Un silence…
Un deuxième…
Suivit d'une éternité… avant qu'Hermione et Voldemort ne se jettent un regard effaré.
Pétrifié, aucun d'eux ne trouva la force de parler. Prostrés sous le soleil, les yeux écarquillés et la gorge sèche, ils ne parvinrent même pas à bafouiller, trembler ou ne serait-ce que respirer... Et pour cause ! La stupéfaction les étouffait. Coincée dans leurs poitrines, elle ensuqua leurs esprits et rétrécit leurs pupilles, les laissant alors bouches-bée devant la silhouette qu'il n'avait pas entendu venir. Une silhouette outrageusement petite, frêle et chétive… dont la figure angélique et sourire énigmatique les firent immédiatement frémir. Seigneur… ils ne rêvaient pas. Cette voix, cette ombre, ce regard, cette frimousse innocente et cet air narquois...
C'était un enfant.
Un enfant !
Un… un petit garçon.
Immobile face à eux, il les toisa de ses grands yeux bleus, une légère fossette au creux du menton. Insensible à leurs regards abasourdis, il ne sembla ni timide, craintif ou même surpris de les trouver ici. Tout au contraire, il… il ne cessait de leur sourire, ses petites mains repliées sur les rebords de son étrange tunique. Pourtant et malgré son attendrissante innocence, jamais on ne vit le Seigneur des Ténèbres et son Initiée se murer dans un tel silence. Par tous les dieux… un enfant. Ils faisaient face à un enfant ! Un enfant ! Mais… mais comment ?! Comment était-ce possible ?! Vivait-il sur cette île ? Etait-elle habitée ? Colonisée ? Répertoriée ? Ou divaguaient-ils ? L'esprit rongé par l'eau de mer qu'ils avaient avalé ?! Etait-ce une illusion ? Une hallucination ?! Bon dieu, tant de questions brûlaient leurs langues ! Tant de doutes échauffaient leurs tempes ! Mais c'était sans compter sa soudaine impatience…
- Hé ! Dit-il plus fort. J'te parle camarade !
Au bord du malaise vagale, Voldemort blêmit quand il le vit le désigner du bout du doigt. Par tous les Sangs, quel démon était-ce là ?!
- Elle a besoin d'une canne !
Une canne.
Une canne.
Une canne…
Sonnés, les sorciers peinèrent à ordonner leurs pensées devant ses petits poings serrés. Ou était-ce à cause de son étrange immobilité ? De sa voix haut perchée ? Et ongles rongés ? Ils n'auraient su dire… mais sentirent leurs souffles haleter face à la franchise de ses pupilles. Grand Dieu… mais d'où sortait ce petit ? Quel âge avait-il ? Pas plus de sept à huit ans, à juger la petitesse de ses dents. Et pourtant, quelque chose chez lui ne s'accordait pas avec son visage d'enfant... Indifférent à leur âge et différence de taille, il les jaugeait comme s'il était leur égal, le menton haut et le dos droit. Une attitude quelque peu déconcertante, qui ajoutée à sa vive sommation, les sortit brutalement de leur transe.
- Qu… quoi ? Bégaya le Mage.
- Ta femme ! Elle a besoin d'une canne !
Sa femme.
Sa femme.
Sa femme.
Sa fem… Oh Seigneur.
- Mais… mais qui es-tu ?! Souffla Hermione.
Et d'où venait-il ? Avait-il de la famille ? Ou vivait-il seul sur cette île ? Aucun d'eux ne sut le dire, trop troublé pour ne serait-ce qu'émettre une théorie... mais les gerçures de ses lèvres n'auraient su mentir. Pieds nus et seulement vêtu d'une étrange tunique lui tombant jusqu'aux chevilles, il arborait des joues égratignées, un nez légèrement retroussé, un menton fièrement relevé ainsi que deux pupilles d'un bleu foncé. Pourtant et malgré sa figure d'ange, ses pommette hautes et sa candeur d'enfant, les Sorciers ne purent cacher leurs frissons devant ses côtes apparentes… De toute évidence mal nourris, sa peau halée cloquait sous le soleil de midi ; ses bras, fronts et poitrails étaient couverts d'étranges cicatrices tandis que ses cheveux s'entassaient négligemment derrière un bandana mal mis. Un portait pour le moins précaire qui aurait su fendre le cœur de toutes les mères, mais que Voldemort ne put s'empêcher de détailler d'un œil sévère. Bon sang… ils avaient vu beaucoup de choses au cours de leurs quêtes ; des choses étranges, déroutantes, troublantes et parfois même édifiantes ! Des choses dont le seul souvenir lui retournait encore le ventre ! Et pourtant, jamais encore il n'avait senti son cœur battre d'une telle consternation… car jamais encore il n'avait fait face à un enfant. Etait-ce un piège ? Une illusion ? Ou un nouveau monstre cherchant à les tromper derrière ces traits innocents ? Après tout, il n'existait pas meilleure couverture que celle d'un jeune enfant ! De quoi galvaniser sa soudaine méfiance…
- Tu... tu es tout seul ? Il y a quelqu'un avec toi ? S'inquiéta-t-elle.
Roulant des yeux au ciel, le petit étouffa un grondement entre ses lèvres. Une réaction tout aussi spontanée qu'ahurissante, qui les déconcerta avant que ne résonne l'écho de sa voix bougonnante.
- La canne d'abord !
Agacé, ils le virent frapper le sol de ses petits pieds dans un soupir exaspéré. Qu'avait-il en tête ? Allait-il pleurer ? Crier ? Ils n'eurent pas le temps de se le demander… car sans qu'ils ne comprennent comment ni pourquoi, Hermione se sentit vaciller sous l'appui d'une canne.
Une canne apparue comme par miracle…
Bouleversée, la jeune femme sursauta à la douceur de son bois et la détailla d'un air béat. Ils ne rêvaient pas… Cet enfant venait de faire apparaître une canne sous son bras. Cet enfant – sortit de nulle part – venait de faire apparaître une canne sous son bras ! Parfaitement adaptée à sa taille et agrémentée d'un petit pommeau d'ivoire, elle fixa ses contours polis, rebords et gravures vernis sans y croire, le souffle coupé tandis que son corps tremblait d'une nouvelle sueur froide. Une sueur froide synonyme de stupeur et d'une pointe d'effroi, que son Maître sentit lui nouer les entrailles... Par tous les Dieux, comment était-ce possible ?! Et par quelle Magie ? Il semblait beaucoup trop jeune pour pratiquer, contrôler ou ne serait-ce que posséder un quelconque potentiel magique ! En particulier sans baguette, gestes ou sortilège ! Et pourtant… c'est de sa seule volonté que cette canne avait répondu à son appel... et était née dans les airs. Un détail qui plus que tous les autres, le fit le fixer dans l'écho d'un grincement amer.
Il n'avait jamais été à son aise en présence d'enfants ; non pas que cela soit très surprenant ! Mais un enfant errant seul, pieds nus et mal vêtu sur un rivage ? Et faisant apparaître des cannes à son bon vouloir ?! Après qu'ils aient fait naufrage sur une mer désertique et se soient fait balayer par une vague ? Par Salazar… cela ne pouvait être le fruit du hasard.
- C'est… c'est toi qui as fait ça ? Demanda-t-il ahurit.
Soupirant à nouveau, le petit garçon se frappa le front dans un claquement sourd. Un geste qui les fit sursauter presque autant que son hochement de tête exaspéré.
- Voyons camarade… les bonnes manières !
- Qu... quoi ?!
- On répond d'abord aux questions des dames !
Débecté, Voldemort failli s'étouffer. Les bonnes manières ? Les questions des dames ?!
- Je m'appelle Connor… Connor McGalighan. Répondit-il à Hermione.
Etonnée devant la solennité de sa réponse, la jeune femme lui sourit avant de balbutier devant sa soudaine révérence. Décidément, son allure de petit sauvageon n'avait rien à envier à son éducation !
- Ravie de te rencontrer Connor… Lui dit-elle. Je m'appelle Hermione.
- Enchanté ! Et toi camarade ?
Surpris, le Mage ne sut que dire…
- Moi ?
- C'est quoi ton nom ? Demanda-t-il.
Mal à l'aise, Voldemort se pinça la joue dans un sifflement amer. Il n'avait pas l'habitude de répondre aux questions… et certainement pas à celle d'un enfant ! Pourtant, il ne put le nier ; un étrange sentiment l'étreignait… vif, poignant et déroutant, il ébouillantait son sang et exacerbait ses sens, le laissant inquiet face à la figure de cet étrange garnement. Une figure qui plus il la regardait, plus lui donnait une drôle d'impression…
- Tu peux m'appeler… Maître. Soupira-t-il alors du bout des lèvres.
- Maître ?! Répéta-t-il surpris.
- Ou Altesse, votre Majesté ou Seigneur des…
S'interrompant dans une grimace, le Mage s'entendit haleter sous la douleur d'un violent coup de canne. Un coup agrémenté d'une œillade, dont l'indignation l'incendia sur place.
- Maître ! S'offusqua-t-elle.
- Quoi ?!
- Voyons, c'est un enfant…
- Et donc ?
Sursautant au sifflement acerbe de son serpent, le Sorcier se mordit la langue. Formidable… après leur naufrage, voilà qu'il devait accorder des faveurs à un enfant sauvage !
- Voldemort… Grinça-t-il malgré lui. Tu peux m'appeler Voldemort.
Etonné, Connor le regarda de ses petits yeux écarquillés. Il avait entendu beaucoup de noms étranges au cours de sa vie… mais celui-ci ? C'était une première !
- Voleu… Voleudeumort ? Bafouilla-t-il surpris.
Doux Jésus…
- Vol – de – mort. Articula-t-il dans un soupir.
- Hum… c'est moche.
Estomaquée devant une telle franchise, la jeune femme vit la figure de son Maître se déconfire dans un tressaillement ahuri… Nul doute que personne au monde n'avait jamais osé lui faire une telle critique.
- Pardon ?!
- Reconnait-le camarade ! C'est moche !
- Mais…
- Et puis, t'as pas une tête à t'appeler comme ça !
Oh Seigneur…
- Excuse-moi ?! S'étouffa-t-il.
- Et si nous changions de sujet ?! Paniqua Hermione devant son regard ahurit.
- Mais…
- Dis-moi Connor, tu... tu serais d'accord de nous conduire jusqu'à tes parents ? Nous avons fait naufrage et…
- Désolé M'dame, mais ça va pas être possible.
Surprise devant une réponse aussi catégorique, Hermione perdit subitement son sourire.
- Et pourquoi ça ?! Demanda le Mage.
Gêné, ils virent le petit hésiter, soupirer et se mordiller la lèvre avant de brusquement baisser la tête. Pourquoi ? Ils n'osèrent le lui demander… mais ne purent que frissonner à la vue de ses épaules affaissées.
- J'ai pas de parents.
Désarmés, les sorciers sentirent leurs souffles se couper. Pas de parent ?!
- Oh… désolé nous... nous ne voulions pas…
- C'est pas grave M'dame.
- Mais tu… tu as quand même de la famille ? S'inquiéta le Mage. Un tuteur ou quelqu'un qui…
- Non. Y a que moi.
Sonnée, Hermione se sentit vaciller devant la gravité qu'une telle réponse impliquait. « Que lui… » ? Il n'y avait que lui ?! Mais alors…
- Tu veux dire que… tu vis seul ? Souffla-t-elle horrifiée.
- Hum hum.
- Sur cette île ?! S'exclama-t-il.
- Hum hum…
Que lui.
Sur cette île…
Mais alors, il… il n'avait personne pour prendre soin de lui ? Pour l'élever ? Le soigner ? Le protéger ? Ou l'aider à survivre ?! Par tous les Dieux… cela semblait impossible. Inimaginable ! Inconcevable même ! Il n'était qu'un enfant ! Il ne pouvait pas vivre seul ; encore moins sans famille, parent ou ami pour veiller sur lui ! C'était de la folie ! Du suicide ! Et pourtant, ni la saleté de ses joues, le saillant de ses clavicules et les cicatrises de sa peau n'auraient su mentir… Une évidence face à laquelle la jeune femme se sentit brusquement défaillir.
- Mais… mais comment tu…
- Faut pas être surpris vous savez... Leur dit-il.
Immobile sur ses petites jambes, Connor les regarda sans douleur, pleur ou tristesse ; ne subsista qu'une étrange gêne, qu'ils virent brièvement agiter le coin de sa lèvre avant que son regard ne se tourne lentement sur la mer…
- Peu de marins font naufrage ici…
Ahurit, les sorciers se regardèrent avec horreur, incapable de cacher l'émoi qui étreignit leurs cœurs. Depuis combien de temps cela durait-il ? Qu'était devenue sa famille ?! Et comment pouvait-il encore être en vie ?! Certes, il semblait être pourvu de magie… mais il était si jeune, si maigre et si fragile. Pas plus haut que leurs cuisses, un souffle de vent aurait été capable de le soulever telle une misérable brindille ! Une illustration parfaite de l'infâme cruauté de la vie, qui les fit douloureusement déglutir…
- Quelle horreur… Souffla-t-elle.
Oui… ça l'était. Et encore, ils peinaient à imaginer ce que pauvre enfant avait dû endurer. Certes, ils savaient ce que c'était de perdre un parent, de se sentir orphelin, abandonné et seul au monde ; mais être coincé sur une île déserte ? Dans la solitude la plus complète ?! Seigneur… c'était criminel. Pourtant, un autre détail fit frémir le Seigneur des Ténèbres ; l'un de ceux qu'il aurait préféré ignorer, mais qui agitait déjà ses pensées d'une nouvelle anxiété…
- Qu'est-ce que tu veux dire par « Peu de marins font naufrage ici… » ? Demanda-t-il.
Etonné par sa question, Connor haussa un sourcil surpris… avant que ses lèvres ne s'ourlent en un léger sourire.
- Vous le savez pas ?! Demanda-t-il.
- Nous devrions ?
- Oui ! Enfin, j'veux dire… tout marin qui se respecte devrait le savoir.
Il y avait quelque chose dans son sourire… quelque chose d'étrange et d'énigmatique, synonyme de malice et peut-être même d'une pointe de moquerie ; quelque chose qui ne devrait pas transparaître sur des traits si angéliques, et que Voldemort ne put s'empêcher de redouter à l'écho de son rire.
- Cela tombe bien... Grimaça-t-il. Nous ne sommes pas marins.
- Pas marins ?! Mais comment…
- Nous étions en voyage. Rectifia Hermione. Et… sans que nous sachions pourquoi, notre navire a fait naufrage.
Peu convaincu, Connor les détailla en silence pendant plusieurs secondes. A quoi pensait-il ? Les croyait-il ? Ils l'espérèrent, peu enclins à divulguer les détails de leur quête… avant qu'il ne se redresse et que son regard ne s'égare à nouveau sur la mer.
- Désolé de l'apprendre… leur souffla-t-il.
- Oh, heu… non ce n'est rien. Dit Hermione. Nous sommes vivants et c'est tout ce qui compte !
- Et votre navire ?
A cette question, les sorciers balbutièrent dans un grincement de dents. Le Directeur de Durmstrang risquait de ne pas apprécier leur prochaine rencontre…
- Perdu.
- Ça m'étonne pas... Soupira-t-il. Et votre Capitaine ? Equipage ?
- Nous étions seuls à naviguer.
- Seuls ?!
Riant franchement à leur réponse, Connor se frappa à nouveau le front. Nul doute que ce tic lui laisserait des trace une fois grand…
- Vous êtes fous ! S'exclama-t-il. Pas étonnant que vous ayez fait naufrage !
- Ce n'était pas notre choix ! S'agaça le Mage. Notre voyage était de la plus haute importance…
- J'en doute pas camarade… mais j'vous tire mon chapeau !
- Comment ça ?!
- Peu de gens survivent à la Grande Duchesse ! Sans parler de Marise ! En fait… vous êtes les premiers ! S'exclama-t-il. A revenir entiers j'veux dire ! Le peu de naufragés que je repêche sont soit morts, soit déchiquetés ou dans le meilleur des cas rongés par la folie…
Confus, les sorciers ne surent que dire. La Grande Duchesse ? Marise ?!
- Attend… quoi ?!
- J'vous jure ! Ils survivent jamais plus de quelques heures ! Continua-t-il enjoué. C'est normal vous me direz… Marise fait qu'une bouchée des petites gens ! Mais j'suis content qu'elle vous ait pas avalé !
- Avalé ?! S'étouffa le Mage.
- Hum hum ! Oh mais vous en faîte pas… elle est capricieuse mais faut juste la caresser dans le sens de la marée ! Et puis, elle vous aurait recraché ! Quand, j'sais pas… mais c'est déjà ça !
Troublée, Hermione frissonna avant de lui jeter un regard horrifié. Capricieuse ? Recraché ?! Par tous les Diables, quel monstre leur décrivait-il là ?
- Mais… mais de qui tu parles ?!
- De Marise !
- Qui est Marise ?! Paniqua Hermione.
Un nouveau rire ; une nouvelle moquerie… et un nouveau claquement de front qui les fit frémir.
- Bah… Marise !
- Ça ne répond pas à notre question ! S'offusqua-t-il.
- Mais vous la connaissez !
- Quoi ?!
- La vague ! Fit-il entre deux fous rire.
La vague.
La vague.
La… la vague ?!
- Attend… tu parles de la déferlante ?!
- Hum hum !
Ahurit, Hermione ne sut même pas comment réagir.
- Tu… tu veux dire que cette vague à nom ?
- Bah oui ! C'est Marise ! Sourit-il fière de lui.
Incrédule, Voldemort se sentit douloureusement grimacer à mesure que ses nerfs flanchaient. Par tous les Dieux, cela faisait trop de migraines en une journée…
- Mais pourquoi lui donner un nom ? Demanda-t-elle confuse.
- Pourquoi pas ?!
Seigneur… et dire que Yaxley l'exaspérait…
- Et j'imagine que la Grande Duchesse est… ?
- Le Désert ! Dit-il comme si cela tombait sous le sens.
Une mer désertique nommée La Grande Duchesse et une Déferlante du nom de Marise… bien sûr ! Au point où ils en étaient ! Pourquoi pas ?!
- Mais alors ça… ça veut dire que… nous sommes toujours…
Sonnée, Hermione ne parvint même pas à articuler tant l'horreur l'étouffait. Seigneur… elle les avaient cru sauvé. Naïve et pleine d'espoir à la vue de ce rivage, elle les avait cru débarrassé du désert et de la vague ! Du naufrage et du désespoir ! Mais la joie de Connor ne mentait pas… et se faisant, ils étaient toujours à un monde de Poudlard. A un monde de leur royaume, de la guerre, de Drago, Luna, Lucius et Narcissa ! A un monde de leur maison, coincés sur une île seulement habitée par un enfant…
- Nous… nous sommes…
Mortifiée la jeune femme sentit son pouls s'emballer, laissant alors sa canne s'enfoncer dans le sable à mesure que sa prothèse recommençait à trembler.
- Nous sommes toujours dans… dans…
- Ce monde.
Frissonnant violemment à la voix de son Maître, Hermione haleta à la douleur de ses pupilles ébènes. Ce monde… Grand Dieux… ce monde ! Le même qui les avait fait naufragés, mendiants, reclus et prisonniers ! Le même qui les avait piégés, tourmentés, assoiffés, brûlés et presque noyés ! Le même qui avait juré de ne jamais plus les laisser en paix… Non. Non, non, non, non ! Ce n'était pas possible ! Pas encore ! Pas après tout ce qu'ils avaient déjà subi ! Et pourtant ils auraient dû s'en douter ; ce paysage était bien trop beau pour ne pas tout leur coûter…
- Nous sommes toujours dans ce monde…
Déboussolé face à une telle fatalité, Voldemort regarda l'horizon les dents serrées avant de lentement raffermir son emprise sur la taille de son Initiée. Comme s'ils étaient endeuillés, Connor les vit s'accrocher l'un à l'autre dans un soupir défait, le regard sombre et le menton tremblant. Une scène toute aussi grave qu'étrangement silencieuse, qu'il ne put s'empêcher de détailler d'un air curieux.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-il innocemment.
- Rien. Souffla-t-elle dans une nausée. C'est juste que…
- Vous êtes pas content d'être là ?
Mal à l'aise, les sorciers se pincèrent durement les lèvres. En toute honnêteté ?! Non. Non, non, non et mille fois non… ils n'étaient pas content d'être là. Comment auraient-ils pu d'ailleurs ?! Ils n'avaient rien faire là !
- Difficile de ne pas l'être... Gronda le Mage en maudissant le ciel.
- Faut pas ! S'exclama-t-il. Y a pire comme île, croyez-moi !
- Vues les étrangetés de ce monde, je veux bien te croire…
- Quel monde ?
Intrigués, les sorciers le virent hausser un sourcil surpris. Une réaction tout aussi spontanée qu'inédite, qui ne parvînt qu'à les abasourdir.
- Eh bien… celui-ci. Dit-il.
- Celui-ci ?!
Incapable de respirer, Hermione sentit un sanglot l'étouffer. Oh non… ignorait-il qu'il vivait dans un autre monde ? Dans une autre réalité emplit de monstre, de fléau et de malédictions ?!
- Oui ! Enfin… celui de cette île, de la Grande Duchesse et de cette… maudite Marise. Répéta le Mage dans une grimace.
Figé pendant plusieurs secondes, Connor sembla ne pas comprendre… Immobile, ils virent ses pupilles se rétrécirent, son nez se froncer et son front se plisser à mesure que son esprit s'agitait. Du moins, jusqu'à ce qu'un éclair de génie ne semble le frapper…
- Ah ! Vous parlez de l'Autre Versant ! S'exclama-t-il soudainement.
- L'Autre… l'Autre quoi ?!
- L'Autre Versant ! Ou « Autre Reflet » si vous préférez…
Sceptiques, ce fut à leur tour de froncer les sourcils et de le détailler d'un air ahurit… Décidément, cette conversation devenait incompréhensible.
- Attend… tu veux dire que ce monde aussi à un nom ?! S'étouffa Voldemort.
- Mais c'est pas un autre monde grand benêt ! Se moqua-t-il bruyamment. C'est l'Autre Versant !
Incrédule, Voldemort ne sût même pas quoi répliquer. Pas… pas un autre monde ? L'Autre Versant ? Grand benêt ?! Par Salazar, ce gosse se payait sa tête !
- Connor… de quoi tu parles ? S'inquiéta Hermione.
Franchement agacé, le petit soupira devant leurs regards éberlués avant de soudainement s'assoir dans un hochement de tête empressé. Etonnés, les sorciers le virent aplanir le sable d'un air concentré, sa petite langue rose sortant entre ses lèvres gercées ; une image tout aussi innocente qu'adorable, qu'ils détaillèrent sans comprendre... jusqu'à ce qu'ils ne le voient tracer un grand cercle du bout du doigt.
- Bon… regardez ! Là c'est le Grand Tout. Dit-il en montrant le cercle. Il représente notre monde, la Terre et à peu près tout ce qui existe dans l'Univers.
Imperturbable malgré leurs airs hagards, Connor dessina une nouvelle ligne, scindant alors son cercle en deux parties égales.
- Et là ce sont les Deux Versants du Grand Tout ! Expliqua-t-il. Le Grand Versant à droite et l'Autre Versant à gauche…
Un silence.
Puis deux…
Avant que les sorciers ne se pétrifient dans un spasme nauséeux…
- Vous, vous venez du Grand Versant ! Mais ici, on est dans l'Autre Versant !
Le Grand Tout…
Le Grand Versant…
L'Autre Versant…
- C'est comme les deux faces d'une même pièce ! Un seul monde et deux côtés !
Deux côtés…
- Normalement, les Deux Versants se rencontrent jamais ; c'est la règle ! Expliqua-t-il. Mais parfois, y a des brèches !
Des brèches…
- Elles bougent tout le temps, ce qui fait qu'on sait jamais où et quand elles s'ouvrent… mais ce qui est sûr c'est qu'elles apparaissent que dans l'Océan !
Des brèches dans l'Océan…
Des brèches dans l'Océan…
Des brèches dans l'Océan… menant à un Autre Versant.
- Certains ont raconté qu'ils en avaient vu s'ouvrir à terre, mais j'y crois pas ! Continua-t-il dans un sourire. J'dis pas que c'est pas possible, mais bon… ça se saurait.
Ça se saurait ?! Plus mortifié qu'il ne l'avait encore jamais été, Voldemort sentit son souffle se couper devant son haussement d'épaule désintéressé, vacillant alors dans un jappement effaré. Non… non, il ne pouvait pas être sérieux. Il ne pouvait pas leur dire ça ! Pas là ! Pas comme ça ! Et pourtant, c'est tout sourire que le petit garçon contemplait son œuvre de sable… un petit dessin tout aussi simpliste qu'inimaginable, qui plus ils le détaillèrent, plus leur retournèrent l'âme.
- D'autres ont aussi affirmé qu'on pouvait les commander… mais entre vous et moi, ils avaient tous un coup dans le nez ! Rit-il amusé. Et puis, ça aussi ça se saurait !
« Ça se saurait… » Par tous les Dieux, non ! Non ! Non ! Et non ! Rien de tout ce qu'il leur disait ne se savait ! Ni dans les livres, les légendes, les contes et l'Histoire ! Pas même dans les plus sombres grimoires de Magie Noire ! Et pourtant… aussi insensée qu'elle soit, son explication était la seule à donner un sens à leur naufrage. Une évidence qui commença à échauffer ses tempes avant que son cœur rate brusquement un battement.
Seigneur… il le voyait désormais. Il le voyait !
La magie qui avait attaqué leur navire.
Leur naufrage sur cette mer désertique.
La déferlante du nom de Marise.
Leur arrivée sur cette île mystique.
Le rencontre avec ce petit…
Tout cela n'avait pas le moindre sens ! A moins… à moins qu'ils n'aient rejoint cet Autre Versant. Un Versant qui n'était en réalité, qu'une extension de leur propre monde.
- Mais… mais alors… c'est… mais… c'est…
Incapable d'aligner deux mots sans s'étouffer, Hermione chancela dans les bras de son Maître et grimaça sous la violence de sa migraine. Seigneur… ça ne pouvait être réel. Ça ne pouvait être réel ! Un… un Autre Versant ? Un Grand Tout ? Une pièce à deux faces ?! Etait-ce… était-ce seulement possible ?! Crédible ? Abasourdie, la jeune femme tenta de l'envisager ; de trouver un sens à ces contours grossièrement dessinés et d'y voir un semblant de vérité ! Quelque chose qu'il éclairerait son esprit, ordonnerait ses pensées et apaiserait sa nausée ! Quelque chose qui lui donnerait l'impression de comprendre ses paroles insensées et qui l'aiderait à respirer ! Mais ce qu'il leur disait… ce qu'il leur montrait… et ce que cela impliquait… Par Merlin, cela dépassait tout ce qu'ils étaient en mesure d'imaginer. Pire encore, cela aliénait les fondements même de leur savoir ! De leur compréhension du monde, de leur magie, de l'Univers, de la Nature et de ses lois ! De tout ce qu'ils avaient toujours cru inflexible, certain et inaliénable ! De tout ce qui faisait leur Histoire…
- Un autre monde… gloussa-t-il subitement. Vous êtes bizarre ! Franchement, faudrait être fou pour croire un truc pareil !
Impassible face à lui, Voldemort ne réagit même pas à sa moquerie, le regard ancré sur ce cercle aux rebords fragiles. Et pourtant… jamais il n'avait tant eu envie de hurler de toute sa vie.
- Comment tu sais tout ça ? Demanda-t-il brusquement.
- J'vis là camarade ! C'est normal !
Non ! Non… non, ce n'était pas possible ! Ils ne pouvaient y croire ! C'était… c'était tout bonnement inconcevable ! Impensable ! Impossible à imaginer comme à croire ! Mais aucun de leur doute ne parvînt à calmer leur sueur froide…
- Non… non, c'est impossible ! Siffla-t-il entre ses dents.
- Pourquoi ?
- Tu n'es qu'un enfant ! Tonna-t-il. Tu… tu ne peux pas connaître ce genre de choses de toi-même ! Quelqu'un te l'a forcément enseigné !
- Tu remets ma parole en doute camarade ?
Ebahi devant une telle réplique, Voldemort ne sut pas ce qui le troubla le plus : qu'un enfant ose lui répondre aussi froidement ? Ou qu'il le regarde dans les yeux dépit de ses pupilles rouge sang…
- Tu n'es qu'un enfant. Répéta-t-il avec mépris. Je doute que tu saches seulement ce qu'avoir une parole signifie…
- Maître ! Gronda Hermione.
Offensé, Connor ne répondit pas au Mage et le jaugea d'un étrange regard… un regard que les Sorciers virent soudainement changer et qu'ils peinèrent presque à soutenir sans trembler. Mélange de colère, d'affront et de rancune, il assombrit le bleu de ses pupilles entre deux battements de cils irascibles. Vif et cinglant, il alla même jusqu'à déformer ses traits pendant court instant, laissant alors transparaître les prémices d'une douleur jusqu'alors restée en dormance. Une douleur sourde, étrange et latente… Une douleur qui leur arracha un effroyable frisson, mais qui disparut presque aussitôt que le petit garçon soupira entre ses dents. Troublé, Voldemort peina à déglutir dans sa soudaine apnée et le vit contempler son dessin dans un silence contraint. Pourtant, jamais il ne sentit la férocité de sa hargne s'éteindre. Oui… il le voyait désormais, quelque chose résonnait chez ce petit. Une force, une vie, un pouvoir ! Quelque chose d'étrange, de puissant et de presque palpable ! Qu'était-ce ? Il ne savait pas… mais ne put se débarrasser de la brûlure de son regard. Un regard tout aussi intense que fugace, qui lui fit prendre un nouveau coup de canne.
- Bon sang, Herm…
- C'est un enfant ! Se scandalisa-t-elle. Vous l'avez dit-vous-même, alors cesser de lui parler comme un Seigneur des Ténèbres !
- Mais…
- Vous êtes pas obligé de me croire. Souffla-t-il subitement. Mais vous êtes sur mon île et y a que moi ici… alors soyez-pas bêtes.
- Bêtes ?! S'étouffa-t-il.
- Maître !
Réduit au silence, Voldemort se mordit la langue dans un grondement. Seigneur, qu'il haïssait les enfants…
- Non, Connor nous… nous te croyons. Balbutia Hermione d'une voix plus douce.
- Vraiment ?
- Oui, mais comprends-nous. Nous… nous sommes juste un peu surpris.
Et encore le mot était faible ! Mais il disait vrai… ils n'avaient que lui sur cette île. Et jusqu'à preuve du contraire, il n'avait qu'eux, lui aussi. Aussi, c'est tout en ignorant la douleur de sa jambe que la jeune femme boitilla jusqu'à lui et lui offrit un sourire attendit. Pauvre petit… si seul, si fragile… Certes, ce qu'il leur expliquait semblait impossible ; mais quoi qu'ils pensent de cette théorie, ils n'avaient pas le luxe d'en rire. Au contraire ! Ils devaient s'en servir ! Trouver un moyen de percer les secrets de cette île et espérer pouvoir en partir ! Oui… ils devaient se ressaisir. Se calmer et réfléchir à tout ce que ce « Versant » était capable de leur offrir ! Mais pour cela, ils avaient besoin de lui... C'est donc le cœur lourd qu'Hermione rassembla ses esprits et s'assit lentement face à lui.
- Donc… si j'ai bien compris, notre monde…
- Pas un monde ! Corrigea-t-il.
- Notre Versant…
- Le Grand Versant !
Bon sang…
- Le Grand Versant – l'endroit d'où nous venons… communique avec cet Autre Versant ?
- Hum hum !
- Et ces brèches dont tu nous parlais, elles sont… aléatoires ?!
Réfléchissant un court instant à sa question, Connor se pinça le menton en silence.
- J'crois. Fit-il. Mais ça a pas toujours été le cas !
- Comment ça ?!
- Bah… y a de vieilles légendes qui se disaient avant ; des histoires de bonnes femmes sur l'île et l'Autre Versant.
Stupéfiée, Hermione sentit son cœur s'arrêter… Oh Seigneur.
- Quels genres de légendes ?
- Oh… c'est pas le genre d'histoire qui plaît aux dames ! S'exclama-t-il.
- Ça tombe bien… je ne suis pas comme toutes les dames. Lui dit-elle.
Amusé, Connor la détailla entre deux battements de cils avant d'esquisser un fin sourire ; l'un de ceux qui pour lequel n'importe quelle mère serait prête à mourir…
- C'est vrai ça ! Fit-il. J'avais encore jamais vu une dame donner des coups de cannes !
- Et j'en donnerais pleins d'autres si tu acceptes de me raconter ces légendes.
- Hé !
Roulant des yeux au ciel, Voldemort se mordit la lèvre à son regard acerbe. Décidément… il n'était pas sorti d'affaire.
- Vous êtes sûr de vouloir les entendre ? Demanda Connor gêné. Ça fait longtemps que je les ai pas raconté…
- Je veux même les détails.
Un clin d'œil.
Un sourire.
Avant un ultime battement de cœur…
- Vous avez déjà entendu parler… des pirates ?
Et voilààààà ! :DDDDDDD
Nos sorciers ont enfin des réponses à leurs questions ! Et elles ne sont pas petites ça c'est sûr ! XD Autre Versant, brèches, légendes, pirates... aujourd'hui, ils ont la totale ! Et encore... ces découvertes ne sont que les premières ! Sans parler de Connor qui ne manquera pas d'échauffer leur nerfs - en particulier ceux d'un certain Seigneur des Ténèbres... ;)
Qu'en avez-vous pensez ? Que croyez-vous qu'ils vont apprendre ? Et Connor ? Pourquoi semble-t-il si étrange ? N'hésitez pas à me donnez vos avis ! En tout cas, j'ai adoré entamer cette série de chapitres ! :D J'ai hâte de vous publier la suite et de vous faire découvrir les mystères de cette île !
Merci encore pour tous vos messages ! Je vous embrasse ;)
A très vite !
