Inspirant à pleins poumons les embruns qui lui fouettaient délicatement le visage, Hermione esquissa un sourire devant les remous tranquilles des vagues. Confortablement installée sur un immense tapis qu'elle avait elle-même invoqué, elle n'avait pas bougé depuis… depuis quand déjà ? Elle ne savait pas… et en toute honnêteté, ne voulait pas le savoir. Allongée sur le rivage, elle avait perdu la notion du temps devant la clarté flamboyante de l'horizon, laissant alors son esprit s'engourdir au rythme des chants langoureux de l'Océan… Des chant doux, légers et mélodieux, qui sans qu'elle ne puisse lutter, s'étaient mise à la bercer de leurs vents salés et écumes gracieuses. Oui… Incapable de résister, de lutter ou de se concentrer face à la quiétude de cette plage dorée, elle s'était surprise à tout oublier, son corps frissonnant un peu plus à chaque fois qu'elle enfouissait ses pieds sous la tiédeur salvatrice du sable qui l'entourait… Comme si l'Univers lui-même s'était endormi avec elle, son regard s'était étourdi sous la profondeur du ciel, son souffle s'était tari face aux couleurs miroitantes de la mer et son cœur avait frémit sous les caresses envieuses du soleil… Un bref instant de calme et de repos, qui agrémenté des légers clapotis de l'eau et de l'odeur du sel sur sa peau, suffisait à la ravir au-delà de tout mot. Seigneur, depuis quand n'avait-elle pas fait ça ? Depuis quand ne s'était-elle pas allongée sur un coin de plage, le regard perdu sur le reflet des vagues ? Depuis quand n'avait-elle pas éteint son esprit, son âme flottant entre les bras d'une légère brise ? Là encore elle n'aurait su dire… mais n'en eut que faire ; jusqu'à ce qu'elle ne se sente doucement frissonner au contact d'une peau glacée contre la sienne. Une peau humide, douce et légère… une peau au teint halée et contours célestes… la seule qu'elle avait mille fois parcouru de ses lèvres, et qui luisant sous une myriade de perles de sel, la fit rougir dans l'écho de son souvenir charnel. A croire que cet instant n'aurait pas pu être plus parfait…
Car oui… Son Maître était là lui aussi.
Baigné de lumière, elle vit son corps se deviner lentement devant ses prunelles, laissant alors ses courbes de statue grecque rayonner délicatement sous l'éclat du soleil… Couvert d'eau, de sable et de sel, il s'était étendu contre elle dans un soupir d'aise, ses muscles saillants frissonnant légèrement à mesure que son visage ruisselait sous les gouttes de ses boucles ébènes. Quelque peu essoufflé après plusieurs heures de baignade endiablée, il s'était s'étiré de tout son long, sa poitrine se soulevant gracieusement au rythme de ses profondes inspirations. Pourtant et contrairement à cette fausse impression de détente, Hermione le savait. Il était exténué… et encore, elle n'était pas certaine qu'il existe de mots capables de dépeindre la fatigue qui l'accablait. Aussi, c'est sans surprise qu'elle vit sa figure grimacer, les veines de ses bras palpiter furieusement sous sa peau halée et ses tempes frissonner dans l'écho d'un tremblement étouffé. Epuisé après des jours de randonnées sur des sentiers escarpés, ses genoux étaient esquintés, ses mains éraflées, ses traits tirés et ses yeux profondément cernés… Un état de fatigue tout aussi frappant qu'incontestablement prévisible, face auquel la jeune femme ne put s'empêcher d'échapper un soupir. Grand Dieu… depuis quand ne s'était-il pas reposé ? Depuis quand ne s'était-il pas allongé tout comme elle, l'âme en paix et le cœur léger ? Le connaissant, probablement des années… pourtant, elle le savait ; cette fatigue-là n'avait rien de comparable avec ce qu'ils avaient déjà éprouvé. Et pour cause ! Jamais encore il n'avait passé des heures à gravir talus, ravins et rochers. Jamais encore il n'avait passé ses journées à sillonner, explorer et cartographier des centaines d'hectares de forêts. Et jamais encore il n'avait arpenté une île à la recherche de navires abandonnés…
Une quête qui loin d'être anodine, avait suffi à transcender la puissance de son implacable immortalité pour le laisser gésir sur leur tapis, le souffle court et l'esprit engourdit. Non pas que cela soit très surprenant ; en particulier après plus de six jours de complète stagnation… Car oui. Cela faisait désormais plus de six jours que Connor et lui s'étaient donnés pour mission de trouver ces navires.
Six jours de recherches et d'explorations.
Six jours d'enquêtes et de questions.
Six jours qui s'étaient écoulés en une poignée de secondes…
Mais également six jours d'échec et de profonde consternation...
Seigneur… six jours. Six jours. Six jours !
Ce n'était presque rien ! Et pourtant… tant de choses étaient arrivées en si peu de temps ; tant de peines, de découvertes, de joies et de désillusions. Jamais en toute une vie Hermione n'aurait pensé vivre de tels ouragans… essuyer de tels fléaux et ressentir cet indescriptible enchevêtrement d'émotions ! A croire les Dieux avaient fait de leurs tourments un véritable passe-temps… Pourtant et contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la jeune femme ne parvenait pas à regretter une seule des épreuves qu'ils avaient endurées. Ni leur voyage, leurs dérives, la perte de sa jambe ou encore leur manque de navire… Non, aucune. Car aussi épuisantes, troublantes et harassantes soient-elles, chacune d'elles l'avait mené ici. Sur cette plage. Avec son lui. Son Maître… Un Maître qui plus elle le contemplait, plus se laissait gagner par la tiédeur réconfortante du soleil qui les couvaient. Aussi, sans rien dire qu'elle regarda ses paupières se clore entre deux battements de cils, son corps se délasser dans un profond soupir et son souffle lentement tarir… avant que sa grimace ne s'apaise sous la douceur de la brise et que ses lèvres ne s'ourlent d'un léger sourire. S'était-il endormi ? Elle le crut ; jusqu'à ses bras ne l'enserrent tendrement de leur poigne possessive… que ses mains ne la couvent de leurs caresses lascives... et que l'écho de sa voix ne la fasse doucement frémir.
- Marise était une vraie teigne aujourd'hui…
Esquissant un sourire, Hermione se mordit la langue pour ne pas rire… car si ses disputes avec Connor étaient on ne peut plus comique, sa guerre imaginaire avec Marise – la geôlière de l'île – avait tout de la plus risible des comédies.
- Laissez-moi deviner… ses courants ne vous ont pas laissé aller au large ?
- Pire que ça. Souffla-t-il. Elle ne m'a même pas laissé dépasser le banc de corail…
- Tant qu'elle ne vous envoie pas ses monstres des mers… ironisa-t-elle.
- Aucune chance… Connor m'a dit, et je cite : « qu'elle les tiens en laisse depuis la disparition des pirates ». J'ignore si la métaphore est adéquate mais ce n'est pas plus mal !
Encore heureux d'ailleurs… il passait tellement d'heure à essayer traverser ses courants, qu'elle n'imaginait pas le voir affronter une floppée de monstres guidés par la seule main de Poséidon !
- Ne vous ne faîtes pas… Dit-elle face à sa grimace. Je suis certaine que sa colère passera.
C'est ce qu'il avait cru la veille… et l'avant-veille… mais plus le temps passait, plus cette maudite vague s'évertuait à le narguer de son insupportable caractère.
- Non, je ne crois pas… souffla-t-il. Chaque fois que j'essaie de gagner le large, ses courants m'entraînent violemment vers le fond avant de me ramener vers la plage. A croire qu'elle sait que nous projetons un départ…
- C'est fort possible… réfléchit-elle. Elle et sa magie sont étroitement connectées à celle de l'île.
- Elles sont surtout déterminées à ne pas nous laisser partir…
Et elles n'étaient pas les seules… une évidence qui ne manquait pas d'étreindre le cœur de la plus amère des douleurs.
- Connor est rentré des montagnes tout à l'heure. Souffla-t-elle du bout des lèvres.
- Et j'imagine qu'il n'a rien trouvé ?
- Non… rien.
Encore rien…
Une réponse peu surprenante, face à laquelle la jeune femme sentit son cœur se serrer dans l'écho d'un grincement de dent. Bon dieu… avaient-ils raison de s'acharner ? De mettre tous leurs espoirs en leur capacité à trouver ces épaves délabrées ? A croire en la fiabilité d'une bande de pirates condamnés à un sommeil forcé ? Ou devraient-ils chercher un autre moyen de se libérer ? De surpasser le vœu du Capitaine et la magie qui les retenait prisonniers ? Ils ne savaient pas. A vrai dire, ils ne savaient rien…
Encore et toujours rien…
- J'avoue que je commence à douter de notre plan… Murmura-t-elle.
Et non sans rasions ! Après tout, ils ne savaient rien de ces hommes… de leurs honneurs, comportements, vices ou engagements ! Pas plus que de la magie qui les enchaînaient à leurs navire, l'âme en peine et la rage aux tripes ! Et quand bien même, parviendraient-ils à les réveiller ? Et s'ils y arrivaient, seraient-ils prêts à les aider ? Et leur capitaine ? Accepterait-il de révoquer les vœux qui les enchaînaient ? Devraient-ils le payer ? Le menacer ? Le pourrait-t-il seulement ? Ou l'île s'évertuerait-elle à les garder captifs de l'Autre Versant ? Seigneur… tant de questions. Pourtant, aucune d'elles ne comptaient pour l'instant ; car avant de parler rançon, marchandage, exécution ou menace, il leur fallait d'abord trouver l'équipage. Une tâche aux allures banales, qui malgré leurs efforts, semblait elle aussi tourner au naufrage…
- Moi aussi. Avoua Voldemort dans un soupir. Mais nous n'en avons pas d'autres… et nous ne pouvons abandonner.
- Même si nous n'avons encore rien trouvé ?
- Oui… même si nous n'avons encore rien trouvé…
Bien sûr, ils s'en étaient douté… Trouver les ruines de bateaux ensorcelés, avec en leurs bords une bande de pirates prêt à tout pour s'échapper, ne se ferait pas en une journée ! Mais après plus de six jours de recherches acharnées, ils avaient espéré trouver une piste… un indice ou ne serait-ce que quelques prémices de réussite ! Quelque chose capable de leur redonner espoir en leurs chances de trouver le Capitaine et de comprendre sa magie… de révoquer son vœu et d'enfin quitter cette île ! Et pourtant… en dépit de l'aide de Connor, de leur détermination et des légendes de mutineries, aucun d'eux n'était parvenu à localiser un seul de ces navires. A vrai dire, ils n'étaient même pas parvenus à trouver un seul vestige de leurs vies passées sur cette île ! Comment était-ce possible ? Comment n'avaient-ils pu rien trouver en plus de six jours d'explorations ?! D'escalade, de recherches et d'excursions ? De randonnées, de chutes, de douleurs et d'abnégation ? Ils se le demandaient ; durement… anxieusement… et même dangereusement. Car plus ils s'acharnaient, plus le temps passait… et plus le temps passait, plus leurs champs de recherches s'amenuisaient. Une évidence qui commençait peu à peu à les frapper mais qui ne tarderait pas à devenir leur nouvelle réalité… Car ils le savaient ; ils n'auraient bientôt plus rien à explorer. Et pour cause ! Ils avaient tout arpenté ! Tout détaillé, cartographié, vu et exhumé ! Qu'il s'agisse des criques, des rivages, des forêts, des ravins, des grottes, des bosquets, des baies, des montagnes et même des récifs… ils ne leur restaient presque plus rien à repérer ! A tel point qu'ils s'étaient même mis à ramper le long de terriers dans l'espoir de voir un passage secret s'y dissimuler ! Mais ils n'avaient rien trouvé… A croire que les pirates s'étaient eux-mêmes volatilisés dans la brise, ne laissant derrière eux que le mirage de leur fuite impossible… que la malédiction de cette magie perfide et les brides inaudibles de leur mythe comme seule lueur d'espoir dans l'abîme…
Un échec tout aussi cinglant que profondément épuisant, qui plus il perdurait, plus commençait à ébranler les restes de leur confiance…
- Que… que croyez-vous qu'il se passera si… si nous ne les trouvons pas ? Demanda-t-elle sans respirer.
Elle ne voulait pas y penser. A vrai dire, elle ne voulait même pas l'envisager ! Mais ils ne pouvaient plus le nier… car de nouvelles questions devraient bientôt se poser ; celles qu'aucun des deux Sorciers ne voulaient entendre, mais qui ne tarderaient pas à surpasser le déni de leur incommensurable arrogance… celles de leur avenir au sein de l'Autre Versant. Certes l'île était petite, n'avait que peu de reliefs et était rapide à parcourir, mais que feraient-ils quand ils en auraient percé tous les secrets ? Quand ils en connaitraient chaque tournant, chemin, angle et bassin ? Quand ils n'auraient plus rien à attendre de la jungle et que la malédiction du capitaine scellerait leur destin ?! Que feraient-ils de leur quête ? De la guerre ? De la sphère prophétique ? De leurs fidèles ? Et du fléau divin ?! Ils ne savaient pas… et préféraient ne pas le savoir.
- Je l'ignore… mais il nous reste encore quelques chemins à explorer. Qui sait ? Peut-être aurons-nous de la chance ?
De la chance ? Après tout ce qui leur était arrivé ?! Mieux valait ne pas y compter…
- Prions pour que les Dieux vous entendent…
- Vue leurs dernières grâces, je prie pour qu'ils ne m'entendent pas. Grimaça-t-il.
- Vous exagérez…
- Tu crois ?
- Bien sûr. Sourit-elle. Les choses pourraient-être pire...
- Pire ?! S'étouffa-t-il. Hermione tu as perdu ta jambe, la guerre décime notre pays et nous sommes pris en otage sur une île !
Oui… dit ainsi, difficile de faire pire. Mais ils avaient la sphère prophétique, leur magie et les ressources de l'île ! Et plus important encore, ils n'étaient qu'à un navire de leur plus grande réussite.
- Peut-être mais le soleil brille… la plage est magnifique, Connor est déterminé à nous aider et…
Se perdant dans l'abysse de ses pupilles, Hermione se sentit brusquement frémir contre lui. Un bref instant au silence paisible, mélange de frissons et de sourires, qu'elle sentit se graver dans son cœur à l'encre de leur désirs…
- Et ? Demanda-t-il.
Effleurant ses joues de ses doigts, la jeune femme le vit la détailler avec attention, son sourire attendant une réponse. Pourtant, elle ne parvint qu'à rester muette, sa peau frémissant un peu plus à mesure que ses caresses se mirent à descendre sur ses lèvres… à dessiner les contours de son menton… à courir sur sa nuque… et à suivre les lignes de sa clavicule. Un toucher tout aussi léger que langoureux, qui sans qu'elle ne puisse lutter, laissa leurs peaux frissonner dans l'écho d'une transe silencieuse. La même qui les avaient possédés corps et âme dans ce bassin en marbre, et qui ne cessait de tourmenter leurs âmes de son désir insatiable. Seigneur… il était étrange de voir comment ils se comportaient désormais ; non pas que quoi que ce soit semble avoir véritablement changé ! Toujours prompts aux disputes, aux chamailleries, à la compétition, aux taquineries, sourires, œillades complices et réflexions infantiles, leur relation était restée ce qu'elle était : sincère, passionnée, conflictuelle et guidée par le respect mutuel de leurs statuts de Maître et d'Initiée… Néanmoins, ils le savaient ; tout avait changé. Incapable de se détacher l'un de l'autre, leurs regards se faisaient plus prononcés, leurs mains ne cessaient de se chercher, leurs doigts s'entrelaçaient sans parvenir à se lâcher et leurs sourires se répondaient à la dérobée… avant que la solitude de brefs instants n'abrite la passion de leurs baisers… et que l'intimité de leur tente ne laisse leurs corps assouvir les milles désirs de leurs chaires affamées.
Bien sûr, il aurait été idiots de leur part de croire que Connor ne devinerait rien de leur liaison… pourtant et pour la première fois depuis leur rencontre, le petit ne leur avait posé aucune question. Un silence pour le moins déconcertant, qui ils le savaient, constituait à lui seul la preuve de son étrange clairvoyance… mais quand bien même, qu'auraient-ils pu lui dire ? Il était bien trop jeune pour comprendre la complexité de ce genre de relation ! Et bien trop curieux pour qu'ils ne veuillent attirer son attention ! Aussi, ils se contentaient simplement de jouer l'indifférence, d'éluder les sujets capables d'éveiller ses soupçons et de cacher la frénésie de leurs élans ; un jeu quelque peu dangereux, mais qui étrangement, ne parvenait qu'à exacerber le désir qui battait dans leurs sangs. Un désir toujours plus grand, qui ne tarda pas à engourdir leurs sens…
- Et…
Bon Dieu, elle devait se reprendre !
- Et vous êtes là… murmura-t-elle.
Oui… il était là.
Son Maître. Son Dieu. Son Roi.
Le seul homme qu'elle aimerait jusqu'à son trépas…
Le seul homme qu'elle vénèrerait même dans l'au-delà.
Le seul homme qui quoi qu'il fasse, détiendrait à jamais l'essence de son âme.
- Alors qu'importe cette histoire de pirates… Rien ne compte plus que ça.
Etait-ce idiot de le croire ? De laisser son amour pour lui aliéner son esprit ? Corrompre son bon sens ? Engourdir sa conscience ? Et la transir de romance ? Sûrement… mais que pouvait-elle y faire ? L'amour avait renversé son monde, ne laissant d'elle qu'un corps fiévreux aux pensées vagabondes… qu'un cœur envieux aux frissons furibonds… et qu'une chaire luxurieuse aux désirs ardents. Oui… elle ne pouvait plus nier. Voldemort était l'homme que les Dieux lui avaient destiné. Un ultime coup bas qu'elle n'aurait jamais eu l'audace d'imaginer, mais qui constituait aujourd'hui le plus beau cadeau qu'ils lui avaient jamais donné. Un cadeau qu'elle n'aurait jamais assez d'une vie pour honorer, mais dont elle s'était jurée de savourer chaque instant comme s'il était le dernier… car elle le savait. Ce genre d'amour ne s'éprouvait qu'une fois. Et plus important encore, il ne disparaitrait pas… Peu importe le temps, l'inconstance des sentiments, les mensonges ou les trahisons, il resterait toujours là… tapis dans l'ombre, ses chaînes enlaçant son cœur de la plus imprenable des prisons… et la condamnant alors à la plus odieuse des malédictions… Celle d'un amour dénué de toute raison. Celle d'un amour de feu et de passion. Celle d'un amour dont il n'existait aucune absolution.
Oui... Elle l'avait senti quand sa chaire s'était arquée sous milles frissons, qu'une nouvelle fièvre avait embrasé son sang et que leurs corps s'étaient transit à l'unisson ; ce qu'elle éprouvait pour lui dépassait l'entendement… à vrai dire, cela surpassait le plus basique des raisonnements ! A tel point qu'elle-même ne parvenait pas à en comprendre le sens ! Et pourtant, jamais elle ne s'était aussi peu posée de questions… et pour cause ! Elle avait déjà toutes les réponses. Car oui. Elle, Hermione Granger, le rat de bibliothèque le plus intellectuel de cette ère, la guerrière du trio d'Or, la plus Grande Traîtresse de l'Histoire, l'Initiée du Plus Grand Seigneur des Ténèbres, la Déesse de mort des Sirènes… était devenue l'amante de son Maître. Plus encore ! Ils s'étaient unis sous les murmures de ses innombrables « je t'aime », enivrant alors leurs cœurs d'une ultime promesse ! Celle qu'elle serait à jamais sienne… et que son vœu resterait à jamais éternel…
Etait-ce un crime d'aimer ainsi ? De vénérer un homme tel que lui ? D'oublier son passé, sa cruauté et ses milles tragédies ? De se laisser sombrer dans la plus hérétiques des folies ? Et de n'avoir malgré tout jamais été aussi heureuse de sa vie ? Elle se l'était demandée…mais avait fini par rire. Car qu'importe la décence, la bienséance et le respect des convenances ! Le monde pouvait rire, s'indigner et même la juger, cela n'aurait jamais la moindre importance ! Elle avait enfin trouvé le sens de son existence… et ne laisserait jamais rien la priver de cette chance.
Aussi, c'est sans rien dire que la jeune femme sentit son étreinte se raffermir, leurs peaux frémir et leurs souffles s'alourdir, avant que Voldemort n'esquisse lentement un sourire. Le plus beau qu'elle n'ait jamais vu de sa vie…
- Redis le…
Encore… et toujours.
- Je vous aime.
Et c'est sur ces mots que le Mage l'embrassa… un baiser doux, simple et léger, dont la seule saveur les conquis tous deux d'un bonheur partagé. Oui… en cet instant, rien d'autre ne comptait. Rien à part leur toucher, leurs sourire et les milles promesses que renfermait la chaleur de leur baiser. Aussi, c'est gagnés par la tendresse de leur étreinte que les deux Sorciers se laissèrent lentement sombrer dans les limbes de leur fatigue, leurs corps s'endormant l'un contre l'autre sous la douceur de la brise… Combien de temps restèrent-ils là ? Allongé sur la plage ? Le cœur heureux et les pieds enfouies sous le sable ? Hermione ne sut pas… jusqu'à ce qu'elle ne sente ses doigts se perdre dans ses cheveux et l'écho de sa voix la sortir de sa somnolence silencieuse…
- Tes cheveux ont encore poussé… souffla-t-il.
- Les vôtres aussi.
Les rejetant en arrière d'un coup de poignet, le mage les regarda d'un air distrait… oui, c'était vrai. Bien plus longs qu'à leur départ, ses cheveux avaient gagné une bonne dizaine de centimètres, laissant alors leurs boucles ébènes tomber en cascade de part et d'autre de sa tête. Encore imbibées d'eau de mer, certaines de ses mèches s'étaient même délavées sous la chaleur du soleil, auréolant sa chevelure de jais d'étonnants reflets dont l'éclat miroitait entre deux cristaux de sel. Une image toute aussi somptueuse qu'envoûtante, qui alors qu'elle se mettait à détailler ses traits, suffit à raviver l'émoi de son cœur battant...
- J'aurais mieux fait de les couper quand le petit monstre a eu des poux. Grimaça-t-il.
- Une chance qu'il n'en ait plus dans ce cas.
- Tu n'en es pas sûr…
Roulant des yeux au ciel, la jeune femme soupira entre ses lèvres. Décidément, il n'en finirait jamais…
- Bon Dieu… cette histoire de poux vous rend paranoïaque.
Et encore, c'était peu dire ! Tétanisé à la seule vue des poux rampant sur le crâne du petit, jamais Hermione n'avait vu un tel effroi possédé son Maître. Livide, son visage s'était décomposé d'horreur, ses mains s'étaient mises à trembler sous le joug d'une nouvelle terreur avant que son corps ne se paralyse d'une étrange torpeur. Comme si un nouveau cauchemar venait de le frapper en plein visage, il était resté béat… l'air hagard devant les nœuds grouillant de lentes qui lui faisaient face. Du moins, jusqu'à ce ses pupilles ne s'enflamment d'une nouvelle adrénaline… et que son esprit ne vacille sous l'ardeur d'un élan frénétique. Transcendé, il s'était mis à hurler, paniquer, courir et vaciller, horrifié à la seule idée qu'il puisse à son tour en être infesté… une réaction pour le moins inattendue de la part d'un Seigneur des Ténèbres, qui avait très vite tournée au ridicule ; en particulier quand il s'était donné pour mission d'user de vieux remèdes de « grand-mères » pour déparasiter son cuir chevelu…
- Ce n'est pas vrai ! S'offusqua-t-il.
- Maître… vous lui avez versé un litre d'huile de lavande sur la tête.
- Il fallait bien le débarrasser des lentes !
- Et le massage de crâne au sable ?
Ne trouvant pas quoi répondre, le mage noir se mordit la langue. Oui… dit ainsi, cela semblait quelque peu extrême. Mais ça avait marché ! Du moins, juste assez pour qu'il puisse à nouveau l'approcher sans hurler… et l'attraper par le col pour le donner un bain d'eau salée.
- Je reconnais que ces méthodes étaient un peu… désuètes. Mais elles n'en restaient pas moins nécessaires !
- Nécessaire ?! Répéta-t-elle
- Parfaitement !
- Oh pitié… vous l'avez forcé à se baigner pendant plus de sept heures d'affilées ! Le pauvre petit était tellement épuisé que j'ai dû le border ! Déclara-t-elle outrée.
Soupirant au souvenir de Connor chancelant jusqu'à son hamac, Voldemort laissa échapper une grimace…
- Il est jeune ! Il s'en remettra. Dit-il. Et puis il n'y a rien de mieux que de l'eau de mer pour se débarrasser des poux…
- Maître…
- C'est toi qui m'as interdit de lui raser la tête ! Quel autre choix avais-je ?!
- Un sortilège antiparasitaire ?
- Et prendre le risque que la magie de l'île interfère ? S'étouffa-t-il. Et que je me retrouve moi aussi le crâne grouillant de ces infâme petites bêtes ?! Hors de question !
Explosant de rire devant son air révolté, la jeune femme se redressa dans un sourire amusé.
- Par Merlin, vous êtes immortel ! S'exclama-t-elle. Je doute que quoi ce soit puisse « grouiller » sur votre tête !
- Nous n'en savons rien ! Et puis, tu es mal placée pour me juger…
Haussant un sourcil surpris, Hermione se mordit la joue pour calmer ses nouveaux rires… à croire que cette histoire n'avait pas fini de les suivre.
- Ah vraiment ?
- Bien sûr ! Si tu m'avais laissé le tondre, je n'aurais pas passé des heures à laver la tête de ce petit démon, et toute cette histoire aurait été fini depuis longtemps !
- Il était hors de question que je laisse Connor endurer l'un des plus gros traumatismes de ma petite enfance ! Se défendit-elle.
Et le pire était qu'elle avait lutté bec et ongle pour lui faire entendre raison…
- Bon Dieu Hermione, tu as trouvé une pince de crabe dans ses cheveux… A ce stade, il aurait mieux valu y mettre le feu !
- Ce n'est pas une raison ! Gronda-t-elle. Et puis, il n'aurait jamais été d'accord de toute façon…
Ahurit, Voldemort manqua de s'étouffer entre deux rires. Parce qu'elle croyait qu'il s'était donné la peine de démêler, laver, brosser er récurer la tignasse de cet insupportable garnement par respect pour ses opinions ?
- Et depuis quand demande-t-on l'avis des enfants ?! Demanda-t-il.
- Depuis qu'on ne les éduque plus à coup de bâton !
Pauvre monde… voilà qu'il était à jamais dénué de toute bonne éducation.
- Oui eh bien… la prochaine fois que je vois une lente, soit certaine que j'invoquerais un Feudeymon !
- Continuez ainsi et c'est moi qui vous donnerais un coup de bâton ! Lança-t-elle.
- J'aimerais bien voir ça ! Railla-t-il.
- Il me semblait pourtant que vous aimiez me voir être sauvage…
Bouche bée, Voldemort ne sut plus quoi répliquer devant le double sens d'une insinuation aussi osée, les yeux écarquillés à mesure que son Initiée le couvait de son sourire amusé. Un sourire tout aussi rieur qu'incontestablement moqueur, dont la sincérité et l'étrange promiscuité le frappèrent en plein cœur.
- Je pourrais te prendre aux mots… souffla-t-il du bout des lèvres.
- Moi aussi.
Se perdant l'un l'autre sous les nouvelles intonations de leur silence, les Sorciers se regardèrent avec passion, leurs lèvres s'effleurant un peu plus à mesure que leurs corps se languissaient entre deux frissons. Pourtant et alors qu'ils s'apprêtaient tous deux à céder à l'exigence d'une nouvelle pulsion, à s'égarer sous la tendresse de ce soleil rougeoyant et à s'enivrer de caresses impatientes… un cri assourdit brutalement leurs tympans.
- Hermione !
Sursautant à l'écho de ce nouveau cri endiablé, les sorciers se redressèrent dans un frisson inquiet. Pourtant et quand leur regard se perdirent les vagues, c'est une vision de pur bonheur qui leur ébranla l'âme…
- Oh… le petit démon est de sortie. Grimaça le Mage.
- Maître ! Gronda-t-elle.
- Je suis là ! S'écria Connor.
Barbottant énergiquement à quelques mètres d'eux, le petit garçon leur fit de grands gestes tandis qu'il se mettait en scène. Assis sur le rebord de plage, il s'était jeté à l'eau sans même qu'ils ne l'entendent accourir vers eux, sa nouvelle chevelure tombant gracieusement dans son dos à mesure qu'il leur offrait un sourire radieux. Une chevelure bien plus longue que les sorciers n'aurait pu l'imaginer, et qui après plus d'une dizaine de sortilèges, d'huiles, de soins et de prières acharnées, s'étaient révélée être plus blonde que les blés. Et oui ! Le mystère de son bandana n'en était plus un ! Car derrière ses dreadlocks désordonnées, poux par poignés, pinces de crabe et branches cassées, Connor avait les cheveux longs, blonds et magnifiquement ondulés... Une crinière désormais impeccablement démêlée, dont les odeurs de sels et mèches délavées par le soleil, auréolait son visage de la plus somptueuse des lumières. Une nouvelle apparence quelque peu déconcertante, ils ne pouvaient le nier… mais qui sans qu'ils ne puissent lutter, avait suffi à renverser le cœur des deux sorciers. Et pour cause ! Pour la première fois depuis qu'il le connaissait, il semblait en bonne santé... Certes, il n'en restait pas moins extrêmement petit et frêle ; mais ses joues n'étaient plus égratignées, sa maigreur s'était dissipée, sa tunique était lavée et ses sourires plus vivant que jamais… à tel point que pendant un court instant, ils pourraient presque oublier qu'il était naufragé. Bien sûr, un tel changement l'avait profondément choqué ! En particulier la longueur de ses cheveux qu'il ne cessait de repousser d'un coup de poignet agacé, la figure grimaçant à mesure que ses petites mèches dorées lui effleuraient constamment le nez… mais bien qu'il peine encore à s'y habituer, il avait cessé de se gratter le crâne, de porter son infâme bandana et avait même accepté qu'Hermione les lui tressent tous les soirs ! Une initiative tout aussi surprenante qu'incroyablement attendrissante, face à laquelle même le cœur de Voldemort avait raté un battement…
- Vous me voyez ?! Cria-t-il plus fort.
- Difficile de le manquer…
Ignorant les grondements frustrés de son Maître, Hermione se redresse dans de grands gestes, un nouveau sourire inscrit sur ses lèvres.
- On te voit !
- Alors regardez ce que je sais faire !
Revigoré après une sieste de plusieurs heures d'affilées, ils le virent expirer un grand coup, calmer son souffle et gonfler ses joues ; une préparation face à laquelle les sorciers restèrent dubitatifs, avant qu'il ne se mette brusquement à faire poirier, ses petits pieds se débattant vivement dans le vide… un spectacle agrémenté d'éclaboussures, de roulades improvisées et d'éclats de rire, qui ne manqua pas de leur arracher un sourire.
- Vous avez vu ?! S'écria-t-il. J'ai fait ça tout seul !
- C'était très réussi ! Applaudit-elle.
- Oh, je t'en prie… il n'a même pas tenu plus de dix secondes en équilibre ! Râla le Mage.
L'assénant d'un coup d'épaule revanchard, la jeune femme le fit taire d'un seul regard. Le même qu'elle portait constamment quand il était question de ce petit démon, et qui bien qu'il soit horriblement exaspérant, lui donna de nouveaux frissons.
- Tu es très doué ! Ajouta-t-elle.
- Merci ! C'est Tom qui m'a appris !
Haussant un sourcil surpris, Hermione se tourna vers lui d'un air ahurit.
- Vous lui avez appris ça ?!
- Heu…
Brusquement mal à l'aise, Voldemort ne sut plus où se mettre… Il venait de se faire prendre à son propre piège.
- Oui enfin… seulement pour qu'il se taise. Se défendit-il.
- Maître !
- Et apprenne à rester en équilibre... Avoua-t-il. Chose qui je vois, est encore loin d'être acquise !
Abasourdit, la jeune femme sentit ses joues se contracter sous la force de son sourire. Seigneur… elle s'était attendue à ce qu'il fasse des efforts, se montre plus patient et essaie même de s'adapter au caractère de Connor. Mais de là à ce qu'il lui apprenne à un faire un poirier ? Lui ? Le plus cruel de tous les Sorciers ? Que dire ! Le plus grand meurtrier que le monde ait jamais porté ?! Par Salazar, elle devait rêver ! Et pourtant, rien n'aurait pu égaler le bonheur qu'ils virent sur son visage… celui d'un enfant comblé, qui pour la première fois, avait quelqu'un avec qui partager des jeux de plage.
- Prenez garde… Dit-elle amusée. Il pourrait vous attendrir.
- Absolument pas !
- Oh je vous en prie, vous passez toutes vos journées avec lui !
Plus encore… il prenait soin de lui. Une démarche toute aussi surprenant qu'inédite, qui elle le savait, n'était pas une corvée aussi insupportable qu'il se plaisait à le dire.
- Seulement pour trouver ces maudits navires…
- Oui… il est vrai que lui apprendre à faire le poirier est ce qu'il nous manquait pour quitter cette île !
La bousculant à son tour, le mage noir se redressa dans un soupir las, le regard à nouveau tourner vers le bleu des vagues ; ou plus précisément sur Connor, qui assis sur le rebord de la plage, s'était donné pour mission de construire un château de sable…
- Je veux bien reconnaître que sa présence m'ait davantage… tolérable. Finit-il par dire.
- Oserais-je penser que vous vous attachez à lui ?
- Hors de question ! S'empourpra-t-il.
- Vous mentez mal…
- Et tu penses très mal !
Peut-être, mais elle n'avait pas tort. Car oui… aussi inconcevable soit-il, Voldemort commençait bel à bien à s'attacher à ce petit… à ses réflexions, débats, questions, clins d'œil et grands sourires ; de même qu'à tous ses efforts pour tenter de rendre leur vie plus agréable sur l'île… et à son aide dans leur quête de navire. Et se faisant, il ne pouvait le nier ; son cœur de pierre s'attendrissait. Une évidence qu'aucun orgueil n'aurait pu surpasser, mais qu'il n'aurait jamais le courage d'avouer devant son Initiée. Ou du moins, pas avant qu'il n'ait enfin percé les derniers secrets qui obscurcissait ses pensées… Des secrets qu'il commençait peu à peu à discerner, mais dont l'étrange intangibilité le gardait incontestablement désarmé. A croire qu'il ne parviendrait jamais à véritablement comprendre la vie de cet enfant ; son comportement, ses lubies et autres divertissements… Mais qu'importe ; pour l'heure, ils avaient une mission. Et n'avaient pas le temps de se poser davantage de questions…
- Vous me rejoignez ? Demanda-t-il brusquement.
- Il est tard mon ange ! Et puis, ça va bientôt être l'heure de manger ! Déclara Hermione.
- Oh non !
- On ne répond pas jeune homme ! Tonna soudainement Voldemort.
Se levant dans un craquement de dos douloureux, les sorciers s'étirèrent lentement malgré la mine boudeuse du petit garçon… mais ne lui en déplaise, il était l'heure du ravitaillement.
- Mais juste cinq minutes ! Insista-t-il.
- On a dit non…
- Deux minutes alors ?!
- Connor… Gronda le Mage.
- Bon ça va ! S'exclama-t-il. J'arrive…
Amusée, Hermione se mordit la lèvre pour ne pas rire devant sa grimace agacée. Loin de vouloir obtempérer, il leur tira la langue d'un air contrarié, ses petits pieds traînant dans le sable à mesure qu'il avançait tête baissée. Pourtant elle le savait… ce serait lui qui les presserait de rentrer.
- Au faite Connor, que dirais-tu de nous faire goûter l'un de tes vieux rhums ? Dit-elle.
- Pour de vrai ?!
- Hum hum !
Et il n'en fallut pas plus… car il accourait déjà vers eux à toute allure.
Ainsi, c'est heureux et comblé qu'ils rentrèrent tous les trois à leur campement, mangèrent un ragoût à la viande, trinquèrent à la santé des légendes et burent leurs verres de rhum sous la chaleur réconfortante d'un feu crépitant… Jusqu'à ce que les yeux de Connor ne tombent, qu'Hermione ne l'installe sur ses jambes, lui tresse les cheveux en lui berçant d'une chanson… et qu'elle et son Maître ne se retirent paisiblement sous leur tente.
Une fin de journée tout aussi simple qu'inespérée, qu'ils furent tous heureux de voler à leurs cruelles Destinées…
Hello ! Voici la suite et avec elle un petit moment paisible... je tenais à en écrire un avant les gros rebondissements qui arriveront (dans très peu de temps ;) ) et j'espère qu'il vous aura plu ! Leur quête s'enlise mais les secrets se tapissent ! Ne reste plus qu'à les découvrir ;)
A la semaine prochaine les amis !
