Assise à même l'écorce d'une épaisse racine, Hermione détailla l'horizon dans un profond soupir. Recroquevillée sur elle-même, n'avait pas bougé depuis qu'ils étaient arrivés ; non pas parce qu'elle était épuisée… mais parce que rien au monde n'aurait été en mesure de la convaincre de se lever. Pourquoi ? Elle aurait presque été incapable de le dire… incapable de décrire l'émoi et la stupéfaction qui la gardait immobile. Mais à quoi bon s'en soucier ? A quoi bon chercher à expliquer l'inexplicable ? A nommer l'innommable ou à décrire l'indescriptible ? Cela aurait été un blasphème… un pêché… un crime… Oui, il était des choses dans cette vie qui ne pouvaient être dites ; et d'autres, qui ne devaient pas l'être. Et ce qu'elle voyait face à elle en était l'exemple parfait ; car ce qu'elle voyait était sans pareil…

La beauté à son état le plus pur.
La beauté en sens le plus parfait.
La beauté comme aucun homme n'aurait pu l'imaginer...

Oui, c'était ça. La beauté l'avait envouté ; hypnotisé et subjugué... Une beauté qu'elle n'avait jusqu'alors jamais rencontré et qu'elle n'avait même jamais imaginé. Mais une beauté qui l'avait irrémédiablement renversé… et face à laquelle son propre Maître était resté muet.

Un horizon bleu et cuivré.
Un soleil chaud et ambré.
Une mer d'huile, aux contours satinés.
Un rivage de sable noir et paillettes dorées…

Seigneur… jamais elle n'avait vu ça. Jamais elle n'avait vu un sable d'une telle couleur, un soleil d'une telle douceur, un vent d'une telle odeur, un océan d'une telle… seigneur, elle n'avait pas les mots. Et ne les aurait jamais ! Car aucune phrase, aucune syntaxe, aucun vocabulaire, monologue ou tirade, ne rendrait jamais hommage à la somptuosité d'un tel paysage… Acculée dans l'angle d'une petite crique entre forêt et océan, les dunes de sable blanc avaient laissé place à une plage couleur de jais ; une plage à l'obscurité étrangement envoutante, mais dont le sable d'encre scintillait de milles paillettes étincelantes. Gorgées de soleil, elles rayonnaient d'un halo incandescent, embrasant alors le rivage d'un parterre d'or et de lumière miroitante. Bercé par la marée, les vagues en revanche brillaient d'incroyables reflets argentés, laissant alors leurs écumes nacrées se joindre à cet étrange jeu d'hypnose et d'éclats irisés. Et encore, ce n'était presque rien comparé à la couleur du ciel… à son bleu profond synonyme de rêve ; ou à l'Horizon, où s'unissaient langoureusement l'ambre ardente du soleil et l'opale chatoyante de la mer ! Sans parler du vent et de sa chaleur maternelle… de sa douceur semblable à milles caresses, qui les enveloppaient amoureusement de ses odeurs de fleurs et de sel. Seigneur… cela semblait irréel. Toutes ces couleurs, ces reflets, ces lumières… ces étincelles d'or, d'argent, de cuivre, d'encre, d'ambre et de jais ! C'était plus que ce que ses yeux ne pouvaient en regarder sans pleurer ; plus que ce que son cœur pouvait en contempler sans s'arrêter ! Et pourtant c'était bien ici que Connor vivait…

- Bienvenu chez moi ! Leur avait-il dit.

Chez lui… Par tous les Dieux, vivre dans un cadre aussi extraordinaire ? Dans ce paradis imaginaire ? Cela semblait trop beau pour être vrai. Mais son air fier ne mentait pas… pas plus que son étrange campement, reposant au cœur même d'un arbre grimpant. Affaissé sur le rivage, son tronc s'enfonçait de moitié dans le sable, ne laissant transparaître de lui qu'écorces arrachées et coulures de sèves séchées… mais ses racines ? Grand Dieu quelles racines ! Longues, épaisses et tordues sur elles-mêmes, elles jonchaient la lisière de la forêt avant de s'élever dans les aires, tels les bras d'une mangrove cherchant désespérément à atteindre le ciel. Un enchevêtrement tout aussi étrange qu'impressionnant, sur lequel Connor y avait suspendu quelques étoffes pour le protéger par le vent ; des bouts de tissus troués et délavés, tenus à l'aide de cordes et poulies rouillées en un système étonnement avancé. Cherchait-il à en faire des sortes de murs ? Probablement… mais bien que leurs coutures soient défaites et broderies anciennes, Hermione ne put le nier ; ce petit était doué. Niché au cœur des racines, il avait suspendu d'immenses hamacs tous atour de l'arbre, cloué quelques planches pour entreposés de vielles malles, rassemblé une panoplie d'ustensiles et d'outils, et avait même creusé un foyer dans l'écorce d'où fumait une imposante marmite ! Agrémenté de corbeilles de fruits, de cousins, de couvertures, de bouquet de fleurs et d'épais tapis en lin, il s'était créé un véritable petit royaume aux senteurs de miel et de pommes de pins. Un royaume dont lui seul était Roi et dont l'ingéniosité les avaient laissé sans voix…

- C'est toi qui as construit tout ça ? Avait demandé le Mage impressionné.

- Affirmatif camarade !

- Tout seul ?!

Amusé devant ses yeux écarquillés, Connor avait souri avec fierté, heureux d'enfin susciter son intérêt…

- Je sais que j'suis petit, mais je suis malin !

Oui… il l'était. A tel point qu'il avait même conçut un système de récupération d'eau de pluie, en disposant des tronçons de bambous le long des plus hautes racines ! De quoi bouche bée d'avantage les sorciers, qui n'avaient plus su où regarder.

- C'est incroyable…

- Oh… c'est pas parfait mais ça me suffit.

Suffire… oui, elle comprenait ce qu'il voulait dire ; en particulier avec une vue aussi sublime.

- Faîte comme chez vous ! J'vais vous chercher de quoi vous rafraîchir…

- Nous rafraîchir ?!

- Bah oui camarade ! J'suis pas un sauvage !

Ebranlé, Voldemort n'avait pas su répliquer ; qu'aurait-il pu dire d'ailleurs ? Aussi bavard et insupportable qu'il soit, ce petit était un véritable attrape-cœur… C'est donc ainsi qu'Hermione s'était retrouvée assise sur cette racine, le regard trouble et les joues mouillées de larmes devant ce paysage indescriptible. Silencieuse malgré les soubresauts imperceptibles de sa poitrine, elle se perdit dans sa contemplation et oublia tout… de sa fatigue jusqu'à la douleur de sa prothèse pendant dans le vide, elle laissa son esprit s'engourdir, son souffle s'alourdir, sa peau frémir et ses lèvres sourire. Un instant simple, doux et inespéré, qui ébranla son âme dans l'écho d'une prière étouffée. Seigneur… depuis quand n'avait-elle pas pris le temps de respirer ? De fermer les yeux et de savourer la brise dans ses cheveux ? Une éternité ? Ou deux ? Elle ne savait plus…

- C'est prêt !

Elle aurait pu rester des heures à contempler l'horizon, l'océan et le ciel ; des heures à inspirer à pleins poumons les embruns gorgés de sucre et de sel… des heures à prier pour que cet instant soit éternel. Mais Connor était déterminé à choyer ses invités.

- Venez vite ! S'écria-t-il. C'est bien chaud !

Les rejoignant en trois sauts de racines, Hermione sentit son cœur fondre à la vue de son sourire. Fier des vapeurs épicées de son imposante marmite, il avait disposé trois bols, trois couverts et trois petits gobelets autour du foyer rougeoyants de braises… Une attention tout aussi touchante qu'incroyablement adorable, à laquelle même Voldemort ne put rester de marbre.

- Tu… tu n'avais pas à faire tout ça pour nous. Lui dit-il alors gêné.

Goûtant sa préparation du bout des lèvres, le petit hocha la tête avec vigueur avant de replacer son bandana et de leur lancer un clin d'œil.

- Dis pas de bêtise camarade… Vous êtes mes invités !

- Mais…

- Allez ! Asseyez-vous ! Insista-t-il. Faut pas que ça refroidisse !

Se jetant un regard complice, les sorciers esquivèrent un sourire avant de lentement s'assoir sur les cousins qu'il avait installé sur les racines. De petits édredons colorés, remplis de plumes et de sable, dont la douceur leur arracha un soupir d'extase. Bon sang… depuis quand ne s'étaient-ils pas installés autour d'une table ? D'un feu crépitant et d'une marmite fumante ? Beaucoup trop longtemps…

- Les dames d'abord !

Saisissant son bol désormais rempli, Hermione le remercia d'un sourire avant de ne sentir ses narines frémir sous la douce odeur de son ragoût d'épices. Mélange de légumes marinés, de viandes et d'un bouquet d'aromates fraîchement coupé, elle saliva à la vue des petits piments équeutés et peina à contenir les grondements de son ventre affamé.

- J'espère que vous aimerez ! Leur dit-il en finissant de les servir. Personnellement, j'aime quand c'est relevé mais comme je connaissais pas vos préférences, j'y suis allé mollo sur les piments oiseau.

- Les piments oiseau ? S'étonna-t-elle.

- Hum hum ! Y en a plein les bois !

- Mais… je croyais qu'ils étaient réputés pour être les piments les plus forts du monde ? Souffla le Mage soudainement inquiet.

Amusé, Connor sautilla joyeusement devant leurs airs stupéfiés et attrapa de son bol à la volée. Nul doute que lui aussi devait être affamé…

- C'est le cas ! Mais faut pas vous en faire… Sourit-il. Je les cuisine comme un Chef !

Que le ciel les entendent…

- Allez ! Goûter !

Intriguée, Hermione détailla ses piments un court instant… elle n'avait jamais eu de problème à supporter la nourriture épicée par le passé ; mais des piments oiseau ?! Ce serait une première ! De quoi attiser sa curiosité et lui faire saisir sa cuillère… Scrutée de toute part, elle fut la première à faire honneur à son plat ; pourtant et contrairement à qu'elle s'était attendue, ce n'est pas un brasier ardent qui se répandit sur sa langue… pas plus qu'un torrent d'épices asphyxiant ! Non… mais une véritable symphonie de saveurs, dont la première bouchée suffit à lui renverser le cœur. Seigneur… c'était parfait. Mélange de noix, d'aubergine grillées, de figues, d'oignons caramélisés et de tomates séchées, elle sentit son palais frémir sous la douceur des morceaux de viande qui se mirent à fondre sous sa langue. Enduit d'une légère sauce au miel, ils se mêlèrent délicatement aux effluves de thym et de romarins, avant que le piquant d'un piment oiseau ne rougisse subitement son teint. Bien moins violent qu'elle se l'était imaginé, il réhaussa la saveur des légumes, se joignit à la texture de la viande et picota légèrement sa langue à mesure que ses lèvres gonflaient déjà de sa chaleur réconfortante…

- Alors ?!

Ne trouvant pas la force de parler, la jeune femme gémit bruyamment avant de se servir une plus grosse cuillerée. Un geste tout aussi rapide qu'affamé, que Voldemort contempla avec surprise avant que Connor ne se mette subitement à sourire…

- A toi camarade !

Amusé devant la voracité de son Initiée, Voldemort la regarda en silence avant de contempler son plat d'un air hésitant. Surement craignait-il y trouver une sorte de poison ? Ou se brûler la langue sur un piment ? Mais Connor le regardait avec impatiente… et il avait déjà dépassé son quota de réflexions. Aussi, c'est dans une ultime apnée qu'il se saisit de ses couverts et en avala une petite bouchée ; pourtant, il ne lui suffit à son tour que d'un instant, pour se figer dans une stupeur estomaquée. Par tous les Dieux… c'était délicieux.

- Wow… souffla-t-il ahurit. C'est… c'est vraiment…

- Incroyable ! S'extasia Hermione le souffle court.

Et encore le mot était faible ! Jamais ils n'avaient mangé un tel délice… connus pareilles saveurs, sensations ou mélange d'épices ! Plus qu'un simple ragoût, ce bol contenait le goût de la vie ! De la liberté et de la beauté ! Le tout enveloppé dans un savant mélange de figues et légumes grillés ! Un exploit culinaire, comme nul n'en avait encore jamais goûté… et qui ne manqua pas de les époustoufler.

- Vraiment ? S'inquiéta Connor gêné. Vous aimez ?!

Transcendés, ils hochèrent la tête avec vigueur, la bouche pleine et les papilles au septième ciel ; de quoi ravir davantage le petit garçon qui entama son bol dans un soupir de soulagement.

- Je te tire mon chapeau Connor. Dit alors Hermione en essuyant sa lèvre. Tu es un véritable petit chef !

- Ça me coûte de le dire, mais… c'est vrai.

Amusé, Connor rit franchement à l'œillade du Mage Noir ; pourtant, il n'y eut ni moquerie, sournoiserie ou malice dans son regard… mais seulement une profonde reconnaissance, mêlée à une étrange émotion.

- J'suis content. Souffla-t-il ému. Ça fait longtemps que j'avais pas fait à manger pour quelqu'un d'autre que moi…

- Alors tu n'as pas toujours été seul ? Demanda Hermione.

- Non… Soupira-t-il. Mais ça remonte à longtemps.

Etonné, Voldemort le regarda engloutir une grosse bouchée dans un haussement de sourcil intrigué.

- Longtemps ? Releva-t-il.

- Hum hum…

- C'est-à-dire ?

- Bah, je sais pas trop… dit-il dans un haussement d'épaule. J'compte pas les jours ! Et même si j'essayais, j'sais pas ce qu'il y a après quarante-deux…

S'échangeant un regard en coin, les sorciers frissonnèrent un court instant. Pauvre petit… seul et livré à lui-même sur cette île.

- Mais j'sais que ça fait longtemps ! Reprit-il.

Mal à l'aise, ils le virent avaler son bol sans renchérir avant de silencieusement déglutir. Bon sang… à force de s'émerveiller devant la beauté des paysages et la saveur de leurs repas, ils en avaient presque oublié la dangerosité d'un tel environnement pour son âge ! Ainsi que la douleur de sa solitude et les conséquences d'une vie à l'état sauvage...

- Alors, tu… tu vivais ici avec tes parents ? Se risqua Hermione d'une petite voix.

- Oh non ! S'exclama-t-il. Je suis orphelin de naissance.

Le cœur noué, Hermione ne sut plus quoi répliquer… à croire que chaque réponse était destinée à les éventrer.

- Tu ne les as jamais connus ? Insista le Mage.

- Et non… j'connais même pas leurs noms.

Oh seigneur…

- Mais c'est pas grave ! Assura-t-il. Ils connaissent pas le mien alors… j'imagine qu'on est quitte.

- Comment ça ?!

- Bah, c'est qu'ils se sont pas donnés la peine de me donner un prénom !

Troublés, les sorciers s'échangèrent un regard étonné. Pas de prénom ?

- Mais dans ce cas, qui t'a appelé Connor McGalighan ? Demanda-t-il.

- Le marin qui m'a trouvé. Mais faut dire qu'il était pas très inspiré ! Son frère s'appelait Connor – un vieux boiteux pas très bavard qui s'est retrouvé pendu haut et court après avoir reluqué les jupes de la femme d'un général… Il l'aimait bien alors il m'a nommé après lui ; même si j'ai jamais compris pourquoi ! C'était qu'un gredin sans cervelle !

Sentant une migraine lui échauffer les tempes, Voldemort grimaça face à tant d'informations…

- Attend… tu as été trouvé ?!

- Hum hum ! Fit-il.

- Où ça ?

- De ce que j'sais, ma mère m'a laissé dans un panier sur les quais ; c'était pas très malin cela dit ! On était en plein hiver et j'avais que quelques heures…

Par tous les Dieux… abandonner un nouveau-né sur les quais ? En plein hiver ?! Autant le jeter directement la mer !

- Le vieux Jérôme m'a embarqué dans la calle par hasard… Sûrement qu'il pensait que j'étais un morceau de lard pour leur voyage !

Se frappant violemment le front, Connor sourit de toute ses dents, hilare devant la tournure de sa propre histoire.

- J'vous dit pas la tête de l'équipage quand j'me suis mis à brayer ! Gloussa-t-il. Ils ont passé six heures à fouiller les calles avant de me retrouver ! Ce vieux Jérôme m'avait rangé dans entre deux jambons… faut dire qu'il était à moitié miraud, alors bon… ça se comprend ! Et puis, j'étais qu'un petit vers de 25 centimètres, saucissonné dans un bout de toile de jute ! J'pesais qu'une petite livre, vous vous rendez-compte ?! Même les rats étaient plus gros que moi !

Une livre pour 25 centimètres ? Nul besoin de s'interroger sur sa petite taille désormais ! Le pauvre petit était né prématuré… avant que la mal nutrition ne vienne s'ajouter à son début de vie mouvementé.

- Autant vous dire que ça leur a pas fait plaisir de me trouver là ! Une bouche de plus à nourrir ? Inutile en plus ?! S'exclama-t-il.

Mitigés entre l'effarement et la stupéfaction, les sorciers sursautèrent en le voyant se frapper à nouveau le front.

- Le Vieux Jérôme s'est pris de sacrés coups de bâtons pour ça ! Mais ils ont pas eu le cœur de me jeter par-dessus bord alors… ils m'ont gardé avec eux.

Essuyant son menton plein de sauce, Connor s'enfonça joyeusement dans son cousin, un verre de jus de fruit à la main ; une nonchalance pour le moins déconcertante, qui laissa les sorciers le détailler dans un frisson. Loin de s'apitoyer sur son sort, il riait à gorge déployée, insensible à la gravité de tout ce qu'il leur disait… et pourtant, c'est le cœur serré qu'Hermione se retenait de pleurer.

- Ils t'ont donc… élevé ?

- Ils ont essayé. Grimaça-t-il. Mais faut dire que c'est pas simple d'élever un marmot sur un bateau !

- Et ce… ce sont eux qui t'ont fait ces… ces cicatrices ? Se risqua-t-elle à demander.

Surpris, les Sorciers virent le petit hausser un sourcil, ses joues s'empourprant brusquement à mesure que tous les regards se tournaient sur sa poitrine… Une poitrine osseuse, frêle et fragile. Une poitrine au souffle vif et rapide. Une poitrine à la peau tannée par le soleil de d'île. Mais une poitrine également striée d'imposantes cicatrices, dont la pâleur et étranges formes coniques, n'avaient cessé de hanter leurs esprits…

- Oh, heu… non. Balbutia-t-il. Pas celles-ci.

- Pas celles-ci ?!

- Attend… tu veux dire qu'il y en a d'autres ?! Paniqua-t-elle.

- Juste dans le dos… mais c'était pas leur faute ! J'tenais jamais en place et je nettoyais mal la calle alors… il arrivait que moi aussi je prenne quelques coups de cannes.

Déconcerté, Voldemort fronça les sourcils dans une grimace confuse. Il savait ce que c'était de naître sans aucun parent, d'être lâché entre les bras de la cruauté du monde et de subir de mauvais traitement ; mais ce qu'il leur disait là semblait tout aussi ahurissant… que dénué du moindre sens.

- Mais… si tu étais un poids pour leur expédition, pourquoi ne t'ont-ils pas mis en institution ? Demanda-t-il.

- En Institution ?!

- Ou l'orphelinat, pour te mettre en adoption ?

Riant davantage, Connor leur lança un étrange regard. Pourtant et malgré la sensibilité d'un tel sujet, son ton resta anormalement léger ; pour ne pas dire profondément amusé…

- Faut pas trop en demander à de vieux marins ! Dit-il amusé. On avait déjà levé l'ancre et la poupe était dans le vent ! Un demi-tour aurait été une perte de temps !

- Mais tu n'avais que quelques heures quand ils t'ont trouvé ! Tu aurais pu avoir besoin de soins et…

- Oh non ! J'suis peut-être qu'une crevette mais je suis coriace ! Et puis, j'suis déjà content qu'ils m'aient pas donner en pâture aux requins alors j'vais pas me plaindre !

Un quai.
Un bateau.
De vieux marins.
Des coups de bâtons et des requins…

Par tous les Diables ! On aurait presque pu croire que…

- Connor, quel âge tu as ? Demanda subitement le Mage.

- Oula… j'saurais pas dire camarade !

- Alors ton année de naissance ?

Réfléchissant un court instant, ils le virent siroter une gorgée de son jus et se frotter le menton… avant qu'il ne se frappe à nouveau le front.

- Oh ! J'connais pas la date mais je sais que c'est pas longtemps avant que le Grand Domitien rende l'âme !

- Le… le quoi ?!

- Le Grand Domitien ! Ou Titus pour les intimes… mais je l'ai jamais beaucoup aimé.

Le Domitien ? Titus ?! Etait-ce le nom d'un Marin ? D'un ami à lui ? Ils n'auraient su dire… mais comprirent qu'ils étaient autant dans le flou que lui.

- Et d'où viens-tu ? Se risqua-t-il à demander.

- D'un peu partout ! On a pas mal bourlingué sur les Océans du Grand Versant… c'était pas toujours la belle vie mais on s'en sortait bien !

- Tes amis étaient donc marchands ?

- Hum hum ! On mouillait dans pleins de ports différents ; on achetait des épices, des tissus, des armes et même des petits arbres qu'on revendait au plus offrant sur le continent ! Certaines marchandises valaient leur pesant d'or ! Mais c'était pas facile de les garder en bon état… faut dire qu'entre les tempêtes, la houle et les marées, on perdait presque un quart de nos stock à chaque voyage !

Intrigué, Voldemort le contempla dans une nouvelle apnée. Il y avait quelque chose dans sa façon de parler… de raconter sa vie et de les regarder. Quelque chose d'étrange qu'il n'aurait pu nommer, mais qui l'avait également frappé quand ils s'étaient rencontrés ; quelque chose de construit, de mature et de presque… adulte. Bien sûr, une telle pensée semblait ridicule – en particulier à la vue de son âge et de sa petite taille. Mais bien qu'il soit parfaitement exécrable, ses enfantillages ne duraient jamais longtemps, alors supplantés par une étrange noblesse de comportement… Une noblesse certes latente, fugace et inconstante, qui aurait pu s'expliquer par sa vie, ses aventures et solitude ô combien traumatisantes pour un enfant ! Mais même ce semblant d'explication ne parvenait pas à apaiser sa méfiance… Au contraire, elle l'exacerbait plus que jamais, le laissant mitigé et indécis devant ses sourires et éclats de rire ! Non pas qu'il semble imminemment dangereux à cet instant ; mais il était différent des autres enfants. Trop différent… Qu'il s'agisse de son vocabulaire, récit, remarques et manières, il paraissait venir d'une autre ère ! Une idée pour le moins grotesque, que le Mage ne réussit à pas se sortir de la tête…

- Et… que sont-ils devenus ? Demanda-t-il.

- Qui ça ?

- Les marins qui t'on recueillis. Ils se sont échoués ici, eux aussi ?

Mal à l'aise, ils virent Connor hésiter entre deux balbutiements de lèvres, avant qu'une étrange tristesse ne le fasse subitement taire. Pourquoi ? Ils ne surent pas… mais redoutèrent sa réponse devant la soudaine obscurité de son regard.

- Oh heu, oui mais… mais pas…

Agitées, ses pupilles se rétrécirent, ses traits se durcirent et son sourire s'éteignit, symbole de la douleur que cette question avait ravivé en lui… symbole de la douleur de sa nouvelle vie.

- Mais pas tous… déglutit-il.

Emus, les sorciers se regardèrent dans l'écho de son silence abattu. Un silence pesant et presque endeuillé, qui leur donnèrent une idée de ce que le reste de l'équipage avait dû endurer…

- Vous… vous avez fait naufrage ?

- Hum hum… acquiesça-t-il du bout des lèvres. Six hommes sont morts noyés à la Traversée de l'Autre Versant ; douze sont morts de soif sur la mer de la Grande Duchesse et… dix-sept ont été emportés par Marise.

Oh non…

- A la fin on… on était plus que trois. Mais les deux autres étaient mal en point et je… j'étais encore petit. Avoua-t-il.

Horrifiée, Hermione peina à retenir ses larmes devant ses poings serrés. Oui… bien trop petit.

- J'ai pas pu les sauver. Finit-il par dire.

Par tous les Dieux… il culpabilisait. Alors même qu'il avait miraculeusement survécu à plus d'épreuves qu'ils ne pouvaient en compter sans avoir la nausée, ce pauvre enfant culpabilisait de ne pas avoir pu les sauver ! Une douleur que la jeune femme connaissait mieux que personne, et qui manqua de la faire flancher devant son bol. Seigneur… aucun enfant ne devrait subir de telles choses. L'abandon, l'errance, le deuil, la mort… eux-mêmes peinaient à y survivre ! Alors lui ? Seul et abandonné sur cette île ?! Elle peinait à le concevoir sans frémir.

- Nous sommes désolés. Souffla le Mage après un court silence. Tout ceci a dû être… très difficile à vivre.

- Oh faut pas camarade ! Dit-il dans un sourire. C'était pas facile mais… c'était il y a longtemps. Je m'en suis remis ! Et puis j'vous l'ai dit, je suis un coriace !

Essuyant son nez d'un revers de poignet, Connor les vit se regarder d'un air gêné. De quoi le faire brusquement rougir de honte devant ses invités…

- Mince alors ! S'exclama-t-il soudainement. J'manque à tous mes devoirs ! C'est pas correcte de parler que de soi…

- Oh ne t'inquiète pas ! Le rassura Hermione. Nous sommes heureux d'apprendre à te connaître…

- Parlez-moi plutôt de vous ! Dit-il avec entrain.

- De… de nous ?!

- Hum hum ! Fit-il vivement. J'veux tout savoir !

Mal à l'aise devant ses pupilles brillant de curiosité, ils échangèrent un regard surpris avant de se pincer les lèvres dans une nouvelle apnée. Tout savoir ? Mais tout savoir sur quoi ? Leur vie ? Leur voyage ?! Grand Dieu, il serait majeur avant qu'ils aient pu finir leur histoire ! Mais quand bien même, que pourraient-ils lui dire ? A lui ? Certes, il semblait déjà au courant de l'existence de la magie – ce qui leur enlevait une sacrée épine ! – mais savait-il pour les sorciers ? L'existence du monde Magique et tout ce qui s'y liait ? Ils l'ignoraient… et hésitèrent franchement à aborder un tel sujet.

- J'avoue que… je ne sais pas par quoi commencer. Souffla Hermione mal à l'aise.

- C'est qu'il y a beaucoup à dire... Ajouta le Mage.

- Bah commencez par le début ! Comment vous vous êtes rencontrés ?

Abasourdi devant la simplicité d'une question aussi compliquée, Voldemort esquiva un sourire… avant de se mordre la langue en voyant son Initiée rougir. Prise de court, il l'entendit balbutier dans la fièvre de ses joues, l'esprit agité par la réponse qu'elle pourrait lui donner ; une réponse tout aussi tragique qu'incroyablement comique… dont le seul souvenir les fit tous deux frissonner.

- Oh et bien… c'est… c'est assez compliqué. Bégaya-t-elle.

- Pourquoi ?

- Eh bien…

- Elle a essayé de me tuer. Dit-il.

Sonnée, Hermione sentit son cœur s'arrêter…

- Pour de vrai ?! Souffla Connor les yeux ronds.

- Pour de vrai !

Non… il n'avait pas osé.

- Je dirais même que nous étions… en guerre. Dit-il dans un sourire.

Bouche bée, la jeune femme ne parvînt plus à respirer devant son clin d'œil amusé.

- Quoi que techniquement parlant, j'ai moi-même essayé de la tuer quand elle était enfant. Précisa-t-il.

Par Salazar, il… il ne pouvait pas dire ça ! Pas comme ça ! Et certainement pas à un enfant ! Et pourtant, jamais le petit ne sembla plus surexcité qu'à cet instant.

- Quand elle était enfant ?! S'écria Connor ébahit.

- Pour ma défense, elle essayait déjà de déjouer mes plans !

- Maître ! S'étouffa-t-elle.

Bon Dieu, qu'il se taise… Qu'il se taise !

- Vraiment ?! Souffla le petit.

- Vraiment !

- Mais pourquoi ?! Demanda-t-il stupéfié.

Oh non…

- Eh bien… disons simplement que je prévoyais d'exterminer une bonne partie de la population, incluant ses amis, sa famille, ses parents et à peu près toute personne possédant le même… sang.

Vacillant violemment sur sa racine, la jeune femme se déconfit devant son air ravit… une réaction tout aussi soudaine qu'incrédule, qui ajouté au mutisme surpris du petit, ne parvînt qu'à élargir son sourire.

- Ça alors !

- Je ne te le fais pas dire…

- Mais pourquoi tu voulais faire tout ça ?! Demanda-t-il.

Bon Sang, assez de question !

- Pour le pouvoir. Répondit-il franchement. La domination. La puissance… ce genre de choses.

- Sérieusement ?!

- Et oui… mais mes plans ne plaisaient pas à tout le monde. Il y a eu des guerres, des bains de sang, des trahisons et même une Résistance ! Dont Hermione était d'ailleurs la tête pensante…

Seigneur… elle allait le tuer.

- Maître ! S'écria-t-elle à bout de nerfs.

- Mais Dieu merci, ses vaines tentatives ont échoué et j'ai gagné ! Conclut-il d'un air triomphant.

- Non ! Je… ce n'est pas…

- Voyons très chère, nous n'allons pas débattre de ta défaite.

Manquant de s'étouffer devant son œillade moqueuse, Hermione sentit son serpent sortir les crocs dans un sifflement orgueilleux ; un sifflement que Connor ne sembla pas remarquer, mais auquel son Maître bomba le torse avec fierté.

- Quelle histoire ! S'extasia Connor ahurit.

- Non, ce… ce n'est pas exactement comme ça que ça s'est passé ! Bafouilla-t-elle outrée.

- J'omets sûrement quelques détails mais l'essentiel est là.

Rouge de colère, Hermione frissonna dans un grondement acerbe. Quel petit scélérat ! Oser lui faire un tel coup bas ! Résumer leur histoire à… ça ! Ce n'était pas ainsi que les choses s'étaient passées ! Pas plus que leur combat ou que sa victoire ô combien mitigée ! Mais il prenait bien trop de plaisir à la mettre en rage… une évidence qui lui fit amèrement regretter de ne pas l'avoir assommé avec sa canne.

- Et qu'est-ce qui s'est passé après ?! Demanda le petit impressionné.

- Oh et bien, elle est finalement revenue à la raison ! Elle a rendu les armes, m'a juré fidélité et s'est engagé à me servir pour le reste de sa vie ! Ainsi, nous avons pu tirer un trait sur le passé, nous tourner vers l'avenir et même trouver un certain… « intérêt mutuel », si je puis dire.

Troublée devant l'obsidienne de ses pupilles de braise, Hermione détourna le regard dans un hoquet muet. « Un intérêt mutuel » … Oui, c'était vrai. Ils avaient trouvé de nombreux intérêts à travailler ensemble ; d'ailleurs, c'était le but même de leur collaboration ! Et pourtant, elle n'eut aucun mal à voir à quoi il faisait réellement référence… Un détail agrémenté d'un frisson, qui enfiévra ses joues à mesure que résonnèrent les non-dits de leur silence.

- Et vous arrivez à vous entendre ?!

- Eh bien… ça dépend des jours. Souffla-t-elle.

- Elle est têtue.

- Il est borné !

Explosant de rire devant eux, Connor se frappa le front avant de retomber sur son cousin entre deux gloussements. Nul doute que cette scène de ménage devait être hilarante à voir…

- Mais oui… Sourit le Mage. Nous arrivons à nous entendre.

- Comment vous faîte ? Vous avez l'air d'avoir de forts caractères ; et j'ai été élevé par des marins donc je sais de quoi je parle !

- Oh et bien nous… nous communiquons.

- Et c'est tout ?! S'écria le petit.

- Oui du moins… entre autres choses.

Noyant son regard dans son bol, Hermione déglutit avec peine devant son Maître… Pourtant et malgré sa gêne, la jeune femme ne put s'empêcher d'esquisser un fin sourire entre ses lèvres. Discret, il fit trembler ses joues d'un léger éclat de rire, avant d'agiter sa poitrine d'un frémissement imperceptible. Un frémissement que Voldemort ne put s'empêcher de contempler à la dérobée… et dont la fugacité raviva le souvenir de leur baiser.

- Ça alors… souffla Connor impressionné. Vous devez pas vous ennuyer !

- En effet.

Un nouveau clin d'œil. Un nouveau sourire. Et un nouveau frisson qu'Hermione ne put tarir…

- Et ça fait longtemps que vous êtes mariés ?

Mariés.
Mariés.
Mariés.
Ma… Mariés ?!

Recrachant brutalement l'eau qu'il venait d'avaler, Voldemort s'étouffa dans un hoquet stupéfié. Incapable de reprendre sa respiration, il s'étrangla pendant de longues secondes, les joues rouges et le feu au sang à mesure que grandissait son ahurissement. Une réaction pour le moins… violente et quelque peu déconcertante aux yeux du petit garçon, qui empira soudainement quand il vit Hermione se liquéfier dans un profond silence. Livide dans sa nouvelle apnée, la jeune femme ne parvînt plus à penser, l'esprit aliéné par les mots qu'il venait d'employer… Des mots simples et innocents. Des mots d'ordinaire sans conséquences ; mais des mots qui ne réussirent cependant qu'à les plonger dans la plus édifiante des démences.

Mariés…

Grand Dieu, il les croyait mariés… Mariés ! Mariés ! Car là était toute la nuance de sa question ! Il n'avait pas demandé s'ils étaient mariés ! Non… mais depuis combien de temps ils l'étaient ; un détail qui les effara davantage et dont la signification les pétrifia sur place.

Mariés…

Ils devaient rêver… Il ne pouvait pas leur avoir dit ça ! Pas là ! Pas maintenant ! Pas alors que le souvenir de leur baiser leur nouait encore le ventre ! Et quand bien même, pourquoi ? Pourquoi pensait-il ça ?! Ce n'était pas comme s'ils avaient… ou montré le moindre signe de… ou fait allusion à… A moins qu'ils se soient fourvoyés ? Que leurs allusions ne lui aient pas échappé ? Et que sa clairvoyance ait percé l'ombre de leurs sourires volés ?! Non… non ! Cela ne se pouvait !

- Oh non, nous… nous ne… enfin, nous ne sommes pas…

- Ce n'est pas… nous ne…

Incapable de se regarder sans s'étouffer et d'aligner deux mots sans bafouiller, les sorciers hoquetèrent les joues rouges et une sueur aux fronts.

- Nous… enfin, nous n'avons pas ce genre de…

- Oui ! Nous… nous sommes… enfin non, nous ne sommes pas…

Comme s'il leur avait demandé de quelle planète ils venaient, Connor les vit s'emmêler entre deux syllabes, le souffle court et l'air hagard. Un état de panique devant lequel n'importe qui aurait été hilare, mais qui ne parvînt qu'à le laisser confus devant la gêne de leurs regards.

- Nous… nous ne sommes pas mariés. Finit par dire un Voldemort essoufflé.

Surpris, ils le virent froncer les sourcils dans une grimace ahurit ; de quoi exacerber les milles frissons qui ne cessaient de les parcourir…

- Mais t'as dit qu'elle t'avait juré fidélité ! Dit-il intrigué. Qu'elle devait te servir pour le reste de sa vie !

Oh… voilà donc d'où venait la confusion.

- En tant qu'Initiée… Précisa-t-elle.

- Qu'Initiée ?!

- Oui, c'est… c'est un Titre honorifique. Ajouta-t-elle.

- Elle a donc le devoir de me servir, mais pas en tant que… que…

Par Salazar… jamais il n'aurait cru devoir dire ça.

- Pas en tant qu'épouse... Grimaça-t-il.

Etonné, Connor les détailla sans répliquer, franchement troublé par la honte qui les étouffaient. Une honte qu'il ne comprît pas immédiatement, avant que ses yeux ne s'écarquillent brusquement.

- Oh ! Oh, vous voulez dire que… que vous…

- Oui ! Enfin non ! Je… je suis son Initiée mais… rien de plus ! Bafouilla-t-elle entre elle ses lèvres.

Incrédule, le petit rougit sans trouver quoi dire, mal à l'aise devant la gêne de leurs sourires…

- Oh, désolé ! Je… franchement, j'aurais pas dû…

- Non, ce n'est pas grave ! Déclara le Mage en sueur. C'est juste que…

- Si, si c'est ma faute ! Insista-t-il gêné. J'aurais pas dû demander ! C'est votre vie et ça me regarde pas… vous êtes grands après tout ! Enfin, plus grands que moi j'veux dire ! Et puis, c'est pas un crime !

Pas un… un crime ?!

- J'vous juge pas ! S'empressa-t-il d'ajouter. Vraiment, y a pas de honte à ça !

Quoi ?!

- Faut savoir profiter de la vie ! Et puis... vous inventez rien ! C'est aussi vieux que le monde !

Aussi vieux que le monde ? Mais… par Merlin, qu'avait-il compris ?!

- J'avoue que c'est pas banal – surtout pour des naufragés du Grands Versants ! Mais si vous êtes heureux dans le pêché… je suis personne pour juger !

Interdits, les sorciers ne réagirent pas à immédiatement à sa réponse. Sûrement parce qu'aucun d'eux n'en comprit véritablement le sens… Pourtant il était simple. Enfantin même ! A tel point qu'ils finirent par en lâcher leurs cuillères.

- Qu… quoi ?! S'étouffa Hermione ahurit.

Vivre dans le pêché ?! Mais alors, il… il pensait que…

- Non ! S'écria le Mage. Nous… enfin, nous…

- Je te l'ai dit camarade, ça me regarde pas !

- Mais…

- Pleins de marins font comme vous ! Assura-t-il. C'est pas nouveau ! A la différence qu'ils donnent pas de titre à leurs concubines…

Leurs concubines ?! Mais…

- Non ! Connor nous… nous ne…

- Ils attrapaient des tiques et pleins de petites bêtes mais ça les a jamais dérangé ! S'exclama-t-il. Au contraire, parfois ils pariaient sur qui en auraient le plus !

Oh seigneur…

- Le Vieux Jérôme gagnait tout le temps à ce jeu ! Mais il a jamais voulu m'expliquer ses combines…

- Connor !

Essoufflé dans son propre cri, Voldemort peina à calmer ses nerfs et déglutit dans un soupir. Respirer… il devait respirer ; se faire entendre et respirer ! Car il ne faisait aucun doute qu'une autre allusion au « pêché » et autres exploits de ses compagnons dépravés suffirait à les achever… en particulier son Initiée, dont l'apnée horrifiée et joues délavées commençaient sérieusement à l'inquiéter.

- Hermione et moi n'avons pas ce genre de… relation. Finit-il par dire entre ses dents.

Cette fois-ci, c'est Connor qui se figea brusquement devant eux… de surprise ? Ils ne surent pas, mais comprirent à la stupeur de son regard que cette réponse était la dernière qu'il s'était attendu à recevoir.

- Attendez… Souffla-t-il. Vous voulez dire que vous n'avez jamais…

- Non !

- Même pas une fois ?!

Rougissant brusquement devant son insistance, Voldemort se mordit la langue dans un grondement. Dieu qu'il haïssait les enfants…

- Connor… Dit Hermione du bout des lèvres. Voldemort est mon Maître et je lui suis fidèle mais… c'est tout. Nous ne sommes ni mariés, ni n'avons de… de relation de cette sorte.

- Vraiment ?!

- Oui…

- Pourquoi ?! Demanda-t-il soudainement.

Pris de court, les sorciers bafouillèrent à nouveau…

- Quoi ? Souffla le Mage.

- Pourquoi ?! Répéta-t-il.

- Pourquoi quoi ?!

- Pourquoi tu l'épouses pas ? Elle te plaît pas ?!

Au bord du malaise vagale, le Mage sentit son cœur tomber jusque dans ses entrailles. A croire que cet enfant s'était donné pour mission de lui donner une crise cardiaque…

- C'est que… enfin, c'est… ce n'est pas aussi simple que ça ! S'agaça-t-il.

- Alors elle te plaît ?

Incapable de respirer, la jeune femme sentit son serpent s'enrouler autour de son poignet à mesure que son Maître balbutiait d'un air effaré. Seigneur… existait-il plus gênant ? Plus ahurissant ? Plus embarrassant, que ce genre de questions ? En particulier de la part d'un enfant ?! Elle en douta sincèrement… mais ne parvînt pas à faire taire ses frissons. Est-ce qu'elle lui plaisait ? Pleinement ? Réellement ?! Elle aussi s'était posée la question… tantôt avec timidité, doute et anxiété, qu'avec espoir, envie et curiosité ! Mais jamais elle ne s'était risquée à supposer ; à prendre pour acquis leur complicité et à y voir davantage que ce qu'elle était. Certes, il n'avait jamais tari d'éloges à son sujet… de compliments, de sourires et de félicitations. Mais cela n'avait toujours concerné que son statut d'Initiée… sa beauté lors de son procès, sa férocité au combat ou encore sa capacité à éradiquer des espèces entières sans le vouloir ! Or, les sentiments ne se limitaient pas à cela… Non, ils étaient plus forts, plus profonds, plus puissants ! Intangibles et viscérale, ils renversaient l'âme, nouaient les entrailles et transcendaient l'admiration fugace de quelques plaisants regards ! Et puis… ils devaient être formulés. Scandés et revendiqués ! Une chose que son Maître n'avait encore jamais fait en dépit de leur baiser, et qui la hantait plus que tout ce qu'ils avaient déjà enduré…

- Je… je…

- Tu bégayes camarade. Sourit le petit amusé.

- Ça n'a rien à voir !

- Et tu rougis…

- Connor ! S'exclama Hermione dépassée.

- Quoi ?! S'agaça-t-il. C'est un homme vaillant ! Il devrait savoir ce qu'il ressent !

Ce qu'il ressentait ? Seigneur… si seulement il le savait.

- Nous devrions changer de sujet… souffla-t-elle du bout des lèvres.

- Pourquoi ? Toi aussi il te plaît pas ?! Demanda-t-il.

Par tous les Dieux, que quelqu'un le fasse taire !

- Cette conversation est une perte de temps… Claqua le Mage brusquement. Et quand bien même, il n'est pas question de cela !

- Ah bon ?!

- Non ! S'acharna-t-il. Il… il est question d'éthique ! De règles, de protocole, d'étiquette et de savoir vivre ! Hermione est mon Initiée ! Je suis son Maître ! Et de ce fait, il serait inconvenant de l'épouser !

« Inconvenant » … que de grands mots pour si peu de choses. Et que de cris pour une telle comédie.

- Sérieusement ?!

- Sérieusement !

Soupirant franchement à sa réponse, Connor s'avachit dans son cousin avant de le jauger en silence. Il avait rencontré beaucoup d'hommes butés au cours de sa vie… mais lui ? Son orgueil frôlait la bêtise !

- Hum… donc même si tu le voulais, ce serait pas convenable ? Demanda-t-il.

- Exactement.

- Parce qu'elle est ton Initiée ?

- C'est ça ! Ajouta-t-elle gênée.

Il devait les croire… il devait s'en contenter ! Cesser d'en parler, oublier et ne plus jamais aborder un tel sujet ! Et pourtant, c'est profondément amusé que le petit esquissa un sourire depuis ses lèvres gercées. Un sourire dont la seule vue raviva leurs nausées… Seigneur, il n'abandonnerait jamais.

- Et si elle l'était pas ? Lança-t-il.

- Comment ?!

- Si elle était pas ton Initiée, tu l'épouserais ?

Décontenancé, Voldemort se sentit vaciller dans une nouvelle apnée. Non pas à cause de sa question… mais bien parce que pour la première fois depuis le début de cette étrange conversation, il sentit son esprit frémir sous l'étau d'une soudaine… hésitation. Toute aussi fébrile qu'incontestablement troublante, elle le fit brusquement grincer des dents, symptôme de la fièvre qui échauffait ses tempes. Une fièvre qu'il n'aurait jamais cru éprouver en de tels instants et qui ne tarda pas à embraser le désir qui intoxiquait son sang…

- Elle est mon Initiée. Trancha-t-il sans respirer. La question ne se pose pas…

- Pourquoi ?

- Ça ne te regarde pas ! Tonna-t-il.

Peinant à cacher son sourire, Connor leva les mains en l'air en signe de défaite et laissa résonner un soupire. Il ne voulait pas offenser ses invités… loin de là ! Mais il n'aimait pas l'hypocrisie ; pas plus que la fausse pudeur et ces simulacres de convenances ô combien inutiles. En particulier quand l'évidence était aussi lisible…

- Autant pour moi camarade ! J'insiste pas…

- Merci… Grinça-t-il.

- Mais prend garde ! Belle comme elle est, un matelot aura vite fait de lui mettre la bague au doigt…

Au bord du malaise, Hermione se mordit la lèvre ne sachant plus où se mettre… et pourtant, c'est dans l'écho d'un rire soudain que répondit son Maître.

- J'aimerais bien voir ça…

- Pourquoi tu dis ça ?! Demanda-t-il.

- Parce qu'en dépit du fait que je ne sois pas son mari, je suis et je resterais à jamais le seul et unique homme de sa vie.

Bouche bée, la jeune femme se pétrifia dans un hoquet étouffé. Elle ne rêvait pas, il… il n'avait pas hésité. Alors même que ses joues étaient rouges, que son regard fuyait, que son souffle était court et que ses mains tremblaient, c'est fier et intransigeant qu'il s'était redressé dans l'écho d'une voix déterminée. Une voix forte, grave et emplit de sincérité, dont la spontanéité la déconcerta plus que tout ce dont ils avaient parlé. « Le seul et unique homme de sa vie… » Seigneur, avait-elle bien entendu ?! Il avait dit « Homme » … « Homme » ! Et pas « Maître »… Pas plus que Mage, Professeur, Mentor ou qu'un autre terme en lien avec leur hiérarchie, rôles ou règne ! Non, il… il avait dit « Homme ». Un détail à l'allure inoffensive et au sens peu décisif, mais dont la seule existence la vit violemment frémir…

- Bien reçu camarade… Souffla Connor dans une œillade satisfaite.

- Nous pouvons donc clore le sujet ?

- Absolument ! D'ailleurs c'est l'heure du dessert !

Surpris, Voldemort haussa un sourcil et le vit se lever dans un sourire ; mais Hermione en revanche, n'en vit rien… prostrée sur sa racine, la jeune femme n'entendit d'eux qu'échos distordus et bribes étouffées. Et pour cause ! Son esprit était à l'arrêt.

Le seul et unique homme de sa vie…
Le seul et unique homme de sa vie…
Le seul et unique homme de sa vie…

Bon sang, pourquoi avait-il dit ça ? Et dans quelle intention ? Etait-ce voulu ? Calculé ? Prémédité ? Ou purement spontané ? Le pensait-il seulement ? Ou le voulait-il dans l'avenir ?! Là encore elle ne trouva pas le courage de le supposer, mais fut certaine d'une chose… quoi qu'il advienne de leur baiser, son destin à ses côtés était à jamais scellé.

- Du dessert ?! Demanda-t-il.

- Bah oui ! Sauf si vous voulez passer directement au digestif ?

- Au digest… mais tu n'es qu'un enfant ! S'exclama-t-il ahurit.

Riant franchement, Connor se frappa le front avant de croquer à pleine dent dans un piment…

- T'en fais pas camarade… Rit-il. Le Vieux Jérôme mettait plus de rhum que de lait dans mes biberons ! Faut dire que l'équipage avait fini par manger notre seule chèvre alors… ils ont fait avec ce qu'ils avaient !

- Mais…

- Et puis crois moi… marmonna-t-il soudainement. On parle pas des vieilles légendes sans descendre un verre de rhum. Et on parle certainement pas des pirates, sans descendre la bouteille.

Oh Seigneur…

- Alors tu es d'accord pour… pour tout nous dire ? Bafouilla Hermione désorientée.

Une légère grimace agita sa figure, symbole d'un enjeu dont lui-même ne semblait pas être sûr… mais il s'était engagé à leur raconter les légendes de l'Autre Versant ; et se faisant, il ne serait pas trois à les entendre.

- Je le suis… mais va falloir vous accrocher.

- Pourquoi ? S'inquiéta le Mage.

- Parce qu'il se pourrait bien qu'ils cherchent à nous écouter.


Hello tout le monde ! AHHHH Je suis trop heureuse de vous publier ce chapitre ! J'ai pris énormément de plaisir à l'écrire :)) qu'il s'agissent des descriptions, de la prose, des dialogues et de l'humour, je me suis éclatée d ! Et j'espère qu'il vous plaira autant qu'il me plaît :DDD

Alors ! Comme vous le voyez, Connor a lui aussi une histoire tout particulière ! Sans parler de ses raccourcis et références quelques peu audacieuses vis à vis d'Hermione et Voldemort ;) Toujours est-il que tout cela va beaucoup chambouler nos sorcier ! Et que la suite de son récit ne sera pas sans conséquence... car la semaine prochaine, je vous emmène au cœur des légendes de l'Autre Versant avec pas mal de retournements :DDDD

N'hésitez pas à me faire part de vos réactions ! Et merci encore à vous tous qui me suivez depuis tout ce temps... sincèrement je n'ai pas les mots pour vous remercier.

Je vous aime !
A très vite !