Immobile sur le rivage, c'est le souffle court et l'air hagard qu'Hermione se sentit frissonner devant le brouhaha impétueux des vagues. Plus vives que la veille, la marée était montée, la force des courants s'était décuplée et le sable semblait s'affaisser un peu plus chaque que l'écume le caressait… Un paysage tout aussi sauvage qu'incroyablement calme, dont les embruns salés et soleil d'été, ne tardèrent pas à lui renverser l'âme dans l'écho d'un sanglot étouffé. Pourtant et contrairement à ce que l'on aurait pu penser, ce n'était pas la beauté de la plage qui l'émouvait… pas plus que son sable noir et coquillages dorés. Non… autre chose la tourmentait. Quelque chose de plus fort, de plus beau et de plus effrayant. Quelque chose qu'elle ne cessait de contempler, les joues rouges et le cœur battant ; mais quelque chose qu'elle ne trouvait la force d'approcher… et qui tout comme elle, restait prostré devant la clarté de cette nouvelle matinée…

Son Maître.

Assis à même le sable, il restait là… figé, les épaules affaissées et le dos voûté. Comme si son cœur s'était arrêté, il n'avait pas bougé depuis qu'elle était arrivée. Ou plus précisément, depuis la veille… et l'apparition de la sphère... Non pas que ce soit une véritable surprise. Ahurit, le choc l'avait pétrifié sur place, le laissant confus et béat devant ce qu'ils peinaient encore tous deux à croire. Mais ils n'avaient pas rêvé… et Connor n'avait pas menti. Cette île était belle et bien gorgée de magie ; plus encore, elle était l'incarnation même de la redéfinition de l'impossible ! Et se faisant, elle avait choisi de les bénir… et d'exhausser le seul et unique souhait de leurs cœurs meurtris.

L'ultime sphère prophétique.

Pourquoi ? Elle ne le savait pas.
Comment ? Il n'y avait rien à comprendre.
Etaient-ils fou ? Sûrement… mais à quoi bon se torturer l'esprit avec de telles questions ?

Ils étaient dans l'Autre Versant… un monde où la logique n'existait pas, où le temps ne s'écoulait pas et où le soleil ne s'éteignait pas. Un monde peuplé d'étrangetés, de Déserts et de vagues ensorcelées ; de secrets, de trésors et de Dieux oubliés ! Un monde que les pirates avaient eux-mêmes jurés de protéger… et où tout ce qu'ils désiraient leur était accordé. Avaient-ils raison d'y croire ? D'y voir une réussite ? L'accomplissement de tous leurs espoirs ? L'œuvre de toute leur vie ?! Ou… s'agissait-il d'un mirage ? D'une mascarade ? D'une farce ?! Là encore, elle ne savait pas… Une incertitude toute aussi cruelle qu'infâme, qui tout comme elle, laissait son Maître acculé sur le sable, l'air morne et le teint blafard. Pourtant, ils auraient dû être heureux… exulter de joie devant la bonté d'une telle grâce et savourer pleinement cette incroyable victoire ! Et pour cause ! Ils avaient la dernière sphère prophétique… la dernière pièce du puzzle de leur survie ! Que dire ! L'unique chance de sauver l'existence de leur magie ! Mais le choc, la stupéfaction et l'hérésie, n'étaient parvenues qu'à paralyser leurs esprits… Comme si le monde avait perdu ses derniers restes de bon sens, leurs cœurs s'étaient figés, leurs entrailles nouées, leurs souffles coupés et leurs âmes renversées ; non pas à cause de la sphère, de l'île ou des légendes que Connor leur avait raconté… non, mais de la facilité.

Oui… c'était ça.

L'ahurissante facilité avec laquelle ils l'avaient trouvé.
L'insolente simplicité de la magie qui les avait honorés…
L'aberrante banalité du vœu qui leur avait été accordé !

Tout cela n'aurait jamais dû arriver... Tout cela ne devrait même pas exister ! Et pourtant, c'était fait. Ils avaient demandé et reçu. Sans épreuves, sacrifices ni tribut ; sans pleures, cris, ni marchandages corrompus… sans rien ne devoir en retour, si ce n'est une certitude : celle que cette île resterait à jamais leur salut. Une évidence qu'ils peinaient encore à concevoir et qui étrangement, ne parvenait à qu'à les prostrer dans un silence abattu… Avaient-ils tort de réagir de la sorte ? De ressentir une telle aigreur, amertume et inconfort ? Alors même qu'ils marchaient sur un sable d'or et avaient accès au plus incroyable des trésors ?! Probablement… mais comment aurait-il pu en être autrement ?! Ils avaient tant lutté pour obtenir les deux premières sphères… tant prié et sacrifié ! Tant pleuré et supplié ! Aussi, ils n'étaient pas ingrats… mais profondément troublés. Sonnés. Ebranlés. Bouleversés. Mortifiés. Désarmés ! Car jamais ils n'avaient connu une telle facilité ; pire encore ! Jamais ils n'auraient cru la mériter… Ainsi, c'est sans rien dire que Voldemort s'était retiré, le visage grave et les yeux écarquillés devant la sphère gisant au creux de son poing serré. Un silence tout aussi ahurit que consterné, qu'Hermione n'avait pu s'empêcher de partager devant la gravité son sens caché.

Car désormais, les jeux étaient faits… et leur quête était achevée.

Une ultime prise de conscience que leurs esprits ne parvenaient pas à intégrer, mais dont l'évidence ne pouvaient que les frapper… Aussi, c'est le souffle court et les mains tremblantes qu'Hermione déglutit avant de réprimer un énième frisson. Elle devait aller le voir… calmer les battements irascibles de son cœur et le sortir de sa torpeur ! Mais voudrait-il l'entendre ? Lui parler ? Alors même qu'il avait passé la nuit dehors, à l'éviter ? Certes, le terme « nuit » ne semblait pas très approprié dans la mesure où le soleil ne s'était jamais couché… Mais cela ne changeait rien au fait qu'il ne lui avait pas adressé le moindre regard depuis leur dîner. Etait-il en colère après elle ? Contrarié à propos de la sphère ? Ou seulement profondément dépassé par les pouvoirs de cette île irréelle ? Elle l'espérait… mais ne parvenait pas calmer ses tremblements inquiets. Allait-il la rejeter si elle approchait ? La congédier si elle lui parlait ? Que de questions… et que d'appréhensions. Jamais encore elle ne l'avait vu aussi désemparé depuis qu'ils avaient quitté Poudlard – et pourtant, ils avaient fait naufrage ! Mais une autre crainte la taraudait… Une crainte sourde, vicieuse et égoïste. Une crainte qui ne cessait d'intoxiquer son esprit entre deux souvenirs ! Une crainte qui la laissait fébrile devant la carrure de l'homme qu'elle se languissait de voir sourire... celle de laisser leur baiser tomber dans l'oubli.

Bien sûr, une telle préoccupation semblait risible… Que dire ! Stupide ! Idiote et profondément puérile ! En particulier aux vues de l'histoire de cette île, de ses légendes et de sa magie ! Et puis… à bien y réfléchir, ce n'était qu'un détail. Une péripétie de plus parmi toutes celles de leur voyage ! Un écueil ne méritant pas la moindre remarque ! Et pourtant… quand bien même elle cherchait à s'en convaincre, à réduire cette anecdote à un rien et à ne penser qu'à l'imminence du Fléau Divin, rien ne savait effacer le souvenir de ses mains, de ses lèvres, de son corps pressé contre le sien, du feu qui s'était répandu dans ses veines et du désir qui avait embrasé ses reins… Le souvenir de sa poigne, de sa sueur et de toutes ses caresses, qui telle l'écume volage de la mer, transcendaient son corps de sensations traîtresses… de frissons d'anxiété et d'allégresse… de papillons bourdonnants et de légers battements d'ailes… Des sensations imprimées à même sa peau, dont elle se languissait déjà à la seule vue de son dos. Seigneur… elle perdait pied. Et pourtant, rien ne servait de lutter ! Car chaque fois qu'elle tentait de l'oublier, l'ombre de leur baiser revenait la hanter. Impatiente derrière le miasme de ses pensées, elle laissait ses membres se pétrifier, sa lucidité se déliter et ses joues s'enfiévrer chaque fois que leurs regards se croisaient, que leurs mains s'effleuraient... et que son amour grandissait.

Car oui… il n'était plus question de nier quoi que ce soit aujourd'hui. Elle l'aimait Voldemort… passionnément, douloureusement, tragiquement, irrémédiablement… et désormais plus que jamais. Avait-elle sombré dans la folie ?! C'était fort possible… mais qu'aurait-elle pu dire ? Elle l'aimait plus que leur royaume, leur magie ou que sa propre vie ! Transit, son cœur ne battait plus que pour lui ! Lui et ses sourires, clins d'œil complices et touchers possessifs… Lui et tout ce que son corps et son âme se languissaient de lui offrir.

Oui… elle l'aimait à en mourir.

A tel point que le voir assis là, seul, acculé et bouleversé sur ce rivage sans nuit, lui donna envie de vomir. Aussi, c'est sans trouver le courage de respirer que la jeune femme se décida enfin à avancer. Léger sous ses pieds, elle entendit le sable crisser, les coquillages grincer et frissonna sous la fraîcheur des embruns de la marée… avant de ne se figer dans son apnée et de le détailler. Toujours immobile, il n'avait pas bougé à son approche ; le menton levé vers l'Océan, il contemplait les cieux en silence, ses boucles désordonnées volant négligemment au vent. Pourtant et à sa grande surprise, Hermione ne vit pas ses traits défigurer de colère, de haine ou de son habituel rictus amer. Un détail qui la rassura un court instant, avant que sa voix ne s'élève brusquement.

- Comment va ta jambe ?

Etonné de le voir prendre les devants, son cœur rata un battement.

- Qu… quoi ?

- Ta jambe ? Répéta-t-il sans la regarder. Je ne t'ai pas entendu boîter.

- Oh, heu… elle va mieux. Souffla-t-elle du bout lèvres. Connor m'a donné une pommade pour la nuit.

Amusé, le mage esquissa un sourire. Un bref étirement de lèvres devant lequel Hermione frémit.

- C'est gentil à lui… mais je doute qu'une simple pommade marche sur une prothèse magique.

- Je sais. Dit-elle. Mais je n'ai pas eu le cœur de lui dire...

S'asseyant lentement à ses côtés, la sorcière lissa les pans de son short déchiré et passa une main distraire sur sa jambe… avant de ne laisser son regard se perdre sur son scintillement. Bien sûr, ce dernier avait éveillé la curiosité du petit ; mais comment aurait-elle pu lui dire que ce membre n'était qu'un réceptacle de magie ? Qu'un artifice dénué de la moindre vie ? Certes, il comprenait beaucoup de choses… des choses qu'un enfant de son âge ne devrait même jamais savoir ! Mais il était encore petit… et le souvenir de son amputation était encore bien trop vif pour qu'elle en conte le récit.

- Je… je lui ai dit que je m'étais luxée le genou.

Haussant un sourcil, Voldemort se tourna vers elle d'un air surpris…

- Vraiment ?

- Je ne savais pas quoi dire d'autre… fit-elle gênée.

- Et il t'a cru ? Demanda-t-il.

- Eh bien, il a enchaîné sur les épopées Vieux Jérôme qui déboîtait ses pouces pour impressionner les dames alors… je crois.

Silencieux, Voldemort la détailla sans rien dire… avant qu'enfin, sa gorge ne s'agite d'un léger rire.

- Je vois…

Un rire qui la fit instantanément rougir…

- Désolé d'avoir manqué ça. Sourit-il.

- Oh, je ne doute pas qu'il vous le racontera ! Dit-elle amusée.

- Moi non plus…

Un étrange silence suivit sa déclaration. Seulement ponctué des bruissements de l'Océan, il ne dura que quelques secondes ; des secondes que la jeune femme ne put s'empêcher de trouver horriblement étouffantes, et dont la pesanteur lui échauffa les tempes.

- Où as-tu dormi ? Demanda-t-il dans un soupir.

Dormir ?! Seigneur… elle n'était plus certaine de savoir ce que ce mot voulait dire.

- Connor m'a aidé à invoquer nos affaires de voyages. Dit-elle alors. Je les croyais perdues dans le naufrage mais… heureusement pour nous, l'île les a fait apparaître sur la plage. Il y a nos baguettes, nos sacs, tentes, ustensiles de campements, livres, potions… et absolument tout ce que nous avions emporté sur le Navire de Durmstrang.

- Ça ne me surprend pas…

Et comment ! Après avoir vu apparaître une sphère prophétique d'une seule demande, plus rien ici ne semblait capable de les surprendre…

- Mais je comprends mieux pourquoi tu portes ma chemise. Lança-t-il dans un sourire.

Rougissant violemment devant son sens de l'observation, Hermione haleta à mesure qu'une nouvelle gêne embrasa son sang. Oh Seigneur… trop obsédée par l'idée qu'il puisse l'éviter, elle avait presque oublié de quoi elle était habillée ! Ou plus précisément de quoi elle n'était pas habillée… de ses propres vêtements.

- Oh, heu… ce n'est pas… enfin…

Mais ce n'était pas sa faute ! Usés par les remous des flots ou réduits à un tas de lambeau, elle n'avait rien trouver capable de couvrir plus de trente centimètres de peau ! Rien si ce n'est la chemise à moitié déboutonnée qu'elle avait sur le dos…

- Je veux dire… c'est que… je…

Haché entre ses dents, ses mots se confondirent sous la fièvre de son front ; une fièvre que le mage observa sans rien dire, mais qui ne parvînt qu'à le faire davantage rire.

- Tu n'as pas à t'en faire. Dit-il amusé.

- Non, je… j'aurais dû vous demander…

- Qu'importe. Sourit-il. Elle te va mieux qu'à moi…

Peinant à respirer, Hermione hoqueta devant l'éclat narquois de son regard… Elle ignorait s'il disait vrai, mais savait qu'elle n'avait pas eu grands choix ! Défraîchies par le roulement des vagues et bien trop large pour sa maigre carcasse, elle avait noué les plis de sa chemise autour de sa taille, retroussé ses manches, relevé son col et avait même tenté de recoudre ses boutons… mais à quoi bon s'encombrer d'apparence ? Ils étaient naufragés ! Aussi, elle savait pertinemment que Narcissa se serait étouffée à la vue de son ventre dénudé, de son short effiloché, de sa poitrine sans corset ou de ses cheveux emmêlés… mais au point où il en était, elle pouvait déjà s'estimer heureuse de ce qu'elle avait.

- J'ai… fait avec les moyens du bord. Souffla-t-elle gênée. Heureusement pour nous, rien ne se perd sur cette île.

- Tant mieux…

- Oui, c'est… c'est une chance.

- Effectivement.

Un nouveau silence.
Un nouveau soupir.
Et la certitude que cette conversation tournait dans le vide…

- Maître, je…

- Tu n'as pas à t'en faire pour moi Hermione. Dit-il brusquement.

- Mais…

- Je vais bien.

Mal à l'aise devant la dureté de son ton, la jeune femme déglutit sans trouver quoi répondre. Bien ? Vraiment ? Elle en douta sincèrement… Non pas qu'il semble triste ou malheureux, mais rien n'aurait su trahir ses pincements de lèvres nerveux. Loin d'avoir l'esprit en paix, ses pupilles s'agitaient, ses épaules s'affaissaient et son souffle tremblaient à mesure que ses mains s'accrochaient à ses cheveux d'ébènes. Un bref instant de confusion aux allures de faiblesse, devant lequel Hermione ne sut plus où se mettre.

- Nous devrions nous réjouir. Souffla-t-elle. Nous… nous avons la dernière sphère.

Se réjouir… oui, c'était vrai. Ils le devraient. Après tout, ils avaient ce qu'ils étaient venus chercher… ils avaient l'ultime sphère capable de les sauver. Et pourtant, c'est les poings serrés et la gorge nouée qu'il s'entendit répondre sans respirer.

- Exacte. Claqua-t-il amer.

- Et pourtant, cela ne vous réjouis pas.

Esquissant un sourire désabusé, Voldemort secoua la tête avant de fermer les yeux dans un soupir étouffé.

- Peu de choses me réjouisse… Souffla-t-il. Toi mieux que quiconque devrait le savoir.

- Je sais mais… j'avoue ne pas comprendre pourquoi.

Pourquoi ?

N'était-ce pas évident ?! Apparemment pas. Mais comment aurait-il pu lui en vouloir ? Lui-même n'était pas certain de comprendre l'ampleur de son amertume devant leur victoire… Une victoire simple, calme et sans éclat. Une victoire tout aussi soudaine qu'étrangement dérisoire. Une victoire dont la seule pensée, le laissait gésir sur le sable… vide et hagard.

Pourquoi ?

A quoi bon feindre l'hypocrisie ? Il n'avait nulle envie de cacher ce qui hantait son esprit. Car jamais encore il ne s'était sentit aussi dépassé. Et jamais encore, il ne s'était sentit aussi… humilié.

Pourquoi ?

Là encore, la réponse était aussi évidente que son orgueil démesuré… Il s'était laissé surpasser. Bien sûr, il avait toujours su que le monde regorgeait de mystères, de secrets et de terres vierges ; qu'il lui faudrait plus d'une vie pour les découvrir, les appréhender et les faire sienne. Mais ce qu'il avait découvert sur cette île… et sur cette magie… Par tous les Dieux, il avait toujours cru cela impossible. Risible ! Fictif ! Et se faisant, il n'avait fait que se conforter dans la plus odieuse des bêtises. Une évidence qui l'avait frappé à la vue de la sphère prophétique, et dont la gravité l'avait plongé dans le plus obscures des abîmes.

Seigneur, comment avait-il pu en arriver là ? Comment avait-il pu être réduit à ça ?! A cet être d'ignorance, de sottises et d'incompétence ! De complaisance, de mensonges et d'arrogance ! Comment avait-il pu manquer la véracité de toutes ses légendes ? Comment ?! Comment ! Il ne savait pas… mais comprenait une chose : Il avait échoué… Non pas en tant qu'Homme, Maître ou Naufragé, mais en tant que Sorcier. Une réalité qu'il peinait encore à conscientiser à l'heure où son monde semblait s'écrouler, mais que son cœur outré ne pouvait ignorer. Oui… Lui Voldemort, s'était laissé surpasser. Vaincre. Déjouer. Et remplacer ! Et pour cause ! Il avait trouvé son propre Maître… Car les légendes disaient vrai.

Un Sorcier avait créé un autre monde.

Un Sorcier avait créé un autre monde ! UN AUTRE MONDE ! L'Autre Versant… Une extension même de leur réalité comportant lois, astres, île et Océans ! Un endroit de paix, de prospérité et d'abondance, dont la seule existence transcendait le cours même du temps ! Un monde imbibé d'une magie si pure et si puissante, qu'il vouait encore à son créateur la plus absolue des obéissances ! Et lui ? Qu'avait-il accompli au cours de son existence ?! Qu'avait-il fait au nom de sa sacrosainte magnificence ?! Déjoué les plans d'une maudite Résistance...

Seigneur... quelle honte. Quelle honte ! Quelle honte ! Telle était le poison qui intoxiquait son sang, l'ombre qui hantait sa conscience et le démon qui avilissait son âme ! Cette infâme et incontestable honte qui quoi qu'il fasse, lui rongeait fatalement les entrailles…

La honte de s'être bercé d'illusions.
La honte de n'être qu'un mensonge.
La honte de s'être cru l'un des Grands.
La honte de s'être imaginé puissant…

Oui, il le voyait désormais… il n'était rien de tout cela. Lui, Voldemort n'était rien de tout cela ! Ni fort, ni grand, ni puissant ! Rien ! Il n'avait jamais voulu le voir, mais la vérité gisait là ! Devant lui, sur cette plage ! Sa vie, son œuvre, ses conquêtes, sa gloire… tout cela n'était que l'apanage d'odieux fantasmes. De rêves et de fantaisie ! D'un jeu d'apparences et d'immondes calomnies qu'il avait naïvement pris pour acquis ! Mais la réalité était tout autre… La réalité était qu'il n'était qu'un Sorcier parmi tant d'autres. Rien ne servait de le nier ! Il ne pourrait jamais égaler ce que ce Sorcier avait fait ; il ne pourrait jamais créer un monde à la force de sa seule volonté, altérer le continuum de leur réalité, créer des terres aux trésors cachés, des soleils qui ne se couchaient jamais, des vagues ensorcelées, des océans sans marées… Pour preuve, il avait mis des décennies à seulement atteindre l'immortalité ! Des décennies ! Or, il n'avait fallu qu'un souhait à cet homme pour accomplir ce qu'aucun n'avait jamais fait en plus de milles vies… pour transcender les lois fondamentales de la magie et redéfinir les limites du possible.

Oui… quoi qu'il espère, tente ou essaye, jamais il ne pourrait atteindre ce genre de sommets. Jamais il ne pourrait changer le réel d'un seul coup de baguette ! Et se faisant, il ne serait jamais celui qu'il aspirait à être… le Sorcier le plus puissant de cette ère. Une vérité tout aussi cinglante que cruelle, dont la fatalité l'écœurait de sa saveur amère. Aussi, c'est les lèvres pincées que le Mage se détourna de son Initiée, le cœur lourd et les joues rouges d'apnées.

- Maître, s'il vous plaît… parlez-moi.

Lui parler ? Comment aurait-il pu ? Il ne parvenait même pas à la regarder ! Elle ! Sa propre Initiée ! Et pour cause… Il n'était qu'une farce. Qu'une blague ! Qu'un fou qui n'avait même pas su la sauver d'un naufrage ! Comment pourrait-il encore se repaître de son Titre de Maître ? Comment pourrait-il encore revendiquer son respect ? Alors même qu'il n'avait pas été en mesure d'achever lui-même leur quête ?! A croire que son seul exploit fut de devenir immortel… une maigre consolation, pour une vie réduite à un cinglant échec.

- J'ai vu beaucoup de choses au cour de ma vie ; mais après tout ça, je… j'avoue que je ne sais pas quoi dire. Souffla-t-il du bout des lèvres.

- Cela ne concerne pas la sphère prophétique… n'est-ce pas ?

- Non… loin de là.

Troublée devant le trémolo de sa voix, Hermione déglutit en le voyant fuir son regard… avant de ne l'entendre soupirer et enfouir ses mains dans le sable.

- C'est comme si tout ce que j'ai toujours cru savoir me… filait entre les doigts. Comme si tout ce que j'ai toujours cru être, n'était qu'une illusion… et que j'ouvrais les yeux pour la première fois.

Laissant les grains noirs coulé depuis son poing, la jeune femme vit sa mâchoire se serrer dans un mutisme contraint… jusqu'à ce qu'il ne reste rien au creux de sa main.

- J'ai l'impression de m'être menti tout ma vie. Avoua-t-il. Et que tout ce pour quoi je me suis battu n'était en réalité qu'une quête vaine et… inutile.

- Pourquoi dites-vous cela ?!

- Car c'est la vérité… et que je suis enfin prêt à l'accepter.

Sonnée devant de tels propos, Hermione sentit une sueur froide ramper dans son dos. Inutile ?! Mais enfin… sa vie n'avait rien d'inutile ! Certes, leurs quêtes de sphères leur avait fait vivre un enfer… mais de là à remettre en question l'essence même de son être ?!

- Mais enfin, vous… vous êtes Voldemort. Dit-elle incrédule. Le Seigneur des Ténèbres ! Un Sorcier légendaire et immortel ! Je veux dire, vous… vous êtes l'équivalent d'un véritable Dieu sur Terre !

Seigneur des Ténèbres… Sorcier légendaire… Immortel… Dieu sur Terre… oui, il était toutes ces choses. Persuadé que son nom devait faire trembler les rangs, que ses pouvoirs devaient corrompre le temps et que sa suprématie devait asservir le monde, il était devenu cet être de Ténèbres et d'Ambitions… de Vices et d'Allégeance… de Cruauté et de Sang… Et pourtant, il n'était pas parvenu à exterminer la Résistance. Il n'était pas parvenu à conquérir plus d'un dixième de leur propre Versant. Et il n'était même pas parvenu à sauver sa jambe… Un triste palmarès pour un soi-disant « Dieu vivant ».

- C'est ironique, non ? Dit-il subitement.

- Quoi donc ?

- Mon nom… Voldemort.

Confuse, la jeune femme ne sut que répondre. Son nom ?!

- J'ai mis des années à le choisir... Souffla-t-il. A jouer avec les lettres, les sons et les possibilités que m'offrait l'infâme prénom que ma mère m'avait donné.

Pouffant à ses propres mots, le Mage sourit d'un air résigné, le regard perdu sur les contours de l'eau. Un regard étonnement sombre, agité et fuyant, dont l'éclat se fit brusquement plus… rougeoyant.

- Je voulais qu'il soit parfait. Dit-il. Je voulais qu'il représente la puissance, la force, la mort et le désespoir ; qu'il incarne tout ce que le monde refusait de voir en moi et que jamais personne ne puisse le prononcer sans en trembler d'effroi !

- Et ça a marché… Même quand vous aviez disparu, le monde tremblait à la moindre évocation de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom !

C'était vrai. Et pourtant…

- Je me suis fourvoyé.

- Quoi ?

- Je me suis fourvoyé Hermione. Répéta-t-il sans la regarder. Depuis le début, je… j'ai toujours cru qu'un nom devait être intimement lié à la grandeur de celui qui le portait ! Qu'il devait inspirer la peur, le danger et le respect ! C'est pour cette raison que je t'ai fait revendiquer ton Titre de Déesse Rouge… je voulais que le monde tremble devant nous ! Qu'il nous craigne et s'agenouille !

Se mordant la joue, Hermione sentit son souffle se couper devant l'intensité de son discours. Un discours tout aussi étrange que curieux, qui bien qu'elle en manque encore le sens, la frappa d'un spasme silencieux.

- Mais j'avais tort. Gronda-t-il entre ses dents.

- Je ne comprends pas…

- C'est pourtant évident !

Affligé, il lui offrit un sourire défait avant de fermer les yeux dans un grimace amère… une grimace synonyme de défaite.

- Il n'a pas de nom… Souffla-t-il subitement.

- Comment ?!

- L'homme de la légende. Le Sorcier qui a créé l'Autre Versant…

Sa voix se brisa.
Sa lèvre trembla.
Son poing se serra…

- Il n'a pas de nom.

… et son cœur flancha.

- Il n'a pas de nom ! Répéta-t-il plus fort. Alors même qu'il a créé une extension de notre propre réalité, redéfinit les lois de la magie et vécu des centaines d'années, ce sorcier… ce sorcier n'a pas de nom !

Etonnée, Hermione fronça les sourcils dans un hoquet étouffé. C'était donc ça qui le tourmentait ?!

- Peut-être a-t-il été oublié ?

- Non… grinça-t-il. Impossible !

- Est-ce vraiment important ? Demanda-t-elle du bout des lèvres. Je veux dire… qu'il ait un nom ne change rien.

- Au contraire… ça change absolument tout.

- Mais…

- Bon sang, ne vois-tu pas ce qu'il se passe ?! S'écria-t-il soudainement.

Sursautant violemment sous la force de sa sommation, Hermione haleta en le voyant se relever dans l'écho d'un claquement de langue. Débout face à elle, il soupira entre ses dents, vira sur lui-même, maudit le ciel et passa une main sur son front entre deux grondements amers. Une réaction tout aussi disproportionnée que spectaculaire, qui la laissa soudainement muette. Bon Dieu, mais… que lui arrivait-il ? Qu'avait-elle dit ?! Après tout, ce n'était qu'une légende ! Qu'un nom ! Rien de très important en comparaison avec la découverte de l'Autre Versant ! Et pourtant, c'est englué dans ses tourments que son Maître semblait sombrer dans une étrange démence…

- J'ai échoué…

- Quoi ?!

- J'ai échoué !

Comme s'il avait perdu le fil de son existence, son souffle haletait, ses poings tremblaient, ses pupilles s'embrasaient et une nausée le gagnait à mesure qu'une nouvelle rage le possédait ! Une rage soudaine, violente, ardente et étonnement grave, qui laissa résonner ses hurlements devant l'étendu silencieuse du rivage…

- J'ai échoué Hermione ! S'écria-t-il à nouveau. J'ai échoué !

- Mais…

- Toute ma vie je n'ai œuvré que pour une chose… une chose ! Explosa-t-il. Être invincible ! Immortel ! Insubmersible ! Pour défier les limites du possible, exhumer les secrets de ce monde et maîtriser chacun des arts de la magie ! Pour instaurer une nouvelle ère, régner sur le monde Magique et exterminer jusqu'au dernier de mes ennemis !

- Et vous avez réussi ! S'exclama-t-elle désemparée.

- Réussi ?! S'étouffa-t-il.

Se grandissant dans l'élan de son indignation, Voldemort la surplomba de son regard ardent… avant que ne résonne le poids de son ultime lamentation.

- J'ai été battu… Articula-t-il.

- C… comment ?!

- J'ai été battu ! Scanda-t-il. Battu ! Par une île !

Par… par l'île ? Cette île ?! Mais… bon sang, il perdait l'esprit !

- Une île ! Vociféra-t-il. Une île !

- Maître, s'il vous plaît… calmez-vous. S'inquiéta-t-elle.

- Que je me calme ? N'entends-tu pas ce que je dis ?! J'ai été battu Hermione ! Battu !

- Mais…

- Te rends-tu comptes de ce que cela veut dire ? De ce que cela implique ?!

- Je…

- Que ma vie n'a servi à rien. Siffla-t-il. Que mes efforts, mes sacrifices, ma dévotion, mes combats et toutes mes guerres, n'ont servi à rien !

A rien ?! Mais… par tous les dieux, que lui disait-il là ?! Il… il ne pouvait pas croire ça ! Pas à cause de cette île ; de leur quête ou de l'apparition miraculeuse de la sphère prophétique ! Plus que risible, ce raisonnement frôlait l'internement en asile ! Et pourtant, jamais elle ne l'avait encore entendu pousser de tels cris…

- Je ne serai jamais plus puissant que ce Sorcier ! Lança-t-il horrifié. Je ne serai jamais en mesure de créer un monde ou d'altérer le cours de notre réalité !

- Mais enfin, personne ne vous demande de faire une telle chose !

- Mais je devrais pouvoir le faire !

- Quoi ?!

- Je devrais pouvoir le faire ! Répéta-t-il enragé. Je devrais en avoir le pouvoir ! Je devrais en avoir les capacités ! Je devrais… je devrais…

Essoufflé dans sa propre litanie, Hermione le vit bégayer, s'étouffer et hyperventiler avant que ses joues ne gonflent sous son apnée. La poitrine agitée de soubresauts incontrôlés, il frappa le sable de ses pieds, se mordit le poing pour ne pas hurler et manqua de trébucher… avant qu'enfin, il n'ose l'avouer.

- Je devrais être plus puissant que ce Sorcier !

C'était donc pour cela qu'il hurlait…

- Je devrais être plus puissant que cette île !

Pour de la jalousie… et de l'envie.

- Plus puissant que cette magie !

Tout cela parce qu'un Sorcier sans nom était parvenu à créer l'Autre Versant.
Tout cela parce qu'un Sorcier sans nom avait imprégné son île d'une magie surpuissante.
Tout cela parce que la sphère prophétique leur était apparue d'une simple demande…

Sonnée, Hermione sentit son souffle se couper devant la violence d'une telle vérité. Une vérité qu'elle n'avait jusqu'alors pas soupçonnée, mais dont la vanité, l'arrogance et la fierté manquèrent de la faire chavirer devant ses cris enragés. Seigneur… elle le voyait désormais. C'était évident ! Criant ! Ahurissant ! La jalousie le dévorait vivant… Plus ardente qu'un brasier et plus vile qu'un charnier, elle avait infiltré ses pensées pour s'accrocher à son âme, ne laissant alors de lui qu'un pion dans sa toile ! Qu'un damné hurlant au désespoir ! Qu'un réceptacle de haine aux aspirations vénales ! Qu'un fou divaguant sur un rivage…

- Je devrais être le plus puissant !

Grand Dieu, il ne pouvait pas être sérieux. Il ne pouvait pas s'abaisser à ça ! A une rancœur aussi orgueilleuse ! A un caprice aussi prétentieux ! A une rage aussi odieuse ! Et pourtant, tel était le poison qui intoxiquait son cœur : la crainte de ne pas être le meilleur.

- LE plus puissant !

Seigneur… c'était ridicule. Et incroyablement immature ! Que dire, la quintessence même de l'absurde ! Mais il n'en démordait pas. Révulsées, ses pupilles allaient çà et là, comme cherchant une réponse entre les creux des vagues et dunes de sables ; comme cherchant un moyen d'apaiser les tourments qui éventraient son âme…

- C'était mon plan ! Mon objectif ! Le but même de ma vie ! S'écria-t-il sans respirer. Terrasser mes ennemis ! Surpasser mes pairs ! Changer la face du monde magique !

- Et vous avez réussi ! Hurla-t-elle à son tour. Peu importe les légendes, ce Sorcier ou la magie de cette île, vous… vous avez changé la face du monde ! Vous avez même transcendé le cours naturel du temps !

- Lui aussi !

- Mais enfin, ce Sorcier est mort !

- Mais sa magie lui survit ! Argua-t-il. Alors même que cela devrait être impossible, son île, son désert, sa vague et l'Autre Versant lui survivent ! Et se faisant, l'immortalité lui est acquise… la suprématie et le pouvoir aussi !

La suprématie ?! Par tous les Dieux, ce Sorcier n'avait fait qu'ouvrir son île aux oubliés et aux bannis ! Il n'avait pas créé de royaume et de Dynastie ! Ni même conquis le Monde Magique ! Mais rien n'aurait su apaiser le feu qui dévorait son esprit…

- Je ne pourrais jamais l'égaler… Haleta-t-il les dents serré. Quoi que je fasse, je ne pourrais jamais le surpasser ! C'est fait ! Acté !

- Maître !

- C'est la vérité ! Quoi que j'accomplisse désormais, ma magie n'égalera jamais la sienne ! Mes pouvoirs n'égaleront jamais les siens ! Mes efforts et mes exploits… tout ça ne servira plus à rien ! A rien ! Ainsi tout ce pourquoi je me suis toujours battu restera… vain.

- Mais enfin c'est ridicule ! S'exclama-t-elle en lui faisant face.

Ridicule ?! Il aurait aimé que ce le soit… il aurait aimé n'être qu'un fou aux abois ! Mais aucun déni, aucune folie et aucun mythe, ne saurait restaurer sa foi.

- Non… Grinça-t-il vaincu. Loin de là.

- Mais…

- Toute ma vie j'ai cherché à être le plus puissant ! Mais maintenant je… je sais que je n'y parviendrais jamais. Maintenant je sais que quoi je fasse, je n'aurais toujours droit qu'à une seconde place ! Dit-il les joues rouges.

La seconde place… Seigneur, il y croyait vraiment. Convaincu que son existence venait d'être relégué au second rang, il s'évertuait à croire qu'il n'avait plus la moindre chance ! Le moindre espoir ! Ou le moindre droit de prétendre à l'excellence ! Une pensée toute aussi idiote que vide de sens, face à laquelle Hermione manqua de se casser une dent… Non. Il n'avait pas le droit de croire une telle chose. Pas ici. Pas maintenant ! Et certainement après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble…

- Non… c'est faux ! Gronda-t-elle subitement.

- Hermi…

- Vous vous trompez !

- Oh tu crois ?!

- Parfaitement ! S'écria-t-elle outrée. Vous êtes Voldemort ! Vous avez déjoué le temps, les malédictions, la Mort, Harry, Ron, la Résistance, Rogue, Dumbledore… Même moi !

Même elle… oui, d'une certaine manière c'était vrai. Mais qu'est-ce que quelques victoires pouvaient bien valoir, devant ce Sorcier et ses pouvoirs ?!

- Vous nous avez tous vaincus ! Tous vaincus !

- Je t'en prie… Siffla-t-il amer. Rien de tout cela ne compte.

- Ça compte pour moi ! S'offusqua-t-elle.

- Bien ! Dans ce cas dis-moi !

- Quoi ?

S'avançant brusquement face à elle, Hermione vacilla devant l'étincelle de ses pupilles d'ébène. Des pupilles perçantes aux reflets de braises, dont la simple vue suffit à la faire taire…

- Dis-moi ce que je suis censé faire de mon éternité ! Scanda-t-il révolté. Dis-moi ce que je suis censé faire maintenant que mes rêves de grandeur sont exterminés ! Dis-moi ce que je suis censé faire, maintenant que j'ai la certitude que je ne serais jamais le plus Grand Sorcier ayant jamais existé !

Partagé entre indignation et exaspération, la jeune femme se sentit trembler sous le sifflement de son serpent… Bon sang, quand cesserait-il de tout voir comme une compétition ? Un concours ? Une chance d'écraser ses opposants ou de gravir des échelons ?! La vie ne se résumait pas à des guerres, des victoires ou des conquêtes ! Mais à quoi lui dire ? A lui ? Le plus égocentrique des Seigneurs des Ténèbres…

- Par tous les Dieux… ce Sorcier n'est qu'une légende ! S'exclama-t-elle. Une légende ! Mieux encore, il n'est qu'une légende de l'Autre Versant ! Il ne peut pas vous faire de l'ombre !

- Que tu crois…

- Mais enfin, personne n'en a connaissance ! Personne ne connaît son existence !

- Moi si… souffla-t-il.

Dépassée, Hermione se mordit la lèvre pour ne pas hurler… Seigneur, ce qu'il pouvait être buté ! Bien sûr, elle pouvait comprendre le choc, le désarroi, l'inquiétude et l'effroi ; mais ça ? Cette jalousie ? Ce caprice ? Cette frénésie toute aussi insolente qu'infantile ?! Que Salazar lui en soit témoin, c'était indigne de lui…

- Maître… je vous en prie. Souffla-t-elle affligée. Ce sorcier est mort il y a plusieurs milliers d'années, jamais il ne pourra vous concurrencer !

- Il l'a déjà fait.

- Mais…

- Comment pourrais-je à nouveau revendiquer mon trône ? Tonna-t-il. Ou mon titre ?! Comment pourrais-je à nouveau clamer être de Plus Grand Seigneur des Ténèbres en sachant qu'un autre m'a devancé ? Qu'un autre à accompli davantage que je ne pourrais jamais rêver ?! En sachant que ma suprématie n'est qu'un mensonge ! Qu'une apparence !

- Un mensonge ?! S'étouffa-t-elle.

- Parfaitement…

Un mensonge… une farce… c'était donc ainsi qu'il se voyait désormais ?! Comme un raté ? Un perdant ? Un moins que rien s'étant fait devancer par un sorcier vieux de plus de deux mille ans ? Seigneur… elle ne pouvait y croire ! Et pourtant, jamais encore elle n'avait vu tant de honte dans son regard.

- Non !

- Hermione…

- Vous vous trompez !

- Bon sang ouvre les yeux ! Dit-il horrifié. Regarde cette île, ce rivage et ces vagues… ils vibrent tous d'une magie ancestrale ! D'une magie brute, puissante et si rare que même Merlin n'y croyait pas ! Et je… je ne possèderai jamais un tel pouvoir !

- Et alors ?!

Intransigeante face à lui, le Mage frémit brusquement devant le cinglant de ses dires…

- Et alors ?! S'étouffa-t-il.

- Au diable Merlin ! S'exclama-t-elle hors d'elle. Ce sorcier, cette île et cette magie ne changent rien ! Ni votre magie, votre pouvoir, votre ascendance ou votre légitimé à régner ! Vous êtes et serez toujours mon Maître ! Vous êtes et serez toujours le Plus Grand Seigneur des Ténèbres ! Qu'importe ce qui a été accompli dans le passé, vous… vous êtes l'avenir !

- Quel avenir ?!

- Celui du monde magique ! Hurla-t-elle. Celui de notre pays ! Celui de ma famille et de tous ceux qui aujourd'hui encore, défendent loyalement vos terres aux prix de leur vie !

Ebranlé devant ses hurlements, Voldemort ne trouva pas le courage de répliquer… d'argumenter et de feindre un espoir qu'il savait à jamais exterminé. Mais plus encore… il ne trouva pas la force d'affronter le regard de son Initiée. Un regard dur, froid et déterminé ; un regard qui ne le laisserait jamais lui échapper… et qui plus elle le fixait, plus lui donnait l'impression d'étouffer.

- Vous n'avez pas le droit de vous dénigrer ! Continua-t-elle transcendée. Vous n'avez pas le droit d'abandonner ! Pas après toutes les guerres que vous avez menées ! Pas après tous ce que vos soldats ont sacrifiés pour vous voir régner ! Pas après… pas après tout ce que nous avons traversé !

Il aurait aimé pouvoir la croire… pouvoir vaincre son désespoir et retrouver la foi. Mais quoi qu'il tente d'espérer, la fatalité le retenait en otage. Une fatalité qu'il n'avait jusqu'alors jamais éprouvé et qui, sans qu'il ne puisse lutter, le renvoyait cruellement à tout ce qu'il avait toujours redouté : se savoir incontestablement et irrémédiablement surpassé… de surcroît par un homme qu'il ne pourrait jamais affronté.

Oui… rien ne servait de le nier. Il était condamné.

Condamné une éternité d'échecs répétés.
Condamné à ne vivre que d'espoirs mensongers.
Condamné à voir tout ce qu'il avait toujours convoité lui échapper…

Une évidence qui ne tarda pas à lui donner la nausée. Comme si l'Univers tout entier se riait de sa naïveté, son cœur se fendait, ses pensées se fracturaient, son âme saignait et l'essence même de son être s'étiolait devant l'anéantissement de tout ce qu'il avait toujours rêvé ; devant l'anéantissement de tout ce pourquoi il existait… Non. Non, il ne pouvait l'accepter ! C'était trop demandé ! Trop exigé ! Trop cher payé ! Il… il devait respirer ! Respirer… respirer… respirer ! Respirer ! Mais ne parvenait qu'à étouffer… Et pour cause ! C'était trop. Cette quête, cette île, cette magie, ce Sorcier… c'était trop ! Trop pour lui, trop pour son esprit, trop pour toute une vie ! Aussi, c'est sans rien ajouter que Voldemort se détourna dans l'écho de son souffle haché, avant que sa gorge ne s'étrangle d'un sanglot étouffé.

- Comment peux-tu encore croire en moi ? Souffla-t-il. Comment… comment peux-tu encore me regarder en face ?!

- Quoi ?

- Je… je ne suis qu'un imposteur Hermione. Qu'un menteur ! Qu'un… qu'un…

Seigneur… il perdait pied.

- Je ne suis rien de ce que je croyais être. Déglutit-il avec peine. Et je… et je ne serai jamais ce que je veux être ! Je… je…

Désemparée, Hermione se sentit vaciller à mesure que sa voix haletait. Par tous les Dieux… jamais elle ne l'avait vu avec un tel regard. Jamais elle ne l'avait vu contenir ses larmes. Et jamais elle ne l'avait vu aussi vulnérable…

- Maître…

- Je ne suis pas digne d'être ton Maître.

Un silence.
Un deuxième.
Une éternité… avant qu'Hermione ne sente son âme flancher.

- Je ne suis pas digne d'être ton Maître Hermione. Répéta-t-il bouleversé. Je ne l'ai jamais été ! Et je… je ne le serai plus jamais.

Figée dans sa torpeur, la jeune femme n'entendit plus son cœur battre, le vent siffler contre le sable ou les vagues rouler sur le rivage… Non. Elle n'entendit plus rien ; ne vit plus rien, ni ne sentit plus rien ! Plus rien si ce n'est le nouveau tremblement de ses mains et l'étrange impression d'asphyxier sous le sel des embruns…

- Qu… quoi ? Souffla-t-elle en apnée.

- Tu mérites mieux que ça.

Non... Non… il ne pouvait pas dire ça !

- Tu mérites mieux que moi.

Mieux que lui ? Mais… c'était impossible. Il n'existait rien de mieux que lui ! Rien qu'elle ne veuille plus que lui ! Rien qu'elle ne vénère plus que lui ! Rien qu'elle n'aime plus que lui ! Et pourtant, c'est le visage grave et la mort dans l'âme, qu'il s'évertuait à se croire indigne…

- Non… S'entendit-elle dire.

- Hermione…

Incapable de l'écouter sans sentir un poignard l'éventrer, la jeune femme hoqueta sous la violence de sa nausée.

- Non… non !

- Ecoute moi…

Non… elle ne le pouvait pas. Pas après ça ! Pas alors même qu'elle se noyait dans ses larmes.

- Je ne te mérite pas. Dit-il sans respirer.

Qu'il se taise…

- Ni ton allégeance, ta dévotion, ton courage…

Par pitié qu'il se taise ! Qu'il se taise !

- Ta bienveillance, ta bonté… je ne mérite rien de tout ça.

Il allait la tuer. Ses mots allaient la tuer ! Ses mots allaient la tuer !

- Arrêtez… Sanglota-t-elle.

- Je ne mérite rien de toi…

- Arrêtez !

- C'est la vérité ! Scanda-t-il bouleversée.

La vérité ? La vérité ?! Non… non, ce n'était pas la vérité ! Loin de là même ! Ce n'était qu'un mensonge ! Qu'un prétexte ! Et elle ne pouvait l'accepter. Elle ne pouvait le supporter ! C'était… c'était trop à endurer.

- Comment… comment vous pouvez dire ça ? Haleta-t-elle horrifiée. Comment vous pouvez croire que… que vous n'êtes pas digne de moi ?!

Frappé par la détresse de ses pleurs, Voldemort sentit un pieu lui perforer le cœur… il haïssait la voir ainsi. Il haïssait la voir souffrir ! Elle, la seule et unique femme qu'il se languissait de voir sourire. Mais il n'était bon qu'à cela : décevoir… et trahir.

- Hermione, regarde-moi… Dit-il désemparé.

- Vous êtes mon Maître ! S'écria-t-elle outrée.

- Her…

- Non ! Explosa-t-elle en larme. C'est à vous de m'écouter !

Désarmé, le Mage chancela en l'entendant si violemment hurler… et particulier, quand il la vit soudainement avancer.

- Vous croyez peut-être que mon allégeance est intéressée… que je ne vous suis loyale que tant que vos pouvoirs et votre suprématie sont assurés ! Mais la vérité est que quoi que vous soyez, fassiez et accomplissiez… je suis et resterais à jamais prête à tout pour rester à vos côtés. A tous les crimes, à toutes les folies et à toutes les ignominies pour ne jamais… JAMAIS vous quitter !

Jamais le quitter…

- Je décimerais des milliers armées s'il le fallait ! J'exterminerais des peuples, tuerais des innocents et mettrais le monde à feu à sang ! Quitte à y perdre mon âme et à brûler en enfer, je déclencherais des centaines de guerres, profanerais le Ciel, embraserais les Ténèbres et incendierais chaque centimètre de cette maudite terre ! Je ferais absolument tout ce qui sera nécessaire ! Absolument tout pour vous rendre fier ! Absolument tout pour que vous restiez à jamais mon Maître !

Absolument tout…

- Non pas à cause de mon allégeance, de me devoir ou de votre puissance… mais parce que je l'ai choisi !

Choisi…

- Parce que je VOUS ai choisi ! Vous et personne d'autre !

Lui…

- J'ai choisi de vous servir ! De vous suivre ! De vous honorer de vous protéger ; de me battre, de tuer et d'être sans pitié dans le seul but d'être à jamais à vos côtés ! Dans le seul but d'être une bonne Initiée ! Dans le seul de partager un dixième de votre éternité !

De son éternité…

- Alors peu m'importe de savoir ce qu'a fait ce Sorcier ! Peu m'importe de savoir ce que vous allez faire de votre éternité ! Et peu m'importe de savoir si vous allez revendiquer votre trône ou vous cacher tel un pestiféré ! Vous êtes mon Maître ! Mon Maître ! Et rien au monde ne pourra jamais me convaincre du contraire ! Ni la magie, ni cette île, ni ces maudites sphères prophétiques… absolument rien ne pourrait me faire croire que vous êtes indigne !

Pétrifié, Voldemort sentit son cœur s'arrêter. Et pour cause… jamais encore il ne l'avait vu tant hurler. Jamais encore il ne l'avait vu tant indignée. Et jamais encore il ne l'avait vu tant… possédée. Comme s'il lui avait craché à la figure et que son désespoir avait revêtu les traits de la plus odieuse des insultes, ses poings s'étaient serrés, ses pupilles s'étaient embrasées et une fièvre l'avait gagné. Une fière tout aussi létale qu'indescriptible, qui le transit quand résonna la colère de sa litanie… Indifférente à la portée de ses cris, son regard défiait le ciel avec véhémence, ses mots le frappait de leur incommensurable puissance et ses frissons résonnaient dans l'écho des cris de son serpent… Et pourtant, il savait tout cela. Il savait que sa dévotion alimentait sa rage ! Il savait qu'elle était prête à tout pour lui, son règne ou sa gloire ! Mais face à elle… et à ses larmes… c'est à peine s'il parvînt à soutenir son regard.

- Et que Merlin m'en soit témoin… je préférais mourir des mains de la Báthory que de penser une seule seconde que vous ne valez rien !

Seigneur…

- Je préfèrerais me retrouver attachée au pilori et tendre moi-même le fouet à Harry, que de penser une seule seconde que vous avez gâchez votre vie !

Il ne parvenait plus à respirer… à parler ou penser.

- En fait… je préférerais moi-même m'ôter la vie ! Là, maintenant ! Que de penser une seule seconde que vous n'êtes pas le plus Grand Sorcier de tous les temps !

Et pour cause… il était envoûté.

- Alors je vous le dis une dernière fois… n'insinuez plus jamais que vous ne me méritez pas ! N'insinuez plus jamais que vous êtes indigne de moi !

Transcendé. Ensorcelé. Captivé. Désarmé… et toute ces choses qu'elle seule parvenait à lui faire éprouver.

- Car vous ne savez rien de ce que je suis prête à faire pour vous… Vous ne savez rien de tout ce que je ressens pour vous !

« Ce que je ressens pour vous... ». Résonnant différemment à ses oreilles, Voldemort frémit en voyant ces mots danser sur ses lèvres. Des mots qu'il sentit le transir… des mots dont le sens caché le fit brusquement déglutir… des mots qui telle une malédiction jetée sur le monde, laissèrent un nouveau feu embraser son esprit.

Ce qu'elle ressentait pour lui.
Ce qu'elle ressentait pour lui.
Ce qu'elle ressentait pour lui.

Par Merlin… que voulait-elle dire ?! Il n'osa le deviner, trop confus pour ne serait que supposer, mais ne put le nier : quelque chose l'habitait. Quelque chose de révolté, d'enragé et d'incontrôlé ; quelque chose qu'il ne put nommer… mais dont l'ombre fugace le ramena incontestablement à leur baiser. Par Salazar, était-ce à cause de cela ? Etait-ce à cause de leur baiser qu'elle réagissait comme ça ?! Il ne sut pas… mais fut désormais incapable de fuir son regard.

- Je ne comprends pas. Souffla-t-il alors démuni. Pourquoi… pourquoi t'accroches-tu à moi ? Pourquoi persistes-tu à croire en moi ? Pourquoi…

Il devait savoir. Il devait savoir !

- Pourquoi souhaites-tu tant rester auprès de moi ?

Abasourdie, la jeune femme se mordit la langue pour étouffer ses cris ; à croire qu'il ne cesserait jamais de la surprendre de questions aussi stupides…

- Parce que vous êtes la meilleure chose qui me soit jamais arrivée ! Explosa-t-elle.

Transcendée par l'adrénaline de ses vérités, Hermione ne se vit pas avancer…

- Parce que vous êtes le plus cadeau que la vie m'ait jamais donné ! Parce que vous êtes la seule et unique raison qui me pousse encore à respirer ! A me lever ! Et à avancer en dépit de toutes les horreurs que j'ai dû endurer !

Pas plus qu'elle ne vit brusquement tanguer…

- Parce que… en dépit de votre odieux caractère, de vos colères, de vos guerres et de vos insupportables manières, vous êtes… vous êtes ma seule et unique raison de vivre !

Et trembler…

- Vous, Voldemort, êtes ma seule et unique raison de vivre ! Répéta-t-elle. Le seule et unique sens de mon existence ! La seule et unique chose que je désire en ce monde ! Parce que… parce que…

Incapable de respirer, Hermione sentit son cœur s'emballer, son esprit s'embraser et ses mots lui échapper… Mais à quoi bon vouloir se cacher ? A quoi bon vouloir persister ?! Elle ne voulait plus se taire ! Elle ne voulait plus faire marche arrière ! Elle ne voulait plus se terrer sous ses secrets…

- Parce que quoi ?

Figé dans leurs apnées, la jeune femme frémit en sentant la chaleur de son corps l'envelopper. Grand Dieu… il n'avait pas bougé. Alors même qu'elle hurlait à s'en crever un poumon et gesticulait sans raison, il n'avait pas bougé. Et se faisant, leurs corps s'effleuraient… leurs souffles se mélangeaient, leurs nez se touchaient et la vérité éclatait.

- Parce que…

Seigneur… il était si près, si beau, si… parfait.

- Dis le…

Un souffle.
Un regard.
Un battement de cœur.

- Parce que…

Et l'ultime certitude qu'elle ne commettait pas d'erreur.

- Parce que je vous aime.


Heyyyy ! Et voilà le chapitre de cette semaine avec un Voldemort en pleine crise existentielle... et l'aveu ULTIME de notre chère sorcière ;)

Comme vous pouvez vous en douter, ça ne va pas s'arrêter là ! En particulier vu tout ce qu'il s'est passé depuis leur départ de Poudlard ! Et qui sait, peut-être cela va-t-il déboucher sur plus de questions... d'introspections... de révélations... de prise de conscience... Et peut-être même vers quelque chose de plus... excitant ? ;) Ahhhh je n'en dit pas plus ! XD Encore deux chapitres et vous saurez précisément où je veux en venir ;)

Toujours est-il que j'espère que ce chapitre vous a plu ! N'hésitez pas à me donner vos avis et éventuels pronostiques ! ;)

Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine ! Je vous embrasse et protégez-vous du soleil !
A très vite ! ;-*