Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Ces mots…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Cette litanie…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Cette indescriptible et incessante mélodie…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
La seule qui habitait encore son esprit…
Ensuquée dans son réveil, Hermione se sentit vivement grimacer sous la clameur de cette étrange rengaine. Incertaine, elle l'entendit résonner dans les méandres de ses pensées ; d'abord lentement tel un murmure étouffé… avant que ses vibrations ne se muent en hurlements, et que son urgence latente ne la fasse violemment frissonner.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Tant d'urgence… tant de peur… tant de terreur… pourquoi ? Elle ne fut pas certaine de comprendre. Egarée entre obscurité et inconscience, ses pensées allaient et venaient, ses souvenirs se confondaient, son corps tremblait et ses sens s'engourdissaient. Un état léthargique tout aussi violent qu'incroyablement oppressant, qui la laissa haleter en silence sous la chaleur d'un nouveau soleil de plomb. Etait-ce cela ? Avait-elle un malaise ? Ou succombé à une insolation ? Peut-être… mais bien qu'elle s'éveille à peine, que son esprit s'égare et que son cœur batte la chamade, Hermione ne parvînt pas à y croire. Bien sûr, il aurait été plus plaisant de s'en convaincre ; de se dire que le soleil l'avait assommé de ses rayons, qu'une fièvre avait gagné son front et qu'elle s'était écroulée sur le pont... ainsi, il n'y aurait aucun tourment ! Aucune douleur, ni question ! Mais bien qu'elle veuille y croire, même son déni ne parvînt pas à battre de cet espoir…
Car elle n'avait pas eu d'insolation.
Et elle n'était pas tombée sur le pont.
Non… elle avait fait le grand plongeon.
- Maîtr… Maî…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Maî… tre ! Maître !
Sonnée après des heures d'apnée entre-coupées et plusieurs centaines de gorgées salées, la jeune femme peina à respirer sous la force des souvenirs qui l'assaillaient. Troubles et désordonnés, ils harcelèrent ses pensées avec brutalité, fracturèrent sa lucidité et étiolèrent sa réalité… Des souvenirs emplis de détresse et d'obscurité, de douleurs et de pleures étouffées… Des souvenirs qu'elle aurait souhaité pouvoir oublier, mais dont le seul écho lui donna à nouveau l'impression de se noyer.
- Accro... accrochez-vous à moi…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Maître ! Maître acc… accrochez-vous à moi !
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Maître ! Maître !
Incapable de bouger, Hermione sentit son corps se contracter à mesure que les images de sa lutte contre les vagues lui revenaient. Une lutte que son esprit engourdi peina à conscientiser, mais que ses membres tremblants et sa respiration sifflante endurèrent de plein fouet…
- Je vous en prie ! Maître !
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Maître !
Oui... Elle s'en souvenait désormais. Alors même que tout se mélangeait, que ses paupières papillonnaient et que le soleil l'éblouissait, elle s'en souvenait ! Elle… elle avait hurlé. Inlassablement. Ardemment. Désespérément. Et ce jusqu'à s'en éventrer un poumon… Pourquoi ? Oh elle savait pourquoi ! Elle connaissait les raisons de son désespoir ! La cause de leur naufrage et les conséquences de cette odieuse débâcle ! Plus encore, elle pouvait les sentir reposer dans le sel de ses larmes et galvaniser les cris agonisant de son âme ! Mais elle ne voulait tout simplement pas y croire…
- S'il… s'il vous pla…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Pitié !
Elle avait pleuré aussi… ou était-ce à cause du sel qui avait brûlé ses rétines ? De ses jambes qui s'étaient battues dans le vide ? Ou encore de sa prothèse qu'elle avait senti faiblir ? Elle n'aurait su dire… mais s'était incontestablement sentit mourir.
- Pitié… pitié…
Mais ils n'en avaient pas eu. Ni elle, ni son Maître, ni leur bateau… les laissant alors à merci des eaux.
- Ouvrez les yeux !
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Par pitié Maître !
Au début, elle n'avait pas compris pourquoi le vent s'était levé ; pourquoi la mer s'était agitée et le soleil caché… pas plus qu'elle n'avait compris comment ils avaient pu passer d'un baiser passionné à un tumulte de cris horrifiés. Mais peu importe ses interrogations, ses doutes ou ses questions… c'était arrivé.
La vague les avait frappés.
Un nouveau fléau les avait terrassés.
Un monstre d'eau les avait balayés.
- Ouvr… ouvrez les yeux !
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Restez avec moi ! Restez avec… avec moi !
Comment une telle chose avait-elle pu arriver ? Comment une vague de plus de trente mètres avait-elle pu naître dans une mer sans marée ? Les frapper de plein fouet ? Réduire leur navire en miette et les plonger dans un nouvel enfer ? Elle se l'était demandée. Elle avait essayé de comprendre ! Mais n'en avait pas eu le temps…
- Restez avec moi ! Maître ! Maî…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Certes, elle connaissait l'existence des déferlantes ; de ces vagues dites géantes, dont la force ahurissante et courants ascendants étaient à eux seuls capables d'envoyer des navires par le fond ! Mais de là à en voir une ? A… en subir une ?! Alors même qu'ils étaient déjà naufragés ? Pris au piège sur la carcasse d'un bateau éventré ? Condamnés à rôtir sous les rayons d'un soleil embrasé ?! Seigneur, cela ne pouvait être vrai ! Mais après tout ce qu'ils avaient vécu, perdu et enduré… était-elle véritablement en droit de se conforter dans l'ignorance ? De fermer les yeux et de tourner le dos à l'évidence ? Non. Et pourtant, Dieu seul savait à quel point elle aurait souhaité avoir cette chance…
- Reve… revenez à vous ! Maît…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
- Revenez à vous !
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Horrifiée, Hermione haleta au souvenir de ses cris désespérés. Elle avait essayé de le ranimer, de le secouer et même de le gifler malgré les vagues qui les assaillaient. Mais rien n'avait marché… et pour cause, la vague l'avait frappé le premier. Un ultime souvenir qui plus que tous les autres, resserra sa gorge d'un sanglot muet. Seigneur… cela n'aurait jamais dû arriver. Jamais. Jamais ! Mais une fois encore, il avait tenté de la protéger. Une fois encore, il s'était dressé entre elle et la mort. Une fois encore, il avait fait barrage de son corps…
- Ma… Maître !
Bon sang… C'était elle. C'était sa faute ! Elle n'aurait jamais dû s'entêter ! Elle n'aurait jamais dû répliquer à ses remarques agacées et l'asperger d'eau dans le seul but de lui faire ravaler sa fierté ! Mais elle ne l'avait pas écouté… et se faisant, elle les avait distraits. Agacée après des heures de chants, de partitions et d'attente, elle l'avait poussé dans ses retranchements. Blessée par sa distance, elle avait désobéi à ses ordres de silence ! Ainsi et sans qu'elle ne s'en rende compte… sans qu'elle ne le prévoie ni même s'y attende, ses mots avaient dépassé ses intentions et ses lèvres avaient hurlé ses sentiments.
- Respirez ! Je vous en prie ! Respirez !
Elle l'avait fait… alors même que tout aurait dû la convaincre de se taire, elle l'avait vraiment fait ! Elle… elle lui avait avoué qu'il comptait pour elle.
- Allez !
Par tous les Dieux… qu'avait-elle fait ? Pourquoi avait-elle parlé ? Pourquoi avait-elle cédé ?! Elle était pourtant parvenue à tenir sa langue ! A garder le silence et à étouffer ses sentiments ! Mais face à lui et à ses incessantes questions… à la chaleur envieuse de son corps et la fièvre de son front… un nouveau feu s'était répandu dans son sang. Vif et exigent, il avait balayé sa volonté de milles frissons pour la laisser trembler entre les bras d'un brasier ardent. Un brasier qu'elle n'était pas encore certaine de comprendre, mais qui avait incontestablement et irrémédiablement renversé son monde…
- Ma… Maître…
Pourtant et alors même qu'elle s'attendait à le voir hurler, s'indigner et même s'en moquer… il ne l'avait pas repoussé. Au contraire, il… il s'était rapproché et l'avait couvert d'un regard intrigué. Transcendé par les flammes de ce même brasier, son souffle s'était coupé, ses pupilles resserrées et ses lèvres gonflées d'un désir inavoué ; avant que sa main n'effleure sa joue enfiévrée et que son corps ne capitule sous l'ardeur d'une pulsion incontrôlée. Seigneur… elle ne l'avait pas rêvé. Il l'avait embrassé. Son Maître l'avait embrassé ! Voldemort, le plus grand Seigneur des Ténèbres, l'avait embrassé ! Et elle avait répondu à son baiser… Elle, Hermione Granger Malfoy, avait répondu à son baiser ! Grand Dieu, c'était à peine croyable… et pourtant le goût de ses lèvres étreignait encore son âme.
- Maître !
Peut-être que s'ils avaient été plus attentifs… peut-être que s'ils n'avaient pas cédé à leurs désirs… peut-être auraient-ils pu l'éviter ? La voir venir ? L'empêcher ? Ou même s'enfuir ?! Elle aurait aimé pouvoir s'en persuader ; se dire qu'ils auraient pu avoir une chance s'ils ne s'étaient pas embrassés ! Mais se flageller de culpabilité n'effacerait rien de l'impuissance qui les avait frappés. Car face à une vague de plus de trente de mètres, à des milliers de litres d'eaux déterminés à les faire disparaître et sans le moindre usage de leurs baguettes… que pouvaient-ils faire ? Rien… il n'y avait rien qu'ils puissent faire. Rien qu'ils puissent tenter ! Rien qu'ils puissent espérer ! Ainsi, c'est dans l'éclat d'une apnée horrifiée que le Mage l'avait entouré de ses bras… et regardé une toute dernière fois… avant que la vague ne les écrasent.
- Non… non, je vous en prie…
Impuissants sous la force des flots, elle les revit être projetés hors de leur bateau, dériver, tourner, virer et être emportés dans les eaux… jusqu'à ce que son apnée ne devienne intolérable et que ses jambes ne les hissent douloureusement à la surface.
- Maître !
Essoufflée dès sa première bouffée, elle n'avait pas compris son silence, l'immobilité de ses membres ou son habit en sang… et pourtant c'était évident. Terrassé en un dixième de seconde, la violence de l'impact avait lacéré sa peau, broyé ses os et lui avait presque instantanément brisé le dos ; la laissant alors seule avec son corps blessé au milieu d'une immensité bleutée, dont les remous incessant et vagues harassantes étaient déterminés à les tuer…
- Maître… pitié…
Combien de temps cela avait-il duré ? Combien de temps avait-elle battu des jambes, les joues rouges et la gorge brûlante ? Combien de temps avait-elle retenu sa respiration, le visage frappé par les vagues et leurs écumes volantes ? Elle ne savait même pas s'il y avait une réponse… Mais ce qu'elle savait en revanche c'est qu'elle était incapable de les sauver à seule force de ses jambes ; en particulier avec un Maître inconscient, dont le corps la happait sans cesse vers l'obscurité des grands-fonds…
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Elle avait essayé… vraiment essayé.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Le souffle court et le feu au cœur, elle avait tenté de les garder hors de l'eau, de combattre les flots et de trouver les restes de leur bateau… un appuie, un débris ou quelque chose !
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Mais les vagues l'avaient submergé, la marée l'avait emporté et son corps s'était épuisé… ne laissant d'eux que deux futurs cadavres à la dérive, dans un océan que même les Dieux avaient déserté.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Battre des jambes. Remonter en surface. Respirer.
Transit d'effroi à son dernier souvenir de vague, Hermione haleta à mesure que de nouvelles larmes se mirent à mouiller son visage. Elle n'était pas parvenue à les sauver… malgré ses efforts, sa lutte et ses prières, elle n'était pas parvenue à les mettre en sécurité. Et se faisant, ils avaient dérivé… jusqu'à ce que l'épuisement, le désespoir et la fatalité ne la fassent lentement sombrer dans l'obscurité. Pourtant elle n'était pas morte… elle le savait. Recroquevillée sur elle-même, son cœur battait, sa respiration sifflait, sa gorge brûlait et ses yeux pleuraient ; mais elle ne voulait pas se réveiller. Non… elle ne voulait pas découvrir sur quel débris elle flottait, sur quel rocher elle gisait ou sous quel soleil elle brûlait ! Elle… elle en avait assez. Assez de ce cirque ! Assez de ces supplices ! Assez de ces vagues, tourments et sphères prophétiques ! Elle voulait juste oublier ; sombrer dans une nouvelle l'obscurité, se laisser emporter par la marée et ne plus rien ressentir des milles douleurs qui la paralysaient ! Mais quand bien même ce souhait habitait ses pensées, son corps lui ne réussit qu'à frissonner. Et pour cause… le vent soufflait. Un vent doux et léger ; un vent porteur de soleil et d'embruns salés… un vent dont le seul contact suffit à la sortir de sa douleur tourmentée et à redessiner les contours de sa réalité. Seigneur, elle ne rêvait pas. Ce vent… ce vent était bien là ! Délicat sur sa peau meurtrie, elle le sentit envelopper son corps de sa tiédeur salvatrice ; d'abord lentement, fébrilement et presque tendrement… avant qu'une légère bourrasque ne fasse brusquement frémir ses membres. Tournoyant tout autour d'elle, elle siffla entre ses tympans, raviva l'acuité de ses sens et gonfla ses poumons d'un oxygène vivifiant !
Mais un tel un vent n'avait jamais soufflé en mer.
A moins que…
A moins qu'elle soit à terre ?
Sonnée à l'espoir d'une telle idée, Hermione se redressa violemment malgré sa nausée. Une réaction tout aussi réflexe qu'empressée, que la faiblesse de son corps lui fit amèrement regretter… Ensuquée après des heures d'immobilité, elle grimaça douloureusement aux craquements de ses vertèbres, s'étouffa presque à la fraîcheur de l'air et peina à garder les yeux ouverts sous la clarté du soleil. Vacillant presque sur elle-même, elle frissonna à l'écho d'un acouphène et se mordit la lèvre dans son équilibre précaire. Pourtant elle n'était plus en mer ; et elle n'était plus à la dérive. Non… elle était ailleurs. Où ? Elle n'aurait su dire, mais chancela davantage quand du sable vînt brusquement effleurer ses cils.
Grand Dieu… du sable.
Elle gisait sur du sable.
Elle gisait sur du sable !
Ahurit, Hermione n'osa y croire, la vue encore trop trouble pour clairement le voir. Mais plus elle se redressait, plus son bassin s'enfonçaient. Plus elle bougeait, plus le sol se mouvait ! Et plus le vent soufflait, plus des grains volaient… Se redressant de plus belle, elle se frotta les yeux avec force, ignora les douleurs de son corps et détailla avidement le sol. Mais son mirage n'en était pas un ; du sable reposait bel et bien entre ses mains... Blanc, fin et gorgé de sels marins, elle le sentit effleurer ses doigts de ses caresses volatiles, porté par les doux courants de la brise. Un toucher tout aussi délicat qu'imperceptible, qui ne tarda pas à la transir d'une nouvelle adrénaline. Incapable de calmer son cœur, elle se redressa dans un jappement… avant que ne se dessine devant elle les contours de l'horizon… d'une mer d'huile… d'un rivage… et d'une île.
Seigneur… une île. Elle s'était échouée sur une île. Elle s'était échouée sur une île ! Une île ! Une île !
Au bord de l'arrêt cardiaque, Hermione trembla sous la violence de son émoi et peina à contenir ses larmes. Elle… elle ne rêvait pas. Elle n'était pas morte noyée. Elle n'était pas à la dérive sur un bout de bois délabré ou échouée sur un rocher à moitié immergé ! Non, elle… elle était sur une plage. Une plage ! Longue de plusieurs kilomètres, elle s'étendait là où allait son regard, la clarté du ciel se reflétant délicatement sur le blanc immaculé de son rivage. Un rivage délicatement couvert d'écume et de coquillages, qu'elle contempla sans y croire. Seigneur, elle ne rêvait pas… Elle ne rêvait pas ! Pour preuve, ses habits étaient secs, ses cheveux pleins de sels et ses joues couvertes de sable ! Le soleil brillait dans le ciel, les vagues léchaient le rivage, le vent soufflait à terre et l'océan disparaissait au large ! Un paysage à l'allure de carte postale… une vue toute aussi inespérée que paradisiaque… que la jeune femme ne put s'empêcher de détailler entre ses larmes. Que les Dieux soient loués… ils étaient sauvés. Ils étaient vraiment sauvés ! Comment était-elle arrivée ici ? Comment était-ce seulement possible ? Elle ne savait pas. Avaient-ils quitté l'autre dimension ? Rejoint leur monde ?! Elle n'eut pas de réponse, mais s'en ficha… Car cette fois, il n'était plus question de tourner en rond ; de chanter à la face de l'horizon et de subir un oppressant silence ! Non, cette île… cette île était leur chance ! Même exilés à l'autre bout du monde, ce bout de terre était leur rédemption ! C'était certain ! Evident ! Et pour cause, ils pourraient enfin se reposer ! Se ravitailler et se soigner ; reprendre des forces, étudier les lieux et réfléchir à tête reposée ! Et puis, qui sait ?! Peut-être… peut-être que cette île était habitée ? Peut-être trouveraient-ils quelqu'un capable de les aider ? De les éclairer ? De les guider ? Et de leur dire comment rentrer ?! Sonnée sous l'afflux de milles nouvelles idées, Hermione sentit son esprit s'embraser à mesure que ses prières s'exhaussaient. Seigneur… tant de nouvelles possibilités ! Tant d'espoir ! Tant de sécurité ! Fini le bateau éventré, les questions insensées, la tourmente et les pleures étouffées ! Fini le désespoir, la peur, la douleur et les suppositions effrayées ! Enfin la marée descendait… le vent soufflait, le soleil brillait sans l'incendier et le monde retombait sur ses pieds ! Des détails affligeant de simplicité dont elle n'aurait jamais cru être privée, mais dont la seule vue ne réussit qu'à élargir son sourire malgré ses sanglots effrénés…
Oui… leur enfer était bel et bien fini. Et qu'importe qu'ils aient perdu leur navire dans ce tsunami ! Son Maître saurait sûrement comment… Frappée de plein fouet, Hermione se figea violemment sous le flot de ses pensées. Par tous les Dieux… son Maître.
Il avait été blessé par la vague.
Elle l'avait tenu à bout de bras.
Pendant des heures et sans relâche, elle avait agrippé sa taille, déterminée à le sauver à la seule force de sa hargne ! Mais il n'était pas là…
Alors même qu'elle avait échouée sur ce rivage, il… il n'était pas là ! Elle était seule. Seule sur cette plage.
- Non…
Sonnée devant les prémices d'un nouveau cauchemar, la jeune femme chancela brusquement dans son apnée et détailla l'étendu de sable d'un œil apeuré. Non… cela ne pouvait arriver. Pas encore ! Pas alors même qu'ils étaient sur le point d'être sauvés ! Et pourtant, jamais le silence paisible d'une plage ne lui inspira tant d'effroi. Une plage seulement parcouru par le vent et les embruns de l'océan ; une plage baignée de soleil, à la beauté chatoyante… mais une plage vide de toute présence.
- Non !
Paniquée, Hermione sentit son cœur s'arrêter. Elle ne se trompait pas ; qu'importe où allait son regard, son ouïe ou ses espoirs, il… il n'était pas là.
- Maître ! S'écria-t-elle.
Non… non, il devait être là ! Il devait être là ! Il devait être là ! Mais la plage était lisse, le soleil haut et le sable immaculé. S'étendant majestueusement devant elle, le rivage ne tournait ni ne se floutait à l'horizon, à tel point qu'elle parvînt même à distinguer d'infimes rochers léchés par l'Océan ! Alors son Maître ? Son corps échoué ? Son dos ensanglanté ? Elle le verrait… plus encore, elle le reconnaîtrait depuis la magie de son allégeance ! Mais tout comme le silence de son serpent, sa marque ne s'agitait d'aucun frémissement…
- Maître !
Non… non, ça ne voulait rien dire ! Après tout, peut-être… peut-être qu'il avait dérivé plus longtemps qu'elle ? Qu'il s'était laissé porter par la mer avant de s'échouer à plusieurs kilomètres ? Blessé et inconscient sous le soleil ?! Oui… Oui c'était ça ! C'était forcément ça ! Il était là… il était là ! Allongé sur le sable, quelque part ! Il fallait juste qu'elle le trouve… qu'elle se lève et accoure ! Qu'elle s'empresse et suive le rivage sans détour !
Pourtant et alors qu'elle s'apprêtait à se dresser sur ses jambes, une effroyable douleur la paralysa dans l'instant. Vive, brûlante et harassante, elle la sentit résonner dans l'intégralité de ses membres, remonter le long de sa colonne vertébrale et la tétaniser de ses milles décharges. Confuse dans son apnée, elle retomba face contre terre, le corps tremblant et la nausée au bord des lèvres, avant qu'un violent spasme n'agite furieusement sa prothèse… Un spasme à la brûlure incendiaire. Un spasme synonyme de détresse. Un spasme qui la replongea instantanément en enfer. Grand Dieu… ces sensations, ces frissons, ces douleurs… elle les connaissaient. Pire encore ! Elle avait prié pour ne jamais plus les éprouver ! Mais un tel cadeau ne lui serait jamais accordé ; une évidence qu'elle avait tenté d'oublier, mais qui la frappa plus que jamais devant les soubresauts de sa cuisse amputée… Horrifiée, Hermione tenta de rassembler ses pensées, de se retourner, de se pencher ou de ne serait-ce que de respirer ; mais il était trop tard. La douleur était là… et ne la quittait pas. Impuissante sous le poids du mal, son dos se contracta, son bassin se bloqua, sa cuisse frissonna et sa prothèse se paralysa à mesure que tout son être se transie d'effroi… Un instant de pur agonie, d'horreur et d'infâmie qui lui électrisa l'âme aussi brutalement que résonnèrent ses cris. Seigneur… Elle ne pouvait plus bouger. Elle ne pouvait plus bouger ! Allongée sur le sable, le visage tordu de grimace et les yeux mouillés de larmes, c'est à peine si elle parvenait encore à respirer tant son corps agonisait sous l'horreur de ces spasmes ! Violents, constants et barbares, ils la parcouraient de long en large, tordaient ses muscles de leurs brûlures infernales et intoxiquaient son sang d'un feu létal ! Incapable de respirer sans hurler, elle ne réussit même pas à tourner la tête pour la regarder, son cou transcendé d'électricité. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Après tout c'était évident ! En particulier après l'assaut d'une déferlante…
Oui, elle ne pouvait le nier désormais ; la magie de sa prothèse faiblissait… Mise à mal après l'impact de la vague, elle l'avait senti faiblir sous la force des courants, trembler à chaque battement de jambe et s'engourdir un peu plus à chaque fois secousse de l'Océan. Non pas qu'elle ait eu le moindre choix, mais son Maître l'avait mis en garde : trop d'efforts pourrait lui être fatal… et dans le cas précis, la paralyser sur un bord de plage. Une ultime pensée qui dans sa douleur, ne parvînt qu'à lui donner un haut-le-cœur.
Non… non, non, non, non ! Ça ne pouvait arriver… ça ne pouvait arriver ! Pas ici ! Pas maintenant ! Elle ne pouvait l'accepter ! Elle… elle avait besoin de sa jambe ! Elle avait besoin de se lever ! De marcher ! Et de retrouver son Maître où qu'il se soit échoué ! Plus qu'un besoin, c'était une nécessité ! Une urgence vitale ! Indiscutable ! Et quand bien même, elle… elle ne pouvait pas rester là, à agoniser sur le rivage ! La marée finirait par monter ! Or si une telle chose arrivait alors… alors elle ne pourrait pas lutter ! Elle ne pourrait plus battre des jambes, remonter en surface et respirer ! Elle serait immédiatement emportée ! Ecrasée sur les rochers ! Noyée ! Et son Maître… Seigneur, il serait dévasté. Abandonné sur cette île, il penserait que les courants l'avaient entraîné au fond des eaux et que son corps n'avait jamais dépassé l'épave de leur bateau ! Il… il serait seul. Seul et sans réponse ! Seul et endeuillé ! Seul et condamné à endurer la douleur de la perte de son Initiée ! Non… non, elle ne pouvait le tolérer. Elle ne pouvait l'abandonner ! Elle s'y refusait ! Aussi, c'est la rage au cœur et une fièvre au front qu'Hermione serra les dents dans un ultime frisson… Elle devait se concentrer, respirer, rassembler ses forces et persévérer. Elle n'avait pas le choix ! Elle pouvait le faire. Elle pouvait y arriver !
Et c'est dans cette prière... ce souhait et cette clameur muette... que la jeune femme releva la tête et se mit lentement à ramper.
Aidée de la seule force de ses bras, elle enfonça ses mains dans le sable, serra la mâchoire et se propulsa en dépit de ses spasmes.
Une fois.
Deux fois.
Et presque trois…
Avant que son souffle ne se coupe et que son corps ne s'embrasse.
Incapable de lutter, elle sentit sa colonne vertébrale trembler sous un nouvel afflux d'électricité, ses épaules se contracter et sa nausée s'accentuer. Trainée tel un poids mort dans son sillage, sa jambe tressauta de milles spasmes, sa vue se brouilla de larmes et son cœur flancha sous l'étau d'une douleur aussi brutale. Terrassée, elle ne s'entendit même pas hurler et retomba face contre sable dans un sanglot étouffé. Par tous les Dieux… cette agonie, ce feu, ce mal, ce supplice infernal qui rongeait ses entrailles… c'était insoutenable. Et le pire était qu'elle n'avait presque pas avancé. Paralysée à trente centimètres de là où elle s'était réveillée, elle vacilla devant la hauteur de la dune qui la surplombait et peina à respirer. Seigneur… elle ne pourrait jamais y arriver. Quand bien même elle le voulait, c'était impossible ! Elle ne…
- Hermione !
Prostrée, la jeune femme se figea dans un hoquet. Ce cri… cette voix… cette panique… Avait-elle rêvé ? Halluciné ?! Ou se pourrait-il que…
- Hermione !
Oh Seigneur…
- Hermione !
C'était lui !
- Hermione !
Elle ne pouvait pas se tromper ! C'était lui ! C'était lui !
- Maître ! Maître ! Ici !
Eplorée, la jeune femme grimaça durement en levant la tête et regarda tout autour d'elle. Trop basse pour ne serait-ce que distinguer la couleur du ciel, elle ne vit que les dunes de sable et les contours de la plage. Mais bien qu'elle ignore où il se tenait… elle l'entendait. Et c'était là tout ce qui comptait.
- Ici !
Désespérée, elle s'époumona plus que jamais, lutta contre la raideur de ses vertèbres et se redressa juste assez pour sentir le vent l'effleurer… jusqu'à ce que des bruits de pas effrénés ne se mettent subitement à résonner.
- Hermione !
Il se rapprochait…
- Ici Maître ! Je suis ici !
- Hermione !
Elle pouvait l'entendre ! Il arrivait…
- Herm…
Transcendé à la seule vue de son Initiée, le Mage Noir sentit son souffle se couper.
Seigneur… il la voyait. Elle était là ! Il la voyait ! Mais… mais elle était allongée. Figée face contre terre, son corps restait pétrifié, ses jambes tressautaient et son visage pleurait. Une image tout aussi cruelle que redoutée, qui suffit à l'embraser.
- Oh mon dieu… Hermione !
Horrifié, il dévala la dune sans respirer, épuisa ses dernières forces dans une course effrénée et ignora la douleur de son dos à peine resoudé. Elle était blessée… il pouvait le sentir à mesure qu'il se rapprochait, elle était blessée !
- Hermione !
Assourdis par les battements de son cœur, la jeune femme sentit ses pleures redoubler à la vue de son ombre accourant à ses côtés. Mais ce n'était pas de peur ou de douleur… non, mais de véritables larmes de bonheur. Des larmes qu'elle ne chercha même pas à cacher et qui s'intensifièrent quand son serpent se mit soudainement à siffler. Oui… Il l'avait trouvé. Son Maître était là ! Il l'avait trouvé ! Et se faisant, ils étaient tous deux sauvés...
- Hermione ! Hermione !
Manquant de s'écrouler, la jeune femme le vit s'agenouiller à ses côtés, les joues rouges et le front trempé. Où s'était-il échoué ? Depuis quand s'était-il réveillé ? Avait-il traversé l'île ? Ou seulement suivi le rivage ? Elle ne put le deviner… mais sourit davantage quand son visage lui apparut enfin à travers ses larmes. Tout aussi couvert de sable et de sel qu'elle, ses cheveux se dressaient en épaisses boucles au-dessus de sa tête, sa peau noircie de soleil cicatrisait encore ses dernières plaies et ses muscles tremblaient à mesure que son adrénaline retombait après une course de cent mètres. Une image quelque peu sauvage et inédite de son Maître, qui ne parvînt qu'à la faire balbutier entre deux prières. Il avait guéri… alors même que son dos s'était brisé, sa peau arrachée et ses vertèbres retournées, il avait guéri… et l'avait retrouvé.
- Maître…
Par Salazar… une fois encore, il avait cru l'avoir perdu.
Une fois encore, il avait cru que le Sort les avait vaincus.
Mais une fois encore, ses prières avaient été entendues…
Groggy et confus à son réveil sous cet étrange soleil, Voldemort n'avait pas compris la sécheresse de son palais, la douleur de son dos, la fébrilité de sa magie ou encore la douceur du vent sur sa peau… du moins jusqu'à ce que son esprit ne se ranime, que ses sens ne s'aiguisent et que le souvenir de son adrénaline ne le fasse douloureusement frémir. Une adrénaline mêlée d'un cri… le sien. Incapable de le faire taire, il avait franchi ses lèvres avant même que la vague ne heurte ses vertèbres. Une vague qui avait semblé engloutir le ciel et dont la vitesse avait paru irréelle… mais dont la puissance en revanche, était immanquablement sortie des Enfers. Comment était-ce possible ? Comme une telle vague avait pu naître dans une mer aussi docile ? Lui fracasser le dos et les jeter à la dérive ? Il se l'était demandé… longuement, péniblement, douloureusement… jusqu'à ce que sa solitude et le calme du rivage ne lui glacent le sang.
Il était seul.
Alors même qu'elle aurait dû être dans ses bras… il était seul sur ce rivage.
Hermione n'était pas là…
Transit d'horreur, il s'était sentit faillir à l'obscurité de ses souvenirs. Par tous les Dieux… qu'était-il arrivé ? Qu'était-il arrivé ?! Qu'était-il arrivé ?! Mais il avait eu beau s'interroger, chercher et fouiller chacun des recoins de son esprit embrumé… jamais il n'était parvenu à voir au-delà de la vague qui l'avait frappé. Seigneur… avait-il dérivé ainsi ? Inconscient ? Blessé et sans vie ? Aux vues de l'état de ses plaies rongées par le sel, cette idée parût plausible. Mais Hermione ?! Où était-elle ? Avait-elle été emportée ? S'était-elle noyée ? Echouée ?! A ces seules questions, le Mage avait senti son cœur s'arrêter… avant que sa magie ne le mette sur pieds et que ses jambes ne remontent le rivage d'un rythme effréné. Combien de temps avait-il couru ? Hurlé ? Prié ? Trente… Quarante minutes ? Il n'avait pas compté, la nausée au ventre et l'esprit enfiévré ; jusqu'à ce qu'il ne sente la magie de son Initiée balbutier de l'autre côté d'une dune et qu'un cri étouffé ne le fasse violemment frissonner. Par tous les Dieux… Il la sentait. Il l'entendait. Il… il l'avait trouvé. Sa déesse, sa reine, son Initiée ! Elle était là ! A quelques pas ! Et c'est dans ce même émoi, dans cette clameur teintée de rage et cette ferveur parsemée d'angoisse, qu'il avait dévalé cette dernière dune de sable… et frémit de la plus immense des joies. Elle était là… il pouvait la voir ! Elle était là ! Et bien qu'elle soit allongée et semble blessée, confuse ou désorientée, rien n'aurait pu davantage le combler.
Aussi, c'est sans même prendre le temps de respirer ou de l'examiner, que Voldemort saisi sa main à la volée, s'allongea à même le sol et l'enlaça d'un élan empressé. Décontenancée, Hermione n'eut presque pas le temps de grimacer et frissonna au contact de sa peau bronzée. Une peau tremblante, bouillante et iodée. Une peau qui n'avait eu de cesse d'hanter ses pensées et qui tel un cadeau inespéré, la couvrit de sa douceur salée. Grand Dieu… il était là. L'homme qu'elle aimait le plus au monde, son Maître, son Seigneur, son Roi… était enfin là. Accroché à ses épaules, elle eut tout juste la force d'enfouir sa tête dans son cou, l'oreille collée contre le tambour de son pouls ; mais peu lui importait de souffrir le martyre, de trembler ou de se contorsionner pour savourer la douceur de ses bras ! Cette étreinte valait chacun de ses spasmes…
- Vous… vous êtes là. Pleura-t-elle contre lui. Vous… vous êtes…
Enivrée par la chaleur de son corps, elle sentit ses mains caresser ses cheveux, ses muscles vibrer d'une force anxieuse et ses lèvres sourire contre son front dans un souffle heureux. Un instant de communion, de force et soulagement pour chacun d'eux, qui transit leurs cœurs de battements amoureux…
- Je suis là. Je suis là… répéta-t-il.
- Mais et… et vos blessures…
- Des égratignures.
Riant franchement malgré sa douleur, Hermione le sentit caresser ses joues avec douceur. Un bref contact qui la ramena à leur baiser… et qui enfiévrera son front presque aussi soudainement que son regard la fit balbutier.
- Ne me refais plus jamais ça… Gronda-t-il entre ses lèvres.
Si seulement elle avait eu le choix…
- Vous… vous avez été blessé. Souffla-t-elle. Votre dos, il…
- Il a guéri.
- Mais vous étiez inconscient et… les courants… j'ai cru que… j'ai cru que vous aviez été emporté…
Resserrant son emprise autour de son corps tremblant, Voldemort grimaça aux souvenirs de l'Océan. Bon sang… elle avait dérivé seule. Alors même qu'il avait tenté de la protéger, c'est à la merci des vagues que son inconscience l'avait laissé ! Et se faisant… tout aurait pu lui arriver. Tout ! Une idée qui le fit silencieusement enrager, mais que son regard mordoré suffit à presque immédiatement apaiser…
- J'ai cru… vous avoir perdu…
Ebranlée devant le désespoir de ses larmes, Voldemort sentit son souffle se couper à mesure que ces dernières se mirent à rouler sur ses doigts. Des larmes tièdes, légères et scintillantes ; des larmes à la clarté désarmante… qui manquèrent à nouveau de renverser son monde. Seigneur, elle avait eu peur de le perdre. Bien-sûr, il était immortel… mais il comprenait ce qu'elle avait pu ressentir ; La peur, l'horreur, l'angoisse, l'incertitude… que d'émotions aux allures de supplices qui se languissaient d'entendre leurs cris d'agonie. Mais la partie n'était pas encore fini… et que les Dieux le défient ! Jamais ô grand jamais, il ne les laisserait d'avantage leur nuire.
- Je suis désolée, je… hoqueta-t-elle. J'ai essayé de vous garder en surface mais…
- Chut… ce n'est rien. Ce n'est rien.
- Mais vous auriez pu…
Elle s'en voulait…. Incapable de croire qu'ils puissent être sauvés, elle haletait sous le poids d'une fausse culpabilité ! Aussi, c'est le feu aux lèvres et le cœur battant que Voldemort l'interrompit d'un baiser sur le front... Un seul et unique baiser, tout aussi puissant que sincère, dont la chaleur irradiante suffit à la faire taire. Bon Dieu, que n'aurait-elle pas donner pour que le temps s'arrête ? Pour que le monde se fige et que leurs malheurs cessent ? Pour rester dans ses bras, seuls et oubliés de tous sur ce bout de plage ? Rien. Oui, rien n'aurait coûté trop cher pour cela ; mais c'était sans compter la douleur de ses spasmes… Frappée plus violemment que jamais, Hermione sentit son corps se pétrifier sous le peu d'effort qu'elle avait fait, laissant ses membres se raidir dans un cri étouffé. Un cri que son Maître ne put écouter sans s'horrifier…
- Qu'est-il arrivé ? Demanda-t-il brusquement. Où es-tu blessée ?!
- C'est… c'est ma prothèse.
- Quoi ?! S'étouffa-t-il.
- Je crois… je crois qu'elle n'a pas apprécié la haute mer. Grimaça-t-elle entre ses lèvres. Je ne peux plus bouger et la douleur… la douleur est…
Mais un nouveau spasme parla pour elle. Electrisée de la nuque aux pieds, Voldemort blêmit en l'entendant s'écrier contre lui et haleta durement à la vue de ses muscles transit. Un instant de pure agonie, qui lui embrasa l'esprit…
- Depuis quand es-tu là ?! Demanda-t-il inquiet.
- Je ne sais pas, je… je me suis réveillée et... et j'ai essayé de ramper mais…
Un nouveau spasme.
Un nouveau cri.
- Bon sang !
Se redressant en un instant, Voldemort accourut jusqu'à sa jambe et la palpa hâtivement ; éraflée et légèrement sanglante, elle ne semblait pas davantage blessée que ses autres membres. Et pourtant, il n'eut besoin que d'un regard sur son scintillement pour gronder entre ses dents. Seigneur… il aurait dû s'en douter. Son amputation était trop importante, sa prothèse trop récente et la magie trop vacillante pour supporter l'impact d'une déferlante ! Et encore… c'était un miracle qu'elle ne se soit pas tout simplement arrachée sous les remous de l'Océan.
- Est… est-ce que c'est grave ? S'inquiéta-t-elle.
Mal à l'aise, Voldemort ne sut quelle réponse lui donner. Grave ? Eh bien… tout dépendait de ce qu'elle entendait par là. Est-ce qu'elle allait souffrir ? Indéniablement. Est-ce qu'il lui faudrait plusieurs jours pour véritablement en guérir ? Absolument. Mais est-ce que cela lui serait fatal ? Est-ce que la douleur serait insurmontable ? Et sa prothèse irréparable ? Dieu merci non… rien d'aussi grave.
- La ligne de jonction entre ta cuisse et ta prothèse a failli se rompre. Souffla-t-il amer. Sûrement à cause de l'impact… Ajouté à la fatigue, la dérive et la force des courants, la magie s'est affaiblie. Elle tente de se raccrocher à ton corps mais l'emprise est trop faible… et te paralyse.
- Ce qui veut dire ?!
Que rien de tout cela ne serait une partie de plaisir…
- Ta prothèse s'est désaxée. Résuma-t-il dans un soupir. C'est pour ça que tu ne peux plus bouger ; ça a décalé ton bassin et certaines de tes vertèbres…
Mitigée entre le soulagement et l'effroi, Hermione frissonna brusquement au contact de ses doigts sur son autre jambe. Légers sur sa peau, ils partirent de sa cheville pour remonter jusqu'à sa cuisse avant de ne la faire frémir de leurs imperceptibles étincelles magiques ; un toucher étonnement délicat malgré la douleur latente de ses spasmes, qui la pétrifia davantage sur le sable.
- Je ne vois aucune autre blessure… et ta jambe gauche est intacte. Dit-il soulagé.
Dieu merci… elle avait assez été amputée pour toute une vie.
- Mais… mais si ma prothèse est désaxée alors…
- Ne t'inquiète pas. Dit-il confiant. Ça risque de faire mal mais… je peux arranger ça.
Sursautant brusquement aux craquements de doigts, Hermione haleta à mesure qu'une nouvelle peur la paralysa sur place. Arranger ça ?! Mais… mais comment ?
- La douleur ne dura pas la longtemps.
Oh Seigneur… qu'allait-il faire ?! La remettre dans son axe ? Soigner la jonction avec sa cuisse ? Ou redresser son bassin et ses vertèbres afin de ne prendre aucun risque ? Elle ne le sut pas, mais trembla quand elle sentit l'une de ses mains s'appuyer contre sa colonne vertébrale.
- Tu es prête ?
Non ! Elle ne l'était pas ! Mais avait-elle vraiment le choix ?! Alors même qu'elle était paralysée sur une plage et s'étouffait dans le sable ?! Non… elle ne l'avait pas ; de quoi la faire amèrement grimacer dans un acquiescement muet.
- A trois. Tonna-t-il.
Oh non…
- Un !
Mais il n'attendit pas trois… et la douleur la submergea. Plus rapide et violente qu'elle ne put l'anticiper, Hermione sentit son corps se tétaniser, ses vertèbres craquer et son bassin bouger dans un insupportable bruit d'os reboités. Un écho tout aussi douloureux qu'insupportable à écouter, qu'elle n'entendit résonner qu'une seule fois… avant que ses propres cris ne prennent sa place. Terrassée, elle se contorsionna sous les mains du Mage, serra la mâchoire et s'essouffla avant de ne brusquement enfouir sa tête dans le sable et d'y hurler à pleine voix. Mais comme il l'avait promis, cela ne dura pas… à tel point qu'en moins d'une demi-minute, la douleur se calma, son cœur recommença à battre et sa jambe cessa de trembler de spasmes. Par tous les Dieux… ça avait marché ?! Sonnée devant une telle rapidité, Hermione n'osa y croire, encore prostrée dans ses larmes ; mais elle ne rêvait pas. Comme si un poison venait d'être extrait de son sang, elle sentit l'électricité de sa prothèse s'atténuer – supplantée par l'étrange insensibilité à laquelle elle s'était accoutumée – avant que les muscles de son dos ne commencent à se décontracter, que ses pieds ne se mettent à bouger et que sa poitrine ne se soulève à nouveau avec légèreté… Un instant de pure délivrance qui la fit presque grimacer de par sa violence, mais qui lui permit enfin de desserrer les dents dans un soupir de soulagement.
- Alors ? Demanda-t-il en massant sa jambe.
Mais elle ne trouva pas la force de répondre.
- Hermione ?!
Apeuré par son silence, Voldemort s'accroupit à ses côtés, le souffle court et le regard inquiet. Mais il n'avait pas de quoi l'être… car avant même qu'il ne puisse l'aider, Hermione commençait déjà à se redresser. Appuyée sur ses coudes, elle grimaça à la raideur de son cou et cracha vivement le sable qui roulait sous sa langue jusque dans ses joues. Bon Dieu, elle sentirait ses dents grincer pendant des jours…
- Vous… vous n'avez pas compté jusqu'à trois. Gronda-t-elle du bout des lèvres.
Amusé devant son air révolté, son Maître soupira d'un air soulagé et lui pinça le nez. Si elle avait assez de forces pour lui faire des reproches, autant dire qu'elle dire était sauvée !
- Je sais. Sourit-il.
- J'aurais dû le voir venir…
- Ne soit pas trop dure avec toi-même. Rétorqua-t-il dans un sourire. J'ai profité d'un moment de faiblesse…
Levant les yeux au ciel devant son œillade satisfaite, la jeune femme secoua la tête et grimaça à l'écho d'un acouphène. Bon sang... ce serait un miracle si elle rentrait à Poudlard entière ! Du moins… à demi-entière.
- Comment te sens-tu ? Lui demanda-t-il.
Engourdie, lasse, déboussolée, assoiffée, ankylosée et véritablement exténuée… mais un seul adjectif lui sembla véritablement approprié.
- Réaxée.
- Réaxée ? Répéta-t-il amusé.
- Hum hum…
- Alors ça a marché !
Rougissant à l'éclat de son sourire, Hermione détourna le regard avant de lentement pivoter. Encore engourdie, elle sentit la jonction de sa cuisse frémir, sa prothèse trembler et son corps se tendre sous les décharges latentes de son électricité… mais elle pouvait à nouveau bouger. Une chance qu'elle n'avait pas osé imaginer à l'heure où elle peinait à ramper…
- Viens… dit-il subitement. Tu dois te remettre en mouvement.
Surprise, Hermione pâlît à la vue de se main tendue. Se mettre en mouvement ? Maintenant ?!
- Mais… si tôt ? Demanda-t-elle inquiète. Je veux dire… ne devrions-nous pas attendre ?!
- La magie doit circuler dans ton sang. Insista-t-il. Tu risques de ressentir quelques douleurs et boîter pendant quelques jours, mais rester immobile te paralyserais à nouveau…
Grimaçant à cette idée, la jeune femme se mordit la lèvre dans une nausée. Seigneur, cette quête allait véritablement la tuer ! Mais mieux valait boîter que de rester paralyser… Aussi, c'est le souffle court qu'elle sentit son Maître l'entourer de ses bras et la faire lentement assoir. Une position d'apparence anodine, qui suffit déjà à lui oppresser sa poitrine…
- Tu es prête ? Demanda-t-il.
- Vous allez compter jusqu'à trois ?
- Aucune chance.
Quelle surprise…
- Je m'en doutais… Soupira-t-elle.
- Et donc ?
Autant en finir…
- Prête.
Une respiration.
Une secousse.
Et elle fut debout.
Redressée en moins d'une seconde, Hermione peina à contenir un hurlement. Parcourus de frissons, elle haleta sous la douleur de nouveaux tiraillements, vacilla sous le poids de sa jambe et serra les dents au craquement de sa hanche… des sensations toutes aussi douloureuses que profondément dérangeantes, qui la firent chanceler sous son vertige grandissant.
- Grandis-toi contre moi.
Tenu à bout de bras, elle s'accrocha du mieux qu'elle put à son Maître, la tête lourde et les tympans bourdonnant contre son corps battant. Fébrile face à lui, elle mit plusieurs secondes avant de retrouver un semblant d'équilibre ; mais elle était debout… un dernier exploit, qui la fit incontestablement sourire.
- Merci… souffla-t-elle.
Troublé, Voldemort déglutit à l'écho de sa voix et balbutia devant l'ombre de son visage. Un visage dont le regard le sondait, le nez l'effleurait et le souffle l'enivrait... un visage qu'il ne cessait de détailler… et dont les lèvres rouge carmin le firent fatalement trembler. Pressés l'un contre l'autre, front contre front, corps contre corps, cœur contre cœur, il sentit ses muscles se tendre et son souffle s'alourdir devant l'esquisse de son divin sourire... Envoûté, il se laissa conquérir par la chaleur de sa peau, le tressautement de ses joues et la tension des lignes de son cou ; des petits mouvements imperceptibles seulement agrémentés de légers battements de cils, qui manquèrent de le faire défaillir quand son odeur éveilla ses papilles… Une odeur iodée, mélange de sels et d'océan, qu'il sentit l'enivrer aussi fatalement que le souvenir de leur baiser sur le pont. Par tous les Dieux… ils s'étaient embrassés. Passionnément, avidement, irrésistiblement et ce jusqu'à en perdre la raison. Que dire ! Jusqu'à en laisser brûler le monde ! Rien ne servait de le nier ou de l'éviter ! Ils avaient tous deux cédés… Possédés par un désir qu'il pouvait encore sentir battre dans leurs veines, ils s'étaient jetés l'un sur l'autre sans contrôle, pudeur ni gêne ! Un instant tout aussi puissant qu'intemporelle ; un instant dont la saveur semblait sortir tout droit d'un rêve, mais qu'il pouvait encore voir danser sur la commissure de ses lèvres. Seigneur… avaient-ils perdus la tête ? Il se le demandait. Car maintenant, qu'allait-il arriver ? Maintenant qu'il était là, qu'ils avaient survécu à la vague, la dérive, au rivage… qu'allait-il se passer ? Qu'allaient-ils faire de ce baiser ? De ce désir qui les incendiaient ? De leurs corps qui ne cessaient de s'appeler ?! Et de leurs lèvres affamées ?! Il ne savait pas… mais frissonna quand sa main vînt délicatement effleurer sa joue pleine de sable.
- Pas de quoi…
Les joues roses, Hermione faillit chavirer en sentant leurs souffles se mélanger. Grand Dieu… sa voix, son odeur, ses mains, son regard… comment faisait-il ça ?! Comment en quelque mot cet homme parvenait-il à lui tourner la tête ? A faire trembler sa chaire ?! A engourdir son esprit ? A la transir de feu, d'envie et de désir ? Plus que de la magie, c'est physique. Chimique. Magnétique. Une force toute aussi indescriptible qu'irrésistible, dont le seul souvenir la fit violemment frémir…
- Tu… tu devrais marcher un peu. Souffla-t-il sans respirer.
Oui… et pourtant, elle n'en avait pas envie. Lovée contre lui, elle ne voulait qu'une chose… rester là, immobile sur cette plage. Restez là, sous la chaleur de son regard et la puissance de ses bras. Restez là et ne jamais s'éloigner d'un seul pas. Mais sa prothèse s'engourdissait déjà…
- D'accord…
Le souffle court, Voldemort déglutit avec peine et lutta contre chaque fibre de son être pour se détacher d'elle. Une épreuve qui les fit tous deux grimacer, mais qui ne parvînt qu'à attiser le feu dont ils brûlaient.
- Ne… ne me lâchez pas. Dit-elle en regardant sa prothèse.
- Jamais.
Se préparant déjà à souffrir, Hermione serra les dents et laissa lentement reposer sa jambe. Accroché à ses hanches, Voldemort resserra son emprise sous la force de ses tremblements, prêt à la cueillir au moindre vacillement…
Mais alors que tous deux se concentraient sur son équilibre…
Que le soleil les couvait et que le vent commençait à tarir…
Une voix inconnue les fit brusquement tressaillir.
- Elle a besoin d'une canne.
Sursautant d'un seul jappement, les sorciers firent volte-face la peur au sang. Pourtant et alors qu'ils s'attendaient déjà à subir l'assaut d'un démon ou le courroux d'une nouvelle malédiction, ce n'est ni un homme, une femme, une créature ou un animal qui leur firent face…
Mais un enfant.
Un tout petit… tout petit… enfant, qui de son air angélique leur souriaient de toutes ses dents.
Hello tout le monde ! Désolé pour ce léger retard, les récents orages ont complètement grillé ma box XD mais tout va bien et le nouveau chapitre de cette semaine est là !
J'espère qu'il vous aura plu ! Quant au mystère de ce nouveau venu... vous en saurez plus la semaine prochaine ;)
Bissseeee
