Des grains noirs… des coquillages… des grains dorés…
Des grains noirs… des coquillages… des grains dorés…
Des grains noirs… des coquillages… des grains dorés…
Des grains… oh. Intéressant. Un grain argenté. Minuscule au creux de sa paume, Voldemort le vit briller d'un éclat singulier, ses contours irréguliers se dessinant délicatement au milieu de cette marée d'obscurité doré. Ou était-ce un bout de coquillage ? De nacre ? Allez savoir… il y avait tant de sable à regarder. Tant de grains à compter. Tant de couleurs à différencier ; il pourrait tout aussi bien y passer son éternité qu'il ne parviendrait jamais à toutes les nuancer… mais rien ne l'empêchait d'essayer. De persévérer. De s'acharner. De faire tout ce qui était en son pouvoir pour éviter de penser…
« Parce que vous êtes la meilleure chose qui me soit jamais arrivée ! »
Les vagues… étranges étaient ces vagues. Toutes aussi fortes qu'étonnement calmes, elles léchaient langoureusement le rivage, se mouvaient lentement au large, s'unissait à la clarté chatoyante des nuages et laissaient leurs écumes rouler négligemment entre deux morceaux de corail. Oui… ces vagues étaient magnifiques. Sublime. Volages. Dociles. Un véritable spectacle dont les moindres reflets ravissaient chaque frémissement de pupilles et dont les embruns salés gonflaient ses narines… Mais un spectacle aux aires de comédie, qui peinait bien malgré lui, à ancrer son esprit.
« Parce que vous êtes le plus cadeau que la vie m'ait jamais donné ! »
Le ciel était beau lui aussi… bleu, lisse et immaculé, seuls ses quelques nuages nacrés l'habitaient ; des nuages cotonneux, légers et presque brumeux, qui sans attendre le vent pour les bercer, s'enfuyait lentement vers d'autres contrées. Mais le ciel ne leur en voulait pas… tout au contraire ! Ils les accompagnaient au large, avant de les enrouler entre ses bras. S'étendant par-delà l'horizon et s'évanouissant derrière les rayons d'un soleil éblouissant, il peignait un étonnant aperçu de la grandeur de l'Autre Versant ; non pas que cela soit véritablement surprenant… et pourtant, Voldemort ne crut pas avoir déjà vu un ciel si grand. Si profond. Si étincelant ! Un ciel dont les seules coutures semblaient capables de recouvrir le monde ! Mais qui restait incapable d'étouffer les hurlements de son cœur battant…
« Parce que vous êtes ma seule et unique raison de vivre. »
Et le vent ? Il n'avait pas encore pensé au vent ! D'où venait-il ? D'Est ? D'Ouest ? Sa chaleur ne semblait pas compatible avec celui du Nord… et pourtant, ses tourbillons incessants et trous d'airs exaspérant ne ressemblaient en rien à celui du Sud ! A moins qu'il ne se trompe ? Et qu'il n'existe pas de points cardinaux dans l'Autre Versant ? Cela serait possible… après tout, tout ici défiait le moindre sens logique ! Qu'il s'agisse du temps, de la mer, des courants, rien n'avait le moindre sens ! Alors pourquoi en serait-il autrement pour le vent ?! Pour eux ? Pour lui ? Ou… pour elle ?
« Vous, Voldemort, êtes ma seule et unique raison de vivre ! »
Non… il ne devait pas penser à elle. Pas là. Pas maintenant ! Non, il… il devait penser au vent… Au vent ! Au vent !
« Le seule et unique sens de mon existence ! »
Aux vagues ! Il devait se concentrer sur les vagues ! Sur leurs danses, leurs allées et venus, leurs remous instables !
« La seule et unique chose que je désire en ce monde ! »
Non, pas les vagues... Il devait oublier les vagues ! Penser à quelque chose de plus concret, de plus tangible, de…
« Parce que… »
Le sable ! Le sable était concret lui ! Tangible ! Quantifiable ! Paisible ! Oui… Il n'aurait jamais dû se détourner du sable. Le sable était là ! Le sable était fiable ! Le sable… le sable… le sable…
« Parce que je vous aime. »
Seigneur…
A quoi bon ? A quoi bon insister ? A quoi bon persévérer ? A quoi bon s'acharner ?! Le sable n'était qu'un mensonge. Les vagues le jaugeaient avec indifférence. Le ciel le narguait de sa distance. Et le vent ne faisait qu'attiser ses tremblements ! Oui… ses efforts n'étaient qu'une incommensurable perte de temps, et son désespoir d'autant plus troublant, que rien n'aurait su le détourner du poison qui intoxiquait son sang…
Elle.
Hermione…
Bon sang… il avait entendu beaucoup de choses au cours de sa vie. Des choses toutes aussi affreuses que magnifiques ; cinglantes que poétiques, nauséeuses que sublimes… des choses parfois même séductrices, qui n'avaient jusqu'alors jamais véritablement marqué son esprit. Et pourtant, il devait le reconnaître… aujourd'hui était un jour unique. Aujourd'hui était un jour tragique. Aujourd'hui était un jour fatidique ! Car aujourd'hui, Hermione avait accompli l'impossible... non pas en termes d'intelligence, de découverte ou de magie. Non… sa victoire était beaucoup plus subtile ; plus vicieuse. Plus forte ! Plus héroïque ! Sa victoire était l'incarnation d'un exploit historique. Car aujourd'hui, elle avait réussi à paralyser son esprit… Bien sûr, une telle chose semblait risible ! En particulier après l'apparition de la sphère prophétique qui – il ne pouvait le nier – l'avait plongé dans une étrange folie ! Et pourtant, jamais encore Voldemort ne s'était senti tomber du haut d'un précipice. Jamais encore il ne s'était senti éventré en pleine poitrine. Jamais encore il ne s'était aussi démuni… aussi troublé, bouleversé et mortifié de sa vie. Et pour cause ! Jamais personne ne lui avait dit… eh bien… ce qu'elle lui avait dit…
« Je vous aime… »
Non… non, il ne pouvait pas y penser. Il ne pouvait pas s'en rappeler ! Il… Il devait oublier. Oublier ses mots ! Ses cris ! Ses pleurs ! Oublier sa voix, son regard, ses grimaces et tout ce qui retournait encore son âme ! Mais bien qu'il essaie… qu'il s'acharne et soit réduit à devoir compter le sable… jamais il ne parvenait à se détacher des traits de son visage. Un visage grave, suppliant et strié de larmes ; un visage défait, vaincu et tremblant d'effroi… Un visage dont le simple souvenir lui nouait les entrailles.
« Je vous aime. »
Seigneur… Comment pouvait-il y arriver ? Comment pouvait-il l'oublier ? Ou seulement l'enlever de ses pensées ?! C'était impossible ! Grotesque ! Surréaliste ! Pour preuve, c'est à peine s'il parvenait encore à respirer sans l'entendre hurler, sans la voir pleurer, sans sentir ses mots l'ébranler et son aveu le pétrifier ! Car c'était fait… Avoué ! Acté ! Et se faisant, plus rien ne pourrait jamais le détourner de la vérité…
« Je vous aime. »
Elle l'aimait.
Hermione l'aimait.
Elle, Hermione… l'aimait !
Elle, Hermione l'aimait… Lui !
Lui ! Lui ! Lui ! Voldemort ! Elle l'aimait lui ! Voldemort !
Oui… il ne pouvait plus le nier désormais. Pour la première fois de sa vie… lui, Voldemort était aimé. Lui, Voldemort était aimé ! Non pas adulé, vénéré, craint, loué ou admiré… Mais aimé. Aimé ! AIME ! Et pas par un fidèle, un mangemort, un soldat ou un ministre désireux d'atteindre les sommets… non. Il était aimé par elle. Hermione. Son Initiée. Il était aimé par son Initiée. Lui Voldemort, était aimé par son Initiée !
Incapable de s'en détourner, son esprit s'agitait autour de cette étrange vérité… Une vérité pour le moins troublante, bouleversante et édifiante. Une vérité qu'il ne pouvait imaginer sans sentir son cœur se transir d'ahurissement… Une vérité devant laquelle il aurait probablement dû rire, mais dont la puissance l'avait réduit au silence. Grand Dieu… Elle l'aimait. Hermione l'aimait ! Hermione l'aimait ! Mais pourquoi ?! Et comment ?! Certes, il savait que leur relation avait pris un certain tournant ; en particulier depuis leur baiser sur le pont... Mais de là à ce qu'elle l'aime ? Pleinement ? Réellement ? Véritablement ? Inconditionnellement ? De là à ce qu'elle éprouve une telle affection ? Une telle passion ? Un tel sentiment ? Pour lui ?! Voldemort ! Un Seigneur des Ténèbres ! Un Mage Noir ! Que dire, le plus grand meurtrier de l'histoire ! Par Morgane… cela semblait inconcevable. Impossible ! Hérétique ! Et pourtant, c'est ce qu'elle lui avait dit : qu'elle était incontestablement et éperdument amoureuse de lui.
Amoureuse…
Ainsi il s'agissait de cela… de l'amour. De cet étrange sentiment. De cette infâme émotion. De cette folie sans nom, que tous cherchaient à ressentir au moins une fois au cours de leur misérable existence. De ce piège… de cette chaîne et de ce feu qui se répandait sans gêne dans chacune de leur veine. De cet odieux châtiment, digne des plus grands enfers. De cette farce cruelle ! De ces promesses mensongères ! De cet outrage acerbe, qui avait impunément aveuglé sa mère… Sentant son souffle se couper à cette seule pensée, Voldemort ferma les yeux dans une grimace réflexe. Etrange… cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pensé à elle – du moins, sans la maudire depuis le ciel. Et pourtant, c'est tout ce que l'amour lui inspirait : le tragique égoïsme de celle qui l'avait enfanté… non pas qu'il ait quelque chose d'autre à ajouter sur ce sujet. L'amour avait mené à sa mère à corrompre son père. L'amour l'avait poussé à renier la seule famille de sorciers qui aurait pu l'élever. L'amour l'avait réduite à mendier celui d'un homme qui l'avait abandonné ; tout ça pour la tuer quelques heures à peine après qu'il soit né… Et dire que c'était lui qu'on accusait de cruauté… quelle blague ! L'amour le surpassait en la matière ! C'était un fait ! Car l'amour n'était bon qu'à cela… tromper. Trahir. Enchaîner. Asservir. Plus cinglant qu'un doloris et presque plus cruel que la vie, il collectait les âmes entre deux sourires hypocrites, les appâtaient de ses milles promesses idylliques et les laissaient reposer entre ses griffes avant que ne résonne le tambour de ses supplices ! Avant que ne tombe le masque de ses artifices et qu'il ne se gausse grassement devant la douleur de leurs cris…
Oui… l'amour était un poison. Une folie. Un mensonge. Le jeu favori des faibles et le fouet préféré de Satan ! Une passion dangereuse, fugace et insolente ! Un feu instable, capable d'attendrir les Dieux et de délier les langues ! A vrai dire… l'amour n'était rien d'autre qu'un des multiples visages de la mort. La mort de l'indépendance, du bon sens et de la raison. La mort du pouvoir, de la foi et de toute puissance… Alors pourquoi ? Pourquoi vouloir aimer ? Pourquoi même s'en soucier ?! Là était la véritable question ! Pourquoi vouloir s'enchaîner à un homme ou une femme ? Pourquoi vouloir lui confier sa vie ? Son cœur ? Son âme ? Pourquoi vouloir tout risquer au profit de fausses promesses ? De faux semblant ? D'une fausse alégresse aux allures de prison ?! C'était le comble de la stupidité ! Pire encore ! Un véritable suicide que les simples d'esprits priaient de rencontrer ! Et qui malgré tout, avait frappé son Initiée…
- Hé…
S'hérissant violemment à l'interruption de ses pensées, Voldemort sursauta dans une nouvelle apnée… Craignant de voir apparaître son Initiée, il se redressa de moitié, le regard inquiet à la vue de la silhouette qui le surplombait. Une silhouette étonnement chétive, dont la figure infantile et bandana défraîchi suffirent à lui arracher le plus douloureux des soupirs… Bon sang, il aurait dû s'en douter. Derrière chaque vie brisée se cachait un enfant trop indiscret…
- Connor ?!
Depuis quand était-il là ? Caché derrière le relief de la dune de sable ? A l'observer, la figure cernée et les joues sales ? Mieux valait qu'il ne demande pas… et quand bien même, il doutait que son humeur puisse descendre plus bas.
- Désolé… Souffla-t-il du bout des lèvres. J'savais pas si tu serais content de me voir.
Eh bien… à défaut d'être éduqué, ce petit commençait à le cerner.
- Et donc ? Soupira-t-il.
- Et donc quoi ?
Oh bon sang…
- Pourquoi tu es là ? Cingla-t-il agacé.
Immobile, le Mage déglutit bruyamment devant son sourire. Un sourire gêné et quelque peu timide, qui alors qu'il se redressait face à lui, dévoila la pâleur candide ses deux petites canines.
- Bah… j'me suis dit que tu aurais peut-être besoin de compagnie.
De compagnie ?! Alors même qu'il avait fui ? Qu'il se sentait vaciller entre désespoir et folie ? Et qu'il était réduit à compter les grains de sables pour s'occuper l'esprit ? Autant pour lui… ce petit était stupide.
- Non merci.
- Mais…
- Je ne suis pas d'humeur. Cracha-t-il.
Mal à l'aise devant l'agressivité de son grondement, Connor se renfrogna en silence… un bref instant pendant lequel Voldemort espéra le voir tourner les talons, mais qui une fois encore, ne parvînt qu'à le faire grincer des dents. Et pour cause ! Jamais il ne frémit pas d'un seul battement… Toujours vêtu de son étrange tunique, il le vit le regarder sans rien dire, le bleu de ses pupilles le détaillant avidement par de là ses longs cils. Un bleu tout aussi perçant qu'hypnotique… un bleu tout aussi troublant qu'énigmatique… mais qui ajouté à son étrange sourire, ne parvint qu'à alourdir son insupportable mutisme. Seigneur… comme s'il n'avait pas enduré assez de fléaux, il fallait qu'un enfant se cache dans son dos ! A croire que lui et Hermione s'étaient donnés le mot et que les Dieux eux-mêmes cherchaient à lui faire la peau !
- Connor… Va-t'en. Gronda-t-il.
- Mais…
- S'il te plaît.
- Mais t'a rien mangé ! S'exclama-t-il.
- Quoi ?!
- Bah oui… ça fait trois jours que t'as rien mangé.
Confus, Voldemort le regarda se balancer sur ses pieds, un air boudeur tordant tristement ses traits. Trois jours ? Déjà ?!
- Et alors ? Demanda-t-il sans intérêt.
- Bah j'me suis dit que t'aurais peut-être faim, alors… je t'ai fait de la soupe.
Bouche bée, le mage sentit sa mâchoire tomber ; en particulier quand il le vit se saisir d'une petite marmite, restée jusqu'alors cachée derrière ses pieds… Seigneur, il ne rêvait pas. Cet enfant lui avait apporté un repas. Un repas ! A lui ! Alors même qu'il ne cessait de le congédier de ses cris ? De le jauger de regards irascibles ? Et de le repousser avec mépris ? Par tous les diables… cela semblait impossible ! Et pourtant, c'est sans jamais se défaire de son sourire qu'il vit Connor se saisir fièrement de sa marmite…
- Comme t'as bien aimé mon ragoût, j'ai mis quelques p'tit piments oiseau ! Lui dit-il. Et comme t'as pas le morale…
Sortant un flasque de l'une des poches, Voldemort sentit un nouveau frisson lui parcourir le corps…
- J'ai apporté ça ! S'exclama-t-il. Cuvée spéciale, rien que pour toi !
Cuvée spéciale.
Rien que pour lui...
Grand Dieu… c'était adorable. Il ne pouvait le nier ! Ce geste, cette attention, son inquiétude, son sourire… c'était adorable ! Adorable ! Une vérité de plus, qui face à la tendresse de son regard, lui fut presque insupportable. Seigneur… qu'avait-il fait pour en arriver là ? Pour qu'un enfant veuille lui tenir compagnie ? Lui préparer un repas ? Et chercher à le consoler d'une flasque ? Qu'était devenu son héritage de Serpentard ?! La terreur et l'effroi qui glorifiaient son Titre de Mage noir ? La peur et le désespoir qu'il avait toujours insufflé à son entourage ?! Cela ne pouvait pas avoir disparu ! Pas comme ça ! Pas après un seul naufrage ! Et puis, il n'était pas devenu gentil qu'il sache ! Agréable ! Tolérable ou un tant soit peu appréciable ! Non, il… il était toujours le même ! Froid, colérique, désagréable, sévère, égoïste ; l'incarnation même du Seigneur cruel que l'on cherche à fuir ! Et pourtant, c'est sans jamais frémir que cet enfant cherchait désespérément à lui rendre le sourire…
- Je… j'ai pensé que ça te ferait plaisir. Souffla-t-il gêné.
Plaisir ? Maintenant on voulait lui faire plaisir ? A lui ?! Par Morgane, que fallait-il qu'il fasse pour qu'on le déteste sur cette maudite île ?! Pour qu'on le laisse en paix, qu'on le craigne et le haïsse ?! Pour qu'on lui donne l'impression de ne pas avoir sombrer dans les abîmes ? La folie ? Et cet horrible simulacre de niaiserie ?! Il ne savait pas… mais comprit à son tremblement de lèvres qu'il était trop tard.
- Oui… capitula-t-il les dents serrées. Oui, ça… ça me fait plaisir.
- Vraiment ?!
Il était un peu tôt pour le dire… mais au point où il en était, il ne pouvait pas avoir plus mauvaise compagnie.
- Allez… assis-toi.
- Tu veux bien ?!
Avait-il le choix ? Alors même qu'il était là, la bouche en cœur et sa marmite dans les bras ?
- Oui…
- Oh ! Oh merci camarade ! S'écria-t-il subitement.
Formidable… Après avoir compté les grains sable, il allait partager une soupe avec un enfant sauvage ; rien d'anormale pour un Mage Noir.
- Ça tombe bien, j'ai apporté une nappe !
Ne manquait plus que ça...
- Ça ne m'étonne presque pas…
Résigné, Voldemort se rassit lourdement avant de grimacer dans l'écho d'un soupir affligé… Que lui était-il arrivé ? Qu'avait-il fait pour se voir renié des plus grands préceptes de sa lignée ? Pour se voir susciter la tendresse, la sympathie et l'affection de ceux qu'il devrait terroriser ? Lui, le deuxième plus Grand Sorcier ayant jamais existé ?! Il ne cessait de se le demander, le cœur lourd et l'esprit tourmenté... Et pourtant, c'est le visage rayonnant de joie que le petit s'empressa de le rejoindre à grand pas. Veillant à s'installer confortablement sur le sable, Connor déplia son drap, installa sa marmite, invoqua deux petits bols en terre cuite et laissa une copieuse odeur d'épices gonfler leurs narines. Une scène digne des plus beaux pique-niques, dont l'ironie le fit à nouveau blêmir… à croire qu'il avait véritablement raté sa vie.
- J'pensais pas que tu voudrais que je reste ! Dit-il heureux en leur servant un verre. Enfin… le prends pas mal, mais t'as un sale caractère.
De toute évidence, pas assez pour le repousser…
- Tu es bien le seul à le penser… grimaça-t-il.
Surpris par la morosité de son ton, Connor le regarda contempler les vagues entre deux tremblements. Une attitude tout aussi froide qu'indéniablement distante, que l'enfant se mit à détailler avec curiosité. Il avait vu beaucoup d'homme sombrer dans les bras de la mélancolie, les vices de la dépression et encore la vésanie de l'Océan... Ce n'était pas nouveau ; pas plus que surprenant ! Et pourtant quelque chose d'autre habitait l'ombre de ses balbutiements. Quelque chose de plus tourmenté, de plus complexe et de presque… inavoué, qui en dépit de ses efforts, ne parvenait pas à rester caché. Accroupi sur lui-même, les genoux repliés contre sa poitrine et le regard perdu sur le ciel, il semblait attendre une réponse, un signe, un dénouement… quelque chose qui donnerait un sens à ses lamentations ! Une quête bien éprouvante selon lui… et profondément inutile ! Mais qui était-il pour le juger ? Après tout, le cœur des hommes était une chose obscure ! Un écrin de force et d'adversité où nulle ne devrait jamais s'aventurer… un repère de doutes, de peur et d'anxiété, que même les plus valeureux ne pouvait éternellement ignorer. C'est donc sans rien ajouter que Connor les vit se plonger dans un étrange silence ; le genre de ceux que l'on ne veut pas interrompre, mais dont la lourdeur et triste connotation finit par assourdir ses tympans…
- Tu… tu veux en parler ? Demanda-t-il soudainement.
- De quoi ?
- D'Hermione… tu veux en parler ?
Sonné, Voldemort mit plusieurs seconde avant de comprendre ce qu'il insinuait… avant qu'une nouvelle crainte ne le fasse se redresser.
- Attend… paniqua-t-il. Elle te l'a dit ?!
- A moi ?! Rit-il soudainement. Tu parles ! Elle criait tellement que j'ai rien compris…
Oh non...
- Elle… elle criait ? Souffla-t-il ahuri.
- Bah ça dépendait des moments ; un coup elle criait, un coup elle pleurait… c'était bizarre je dois dire.
Oh Seigneur…
- Et puis je sais pas pourquoi… elle a décidé de mettre le feu à sa chemise.
- A sa chemise ?!
- Hum hum !
Oh Seigneur !
- C'est là que j'ai compris que ça allait pas…
- Mais elle… elle va bien ?!
- Oh oui ! J'ai invoqué une barrique de rhum !
- Une… une barrique ?! S'étouffa-t-il.
- Faut pas t'en faire ! Sourit-il. Elle a pas tenu plus de deux verres… mais ça a marché ! Elle était tellement retournée qu'elle a fini par s'endormir sous un cocotier !
Sous un cocotier. Son Initiée, la plus grande Sorcière qu'il ait jamais formée, s'était endormie ivre morte sous un cocotier… juste après lui avoir avoué qu'elle l'aimait. Sous un cocotier ! Par Salazar… qu'il soit damné ! Voilà pourquoi l'amour était à fuir, à chasser et à bannir ! Voilà pourquoi il ne fallait pas s'attacher ! S'émouvoir ! Ou s'attendrir ! L'amour était une affection dangereuse, grotesque et risible ! Une véritable porte ouverte sur l'infâmie, les vices et les pires supplices de la vie ! Pour preuve, jamais encore il n'avait vu Hermione noyer son chagrin dans l'alcool ! Certes, elle avait eu un certain penchant pour le Sang de Dragon… mais de là à mettre le feu à sa chemise ? A hurler ? Pleurer ? Et se laisser engourdir par les effluves douteux d'une barrique ?!
- Alors… elle t'a dit ce qui s'était passé... Souffla-t-il mortifié.
- Elle a pas eu besoin d'entrer dans les détails… de toute façon, le Vieux Jérôme l'a toujours dit : « Une femme, ça pleure que pour deux raisons… un homme ou l'amour qu'elle porte pour un homme ! » Et dans le cas précis, bah… y a qu'un seul homme sur l'île.
Un seul homme ? Quelle blague… un seul fou surtout !
- Alors ? Insista-t-il subitement. Tu veux en parler ?
- Non…
- T'es sûr ?
- Connor ! Gronda-t-il.
- Quoi ?! Ça fait trois jours que ça dure ! J'commence à en avoir marre moi !
Et il n'était pas le seul… mais de là à ce qu'il se confie à un enfant ? A ce qu'il s'adonne à ce jeu de confession et qu'il le fasse gardien de ses tourments ?! Par tous les Dieux, il lui faudrait bien plus qu'une flasque pour s'abaisser à cela ! Que dire ! Bien plus qu'une barrique ! Et pourtant, un doute habitait son esprit… non pas à cause de Connor ou des pouvoirs de cette île, mais bien à cause de ce qu'il lui avait dit : « Une femme, ça pleure que pour deux raisons… un homme ou l'amour qu'elle porte à un homme ». Il n'avait jamais vu de femme véritablement pleurer par le passé – du moins, qu'il n'ait pas préalablement traqué, torturé, fait veuve, orpheline ou simplement tué… mais c'était vrai. Hermione était la seule femme qu'il ait fait pleurer sans jamais le vouloir ; qu'il s'agisse de leurs études, quêtes, voyages, disputes et pouvoirs, il lui avait toujours arraché une larme… un sanglot, un frémissement ou même une grimace. Comme si sa seule présence suffisait à l'émouvoir, il la trouvait souvent démunie devant sa distance et remarques exécrables, devant sa froideur et rêves macabres… et pourtant, il n'avait jamais compris pourquoi. A croire qu'il était aveugle depuis bien plus longtemps qu'il ne se plaisait à le croire, et avait manqué les indices hurlant de son désespoir… Des indices concrets, tangibles et véritables qui plus il y pensait, plus lui donnait l'impression d'étouffer sur ce rivage. Bon Dieu, que n'aurait-il pas donner pour se gifler ? Pour s'enfouir sous le sable et se cacher ?! Pour ne jamais plus se relever et laisser la honte l'étouffer ?! Car il le voyait désormais ; leurs regards, leurs sourires, leurs joies et clins d'œil complices… tout cela n'était pas uniquement lié à leurs désirs ! Non… c'est plus doux. Plus simple, plus léger, plus discret ! Quelque chose qu'il n'avait jusqu'alors pas soupçonné, et qui pourtant, les avaient inconsciemment menés à se déchirer…
Ainsi, l'issue tant redoutée était arrivée.
Ainsi, il l'avait une ultime fois repoussée.
Ainsi, il avait mortellement blessée son Initiée…
Sonné sous la vigueur de toutes ces vérités, Voldemort regarda son bol de soupe dans un silence mortifié. Oui… il l'avait mortellement blessée. Il ne pouvait plus le nier ! Et se faisant la déception était devenue sa compagne, la douleur avait envahi son âme et son esprit s'était brisé sous l'indécence de son amour profane…
- Connor… souffla-t-il d'une voix blanche.
- Hum ?
- Est-ce que… est-ce que tu penses que…
Bon sang… il avait touché le fond.
- Est-ce que tu penses qu'elle pourrait… me pardonner ?
Prit de court, Connor déglutit sa gorgée de soupe dans un silence surpris.
- Te pardonner ? Répéta-t-il en se léchant les babines.
- Oui…
- Bah… ça dépend. Tu lui as dit quoi ?! Demanda-t-il.
Là était le nœud du problème… et la raison de sa colère.
- Justement, je… je n'ai rien dit.
- Rien dit ?!
- Non, je… je n'ai pas su quoi dire. Je l'ai simplement regardé et… et je suis parti.
S'étouffant violemment dans son bol, Connor grimaça en sentant un morceau de piment lui remonter dans la narine. Une réaction dont la spontanéité s'accompagna d'un air ahuri, et face à laquelle le Mage blêmit.
- Parti ?! Répéta-t-il.
- Oui…
- Comme ça ?! S'exclama-t-il. Sans un mot, sans… rien ?!
Assiégé par la honte, Voldemort sentit une nouvelle fièvre lui prendre le front...
- Oui. Sans rien… Souffla-t-il.
- Donc, quand une dame te dit qu'elle t'aime toi, tu… tu te tires ?! S'exclama-t-il.
- Connor !
- Quoi ?!
- Ton langage ! Gronda-t-il.
- Oh pitié… t'as laissé en plan la plus belle femme qui ai jamais mis un pied sur ce rivage ! Alors question politesse et leçon de morale, excuse-moi l'ami mais tu repasseras ! Rétorqua-t-il.
Mitigé entre l'amusement et l'exaspération, Voldemort sentit ses joues s'empourprer entre deux jappements.
- Je… je ne l'ai pas laissé en plan ! Répliqua-t-il.
- Ah bon ? Parce que tourner les talons comme un voleur, ça a une autre signification dans le Grand Versant ?!
- Non, je…
- Alors tu l'as laissé en plan !
Ahurit, le Sorcier ne sut plus quoi dire. Laisser en plan ?! Non ! Il… enfin… ça n'avait jamais été son attention ! Et quand bien même, qu'était-il censé lui répondre ?! « Merci » ? « Bonne continuation » ? Il ne s'agissait pas d'un fidèle ou d'un fou en adoration… il s'agissait d'Hermione ! D'Hermione bon sang ! Et de la plus déroutante de toutes les confessions…
- J'ai paniqué. Grinça-t-il.
- Ouai bah j'comprends mieux pourquoi elle hurlait ! T'as vraiment pas assuré…
- Je croyais que tu voulais me réconforter ! S'agaça-t-il.
- Et moi je croyais que t'étais malin !
- Comment ça ?!
- Bon sang camarade, c'est la règle de base : on ne tourne jamais le dos à une femme ! Dit-il. Déjà, parce que c'est pas correcte… et surtout parce qu'y a pas meilleur moyen pour se prendre un revers !
De mieux en mieux… Voilà qu'un enfant allait lui donner des leçons de conduite envers la gente féminine !
- Oui eh bien… c'est un peu tard pour ça. Soupira-t-il.
- Franchement, j'te comprends pas… Renchérit-t-il. Hermione est ton Initiée ! Elle est belle, intelligente, courageuse, gentille, dévouée…
- Je sais tout ça.
- Alors pourquoi tu l'aimes pas ?! S'écria-t-il.
Pourquoi il ne l'aimait pas ?! Mais enfin, il… il n'avait jamais dit ça ! Certes, il n'était pas le genre d'homme à s'émouvoir ou à s'amouracher d'une femme ; mais Hermione n'était pas une simple femme. Il le savait… pour preuve, elle lui avait tellement retourné le cœur qu'il s'était tétanisé sitôt qu'il avait vu en pleure ! Mais l'aimait-il ?! Comment savoir… il éprouvait déjà tellement de chose ! Est-ce qu'il ressentait du désir pour elle ? Plus que jamais ! Est-ce qu'il avait envie de la garder éternellement à ses côtés ? Absolument ! Est-ce qu'il voulait qu'elle continue de l'aimer aussi éperdument ? Bien sûr, quelle question ! Mais était-il capable de l'aimer en retour ? Il ne savait pas ; du moins, pas entièrement… Car il aimait Hermione ! C'était évident ! Mais à sa manière de Maître ; autrement dit froide, distance, sévère et parfois cruelle… Mais pouvait-il l'aimer autrement ? Le voulait-il seulement ? Seigneur, tant de questions ! Tant de question ! Mais quand bien même, quelle différence cela faisait ?! L'amour n'avait pas de place dans sa vie ! C'était grotesque et puérile ! Et puis, elle était son Initiée… pas sa femme, sa concubine ou une maîtresse destinée à le divertir ! Aussi, c'est sans rien dire que le Mage avala une gorgée de sa soupe et entendit Connor gronder dans un soupir. Parfois il aimerait être comme lui… innocent, futile et ignorant de la vie.
- Ce n'est pas comme ça que ça marche… Dit-il dans son bol.
- Bah si ! Si tu l'aimes et qu'elle t'aime, ça veut juste dire que vous vous aimez… que vous pouvez être heureux, vous marier et avoir des bébés !
S'étouffant soudainement à son tour, Voldemort manqua de tomber à la renverse à mesure qu'il recrachait sa soupe. Qu'avait-il dit ? Se marier et… et avoir des bébés ?!
- Il faut… il faut vraiment que tu laisses ces histoires de mariages de côté. Dit-il la voix enrouée.
- Mais vous feriez un si beau couple !
Oui et bien… ils avaient déjà bien assez de peine à se côtoyer sans se déchirer !
- Tu ne devrais pas t'encombrer l'esprit d'idées aussi romantiques. Finit-t-il par dire.
- Pourquoi ?! C'est beau l'amour ! S'exclama-t-il.
Beau ?! Seigneur… il n'y avait qu'un enfant pour penser une telle chose ; pour penser que l'amour n'était pas l'incarnation de la plus infâme des névroses…
- Non… grinça-t-il. Ça ne l'est pas.
- Pourquoi tu dis ça ?!
- Parce que l'amour n'est qu'un mensonge archaïque et vide de sens, inventé par les mères et les poètes, pour que les enfants et les hommes puissent se complaire dans l'illusion malhonnête d'une affection mutuelle…
Bouche bée devant de telle paroles, Voldemort vit la mâchoire du petit tomber à ses pieds… avant que ne résonne l'écho de son souffle couper et que ses sourcils ne se froncent dans une grimace étonnée. Une grimace qu'il ne put s'empêcher de détailler d'un air agacé et dont l'incompréhension évidente le fit franchement soupirer. Avait-il seulement compris ce qu'il lui avait dit ? Il l'ignorait, incertain quant à sa capacité de raisonnement… mais n'eut pas la force d'infantiliser une vérité aussi évidente.
- Une illusion malhonnête ?! Répéta-t-il confus.
- Exacte…
Un étrange silence suivit son affirmation… un silence qui ne dura que quelques secondes avant de ne s'interrompre d'une violente claque sur le front.
- Eh bah ! On peut dire que t'as l'art de parler aux femmes toi !
- Connor…
- Bah quoi c'est vrai ! A t'écouter j'aurais presque envie de me jeter à la mer ! S'exclama-t-il.
- Tu exagères… gronda-t-il.
- Rassure moi camarade, tu lui as pas dit ça ?! Paniqua-t-il.
Mal à l'aise, le Mage se mordit la lèvre. Non… il ne lui avait pas dit, mais quelle différence cela faisait ? Il le pensait.
- Non parce que le Vieux Jérôme s'est déjà fait gifler pour moins que ça ! Renchérit-t-il.
- Ça ne m'étonne pas… Dit-il. Mais non, Hermione ne me giflerait pas.
- Pourquoi pas ?! Je te giflerais moi !
Esquissant un sourire devant son air révolté, Voldemort s'entendit échapper un rire amusé ; le premier depuis ce qui lui semblait être une éternité.
- Et tu aurais probablement raison… Souffla-t-il en reprenant une gorgée.
- Mais ça réponds pas à ma question !
- Quelle question ?
- Pourquoi tu l'as rejeté ? Insista-t-il. T'es pas amoureux d'elle ?
Amoureux ? Grand Dieu… il ne savait même pas ce que cela voulait dire !
- Difficile de l'imaginer. Avoua-t-il. Je ne l'ai jamais été.
- Attend… t'es jamais tombé amoureux ?!
Riant franchement à sa question, Voldemort le vit le détailler avec étonnement ; sûrement s'attendait-il à le voir lui avouer l'histoire d'un amour de jeunesse ? D'une romance passagère ? Ou d'un coup de cœur plein de promesses ? Mais la vérité était toute autre. La vérité était qu'il n'avait jamais ressenti une telle chose…
- Non. Dit-il simplement.
- Non ?!
- Non…
Si son ahurissement l'amusa un court instant, Connor lui ne parvînt qu'à se frapper le front… Décidément, il comprenait mieux pourquoi Hermione était arrivée en hurlant !
- Alors tu… tu n'as jamais éprouvé d'amour ?! Souffla-t-il.
- Pas que je me souvienne.
- Pour personne ?
- Et non… Soupira-t-il.
- Même pas pour tes parents ?!
Grand Dieu non !
- Je suis orphelin de naissance... Grinça-t-il.
- Et tu n'as jamais eu d'ami ?
- Non… songea-t-il. Que des ennemis ; et quelques fidèles en manque d'esprit…
- C'est pas possible ! Explosa-t-il.
- Oh si je t'assure… mais ça ne me dérange pas. Le concept d'amitié est tout aussi futile que l'amour ! Et puis, ce n'est qu'une perte de temps et d'énergie.
- Mais t'as été un enfant ! S'exclama-t-il. Les enfants ont des amis !
Pas dans l'orphelinat où il avait grandi…
- J'ai eu des… camarades de classes et des compagnons de dortoirs ; mais rien de bien comparable. Et puis, je les détestais tous. Avoua-t-il.
- Vraiment ?!
- Hum hum… les seuls ayant un tant soit peu d'intérêt à mes yeux, étaient ceux que je pouvais utiliser à mon avantage ; les fils de Ministres, de Parlementaires, de familles aisées… les autres n'étaient bon qu'à me servir et ramper.
Débecté devant un discours aussi guindé, Connor ne sut plus quoi répliquer. Pas de parents, d'amoureuse, d'amis ou de compagnons d'enfance… par tous les Diables, sa vie devait être horriblement barbante ! Que dire ! D'un ennui affligeant ! Mais il n'était pas fou pour autant ; car des tels mots n'étaient pas sans importance... en particulier quand ils révélaient l'ultime faille de son raisonnement.
- Mais alors comment… comment tu sais ce que ça fait ? Demanda-t-il subitement.
- Quoi donc ?
- L'amour ! Comment tu sais ce que ça fait, si t'as jamais aimé personne ?!
Etonné devant la perspicacité d'une telle question, Voldemort se tu un court instant… A croire que cet enfant ne cesserait jamais de le surprendre.
- Eh bien, je… je peux éprouver du désir, de l'envie et de la jalousie. Réfléchit-t-il. Mais pour le reste je… j'avoue que je ne sais pas.
Troublé devant son regard bleuté, Voldemort se surprit à grimacer. C'était vrai… il ne savait pas ce que cela faisait d'aimer. A vrai dire, il ne croyait pas avoir déjà éprouvé quelque chose d'un tant soit peu similaire. Bien sûr, il ne découvrait rien sur lui-même… et pourtant, il n'avait jamais véritablement réfléchi à ce sujet. Il ne s'était jamais interrogé, questionné et torturé autour cette étrange vérité. Un détail qu'il n'avait jusqu'alors jamais remarqué et qui le laissât profondément… sonné.
- Non, je ne sais pas ce que ça fait d'aimer… Reprit-il du bout des lèvres. Et en toute honnêteté, je… je l'ai trop peu été pour pouvoir m'en faire une idée.
- Mais Hermione t'aime, elle ! Rétorqua-t-il.
Oui… et c'était bien là le problème.
- C'est vrai… Dit-il. Mais je crains qu'elle n'ait un demi-siècle de retard.
- Il est jamais trop tard ! S'agaça-t-il. Et puis si tu sais pas aimer, elle pourrait te l'enseigner !
Lui enseigner ?! Esquissant un sourire à cette idée, Voldemort se saisit de la flasque dans un sourire amusé. Ce serait cocasse, il ne pouvait le nier… que son Initiée lui enseigne comment aimer.
- Je doute que ça puisse marcher… grimaça-t-il.
- Pourquoi ?!
- Parce qu'on ne peut pas enseigner une émotion ! On ne peut pas la… la théoriser, l'apprendre ou l'intégrer à force d'entraînement ! C'est inné ! Et quand bien même ça marcherait, je n'en vois pas l'utilité…
- Pourquoi ?!
Seigneur… il n'avait que ce mot à la bouche !
- Parce que je suis un Mage Noir ! S'agaça-t-il. On détruit des choses, on ne les aime pas !
- Pfff… c'est triste !
- Pas pour moi… J'ai toujours éprouvé une certaine indifférence et un profond mépris envers ce genre de sentiments. Ne pas en éprouver est pour moi une sorte de… de chance.
- Vraiment ? Dit-il déboussolé. T'a jamais essayé d'en éprouver ?! Même pas par curiosité ?
Essayer ? Non jamais… Il avait bien eu quelques conquêtes ; des passades lui ayant permis d'assouvir les quelques curiosités de sa jeunesse. Mais de là à vouloir davantage ? A chercher par tout moyen à ressentir ce qui n'était à ses yeux qu'une violation même de l'âme ? Autant refaire naufrage…
- Pourquoi le voudrais-je ? Dit-il entre deux gorgées. J'ai passé ma vie à voir des imbéciles sacrifier leurs vies, leurs projets et leurs rêves au profit d'un sentiment désuet et passager. L'amour n'est que… passion et tortures.
- C'est pas vrai ! S'exclama-t-il outré. Et puis, tu sais même pas de quoi tu parles !
Etonné devant le cinglant d'une telle réplique, Voldemort le vit lui se saisir de la flasque et en descendre plus de lampées qu'il ne put en compter sans rougir. Bon sang, comment faisait-il ?!
- Tu crois ça ?
- Bah oui ! Fit-il ahuri. On peut pas avoir de jugement sur un sentiment qu'on n'a jamais éprouvé !
- Dans ce cas explique le moi. Dit-il amusé.
Roulant des yeux ciel, Connor soupira avant d'essuyer rapidement ses lèvres. Bon Dieu… ils n'auraient jamais assez d'une seule bouteille pour aborder un sujet pareil !
- Ça s'explique pas camarade ! L'amour c'est… unique ! Indescriptible ! C'est… c'est comme la magie !
- La magie ?!
- Oui ! Ça né de rien, ça apparait quand on s'y attend le moins, ça te prend aux tripes, ça change ta vie et ça te fait descendre tellement de rhum que tu finis par rouler comme une barrique !
Riant franchement, Voldemort peina à étouffer ses gloussements. C'était imagé, il ne pouvait le lui enlever…
- Je vois…
- Te moques pas ! Gronda-t-il. C'est puissant c'est choses-là !
- Et fort inutile…
Vexé, le petit pouffa avec désintérêt, une grimace barrant subitement ses traits. A quoi bon vouloir lui expliquer quoi que ce soit ?! Ce soi-disant Mage noir était plus buté qu'un pirate…
- Je m'en fiche… bouda-t-il. De toute façon, t'as tort !
- Quoi ?!
- T'as tort ! Répéta-t-il.
- Comment ça ?
- Tu peux ressentir de l'amour !
Sonné, le Mage le regarda finir leur flasque d'un air contrarié… pourtant, c'est bouche bée qu'il sentit son souffle se couper. Et pour cause ! Jamais encore il n'avait entendu de parole aussi insensées…
- Pardon ?! S'étouffa-t-il.
- Hum hum !
- Et qu'est-ce qui te fais dire une telle chose ?! Demanda-t-il troublé.
- Facile ! Le pouvoir ! Tonna-t-il.
- Quoi ?
- Tu aimes le pouvoir !
Le… le pouvoir ?!
- Mais cela n'a rien de comparable ! S'exclama-t-il surpris.
- Bien sûr que si. L'amour peut prendre une infinité de forme ! La preuve : t'es prêt à tout pour le pouvoir, de la même manière qu'Hermione est prête à tout pour toi.
De la même manière ?! Mais… non ; non, et mille fois non ! Ce n'était pas pareil ! Loin de là même ! Le pouvoir et l'amour ne pouvaient se comparer ! Pour preuve, ils étaient opposés ! Scindés ! Divisés ! Et à mille lieux de pouvoir un jour coexister ! Et quand bien même il éprouvait de « l'amour » pour le pouvoir – chose qui était ridicule en soit – cela ne signifiait pas qu'il puisse un jour en éprouver pour une femme !
- Tu divagues...
- Tu parles ! Ricana-t-il. T'as juste trop pour peur de l'admettre…
- Excuse-moi ?!
- Bah oui ! T'es dans le déni ! La preuve, il a suffi d'un petit « je t'aime » pour que tu quittes le navire !
Piqué à vif, Voldemort sentit ses nerfs s'échauffer dans une insulte aussi mal déguisée. Quel petit avorton… oser le traiter de lâche ! De rat ! D'esprit faible au cœur étroit ! Maudit soit-il… ça lui apprendrait à se montrer aimable !
- Bien ! Tonna-t-il révolté. Admettons que le plus grand Seigneur des ténèbres, le plus cruel meurtrier de cette Terre, soit capable d'aimer... cela ne change rien !
- Pourquoi ?
- Pour la simple et bonne raison que je n'aimerais jamais une femme autant que le pouvoir !
- Et alors ?! S'exclama-t-il.
- Et alors ? Répéta-t-il.
- Bah oui ! On s'en fou de ce que t'aime plus ou moins que le pouvoir !
On s'en fou…
- C'est pas une compétition !
Pas une compétition…
- Et puis, l'amour n'exclue pas l'amour ! Argua-t-il.
- Co… comment ça ?
- C'est mathématique ! 1 bouteille de rhume + 1 bouteille de rhum = 2 bouteilles de rhum ! Donc amour + amour = encore plus d'amour !
Encore plus d'amour…
Troublé, le Mage Noir sentit son souffle se couper à mesure qu'un étrange sentiment se mit à agiter ses pensées… Comme si ces mots dénotaient des autres, il se surprit à grimacer entre deux tremblements étouffés… avant de ne lentement commencer à les répéter : une fois, deux fois et même trois… jusqu'à ce que leur saveur alors inconnue n'égare son regard sur les dunes ambrées.
« L'amour n'exclue pas l'amour… ».
Etrange… certes, ce raisonnement semblait quelque peu désuet, et pourtant il ne le trouva pas moins inspiré. Novateur. Et presque censé ! A tel point que sans qu'il ne puisse l'empêcher, Voldemort le sentit résonner avec force dans son esprit tourmenté. Palpitant à travers son capharnaüm d'espoirs étouffés et de rêves brisés, il ouvrit de nouveaux chemins de pensées, étaya certaines de ses idées, renversa des théories qu'il avait toujours tenu pour vraies et alla même jusqu'à donner un sens à celle qu'il avait toujours nié… Un bref instant de profonde confusion, de réflexion et de sidération, qui alors même qu'il se croyait devenir dément, le laissa béat devant l'océan. Seigneur, se pourrait-il qu'il se trompe ? Que l'égoïsme ne soit pas la base de ce sentiment ? Il se posa la question… gravement, avidement, cruellement ! Mais n'osa pas chercher de réponse. Pourquoi ? Là aussi il préféra ne pas le savoir… par déni, probablement ? Oui… cela ne serait pas surprenant. Pourtant et malgré ses efforts pour en faire abstraction, jamais son cœur ne battit plus fortement.
« L'amour n'exclue pas l'amour… ».
Se pouvait-il que cela soit vrai ? Que l'amour ne soit pas un geôlier ? Que les sentiments qu'il avait toujours considéré comme le fardeau des damnés, puisse être plus qu'une prison déguisée ? Qu'un mensonge éhonté ? Qu'une plaie ouverte sur le point de s'infecter ?! Il eut du mal à l'envisager… à le conceptualiser ou seulement l'imaginer ! Et pourtant, ses paroles le hantait…
« L'amour n'exclue pas l'amour… ».
Non… jamais encore il n'avait envisagé à une telle idée. Jamais encore il n'avait envisagé que l'amour puisse s'additionner ; se cumuler et s'amplifier ! Et jamais encore il n'avait envisagé qu'il puisse se résumer à simplement… donner.
« L'amour n'exclue pas l'amour… ».
Donner ? Oui… cela pouvait être vrai. L'amour pouvait se résumer à donner. Donner quoi ? Là était une autre question ; mais oui… cela pouvait être ça. Après tout, les mères – dignes de ce nom – ne donnaient-elle pas tout l'amour du monde à leur enfant ? Et les pères ? Les maris et les femmes ? N'étaient-ils pas prêts à toutes les folies, à tous les crimes et à toutes les infâmies pour assurer la protection de leur famille ? Si… certes, cela lui semblait stupide, risqué et inutile ! Mais ça existait… pour preuve, il s'en était lui-même servi à son avantage – en particulier avec les Malfoy et leur sensibilité aux chantages… mais cela était une autre histoire.
« L'amour n'exclue pas l'amour… ».
Aimer… ou donner sans détour, sans attendre de retour et sans prier pour que cette agonie s'éteigne un jour.
Aimer… ou donner sans espérer recevoir, être en quête d'ascendance et de pouvoir.
Aimer… ou donner sans jamais se priver ; et ce en dépit de la douleur d'un amour non partagé.
Seigneur, était-cela qu'Hermione faisait ?! Lui donnait-elle tout ce que son cœur pouvait éprouver ? Tout ce que son âme pouvait offrir ? Tout ce que son corps pouvait endurer ? Tout cela uniquement parce qu'elle… l'aimait ? Par Merlin, cela semblait affreusement douloureux ! Pour ne pas dire barbare ! Mais l'amour n'était fait que de cela… de souffrances désirées, d'espoirs inavoués, de sacrifices trop chers payés et de bonheurs passagers…
« On s'en fou de ce que t'aime plus ou moins que le pouvoir ! »
Oui… en un sens, ce n'était pas important. Après tout, rien ne pourrait jamais affecter sa soif de pouvoir ! Ses rêves de grandeur, de règne, de conquêtes et de gloire ! Ces choses-là étaient gravées à même son âme… acquises et inaliénables ! Alors pourquoi craindre de les voir lui échapper ? De les voir lui être arrachées alors même qu'il était seul Maître de ses pensées ? De ses désirs ? Et de ses capacités ?! Cela semblait absurde ! Un peu comme un aveugle redoutant de retrouver la vue par simple peur d'être à jamais privé de son obscurité ! C'était risible… infondé ! Et pourtant, telle était la crainte qui l'étouffait ; celle d'être dépossédé de quelque chose qui, il le savait, ne pourrait jamais lui être enlevé…
« C'est pas une compétition ! »
Pas une compétition… Pas une compétition… Pas une compétition… Non, ce n'était pas une. Plus encore ! Ça n'avait pas à être une ! Alors pourquoi redoutait-il de le voir ? De l'intégrer ? De cesser de se battre ? Il n'y avait personne à vaincre ! Personne à craindre ! Personne à convaincre ! Non… il n'y avait que lui ; lui et les nouveaux cauchemars qui hantaient ses nuits.
- Bon sang… gronda-t-il brusquement.
- Bah quoi ?!
Incapable de respirer sous l'étau de sa nouvelle migraine, Voldemort rejeta sa tête en arrière… Par tous les Dieux, il perdait la tête.
- Je… je ressens des choses. Dit-il pour lui-même.
- Quelles choses ?! S'étonna Connor.
- Je ne sais pas…
- C'est bizarre ça !
- Je sais ! Ragea-t-il entre ses dents. Et je déteste ça…
Amusé, Connor sourit devant son air contrarié, presque fier que ses mots soient parvenus à l'impacter… mais ils étaient encore loin d'une véritable percée.
- Ça… ça concerne Hermione ? Se risqua-t-il à demander.
- Bien sûr que ça concerne Hermione ! S'écria-t-il enragé. Tous les malheurs de ma vie concernent Hermione…
- T'exagères un peu là…
- Ah tu crois ?! Ma vie se portait très bien avant qu'elle ne se rende à moi ! Avant qu'elle me montre ce maudit grimoire, cette maudite malédiction et ces maudites sphères… avant que je ne voie son potentiel, son courage, sa beauté et que je ne veuille la faire mienne ! Avant… avant…
- Avant qu'elle tombe amoureuse de toi ?
Oui… ça aussi.
- Tu ne comprends pas. Soupira-t-il. Elle… elle se trompe sur moi.
- Comment ça ?
- Je… je suis né pour être Mage Noir ! Je ne suis bon qu'à ça !
Et pour tuer en masse ! Mais mieux valait le garder pour le soi…
- Et alors ?! Elle le savait déjà ça ! Rétorqua-t-il.
- Peut-être, mais…
- Et puis ça l'a pas empêché de tomber amoureuse !
- Je sais, mais…
- Alors il est où le problème ?! S'exclama-t-il.
Bon sang, assez de questions !
- Je ne sais pas ! Finit-il par dire. Je ne sais pas où le problème, mais… mais il y en un !
- Lequel ?
- Par Morgane, tu le fais exprès ?! Dit-il excédé.
- Non ! C'est toi qui le fais exprès !
- Quoi ?!
- Bah oui ! S'écria-t-il. T'arrêtes pas de dire qu'il y a un problème… mais la vérité c'est que t'en cherche un !
Ahurit, Voldemort sentit ses pupilles s'écarquiller de surprise… Qu'avait-il dit ?
- C'est… c'est ce que tu penses ? Souffla-t-il.
- Un peu que je le pense ! S'exclama-t-il. T'es là, à te retourner la tête dans tous les sens, juste parce qu'une fille t'a avoué ses sentiments ! J'veux dire… c'est ridicule !
Frappé de plein fouet par l'insolence de son ton, le mage ne sut pas qui le pétrifia le plus ; qu'il ose dévaluer ses tourments… ou qu'il ait insupportablement et incontestablement raison.
- Ok, ça t'a surpris… Concéda-t-il. Mais la seule personne à avoir un véritable problème, là tout de suite, c'est Hermione !
- He… Hermione ?
- Bah oui ! S'écria-t-il ahuri. C'est elle qui a pris tous les risques ! C'est elle qui s'est fait rejeter ! C'est elle qui a eu le cœur brisé !
Le cœur brisé ? Mais… il n'avait jamais voulu la blesser. Jamais ! Et pourtant il l'avait vu à son regard, à son tremblement de lèvres, à ses sanglots et à ses larmes… son silence lui avait éventré l'âme.
- T'imagine le courage qu'il lui a fallu pour t'ouvrir son cœur ? Dit-il révolté. Pour te regarder dans les yeux, et te dire qu'elle t'aime ? Alors même qu'elle savait pertinemment qu'elle aurait tout y à perdre ?!
Tout à y perdre ? Non… non, voyons ! Elle ne le perdrait jamais ! Jamais ! Mais qu'en savait-elle ? Elle, qui n'avait reçu à sa confession qu'un mutisme indifférent… suivit d'une fuite et d'un incontestable sentiment de honte.
- Et puis, c'est même pas comme si elle t'avais demandé de l'aimer en retour !
Non, c'était vrai… elle ne lui avait rien demandé.
- Mais non ! Toi, tout ce que t'a trouvé à faire, c'est prendre tes jambes à ton cou ! Franchement… c'est à se demander ce qu'elle te trouve…
- Hé ! Claqua-t-il vexé.
- Quoi ?! C'est la vérité ! Tu dis que t'es Mage noir sans pitié, mais t'as eu la frousse et t'es parti te cacher !
- Et qu'est-ce que j'aurais dû faire ?! S'écria-t-il.
- Te comporter comme un homme civilisé et en parler !
Troublé, Voldemort sentit ses tempes s'échauffer devant la simplicité d'une telle idée. En parler…
- Mais… que veux-tu que je lui dise ?! Haleta-t-il.
Riant franchement devant lui, Connor se frappa le front dans un sourire ahurit.
- Parce que tu crois que c'est moi qui vais te donner la réponse ?!
- Je…
- Faut se réveiller mon grand, t'es plus un enfant ! Argua-t-il durement.
- Connor… gronda-t-il entre ses dents.
- Oh allez quoi ! Pourquoi tu lui laisses pas une chance ?! Surtout que ça te coûterais rien ! Renchérit-il agacé. Vous vivez ensemble, travaillez ensemble, voyagez ensemble, régnez ensemble…
- Ou… Oui, mais…
- Et puis, c'est déjà ton Initiée ! Elle t'obéit, t'es loyale, fidèle, dévouée et est prête à tout pour rester à tes côtés !
- D'accord, mais…
- Et puis c'est pas comme si elle te laissait indifférent ! S'exclama-t-il.
Indifférent ? Non… loin de là...
- C'est vrai quoi ! Insista-t-il. Ça fait à peine cinq jours que vous êtes là, et vous vous êtes pas quitté une seule fois ! T'es toujours là, à la chercher du regard, à la garder près de toi, à t'inquiéter pour sa jambe, à la toucher, lui sourire…
- Non, je… enfin, je…
- J'te jure ! Un vrai couple marié ! Deux têtes de mules qui arrêtent pas de se chamailler mais qui sont incapable de se quitter !
De se quitter ? Seigneur… il ne pouvait l'imaginer. Une ultime vérité qui ne tarda pas à le faire chanceler.
- Tu pourras me dire ce que tu veux, j'en démordrais pas camarade… tu l'aimes.
Il l'aimait…
- T'as juste trop peur de le voir.
Trop peur…
Pétrifié, le Mage ne parvint plus à respirer. En d'autres circonstances, il aurait probablement éclaté de rire… et pour cause ! Lui, Voldemort ? Effrayé ? A la seule idée d'aimer ?! Bon dieu, cela ne pouvait exister ! Ni ici, ni ailleurs ! Et pourtant, rien n'aurait su tromper la violence des frissons qui lui assiégèrent le cœur… Se pouvait-il que Connor dise vrai ? Qu'il soit trop effrayé pour affronter la vérité ? Qu'il se laisse dépasser et tétaniser ? Conquis par la peur de se voir tomber sous le joug d'un sentiment caché ? D'une folie inavouée ? Cela semblait grotesque à imaginer… mais comment savoir ? Seigneur, comment savoir ?! Il ne savait même plus quoi penser, envisager ou croire ! Qu'il s'agisse de ses certitudes, de ses idées, de ses convictions… tout se mélangeait à mesure que grandissait son silence.
- Enfin bref… j'imagine que c'est pas très grave. Et puis, je suis sûr qu'Hermione s'en remettra !
- S'en remettra ? Répéta-t-il sans comprendre.
- Hum hum !
- Comment ça ?!
- Bah oui ! Tu crois quand même pas qu'elle va continuer à s'accrocher à toi après ça ?!
Sonné, Voldemort sentit son cœur s'arrêter… qu'avait-il dit ?
- Je… je ne comprends pas. Souffla-t-il d'une voix blanche.
- Bon sang, faut tout t'expliquer… Râla-t-il. Qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer maintenant que tu l'as rejeté ?
- Je ne sais pas, je…
- Elle va tourner la page !
Tourner la page ? Mais… enfin, c'était impossible. Elle ne pouvait pas tourner la page ! Pas après ça ! Et certainement pas après ce qu'ils s'étaient dit sur la plage ! Et quand bien même, pourquoi le voudrait-elle ? Il était son Maître ! Et elle l'aimait ! Certes, leur vie n'était pas parfaite… mais ce genre de sentiment ne pouvait pas disparaître ! Et pourtant, un doute se mit à agiter ses lèvres ; semblable à une épée de Damoclès, il sentit son fourreau lui effleurer la nuque dans l'écho d'un rire acerbe… avant que l'ombre d'un nouveau fléau ne l'assiège.
- Tu… tu n'es pas sérieux… Bafouilla-t-il mal à l'aise.
- Un peu que je le suis ! J'vais même te dire : j'espère qu'elle s'en remettra vite !
- Pardon ?! S'étouffa-t-il outré.
- T'as très bien compris !
- Mais enfin… il s'agit de mon Initiée !
- Et alors ? Rétorqua-t-il. Elle sera toujours ton Initiée ! A la différence qu'elle aura arrêté de t'aimer…
Arrêté de l'aimer…
Arrêté de l'aimer…
Arrêté de l'aimer ?!
Horrifié, Voldemort se sentit une nouvelle fière le faire vaciller… ou était-ce à cause de la nausée qui lui montait au nez ? Il ne chercha pas à le deviner, mais ne put endiguer l'insupportable effroi qui se mit à le paralyser. Arrêter de l'aimer… Seigneur, non… Non. Non ! Non ! Elle ne pouvait pas arrêter de l'aimer ! Ça ne pouvait pas arriver ! Pas alors qu'elle venait tout juste de le lui avouer ! Ce serait… ce serait insensé ! Intolérable ! Inexcusable ! Inimaginable ! Une idée dont la seule perspective suffit à le rendre malade…
- Non… murmura-t-il épouvanté. Non, elle… elle ne ferais jamais ça.
- Tu crois ça ?!
- Elle est mon Initiée ! Tonna-t-il enragé. Jamais elle ne cessera de m'aimer… Jamais !
Amusé devant la lividité de ses joues, Connor le vit se mettre à genoux, le regard incertain et le souffle court.
- Bien sûr qu'elle le fera… Rit-il. Et je dirais même plus : elle le doit !
- Qu… quoi ?! Mais pourquoi ?
- Parce que ça la tue de t'aimer ! S'écria-t-il indigné.
Ça… ça la tuait ?
- Parce que tu l'as rejeté ! Parce qu'elle est bouleversée ! Parce qu'elle pleurait tellement que j'ai dû la faire boire pour la calmer ! Et parce qu'elle sait au fond d'elle-même, que tu ne seras jamais rien de plus que son Maître !
Rien de plus que son Maître…
- Le vieux Jérôme l'a toujours dit ! Reprit-il. « Maudit est celui qui dort sur son ancre, il ne verra jamais la marée montante ! »
- Qu… qu'est-ce que ça veut dire ?!
- Que tu t'es endormie ! T'as pris Hermione pour acquis !
- Non, je…
- Et qu'est-ce que ça a donné ?! Elle t'est passée sous le nez ! Alors crois moi que si t'es pas capable de l'aimer, elle trouva quelqu'un d'autre qui la laissera jamais filer…
Ahurit, Voldemort sentit sa nausée empirer. Quelqu'un qui ne la laisserait jamais filer ; quelqu'un qu'elle pourrait aimer… quelqu'un qui le remplacerait.
- Non ! S'écria-t-il horrifié. Non, elle… elle n'a pas le droit !
Se frappant le front d'un cinglant éclat de rire, l'enfant leva les yeux au ciel dans un soupir.
- Oh je t'en prie… t'as passé l'âge des caprices !
- Connor !
- Quoi ?! C'est la vérité ! Des milliers d'homme seraient prêt à tuer juste pour courtiser une femme aussi exceptionnelle qu'elle, et toi tout ce qui tu trouves à faire, c'est la laisser en plan au premier « je t'aime » !
Non ! Non, il ne l'avait pas laissé en plan ! Il… il avait juste besoin de temps ! De temps ! Rien qu'un peu de temps !
- T'as eu ta chance et tu l'as raté… Lança Connor. Alors maintenant, faut assumer !
Assumer… mais pourquoi ? Et pourquoi devrait-elle cesser de l'aimer ?! Elle n'avait pas à le faire ! Après tout, ils pouvaient très bien en rester là ! Savoir tous deux quels étaient ses sentiments à son égard, et reprendre leur relation là où elle était avant tout ça ! Continuer de travailler, de s'entraider, de se parler, de se regarder… et tout cela sans s'en sentir gêné ! Mais bien qu'il cherche à s'en convaincre, il le savait… rien ne pourrait effacer ce qui était arrivé.
- Et puis, elle est jeune ! Belle ! Et intelligente ! Elle aura pas de mal à se trouver des prétendants…
- Des prétendants ?! S'étouffa-t-il.
- Bah oui ! Comment tu crois qu'elle va fonder une famille ? Par l'intervention du Saint Esprit ?!
Une famille ?! Mais si elle fondait une famille, cela signifiait qu'elle devrait… qu'elle devrait…
- Non ! Explosa-t-il violemment. Non, non, non… c'est hors de question !
- T'es pas sérieux là ?!
- J'ai dit non !
Et il redirait ! Car c'était plus qu'il ne pouvait tolérer… accepter ou imaginer ! Hermione était son Initiée ! Sa protégée ! Sa propriété !
- Mais je croyais que tu voulais la voir heureuse !
- Heureuse avec moi !
- Tu vas quand même pas la priver de trouver chaussure à son pied ?! Dit-il outré.
- Chaussure à son pied ?!
- De trouver le bonheur ? De se marier ? D'avoir des enfants ? Et la vie qu'elle a toujours rêvé ?!
Assiégé par ces mots, le mage sentit une sueur froide ramper dans son dos… C'était trop. Trop ! Trop ! Trop ! Pour preuve, il peinait déjà à la voir danser avec Drago ! Alors la laisser se faire courtiser ? Se fiancer ? Se marier ? Et fonder une famille ?! Grand Dieu… cette seule idée lui donna envie de vomir. Aussi, c'est sans même voir ses jointures blanchir que Voldemort peina à contenir ses cris. Transit de rage, il sentit un nouveau feu consumer son âme ; l'un d'eux ceux qu'il n'avait encore jamais connu et qui tel un poison se mit lentement à ronger ses entrailles. Mortifié, il sentit son cœur se contracter, son souffle se couper et sa tête se renverser ; car il voyait déjà l'ombre de ce nouveau cauchemar le guetter… celui d'un monde où Connor aurait raison, et où Hermione aurait cessé de l'aimer. Celui d'un monde où il la verrait entourée d'autres bras ; où il la verrait rougir, danser, sourire et fuir son regard… où elle porterait fièrement l'émeraude d'une bague de fiançailles et où il devrait officier son mariage. Seigneur, existait-il plus infâme ? Plus horrible ? Plus barbare ?! L'imaginer lui, assis nonchalamment sur son trône pendant que son Initiée serait appelée à honorer son devoir conjugale ?! Pendant qu'elle s'offrirait corps et âme, à il ne savait quel sorcier de bas étage ? Non... Non, non, non, non, il ne pouvait le concevoir !
- Non… gronda-t-il horrifié. Personne ne touchera mon Initiée ! Personne !
- Mais elle a le droit de choisir ce qu'elle veut faire de sa vie !
- Elle a déjà choisi ! Scanda-t-il.
- Mais…
- Elle a choisi de me servir ! Tonna-t-il. Elle aurait pu me fuir ! Elle aurait pu mourir ! Mais elle a choisi de rester… Elle a choisi de régner à mes côtés ! Elle… elle a choisi de m'aimer !
Transcendé, Voldemort se redressa dans l'écho de son souffle haché, le regard fou à mesure que son cœur s'embrasait.
- Elle est à mienne ! Tu entends ?! Mienne ! Hurla-t-il.
Oui...
- Mon Initiée ! Ma Reine ! Ma déesse !
Sienne…
- Son cœur, son esprit, son corps, son âme, jusqu'aux futurs fruits de ses entrailles… chaque fibre de son être me reviens de droit !
A lui…
- Et je devrais la céder à un autre ?! S'étouffa-t-il. Non… non, je ne laisserais personne m'enlever mon Initiée ! Je ne laisserais personne la profaner ! Je ne laisserais personne la toucher !
Jamais…
- Et que les Dieux osent me défier ! Je tuerais, torturerais et émasculerais chaque homme de ce monde avant que l'un d'eux n'ose la courtiser… la toucher ou ne serait-ce que la regarder ! Quitte à perdre la moitié de mes sujets, je leur crèverais les yeux, trancherais la langue, couperais les mains et ferais en sorte que personne n'oublie jamais à qui elle appartient !
Immobile face à la force d'une telle litanie, Connor ne trembla pas devant l'aura de sa magie, la fureur de ses cris ou la puissance de sa jalousie. Non à la place, il se contenta simplement de le regarder, le regard curieux et les lèvres pincées… avant d'esquisser un sourire et de se redresser.
- Je vois. Dit-il amusé. Mais t'oublie un détail…
- Un détail ?!
- Je te l'ai dit. T'as loupé la marée camarade…
La marée…
La marée…
La… Hermione.
- Non… non, pas encore.
Transit d'adrénaline, Voldemort se grandit fièrement face à l'horizon… Oui, il voyait maintenant. Hermione était sienne. Pleinement. Entièrement. Inconditionnellement. Eternellement ! Alors qu'importe la folie, le bon sens et l'hérésie de ses sentiments ! Qu'importe qu'il doive essuyer ses pleurs, sa colère ou sa confusion ! Il ne la laisserait pas se résigner. Il ne la laisserait pas lui échapper !
Et qu'il soit maudit… il ne la laisserait jamais cesser de l'aimer.
Hey ! Et voilà :DDDD bon, petite session thérapie avec Voldemort mais avec une issue prometteuse... ;) Que va-t-il se passer ? Que va-t-il faire ?
Spoiler Alerte : vous êtes pas prêt XD ou peut-être que si ? XD vous sauvez la semaine prochaine !
En tout cas, j'espère que cela vous aura plu ! Ce chapitre est l'avant-dernier avant ma pause estivale (je pars deux semaines en vacance à partir du 15 août et je ne suis pas certaine d'avoir du Wifi ^^') Je suis désolée mais ne vous en faîte pas, le chapitre de la semaine prochaine devrait vous redonner le sourire :D
Encore merci infiniment pour votre soutien ! Vous n'imaginez pas à quel point ça m'aide :3
Je vous embrasse ! A très vite :*
