho distordu.
Par tous les dieux… elle l'avait déjà entendu.
Ce murmure ! Elle l'avait déjà entendu ! Mais où ? Où ? Où ?! Non… non, ce n'était pas elle ! Mais Hermione… oui, c'était ça ! C'était elle ! Hermione l'avait déjà entendu ! Mais où ça ? Et quand ?! Était-ce il y a longtemps ? Sûrement pas pour que le souvenir d'un tel son lui paraisse si vivant ! Mais ça ne répondait pourtant pas à sa question…
- Narcissa, je t'en prie… implora Lucius.
1 minute…
- Non… non ! Non !
Elle devait réfléchir… elle devait se concentrer ! Mais leurs temps s'amenuisaient et la situation ne tarderait pas à dégénérer…
- Non ! S'écria-t-elle éplorée. Je ne t'abandonnerais pas ! Je m'y refuse !
Elle l'avait entendu en forêt… mais était-ce avant ou après avoir quitté la Résistance ? Non… non, c'était après ! Bien après ! Mais où ?!
- Tu n'as pas le choix ! Ces vampires ne tarderont pas à jaillir des portes du Palazzo pour nous exterminer jusqu'aux dernier ! Tu dois fuir !
Jaillir… jaillir… jaillir…
30 secondes…
Jaillir… jaillir… jaillir…
Ahurit, Luna sentit son souffle se couper à mesure que son esprit s'éclaircissait. Oh seigneur… La Turquie. C'était ça ! Hermione l'avait entendu en Turquie ! En Turquie ! Mais quand ? Quand ? Qua… les vampires ! C'était ça ! Elle l'avait entendu juste avant que le Voldemort ne la sauve des vampires ! Précisément quand Samuel l'avait sauvé de la Báthory, qu'il l'avait porté jusque devant un petit portail d'acier et qu'il s'était soudainement mis à courir… Sonnée, Luna hoqueta brusquement dans sa nausée. Oui… elle l'entendait clairement désormais. Des vampires couraient. Des vampires couraient ! Transpercé par la puissance de leur vitesse, ce bruit n'était que le sifflement de l'air qu'elle entendait vrombir tout autour d'elle ! Mais si des vampires couraient et que le temps était écoulé… alors…
- Signora Luna.
Sursautant violemment au contact de lèvres contre son oreille, la jeune femme s'écria dans un hurlement réflexe. Alerté, l'armée se tut brusquement, Lucius leva sa baguette et Narcissa s'étouffa dans un jappement. Pourtant et alors qu'elle s'attendait à rencontrer le même regard qui l'avait incendié, les mêmes griffes qui avaient failli l'égorger et les mêmes dents qui s'étaient languies de la transpercer… ce n'est pas Marcello qu'elle vit dans l'ombre de son dos, mais un simple valet dont la proximité et pupilles ensanglantées la paralysèrent d'un frisson horrifié.
- Signora Luna… je présume. Répéta-t-il.
Pétrifiée, la Serdaigle le détailla sans respirer. Seigneur, cet homme était immense ! Et beaucoup trop proche de sa gorge en sang... Pâle, blond et vêtu d'un habit de la renaissance, elle vit ses griffes trembler sous ses manches, ses narines frémir vivement et son sourire grandir à l'écoute de son cœur battant. Était-il là pour l'achever ? Lui annoncer que Marcello refusait de capituler ? Qu'ils allaient attaquer ? Et que Drago allait être exécuté ?! Elle l'ignora… mais ne put manquer de constater qu'il était seul sur la Piazza.
- Qui… qui êtes-vous ? Demanda-t-elle du bout des lèvres.
Amusé par sa question, le valet esquissa un sourire entre ses dents.
- Questo non è importante… souffla-t-il. (Ce n'est pas important…)
Pas important ?! Elle en douta sincèrement…
- Dans ce cas, que… que faîtes-vous là ? Demanda-t-elle.
- Mon Roi m'envoie vous délivrer un message.
- Un message ? Répéta-t-elle sans y croire.
- Exacte Signora…
Mal à l'aise devant le frétillement insistant de ses dents, Luna sentit son cœur rater un battement. Un message ? Donné par un valet ? Cela ressemblait d'avantage à l'attitude d'un lâche qu'à celle d'un Roi.
- Pourquoi ne vient-il pas le délivrer lui-même ? Demanda-t-elle inquiète.
- Simple précaution.
Etonnée, la jeune femme se pinça les lèvres dans une nouvelle apnée. Une précaution… mais pourquoi ? Avait-il peur ?! Elle l'espéra… mais peina malgré tout à y croire.
- Je vous écoute. Déclara-t-elle solennellement. Qu'avez-vous à dire ?
Un grand silence suivit sa question. Pendus à ses lèvres, les mangemorts resserrèrent leurs poings autour de leurs baguettes, Lucius déglutit devant la clarté du ciel et Narcissa lutta pour ne pas céder à un nouveau malaise. C'était le moment… l'heure du dernier jugement.
- Le Roi Marcello Alessandro Giovanni Francesco Santo Von Bassito m'envoie vous annoncer que sa Cour et lui-même ont cessé de délibérer.
Cesser de délibérer ?! Oh Seigneur…
- Et qu'a-t-il décidé ?! S'empressa-t-elle de demander.
Jetant un bref regard à l'horizon, le vampire se pinça les lèvres dans un léger frisson. Redoutait-il de voir Aloff surgir lui aussi ? De servir d'agneau sacrificiel ? D'être le premier à périr de la main de ce fléau immortel ? Elle l'ignorait… mais n'aurait pas pu moins s'en soucier.
- Il semblerait qu'aux vues du caractère urgent de la situation et de la gravité de vos arguments… que le Roi Marcello Alessandro Giovanni Francesco Santo Von Bassito et sa Cour aient estimé qu'il serait regrettable de tendre vers une l'escalade de la violence…
Oh Morgane…
- Et qu'il serait également déplorable de conclure ces négociations pacifiques dans un bain de sang. Déclara-t-il solennellement.
Se pourrait-il que…
- De même, il regrette que nos certaines de nos revendications aient été perçu comme offensantes, et souhaite rétablir un climat de confiance entre nos peuples.
- C'est heureux... Souffla-t-elle anxieuse. Nous le souhaitons également.
- Il n'en doute pas. Dit-il. Cependant et afin d'amorcer un apaisement, il tient à vous présenter ses plus sincères excuses pour nos marques de défiances et vous assure la reconsidération de ses… précédentes alliances.
Décontenancée, Luna haussa un sourcil étonné. La reconsidération de ses précédentes alliances ? Mais s'il faisait une telle chose alors…
- Sa Majesté ne tient plus à prendre part à cette honteuse guerre de territoire. Précisa-t-il. C'est indigne de lui et des principes de notre Dynastie.
- Que devons-nous comprendre ? Demanda-t-elle incertaine.
- Que sa Majesté a fait rappeler ses armées et que plus aucune interaction ne sera entretenue avec les opposants du Seigneur des Ténèbres ; ceux-là même que vous nommés « Résistants » …
Par tous les Dieux… Marcello se désolidarisait de la Résistance ?! De Harry ? De Ron ? Et de leurs plans ?! Seigneur mais… c'était plus que ce qu'ils avaient demandé ! Espéré ! Ou ne serait-ce qu'envisagé ! Et pourtant, c'est la peur à l'âme que ce Roi avait décidé de se raviser.
- En ce sens, il espère que vous ferez également preuve de clémence…
De clémence… quel choix de mot intéressant.
- Cela semble acceptable… dit-elle sans respirer. Mais une telle demande n'est pas sans condition.
- Nous le savons. Assura-t-il. Cela a d'ailleurs été un point quelque peu houleux de ces dernières délibérations ; mais sa Majesté a pris sa décision.
- Et qu'est-elle ?
Un silence…
- Le Roi Marcello Alessandro Giovanni Francesco Santo Von Bassito, a décidé dans sa grande bonté…
Une éternité…
- D'accéder à votre requête…
Avant les derniers mots de son apnée...
- Et de libérer le prisonnier Drago Malfoy.
C'était dit.
Après des heures d'attente, de cauchemars et d'angoisses effrayantes, c'était enfin dit.
Drago… Drago n'allait pas mourir.
Ebranlée, Luna sentit un vertige la faire vaciller à mesure que son regard s'écarquillait. Seigneur… ça avait marché. Son plan avait marché ! Drago allait être libéré ! Drago allait être libéré ! Une vérité qu'elle peina à conscientiser dans son apnée, mais dont le seul écho suffit à transcender leur armée. Frappés de plein fouet par la délivrance de cette nouvelle inespérée, la Serdaigle entendit Narcissa pleurer avidement, Lucius s'étouffer de milles remerciements, les sorciers s'écrier avec engouement et des étincelles de magies crépiter furieusement. Et pour cause… ils avaient gagné. Alors même que tout les destinait à échouer, ils avaient gagné !
Drago était sauvé.
- Quand… quand sera-t-il…
- N'ayez crainte. Lui dit-il. Il vous sera rendu dès lors que chacun des sujets de la Cour aura quitté le Palazzo.
C'était donc cela… Ce bruit ! Cet écho ! Ce n'était pas seulement des vampires entrain de courir. Non… mais des vampires en train fuir. De quitter le Palazzo à toute jambe ! De partir à la hâte et la peur aux ventres ! De déserter tant qu'il le pouvait pour échapper à un bain de sang !
- Bien entendu, sa Majesté aurait apprécié vous transmette une telle nouvelle en personne… mais elle est certaine que vous comprendrez les raisons de son départ précipité. Souffla-t-il.
Ne manquant pas le tressaillement silencieux de son insinuation, Luna hocha la tête dans un frisson. Ainsi le célèbre Marcello Von Bassito était parti. Le Grand Roi – que dire ! – l'Invulnérable Souverain de la plus redoutable des Dynasties Vampiriques, avait pris la fuite. Comme ça, sans rien dire… sans même avoir honte de son infâmie et craindre leurs mépris… C'était étrange ; pour ne pas dire franchement ahurissant ! Bien sûr, il aurait été peu probable qu'il se risque à fouler la Piazza alors même qu'Aloff était censé roder dans les parages ; néanmoins et malgré sa joie, Luna ne put elle ne put le nier… l'idée qu'il puisse les avoir quittés sans trouver le courage de les affronter, la fit amèrement grimacer. A croire qu'il ne fallait rien attendre d'un vampire inquiet d'être privé de son éternité… et d'un Roi dont la lâcheté n'avait d'égale que son orgueil démesuré.
- Je vois… dans ce cas je vous prierais de lui transmettre ma sympathie. Souffla-t-elle amère.
- Ce sera fait Signora.
- Et rassurez-le… Ajouta-t-elle dans un sourire. Bien que l'Italie ne soit plus très sûre, je suis certaine que la colère d'Aloff s'apaisera d'ici une petite décennie.
Mal à l'aise, elle vit le valet hoqueter à son seul nom, laissant frémir ses dents déjà tournées vers l'horizon. Nul doute que lui aussi s'impatientait de fuir à toute jambes… Pourtant et alors qu'elle aurait cru que cet étrange échange s'arrêterait là, quelque chose d'autre se mit soudainement à briller dans son regard. Quelque chose de brutal et d'étonnement froid ; de dangereux et de presque macabre… quelque chose qu'elle détailla sans y croire et dont le seul éclat la paralysa sur place.
- Laissez-moi vous dire ceci Signora… Siffla-t-il plus bas. Il est une chose de réveiller un monstre ; mais il en est une autre de le contrôler.
Ce regard…
- Aloff a attendu pas moins 300 ans pour se venger… une seule décennie ne suffira pas à le calmer. Déclara-t-il. Pas plus que votre magie, vos menaces et je ne sais quelle manipulation vous pensez pouvoir orchestrer…
Elle connaissait ce regard…
- Vous pensez peut-être avoir gagné, mais croyez-moi… cette victoire vous coûtera tout ce que vous avez. Aloff vous prendra tout ce que vous avez !
Immobile, Luna le regarda sans sourciller, le dos droit et la mâchoire serrée. Elle entendait ce qu'il lui disait. Plus encore, elle le comprenait... Mais bien que sa terreur soit réelle et sa haine intemporelle, elle ne put se tromper ; ce regard, ces mots et ces menaces déguisées, n'étaient en rien ceux d'un simple valet.
- Vous avez ranimé un démon Signora… un démon que jamais rien n'apaisera. Et croire que vous pourrez le convaincre de renoncer ou de ne serait-ce que combattre à vos côtés, serait un odieux aveu de vanité.
Comment était-ce possible ? Par quelle magie ?! Elle n'était pas certaine de le savoir… mais n'eut plus aucun doute quand sa peau l'effleura. Une peau toute aussi bouillante que glacée, qui raviva la douleur de sa gorge plus brutalement qu'elle ne put l'anticiper. Par Rowena… elle ne rêvait pas. Cette main… cette main l'avait déjà touché. Plus encore, elle était désormais imprimée sur son cou dans un contour violacé ! Car c'était belle et bien cette main qui avait manqué de l'étrangler.
- Il vous tuera Signora...
Pris de court devant lui, Luna le détailla d'un air ahurit. Il aurait fallu être fou pour y croire ! Pour voir d'un valet un Roi, et envisager un stratagème aussi dérisoire ! Mais ses souvenirs ne mentaient pas… pas plus que la Báthory quand elle avait avoué le secret le mieux gardé de toute leur Histoire.
- Il vous tuera vous et tous ceux qui se trouverons sur son passage ! Siffla-t-il.
Pourquoi mettre en place un tel subterfuge ? Pourquoi vouloir se cacher derrière cette fausse allure ? Par crainte de voir Aloff attaquer ? De se faire reconnaître ? Peut-être… mais de là à faire une telle mise en scène ?! A prendre le risque de les offenser ? Et d'engager de nouvelles hostilités ? C'était osé, elle ne pouvait le nier. Mais face à elle, à son savoir, ses souvenirs et son esprit de Serdaigle, une telle machination ne pouvait que le mener à l'échec…
- Vous semblez sûr de vous. Souffla-t-elle du bout des lèvres.
- Io sono… (je le suis). Car je sais ce qui vous attend ; tout comme je sais que sans notre aide, vous subirez vous aussi un éternel tourment.
Indifférent aux sorciers et à leur clameur, le vampire la surplomba de toute sa hauteur, l'ouïe ancrée sur le rythme de ses battements de cœur. Espérait-il la voir trembler ? Regretter leur marché ? Implorer son aide dans l'hypothèse où Aloff chercherait à les tuer ? Sûrement… Mais quoi qu'il attende d'elle en cet instant, il se trompait lourdement. Car elle n'était pas ignorante ; et se faisant, elle ne serait jamais mendiante de l'aide d'un Roi dont le plus grand exploit était l'art du mensonge.
- Je vous remercie pour votre proposition. Dit-elle. Néanmoins, laissez-moi vous dire ceci à mon tour…
Intrigué devant le nouvel éclat de ses pupilles bleutées, le vampire la vit lentement se grandir face lui. Une initiative tout aussi risquée qu'incroyablement insensée, qui lui offrit une vue plongeante sur sa gorge ensanglantée…
- Votre don est impressionnant. Murmura-t-elle à son oreille. Mais à moins que vous souhaitiez être à jamais pétrifié sous les traits de votre valet, je vous conseille de fuir tant que vous le pouvez… votre majesté.
Figés l'un en face de l'autre, Luna vit ses yeux s'écarquiller, sa mâchoire se contracter et ses poings se serrer à mesure que son corps se mettait subitement à trembler. Ebranlé, elle le sentit même chanceler dans un silence mortifié, le visage liquéfié sous la force d'une stupéfaction qu'il peina à cacher. Des petits détails que personne ne prit la peine de remarquer, mais qui suffirent à trahir l'imminence de cette ultime vérité. Oui… plus rien ne servait d'étoffer ce mensonge éhonté. Elle le voyait désormais… et c'est de cette même clarté, que la jeune femme le regarda se reculer dans un jappement étouffé.
- Mais… vous…
Il haletait, incertain et bouleversé devant ses pupilles resserrées. Incapable d'admettre qu'elle puisse l'avoir percé à jour, il peina à contenir les tremblements de ses joues et lutta pour tenir son rôle de valet de Cour. En soit, il n'était pas très surprenant qu'il tente de la tromper, de l'effrayer et de l'aveugler de son déguisement de valet… Mais tout comme elle connaissait les secrets d'Aloff, elle connaissait ceux de leurs dons. Un dernier savoir dont la seule évocation laissa Marcello échapper un grondement à mesure que se fracturait le mensonge de sa fausse assurance…
- Vous… vous…
Nul doute qu'il se languissait de lui poser davantage de questions, de l'interroger et de lui faire à nouveau payer son insolence… mais l'heure n'était plus aux débats et aux négociations ; en particulier devant la clarté meurtrière de l'horizon. Aussi, c'est la rage au sang que le Roi n'eut d'autre choix que de se raviser dans un claquement de dent... Par tous les sangs, il avait rencontré bon nombre de sorciers par le passé… si ce n'est des milliers. Mais cette femme là ? Jamais il ne pourrait l'oublier.
- Vous êtes véritablement surprenante Signora… Siffla-t-il du bout des lèvres.
Pas aussi surprenante que son don de métamorphose… ou de transfiguration ? Elle n'était pas certaine des termes à employer en de telles circonstances. Mais à quoi bon s'interroger ? Les négociations étaient officiellement terminées.
- Merci… votre altesse.
Oui… il en était fini des questions, des doutes et défiances. Une certitude qu'il ne put nier malgré son silence et qui agita une dernière fois ses pupilles de sangs.
- Dans ce cas…
Un dernier regard.
Un dernier rictus.
Pour un dernier aurevoir.
- Arrivederci… cara Luna.
Et ce fut tout.
Se volatilisant en moins d'un dixième de seconde, Luna frissonna violemment à sa disparition et laissa le bourdonnement de sa fuite lui vriller les tympans. Un dernier son… un dernier écho… avant qu'un nouveau silence ne marque définitivement la fin de leurs négociations avec les Von Bassito.
Sonnée un court instant, la jeune femme chancela pendant plusieurs secondes sous l'ardeur de son adrénaline latente. Grand Dieu… c'était fini. Après tant de peurs, de doutes et d'horreurs, ce cauchemar était enfin fini. Pour combien de temps ? Elle ne sut pas exactement, consciente que de nouveaux ennemis ne tarderaient pas à traverser les Océans pour leur déclarer la guerre, se joindre à la Résistance et les assommer d'une nouvelle soif de sang. Mais elle n'avait plus à s'en inquiéter… car enfin, les Von Bassito avaient rappelé leurs armées. Mieux encore, ils avaient juré de ne plus interférer dans les affaires du Monde Sorcier et avaient capitulé sans résister ! Terrifiés à la seule idée qu'Aloff puisse les trouver, ils ne reviendraient pas les hanter, les narguer ou les provoquer avant plusieurs dizaines d'années ! Et se faisant, ils avaient gagné... pleinement et irrévocablement gagné. Pourtant et bien que cette seule idée aurait dû la transporter d'une joie amplement méritée, jamais Luna n'eut d'avantage de mal à respirer. En apnée, elle sentit son cœur s'arrêter, sa poitrine s'oppresser, ses membres se pétrifier et son esprit se déliter à mesure qu'une nouvelle angoisse se mit à la faire trembler. Oui… Marcello les avait quittés, des promesses de paix avaient été avancées et leur victoire était assurée. Mais pour elle, rien de tout cela ne compta ; en particulier quand son regard se porta sur le corps étendu au beau milieu de la Piazza.
Par Rowena… il était là. Elle ne rêvait pas. Il… il était là ! Vraiment là ! Mais ne bougeait pas… Frappé d'un nouvel effroi, Luna ne vit pas Narcissa haleter, Lucius se pétrifier ni même la clameur des mangemorts soudainement s'étouffer en un dédale de murmures horrifiés. Non… elle ne vit que lui.
Lui et son corps ensanglanté.
Lui et ses chaînes aux pieds.
Lui et son horrifiante immobilité.
Drago.
Le seul homme vers qui ses pensées étaient inlassablement tournées. Le seul homme sur qui son regard était fatalement vissé. Le seul homme pour qui elle se mit urgemment à prier... Mais bien que le temps semble s'être arrêté et que chacun des souffles se soit immédiatement coupé, les secondes elles, continuaient de s'égrener. Indifférent, le soleil se levait lentement par-delà le ciel qui les surplombait, la lune disparaissait derrière les murs de la cité et le silence s'alourdissait à mesure qu'une nouvelle clarté les éblouissaient. Une aurore tout aussi sublime qu'irréelle, dont les couleurs enflammées auraient su ravir n'importe quelle prunelle… mais une aurore pendant laquelle Drago resta incontestablement et désespérément inerte. Combien de temps cela dura ? Combien de temps elle resta là, à attendre de le voir se redresser dans un gémissement las ? Elle compta… pria, espéra, implora, supplia ! D'abord pendant une minute, puis une deuxième… avant que l'horreur ne déforme brusquement ses traits à l'écho de la troisième... et que ses jambes ne s'élancent d'elles-mêmes.
- Drago !
Non… non, il ne pouvait pas être mort. Pas là ! Pas maintenant ! Pas après s'être accrochée corps et âme à l'espoir de le retrouver vivant !
- Drago !
Sortant violemment de sa torpeur, Narcissa voulu la rejoindre dans sa course mais se figea sous la poigne de sa sœur. Une poigne tout aussi forte qu'apeurée, qui la retînt avec douceur malgré ses tremblements inquiets.
- Cissi…
Bouleversées, les deux femmes se regardèrent sans respirer. Elles ne voulaient pas l'envisager… elle ne voulaient même pas y penser ; mais ne pouvaient ignorer ce qu'elles risquaient de devoir endurer.
- Attend… lui souffla-t-elle.
Attendre… mais quoi donc ? De le savoir mort ? Vivant ? Agonisant ? Elle ne voulut pas le deviner, mais ne trouva pas le courage de lutter à l'heure où sa vie semblait sur le point de s'effondrer. Aussi, c'est au bord de la nausée que la famille Malfoy regarda Luna traverser la Piazza dans une course effrénée. Hors d'haleine, ses pieds frappèrent les pavés, sa gorge se remit à saigner, ses joues se rougir dans son apnée et tout son être peina à soutenir son rythme endiablé. Elle ne tarderait pas à s'écrouler, elle le savait… mais ne pouvait se convaincre de ralentir ; pas quand tout ce pourquoi elle s'était battue semblait sur le point de mourir.
- Drago !
Essoufflée, elle tomba à genoux devant lui, les pans de sa robe s'imbibant déjà de la mare de sang qui gisait sous lui. Pourtant et alors que ses reflexe lui hurlèrent de l'examiner, de le secouer et de le ranimer, c'est plus mortifiée que jamais que la jeune femme se figea brusquement devant son corps décharné.
- Oh non…
Par tous les Dieux… elle avait cru savoir quel genre de torture il avait enduré ; quelles douleurs, sévices et traitements lui avait été infligé. Mais maintenant qu'elle le voyait de près, qu'elle sentait son sang sous ses pieds et apercevait l'os de son poignet tranché… c'est terrassée par la plus effroyable des nausées, que Luna sentit un sanglot l'étrangler. Seigneur… elle s'était trompée. Alors même qu'elle avait traversé des champs de guerre, des cimetières et des charniers, elle s'était trompée ! Car aucun cauchemar, aucune peur, aucune anxiété et paranoïa ne pourrait jour égaler la cruauté dont il avait été frappé... et l'horreur des immondes sévices que ces monstres lui avaient infligé. Fouetté à sang, la peau de son dos tombaient en lambeaux. Disloqués, les os de ses épaules remontaient en d'étranges angles inégaux. Brûlés aux troisièmes degrés, son torse cloquait jusqu'à la naissance de ses abdos ; tandis que ses bras, jambes et pectoraux saignaient abondement de milles lacérations de ses bourreaux… Un décompte tout aussi tragique qu'effroyable, qui ne tarda pas à flouter son regard, avant que son visage ne tordre violemment sous la force de ses larmes. Par Rowena… il ne méritait pas ça. Il ne méritait pas ça ! Il ne méritait pas ça ! Et pourtant, c'est écorché, bafoué et sanguinolent, que son corps gisait lâchement dans son propre sang.
- Dra… Drago… Hoqueta-t-elle du bout des lèvres.
Incapable de contenir ses pleurs, elle effleura son bras du bout des doigts, comme par crainte que ce seul contact ne lui soit fatale. Mais ce n'est pas son sang, son silence ou son immobilité qui l'horrifia… mais bien le fait qu'il soit froid. Une sensation toute aussi familière que macabre, qui la tétanisa d'effroi.
- Oh non…
Horrifiée, Luna sentit son cœur s'éventrer à mesure qu'un nouveau cauchemar l'étouffait. Non… cela ne pouvait arriver. Il… il ne pouvait pas avoir succombé. Pas là ! Pas à quelques minutes d'être sauvé ! C'était… impossible ! Impossible !
- Non, non, non…
Un pouls. Elle devait trouver un pouls ! Elle devait trouver un pouls !
- Drago ! Insista-t-elle plus fort. Drago, s'il te plaît réveille-toi ! Réveille-toi !
Assourdi par les battements d'une nouvelle adrénaline, elle le fit rouler sur ses genoux, tâta son cou, son poignet et chercha désespérément une trace de son souffle…
- Drago, je t'en prie… haleta-t-elle. Je t'en prie, réveille-toi !
Mais ses mains tremblaient, son cœur s'emballait et ses pensées lui échappaient…
- Drago… Réponds-moi ! S'il… te plaît… répond-moi…
Il ne pouvait pas être mort… Il ne pouvait pas être mort ! C'était insensé ! Son sang coulait encore et aucune morsure n'ornait son corps ! Il n'était donc pas mort ! Pas mort ! Pas mort ! Oui… elle devait s'y accrocher ! Elle devait se concentrer… se concentrer et se calmer ! Aussi, c'est les joues en larmes qu'elle se jeta un sortilège d'audition et coucha sa tête sur son torse en sang.
- Je t'en prie… murmura-t-elle.
Elle devait entendre son cœur…
- Bats…
Elle devait entendre son cœur !
- Bats… bats… bats…
Mais alors même qu'elle crut que le sien allait définitivement s'arrêter, que ses chances étaient passées et que l'homme qu'elle avait désespérément cru pouvoir sauver les avait quittés… un tressaillement la fit brusquement sursauter. Presque inaudible, il naquît du fin fond de sa poitrine et résonna dans l'écho d'une clameur fébrile. Un bref petit son aux contours intangible… qui se répéta brusquement malgré sa force fragile. Seigneur… elle ne rêvait pas. C'était bien ça. C'était… un cœur qui bat ! Un cœur qui bat ! Un cœur qui bat ! Transportée, Luna se sentit chavirer contre son poitrail ensanglanté et sourit malgré ses hoquets éplorés. Que les dieux soient loués… Il n'était pas mort. Il n'était pas mort ! Elle l'entendait désormais… malgré l'horreur de ce qui avait enduré et les douleurs qui l'assiégeaient, son cœur battait, sa respiration sifflait et sa vie persistait ! Une mélodie toute aussi douce qu'inespérée, qui résonna davantage quand elle sentit une main l'effleurer…
- Lu… Lun…
Se redressant violemment à cette seule syllabe, Luna manqua de faire arrêt cardiaque. Pourtant et quand elle le regarda, c'est la vie elle-même qui lui tendit les bras…
- Oh mon dieu... Oh mon dieu !
Il était là… Alors qu'elle l'avait cru mort, il était là ! Il… était vraiment là ! Ensuqué, grimaçant et au bord de l'inconscience, elle vit ses paupières balbutier, ses pommettes tressauter et son front se plisser douloureusement sous les rayons du soleil à peine levé. Une image qu'avait presque cessé d'imaginer, mais dont le bonheur ne parvînt qu'à la faire sangloter.
- Je suis là ! Dit-elle en larme. Je suis là Drago, on… on est tous là !
Incapable de la distinguer derrière ses yeux gonflés et arcades ensanglantées, le Malfoy ne vit d'elle que contours floutés et cheveux nacrés… des brides de formes et de couleurs déformées, qui pendant un bref instant donnèrent presque un sens à sa réalité.
- Tu es sauvé ! Répéta-t-elle sans respirer. Tu es sauvé ! Tu es sauvé…
Confus, il ne fut pas certain de comprendre ce qu'elle lui disait… de différencier les cauchemars de ses pensées ou la lumière de l'obscurité. Pourtant et malgré son esprit embrumé, il ne put que frissonner à la caresse de ses mains sur ses joues et haleter à la chaleur de ses larmes dans son cou. Des petites sensations volatiles et presque intangibles auxquels il s'ancra pour ne pas faillir…
- Tu es sauvé…
Accroché à sa seule main valide, Luna pleura tout son soul quand il la serra en retour. Nul doute que la douleur ne tarderait pas à le faire à nouveau sombrer dans l'obscurité… mais il vivait. Et c'était là tout ce qui importait.
- Il est vivant ?!
Sursautant brusquement à l'écho tremblant de la voix de Narcissa, Luna sourit entre ses larmes.
- Drago, il est vivant ?! Implora-t-elle.
Au bord du malaise, Narcissa pleurait silencieusement entre deux balbutiements de lèvres. Mais que son cœur de mère s'apaise… son enfant n'avait pas encore rejoint le ciel. Aussi, c'est plus heureuse qu'elle ne l'avait jamais été que la jeune femme se redressa dans une dernière apnée. Oui… il était sauvé.
Et pour la première fois depuis qu'elle avait ouvert ce maudit coffret, Luna put enfin s'écrier.
- Vivant !
Hello tout le monde ! Et voilà :D La fin de l'épisode vampirique est arrivé ! (du moins pour l'instant... ;))
Toujours est-il que pour l'heure, Drago est sauvé et que Marcello a capitulé ! Qu'en avez-vous pensé ? Et selon vous, que va-t-il arriver ? Reverrons nos chers vampires pour la suite ? N'hésitez pas à me donner vos pronostiques ! ;)
Oh et ne vous en faites pas, si ces quatre derniers chapitres étaient concentrés sur la guerre de Poudlard, vous retrouverez Voldemort et Hermione la semaine prochaine ! Et petit indice : ils ne seront pas seuls...
Je vous dit à très vite les amis ;)
Bisssseeeee
