Coincés sur cette île.
Coincés sur cette île.
Coincés sur cette île.

Ensuqué par la toxicité de ses pensées, Voldemort sentit son pouls s'emballer au rythme de ses pas effrénés. Incapable de se calmer, de respirer ou de ne serait-ce que réfléchir sans sentir son esprit se fracturer, il arpentait le rivage, le regard fou et l'air hagard. En proie au plus insidieux des cauchemars, il s'était mis à maudire le ciel, les arbres, la mer et le sable, le cœur lourd à mesure qu'il s'étouffait entre deux cris de rage… Un état de détresse aussi violent qu'instable, qui plus il y pensait, plus le laissait gésir entre les bras d'un nouveau désespoir. Seigneur… il devait se calmer. Il devait se calmer. Il devait se calmer ! Mais quoi qu'il fasse, cette rengaine l'obsédait ; la seule qu'il n'aurait jamais cru devoir un jour endurer… la seule qui n'aurait jamais cru voir se réaliser.

Car oui… il ne pouvait plus le nier. Ils étaient coincés. Eux, les plus puissants Sorciers ayant jamais existé, étaient coincés ! Coincés ! Coincés ! Coincés sur une île…

Coincés sur cette île.
Coincés sur cette île.
Coincés sur cette île.

Non… non, cela ne pouvait arriver. Cela ne pouvait arriver ! Ils ne pouvaient être coincés ! Ils ne pouvaient être coincés ! Et pourtant, leur sort semblait déjà scellé.

- Il doit bien y avoir un moyen de…

- Non.

- Ne serait-ce qu'avec…

- Non !

- Bon Dieu, laisse-moi parler ! S'écria-t-il enragé.

Se mordant la joue pour ne pas répliquer, Connor gronda les dents serrées.

- Autant pour moi. Grinça-t-il agacé. Continue…

- Et si jamais on…

- Encore non !

- Bon sang Connor ! Fait un effort ! S'exclama Voldemort.

Soupirant franchement face aux cris du Mage Noir, Connor se raidit dans une grimace. La centième depuis que lui et Hermione étaient revenue de leur… « escapade ». Pourtant, la journée commençait bien ! Très bien même ! Le soleil brillait, l'océan rayonnait, les oiseaux chantaient, le rhum embaumait… tout était parfait ! Jusqu'à ce qu'un Mage en furie ne débarque sur la plage, ne le sorte de son hamac et ne l'assiège de sa hargne…

- Au cas où tu l'aurais pas remarqué camarade, j'suis déjà à fond là ! Rétorqua-t-il.

- Connor…

- J'te l'ai déjà dit ! Personne peut quitter cette île !

Et encore, c'était un euphémisme ! Car l'île ne choisissait pas seulement de les garder en otage ! Non… elle s'assurait également que personne ne puisse jamais amarrer quoi que ce soit sur cette plage. Qu'il s'agisse de barque, de bateaux, d'épave ou d'un simple radeau, rien ne réussissait à franchir sa barrière de coraux… rien ne survivait aux courants assassins des flots… et rien ne parvenait à déjouer son insupportable complot. Un état de fait auquel il s'était résigné mais que Voldemort en revanche peinait à accepter.

- C'est comme ça… Soupira-t-il. L'île te sauve du naufrage mais te garde en otage ! Faut t'y faire !

Au bord de la crise de nerf, Voldemort sentit ses dents grincer sous l'étau d'une nouvelle colère. Par tous les Dieux… il savait que leur incapacité à invoquer un navire était mauvaise signe, que cette magie était imprévisible et que tout présageait qu'ils ne pourraient pas quitter cette île sans en payer le prix… mais de là à ce que Connor lui dise qu'il était vain de vouloir fuir ? Et qu'il devait simplement… s'y faire ? S'y faire ?! Seigneur, qu'est-ce que cela signifiait ?! Qu'il devait accepter leur défaire ? Se résigner dans l'éclat d'une soumission muette ? Renier son peuple, son royaume, la guerre et l'essence même de leur quête ? Tout cela parce qu'une île magique s'était mise en tête de les faire sienne ?! Non… non, il n'y pouvait l'accepter ! Il ne pouvait s'y faire ! Il ne pouvait le tolérer ! Et pourtant, c'est le regard sombre et la figure cernée que Connor le jaugea d'un air agacé…

- Je n'y crois pas… siffla-t-il enragé. Je n'y crois pas !

- Tu l'as déjà dit…

- Non Connor, tu ne comprends pas…

- Oh si… tu veux rentrez chez toi.

Si seulement c'était aussi simple que ça…

- Je le dois !

- Pourquoi ?!

- Parce que mon pays est en guerre ! S'écria-t-il à bout de souffle. Que mon trône est menacé par une bande de barbares, que mon peuple se fait décimer et que mes hommes comptent sur moi !

Haussant un sourcil surpris, Connor grimaça devant l'horreur de ses cris. Oui… dit ainsi, il était vrai que leur situation ne semblait pas optimiste. Mais que pouvait-il y faire ? Le vœu du capitaine ne pouvait être trahi… et ce peu importe qui s'échouaient sur cette île. Etait-ce cruel ? Sadique ? Malin ? Ou profondément diabolique ? Connor n'aurait su dire ; mais ce qu'il savait en revanche était qu'aucun espoir ne valait de perdre la vie… en particulier quand leur principal geôlier se nommait Marise.

- Il y a forcément un moyen… Gronda-t-il sans le regarder. Il y a forcément un moyen !

- Désolé camarade, mais tu te berces d'illusions. Y en a aucun…

- Je refuse de l'accepter !

- C'est pas comme si t'avais le choix !

- On a toujours le…

- Aïe ! S'exclama brusquement le petit.

Grimaçant violemment, Connor se tordit le cou dans un jappement, les sourcils froncés à mesure qu'Hermione s'évertuait à lui tenir le front.

- Arrête de bouger… gronda-t-elle dans son dos.

- Mais tu tires trop fort !

Assis contre elle, Connor se tortilla sur lui-même, la figure contrariée à mesure que la peau de son front s'étirait sous les assauts énergiques de son peigne… Incapable de tenir en place, il ne cessait de virer, gronder, soupirer et se retourner, son petit corps tressautant un peu plus chaque fois qu'Hermione s'acharnait à démêler la tignasse qui ornait sa tête ; une scène face à laquelle Voldemort ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel... Seigneur, il était maudit. Maudit ! Et pour cause ! Comme si tirer les vers du nez de ce petit démon n'était pas assez épuisant, il fallait qu'Hermione se soit attribuée la plus étrange des missions… prendre soin de cet insupportable garnement.

- Je suis désolée mon ange mais tu as plus de nœuds que de cheveux… Souffla-t-elle du bout des lèvres. Et presque plus de brindilles que de nœuds.

Et encore… à ce stade aucun mot n'aurait été en mesure de décrire le désastre capillaire qu'elle avait découvert sous son bandana ! Un désastre face auquel Narcissa elle-même aurait fait une crise cardiaque ! Agglutiné les uns aux autres dans une étrange mélasse de rhum et de sable, ses cheveux ne ressemblaient plus qu'à un enchevêtrement d'écorces, de feuilles d'arbre et de morceaux d'algues. Toujours aussi indomptables après déjà plus de deux heures de dur labeur, c'est à peine si la jeune femme parvenait à délier ses longueurs alors réduites à un amas de deadlocks pétrifiés par la chaleur ! Non pas que cela soit très surprenant après des années de manque d'hygiène, de sel et de soleil… Et pourtant, jamais elle n'avait tant désespéré devant la rudesse d'une telle crinière. Que dire ! Devant l'ardeur d'une telle quête ! Un combat aux allures de véritable guerre, dans laquelle elle n'était armée que d'un misérable peigne… et qu'elle n'avait d'autre choix que de mener sous les cris incessants de son Maître.

- Hermione… Soupira-t-il dépassé.

- Hum ?

- Est-ce vraiment nécessaire ?

Ahurit, la jeune femme manqua de s'étouffer devant l'absurdité d'un tel commentaire. Nécessaire… par tous les diables, un peu que c'était nécessaire ! Pour preuve, ses cheveux étaient pétrifiés par le sel ! Sans parler de tous les débris qui ornait sa tête ! Qu'aurait-elle du faire ? Le laisser dans cet état ? Sans le moindre soin, bain ou nettoyage ? Alors même qu'elle venait tout juste d'ôter les restes d'un nid d'oiseau de son crâne ?! Non… elle ne pouvait pas.

- Bien sûr ! S'écria-t-elle. Il a plus de boue que de cheveux sur la tête !

- Et alors ?!

- Et alors ?! Répéta-t-elle.

N'osant pas répliquer face au regard outré de son Initiée, Voldemort se massa le front d'un air affligé, ses tempes bourdonnants sous l'étau d'une nouvelle migraine enflammée. Un geste tout aussi affligé que profondément épuisé, que la jeune femme ne put s'empêcher de contempler la gorge serrée. Certes les circonstances n'étaient pas idéales… elle ne pouvait le nier. Et oui, sa soudaine lubie n'était qu'un prétexte pour ne pas avoir penser à leur nouveau statut d'otage sur une île abandonnée… mais avait-elle d'autre choix ? D'autre échappatoire ? D'autre moyen de faire face ? Elle ne savait pas… bien sûr, elle aurait pu hurler. Paniquer. Imiter son Maître et arpenter le rivage d'un pas enragé ! Mais à quoi bon ? Ils avaient déjà tout essayé ; les prières, leurs magies, les invocations de l'île… rien n'avait marché. Des échecs à répétition qui ajouté leur cruel manque de compréhension, n'étaient parvenus qu'à plonger son Maître dans la plus effroyable des consternations. Aussi, c'est le cœur lourd et le corps engourdi qu'Hermione s'évertuait à se distraire l'esprit… Bien entendu, leur petite idylle au milieu du bassin fleuri aurait dû suffire à la ravir. Que dire ! A la transir de bonheur pour les semaines à venir et à effacer l'effroi de cette nouvelle tragédie ! Mais une fois encore, ce qui était arrivé entre eux n'était que les prémices d'une plus grande problématique… la seule qui arrivait presque à supplanter leur captivité sur l'île : leur avenir. Et pour cause ! Qu'allaient-ils devenir ? Formaient-ils une sorte de couple ? Etaient-ils justes amants ? Leurs ébats et aveux passionnés allaient-ils altérer leur relation ? Et si oui, comment ? De quelle façon ? Elle ne savait pas… à vrai dire, elle ne savait rien ! Non pas qu'ils aient eu l'occasion d'en discuter après qu'ils aient quitté leur banc en marbre… mais rien n'aurait su apaiser les tourments qui lui retournaient l'âme. Si… une chose : Connor et le mystère de son bandana. Un mystère pour le moins effarant – pour ne pas dire profondément inquiétant – qui comme elle l'avait espéré, suffisait à capter les restes de son attention.

- J'aimais bien ma boue… Grimaça le petit.

- Toi, arrête de bouger !

- Donne-moi du rhum alors !

- Tu as en déjà beaucoup trop bu aujourd'hui, alors arrête un peu de te tortiller et reste tranquille…

Le replaçant convenablement entre ses jambes, Hermione laissa échapper un grondement, les lèvres pincées devant ses grimaces incessantes. Non pas que ses objections soient véritablement surprenantes ; mais ses cheveux étaient dans une telle souffrance… une telle négligence… et une telle pétrification… Par tous les Dieux, c'était aberrant ! A tel point qu'elle ne parvenait même pas à savoir s'il était brun ou blond ! Ou était-il roux ? Non… non, l'une de ses mèches avait été tâché par son ragoût. Un énième constat qui ne manqua pas d'échauffer ses joues tandis qu'elle tentait de dégager ses dreadlocks de son petit cou…

- Mes cheveux étaient très bien comme ça… Bougonna-t-il.

- Désolé de te contredire mais c'est loin d'être le bon adjectif... D'ailleurs, tu pourrais m'expliquer comment tu as fait pour te renverser du miel sur la tête ?!

- Oh ! Ça doit dater de la fois où j'ai percuté une ruche d'abeille !

Abasourdi, Voldemort manqua de s'étouffer devant la scène qui se jouait devant lui. Il devait rêver… il n'y avait pas d'autres explications, il devait rêver !

- Une ruche d'abeille ?! S'horrifia-t-elle.

- Hum hum ! J'voulais accrocher un hamac en haut de mon arbre ! Y avait une vue imprenable, mais la place était déjà prise par les abeilles alors j'ai voulu déplacer leur ruche !

- Et ?

- Et boum… plus de ruche.

- Oh Seigneur… Soupira-t-elle.

Comment en était-il arrivé là ? Comment était-il passé d'une apothéose charnelle avec son Initiée, à cette séance de coiffure improvisée ? D'un moment de pur plaisir, à ce cauchemar insensé ? Voldemort ne savait pas… à croire que les Dieux n'en finiraient jamais de se rire de lui ! Mais ce qu'il savait en revanche, était que ce garnement était leur seule et unique chance de comprendre la magie de cette île… et éventuellement, d'en partir.

- Pourrions-nous oublier cette histoire d'abeilles et revenir au sujet principal s'il vous plaît ? Supplia-t-il désespéré.

- Lequel ?

- Par pitié Connor, concentre toi !

- Mais elle me torture la tête ! Se plaignit-il.

- Hermione !

- Ses cheveux sont couverts de miel ! Rétorqua-t-elle outrée.

Bon sang… ils allaient l'achever.

- De toute façon, je t'ai déjà dit tout ce que je savais… Finit-il par soupirer. Le Capitaine a usé de magie pour s'assurer qu'aucun pirate ne puisse quitter l'île.

- Mais tu nous as dit qu'il les avait endormis !

- Parce que tu crois qu'une sieste magique suffit à retenir une bande de mutin prêts à tout pour s'enfuir ?! S'exclama-t-il.

- Bon dieu… mais nous ne sommes pas des pirates ! S'écria-t-il. Cette magie ne nous concerne pas !

Incapable de se contenir, Connor explosa de rire devant la bêtise d'une telle réplique.

- Ouai bah va dire ça à l'île pour voir ! Je suis sûr qu'elle sera ravie de… Aïe !

- J'ai dit arrête de bouger… Soupira Hermione.

- Mais ça fait mal !

- Il fallait y penser avant de… bon sang Connor, c'est une pince de crabe que je vois ?!

- Une pince de crabe ?! S'étouffa le Mage.

Amusé, le petit haussa les épaules avec désintérêt… A croire que rien de ce qu'ils pourraient trouver ne serait capable de l'inquiéter.

- Possible… Y en a toujours pleins mes hamacs ! Ils sont pas méchants alors je les laisse dormir avec moi…

Par Salazar, leur avenir dépendait donc de ça… d'un enfant dormant avec des crabes.

- Y a rien qui marchera… reprit-il dans une grimace. Vous êtes pas les premiers à vouloir quitter cette île, mais comme j'te le dis, jamais personne a réussi !

- Mais si on invoquait…

- L'île te donnera pas de navire.

- Dans ce cas, on a qu'à le construire !

- Marise l'avalerait tout cru et en recracherait des brindilles ! Rétorqua-t-il.

- Alors on a qu'à…

- Bataille pas camarade ! C'est impossible j'te dis…

Non… non, il ne pouvait pas le croire. Il ne pouvait pas le croire !

- Il y a forcément un moyen !

- Ma parole, t'es sourd… Soupira-t-il. La route de l'Autre Versant n'est qu'un allé simple ! L'île s'en fou que tu sois Mage, Roi ou simple écuyer ! Qui que tu sois, elle te garde avec elle pour l'éternité !

- Connor, ton langage… gronda Hermione.

- Mais c'est vrai ! C'est pour tout le monde pareil ici !

- Non… tonna-t-il durement. Hors de question.

- Camarade…

- J'ai dit non !

Sursautant brusquement sous la violence de son ton, le petit garçon se renfrogna dans un frisson… Le genre que peu d'enfant sentent leur parcourir l'échine, mais qui prostra Connor dans un profond mutisme. Immobile face à un Voldemort transit de colère, son petit corps se recula contre Hermione dans un réflexe instinctif, le regard soudainement baissé devant l'agressivité de ses pupilles carmines. Une agressivité toute aussi brutale que magique, qui ajouté à ses crépitements d'étincelles et cris irascibles, le firent se tétaniser entre deux jappements fébriles.

- Aucune magie ne me retiendra ! Explosa-t-il. Tu entends ?! Aucun vœu ne surpassera mes pouvoirs ! Aucune île ne me gardera en otage !

- Maître !

Outrée, Hermione s'écria dans l'éclat d'un regard cinglant, un Connor désormais tremblant entre ses jambes. Bon sang… ne voyait-il donc pas qu'il ne s'agissait que d'un enfant ?! Qu'il était tout aussi victime qu'eux de ce fléau infâmant ? Et que ces cris ne serviraient qu'à les diviser à cette heure de confusion ? Probablement pas à juger la rage de son regard de sang… mais qu'importe. Elle ne le laisserait pas son orgueil leur coûter leur ultime chance.

- Tempérez-vous ! Tonna-t-elle.

- Bon Dieu, cesse de le materner ! Claqua-t-il excédé.

- Et vous, cessez de hurler !

Cesser de hurler… cessez de hurler ?! Ahurit, Voldemort s'entendit gronder entre ses dents, ses poings crépitant plus que jamais à mesure qu'il les couvrait de son regard flamboyant. Seigneur… était-il donc le seul à voir la précarité de leur situation ? La dangerosité de ces odieuses prémonitions ? Et l'horreur de toutes ces insinuations ?! Ils étaient coincés ! Coincés ! Or, ils ne l'étaient pas sur n'importe quelle île perdue au milieu du Pacifique ! Non… cela aurait été trop beau ! Mais sur une île perdue aux confins de l'Autre Versant… autrement dit, dans l'équivalent d'un autre Monde que seul les bannis pouvaient atteindre au prix de leur sang ! Et il devait se tempérer ? Se calmer ? Faire comme si ses hommes n'étaient pas en train de se faire massacrer ? Et son royaume piller ?!

- Nous sommes coincés Hermione… siffla-t-il horrifié. Coincés !

- Je sais ! Mais le petit n'y est pour rien alors cessez de vous emporter !

- Mais…

- Si tu te crois plus malin que la centaine de naufragé qui y sont passés avant toi, libre à toi camarade… Souffla brusquement Connor d'une voix plus grave. J'te conseil juste de pas te faire trop de faux espoirs.

De faux espoirs…

Mal à l'aise, Voldemort grimaça devant son tremblement de lèvre… un petit sursaut tout aussi léger que fugace, dont la peur latente ne parvînt qu'à étouffer la lueur de son regard acerbe. Par Salazar… il perdait pied. Gagné par la folie de leur captivité, sa rage s'embrasait, ses pensées se délitaient, ses poings s'enflammaient et son esprit lui échappait ! Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Jamais il n'avait connu telle humiliation… un tel acharnement… que dire ! Un tel déferlement de malédiction ! A croire qu'il ne pourrait jamais trouver la moindre sphère sans voir les contours de sa réalité s'effacer… et qu'il était condamné à voir le sens même de son existence lui être arraché… Aussi, c'est tout aussi las que profondément mortifié que le Mage Noir passa une main sur son visage défait. Incapable de s'apaiser, son ventre se noua d'une nouvelle nausée, le laissant alors muet face au regard de son Initiée. Un regard sévère, dur et contrarié ; mais également emplit de toutes les vérités qu'il ne voulait pas écouter… Avait-il tort de s'obstiner ? De hurler ? De s'acharner ? Et d'assiéger un enfant qui n'avait rien demandé ? Il ne voulait pas se le demander. Un déni peu élégant, il en convenait… mais symbole de l'épuisement qui l'accablait. Oui… il était éreinté ; usé, dépassé… Y aurait-il une fin à ces épreuves insensées ? A ces douleurs et tortures effrénées ? Il l'espérait… mais n'était même plus certain de savoir contre quoi ou qui il se battait. Les Dieux ? Le Destin ? L'île ? Ou l'essence même de la magie ?! Allez savoir… ils s'étaient tous ligués contre lui.

C'est donc sans rien ajouter que Voldemort s'assit entre deux soupirs épuisés. Affligé, il sentit son esprit vrombir sous l'étau de sa migraine, le laissant alors gésir sur sa racine, le cœur lourd et l'âme en peine. Perdu sur les couleurs du ciel, son regard divagua, sa mâchoire trembla et son souffle haleta, symbole de la douleur de son effroi… mais aussi de tout ce qu'il ne comprenait pas. Un instant silencieux, triste et étonnement malheureux, dont l'écho latent assourdis leurs tympans d'une clameur insidieuse.

- T'en fais pas camarade… souffla Connor du bout des lèvres. Ça s'arrangera.

S'arranger ? Oui, il l'espérait. Car dans le contraire… eh bien… il peinait à l'imaginer.

- Tu crois ça ? Dit-il sans le regarder.

- Bien sûr ! T'es un solide gaillard ! Tu t'en remettras !

Possible… ou il finirait par dormir avec des crabes.

- Au fait ! J'peux t'appeler Vlad ? Demanda-t-il brusquement.

Décontenancé par la soudaineté d'une telle demande, Voldemort sentit ses yeux s'écarquiller dans un frisson. Qu'avait-il dit ?!

- Pardon ?!

- Vlad ? Répéta-t-il. C'est joli non ?! C'est mieux que « Valdormort » !

Vacillant dans sa propre surprise, Hermione en lâcha son peigne et ses huiles, bouche bée devant le suicide d'une telle réplique ; avant de ne voir son Maître se décomposer lentement devant lui…

- Qu… quoi ?! S'étouffa-t-il.

- Bah oui !

- Mais… non !

- Pourquoi ?! Demanda-t-il.

- C'est Voldemort ! Tonna-t-il avec force.

- Mais c'est moche !

- Connor ! S'exclama Hermione.

- Bon d'accord, c'est pas moche… mais c'est trop compliqué ! J'arrive pas à le dire ! Se plaignit-il.

- Ce n'est pas mon problème !

Ne sachant plus où regarder, la jeune femme balbutia devant cette joute endiablée. Bon sang… ils le faisaient exprès !

- Maître !

- C'est lui qui a commencé ! S'écria-t-il outré.

- C'est pas vrai ! Rétorqua-t-il.

- Connor…

- Voldy alors ?

Par Morgane… il devait rêver ! Ils venaient d'apprendre qu'ils étaient coincés sur une île abandonnée et ce gamin voulait l'appeler Voldy ? Voldy ?!

- Non ! S'exclama-t-il ahurit.

- Et Vol tout court ?! C'est mignon Vol ! Ça pourrait être le nom d'un oiseau !

D'un oiseau ?! Mais… par tous les sangs, il était un Mage Noir ! Son nom n'avait pas à être mignon ! Et encore moins s'apparenter à un vulgaire volatile !

- J'ai dit non !

- Mais…

- Pas de surnoms ! S'écria-t-il violemment.

- Maître !

Se mordant la langue sous le regard incendiant de son Initiée, Voldemort serra les poings dans un grondement excédé.

- Pfff… t'es pas sympa camarade…

Contrarié, Connor se renfrogna dans un nouveau soupir, son petit nez se tordant d'un air triste. Une ultime réaction face à laquelle Voldemort sentit sa mâchoire frémir… Bon Dieu, il n'en finirait donc jamais de ses sottises ?! De ses plaintes et demandes infantiles ?! Il était Seigneur des Ténèbres ! Il n'avait pas à être « sympa » ! Tolérant ! Ou ne serait-ce qu'un tant soit peu agréable ! Mais Hermione le jaugeait déjà d'un regard noir… le genre de regard qu'il aurait habituellement ignoré, mais qui ne parvînt qu'à le faire douloureusement grimacer ; en particulier quand le souvenir de leur conversation revînt le hanter. « Il faut communiquer avec lui ; lui parler, s'intéresser à lui, à ce qu'il aime faire et à ses ressentis... ».

Être gentil… Être gentil… Être gentil…

Bon sang, il n'avait pas envie d'être gentil ! Et encore moins après avoir appris qu'ils étaient retenus par la magie perfide de cette maudite île ! Mais il s'était engagé à créer un lien avec cet insupportable petit démon… et ne pourrait le faire entre deux hurlements.

Être gentil… Être gentil… Être gentil…

Existait-il plus niais ? Futile ? Et puéril ?! Il en doutait sincèrement... mais savait que leur avenir dépendait de leur confiance, de leur capacité d'adaptation et de communication. Or, il ne pouvait le nier… son capital sympathie n'avait jamais été leur plus grand allié. Aussi, c'est la rage au sang que Voldemort grinça des dents, le souffle court à mesure qu'il tentait de faire taire la hargne de ses grondements.

Être gentil… Être gentil… Être gentil…

Oui… oui, il pouvait être gentil. Il pouvait y arriver ! Il pouvait le traiter avec douceur et respect ! Arrêter de crier et ne voir en lui que l'enfant immature qu'il était ! Mais pour cela il devrait faire preuve de « flexibilité » … une notion qu'il se savait loin de maîtriser et dont le seul prix lui donna une soudaine nausée. Seigneur… qu'avait-il fait pour en arriver là ? Pour devoir s'abaisser à ça ? Pour que son sort dépende de l'opinion d'un enfant à son égard ? Et qu'il doive trahir jusqu'au plus sacré de ses serments pour espérer prendre le large ?! Il ne savait pas… mais savait d'ores et déjà qu'il n'avait pas le choix. Il avait besoin de Connor. Il avait besoin de son savoir ! Il avait besoin de ses repères, ses légendes et son courage ! Il... il avait besoin de lui pour rentrer à Poudlard... mais ne pourrait jamais y parvenir si leurs seules conversations se résumaient à un silence de plomb entre deux joutes verbales. C'est donc animé d'un nouveau souffle que le Mage se redressa, les mains tremblantes à mesure que se profilait devant lui le plus gros revirement de son histoire... le jour où il laisserait un enfant jouir du plus indécent des pouvoirs.

- Tom.

Un silence.
Une éternité.
Avant que Connor ne tourne la tête… et qu'Hermione ne se sente vaciller.

- Quoi ? Dit Connor sans comprendre.

- Si Voldemort est trop dur à prononcer, tu… tu peux m'appeler… Tom.

Ebranlée, Hermione sentit son corps se pétrifier dans un hoquet stupéfié… Par tous les Dieux, elle devait rêver. Et pourtant, jamais elle ne l'avait vu un tel regard l'habiter ; jamais elle ne l'avait vu si résigné... et jamais elle ne l'avait entendu prononcer le nom que tous-devaient-oublier.

- Tom ? Répéta-t-il surpris.

Grimaçant plus violemment qu'il ne l'aurait voulu, Voldemort sentit son échine s'hérisser à l'écho de ce nom déchu. Par Salazar… plus de cinquante ans qu'il ne l'avait pas entendu. Plus de cinquante ans qu'il ne l'avait pas prononcé… plus de cinquante ans de luttes et crimes acharnés, dans le seul but de voir disparaître jusqu'à la dernière de ses sonorités ! Tout ça pour finalement céder face à la plainte d'un enfant trop jeune pour prononcer le nom pour lequel il avait tant œuvré… A croire que cette quête lui aurait tout coûté.

- Oui… grinça-t-il livide.

- Pourquoi ?!

Il ne voulait pas le dire. Il ne voulait pas le dire ! Et pour cause… jamais il n'avait autant eu l'impression de se trahir.

- Parce que c'est mon…

Non… ça ne l'était pas. Ça ne l'était plus !

- Ça a été… mon prénom.

- Pour vrai ?

- Oui… pour vrai.

- Mais alors, pourquoi tu te fais appeler Voldor…

- Voldemort. Rectifia-t-il les dents serrés. Et oui, j'ai… j'ai cessé de l'utiliser depuis longtemps.

- Pourquoi ?

- Parce qu'il… me déplaisait profondément. Et que je… je ne voulais plus jamais l'entendre.

Impressionné, Connor le détailla de ses yeux écarquillés. Nul doute qu'il ne s'était pas attendu à un tel élan de sincérité… un élan pour le moins déconcertant, qu'Hermione ne put s'empêcher de détailler en silence. Incapable de respirer, cette dernière avait lâché son peigne dans un sursaut étouffé, le cœur renversé par une démarche aussi spontanée. Que faisait-il ? Pourquoi trahissait-il le plus cher vœu de sa vie ? Elle n'aurait su dire… mais ne put que rester muette devant ce discours historique.

- Pardon camarade… mais pourquoi tu voulais plus l'entendre ?! Demanda-t-il curieux.

- Eh bien, il… il appartenait à mon père. Avoua-t-il du bout lèvre. Et…

Peinant à respirer sous l'afflux de haine que lui inspira la seule évocation de son paternel, Voldemort détourna le regard dans un grondement amère…

- Et j'exécrais cet homme…

Le souffle court, une nouvelle fièvre colora ses joues, symbole de toute la difficulté qu'il avait d'en parler sans vomir la honte qui le consumait. Par Merlin… depuis combien de temps n'avait-il pas parlé de lui ? De cet homme, au sang aussi vil qu'inutile ? De son géniteur, dont le plus grand exploit avait été de prendre la fuite ? Et dont le seul cadeau avait été de mourir ? Il ne savait pas… mais sût au trémolo de sa voix, qu'il ne pourrait jamais chasser la douleur qu'il avait inscrit dans son âme.

- Alors… et afin de ne jamais plus être lié à lui…

Et à l'infâme sang de moldu qui coulait dans ses veines…

- J'ai décidé d'éradiquer son nom de l'histoire.

Et de le tuer de ses propres mains…

- Et de me rebaptiser moi-même Lord Voldemort... Finit-il par dire.

Troublé, Connor le détailla sans répliquer, laissant alors un étrange silence s'installer. Loin de son habituelle curiosité, il rester là… prostré contre une Hermione à l'air hagard… silencieux devant la peine de son regard… et émut par la sincérité de son histoire. Une histoire étonnement similaire à la sienne, qui raviva une étrange douleur dans le fond de ses prunelles.

- Je comprends… Souffla-t-il brusquement.

- Tu comprends ?!

- Oui, enfin… j'ai jamais été nommé par mes parents mais… vu qu'ils m'ont abandonné, j'imagine que j'aimerais pas porter leurs prénoms.

C'était vrai… lui aussi était orphelin. Lui aussi avait été laissé sans rien. Lui aussi avait été jeté entre les bras du Destin. Une vérité que Voldemort avait presque oubliée, mais qui ne parvînt qu'à le frapper devant l'éclat de ses pupilles bleutées. Et pour cause… il connaissait ce regard. Un regard las, défait et douloureux. Un regard teinté de doute, de questions et d'espoirs hasardeux. Un regard que tous les orphelins portaient en eux… et qui s'accompagnait généralement de vêtements troués et de vies miséreuses. A croire qu'ils étaient tous destinés à porter le poids de ce fardeau mille fois trop onéreux, et à vivre dans l'ombre de leurs naissances honteuses...

- Désolé de… de t'avoir crié dessus… Souffla-t-il d'une voix basse.

Surpris, Connor le vit esquisser un sourire d'excuse… le premier qu'il vit sur son visage.

- Désolé d'avoir insisté pour te trouver un surnom. Répondit-il.

Emue devant une telle scène, Hermione peina à contenir ses larmes, les mains tremblantes à mesure qu'elle s'évertuait à rester de marbre. Mais comment aurait-elle pu ? Jamais elle n'avait vu son Maître faire preuve d'une telle sincérité… s'ouvrir à un autre qu'elle ou simplement évoquer son passé. Une première pour le moins inattendue qui ne manqua de lui troubler la vue.

- Ecoute camarade, je comprends que tu veuilles partir… Déclara-t-il brusquement. Et j'te jure que j'aimerais qu'il y ait une solution ! Mais rien n'a jamais marché jusqu'à présent...

- On en trouvera une. Dit-il avec conviction.

- Tu crois ?

- Oui… je n'en doute pas. Mais nous aurons besoin de ton aide pour ça…

- Je ferais de mon mieux ! Mais je te le répète… rien surpasse le vœu du capitaine.

Rien ne surpasse le vœu du capitaine…
Rien ne surpasse le vœu du capitaine…
Rien ne surpasse le vœu du capitaine…

Intrigué, Voldemort sentit son esprit s'agiter autour de ces mots. Des mots simples, sans surprise ni nouveauté, qui sans qu'il ne comprenne pourquoi, se mirent à résonner entre ses pensées.

Rien ne surpasse le vœu du capitaine…
Rien ne surpasse le vœu du capitaine…
Rien ne surpasse le vœu du capitaine…

Peut-être n'avait-il pas besoin de le surpasser ? Peut-être n'avait-il même pas besoin de lutter ? Peut-être que la réponse qu'il cherchait, se trouvait tout simplement là où leur problème était né…

- Où as-tu dit qu'il était ? Demanda-t-il brusquement

- Qui donc ?

- Le capitaine…

Surpris, Connor fut pris d'une hésitation, incertain quant à la réponse qu'il espérait entendre… incertain mais aussi brusquement méfiant.

- J'te l'ai dit… il a demandé à l'île de l'endormir avec ses hommes.

- Mais où sont-ils tous endormis ?

Bien moins à l'aise, Voldemort vit le petit se ronger la lèvre dans un tremblement inquiet. Le genre qu'Hermione ne remarqua pas, mais qui raviva la flamme de son regard.

- Dans leurs navires… Souffla-t-il.

- Alors ils sont sur l'île ?

- Oui… du moins selon la légende. Mais j'ai exploré toute l'île et j'en ai jamais trouvé un ! Alors allez-savoir où ils sont aujourd'hui…

Oui… c'était ça. Les navires, les pirates, le capitaine, la magie… toutes les réponses à leurs questions se trouvaient ici ! Sur l'île ! Et se faisant, ils avaient une chance de partir ; car il n'avait pas besoin de surpasser le vœu du Capitaine, de combattre la magie ou de s'acharner dans le vide ! Non… il avait seulement besoin que son auteur le révoque pour lui.

- Heu… Maître ? Paniqua Hermione dans son dos.

- Hum ?

- Je crois que nous avons un autre problème…

Lui faisant face en un quart de seconde, Voldemort se redressa brusquement à la vue de ses tremblements. Comme si le ciel lui était tombé sur la tête, il la vit se figer les mains en l'air, les pupilles rétrécit sur les contours de son peigne. Une réaction tout aussi troublante que profondément inquiétante, qui n'eut à ses yeux pas beaucoup de sens… mais qui – et Hermione le savait – ne tarderait pas à causer de nouveaux hurlements…

- Il a des poux…


Hello tout le monde ! Désolé de publier à une heure si tardive, j'ai dû faire quelques corrections de dernières minutes ! ^^'

En tout cas, j'espère que ce chapitre vous aura plu ! Voldemort s'adoucit de plus en plus, Connor est prêt à les aider et mis à part quelques poux (qui risque d'en faire paniquer un en particulier) il semblerait qu'ils soient tous prêts à s'allier ! Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Arriveront-ils à percer le mystère de cette île ? Et à trouver un moyen de partir ?! Les réponses ne tarderont pas à venir ;)

Sur ce, je vous dit à très vite !

Bizzzeeeeeeeeeeee