Notes : Aaargh, j'en ai marre ! Ce chapitre m'en aurait fait voir des vertes et des pas mûres, et quand je pense que je ne suis toujours pas satisfaite de la fin, après tous mes efforts pour tenter de la remanier (alors que je n'ai quasiment jamais besoin de réécrire quelque passage que ce soit), j'ai envie de m'encastrer la tête dans le mur le plus proche. Enfin bref, tout ça pour dire que je suis vraiment désolée (d'autant plus que j'ai eu une panne d'inspiration totale depuis le début de la nouvelle année, sans doute parce que je me suis montrée trop productive en 2005… comment ça, je me fais des illusions ?), mais bon, je vous avais prévenus que les délais de mises à jour varieraient énormément, pas vrai ? En tout cas, ne vous faites pas d'illusions, j'ignore totalement quand arrivera le prochain (et avant-dernier) chapitre, vu que… une fois n'est pas coutume, il n'est pas du tout entamé. v.v Ce chapitre est tout frais ! (du moins, la dernière partie…) Euh… Les commentaires sont vraiment les bienvenus, par contre… Histoire que je sache si c'est si horrible que ça. u.u
R.A.R : Nan - j'veux pas - la flemme - y en a beaucoup trop ! (aucune mention inutile) Uh… Plus de cinquante reviews pour un seul chapitre, c'est bien la première fois que ça m'arrive pour cette fic. Je devrais peut-être envisager de le tuer un peu plus souvent, mon super-héros. :D Je plaisante, je plaisante, vous pouvez ranger les fourches… Là, c'est bien, gentils… Euh, par contre, y a toujours pas de RAR parce que j'ai vraiment, vraiment trop la flemme. v.v Mais merci beaucoup à tous malgré tout ! Ca me fait toujours écarquiller les yeux quand des personnes s'excusent si elles m'ont fait perdre mon temps avec leurs reviews… Comme si lire une review pouvait être une perte de temps, vraiment ! XD Enfin, une petite note spéciale pour le 200 ème revieweur (quand même), j'ai nommé : ookami ! Merci infiniment ! (et le premier qui me sort que j'ai fait exprès d'attendre jusqu'à la 200 ème review… je ne l'ai vue qu'en venant uploader, de toute façon v.v)
Chapitre 8 : Ouvrir les yeux
Un faible vent se leva au-dessus de Konoha, survolant le village qui s'éveillait à peine aux premiers rayons du soleil, avant de venir glisser au-dessus de la forêt. Quelques branches frémirent sous son passage, bloquant brièvement la lumière de l'aube qu'elles laissaient passer. Au sol, l'ombre et la lumière se pourchassèrent en silence sur la surface rouge et lisse d'un masque immobile, jouant muettement sur la fêlure qui le traversait de part en part.
Tsunade sentit faiblement que ses jambes ne la portaient plus, mais refusa de détourner ses yeux écarquillés de la scène. Avec un petit bruit sourd, elle se laissa tomber à genoux.
« Kit-san ! »
Sakura fut la première à sortir de sa stupeur. Pivotant vivement, elle s'élança et intercepta instantanément Kiyoshi alors que l'enfant se précipitait vers le centre de la clairière, le visage inondé de larmes. Le jeune apprenti-ninja se débattit aussitôt contre sa prise, frénétique.
« Non, lâche-moi ! Kit-san ! Il faut aider Kit-san ! S'il te plaît, Tante Sakura… » sanglota-t-il dans ses bras.
« C'est inutile… »
Sakura se retourna, l'enfant serrée contre elle dans une étreinte protectrice, et jeta un regard écarquillé d'incompréhension à Sai. Le jeune chuunin sourit gentiment, presque sereinement.
« Il ne respire plus… C'est inutile » répéta-t-il doucement.
Kiyoshi laissa échapper un gémissement déchirant. Sakura fusilla enfin Sai des yeux.
« Pourquoi ? » s'écria-t-elle. « Qu'est-ce qui t'a pris, Sai ? Qu'est-ce qui s'est passé, ici ? »
Sai perdit son sourire et la fixa longuement, avant de finalement détourner le regard. Il fit quelques pas et s'agenouilla, tendant la main en un geste révérencieux. Sakura émit un hoquet de stupeur en se rendant enfin compte de la présence du cadavre du démon, proprement décapité, allongé dans l'herbe juste à côté du corps inerte du ninja.
« Qu'est-ce que ça veut dire ? » demanda soudain une voix sévère.
Sakura jeta un coup d'œil par-dessus son épaule à Kakashi qui s'avançait, Sharingan exposé et démarche intimidante. Ino, Shikamaru et Lee le flanquaient de part et d'autre, un peu en retrait. Sakura pouvait d'hors et déjà voir les yeux de Shikamaru filer d'un détail de la scène à l'autre, et perçut le moment très exact où il atteignit la conclusion qui se refusait encore à leurs esprits. Le regard sombre du génie se posa à nouveau sur Sai, intense. Ce ne fut pourtant pas lui qui répondit.
« C'est lui qui a invoqué les démons. »
La voix de Kiyoshi était faible et tendue, mais ne contenait plus aucune trace de sanglots. Son visage était caché contre la robe de Sakura.
« Il a invoqué les sept démons » répéta-t-il, un peu plus fort qu'auparavant. « Il voulait attaquer Konoha. Il m'a amené ici et il disait… que je n'avais pas besoin de mourir. Il voulait que je vienne avec lui. J'ai refusé et… Kit-san est arrivé à ce moment-là. »
Un soubresaut silencieux parcourut brièvement les épaules de l'enfant, mais il poursuivit tout de même, d'une voix tremblante.
« Il a tué le dernier démon. Sai a profité de l'ouverture et… »
La voix de Kiyoshi se brisa définitivement et il se serra plus que jamais contre Sakura, sanglotant sans bruit. Il y eut un court silence durant lequel Sai se contenta de tous les fixer d'un regard calme, son uniforme de chuunin encore tâché du sang de l'homme qu'il avait tué, et la main plongée dans la fourrure poisseuse et partiellement brûlée de la panthère géante.
« Je vois » murmura simplement Kakashi, les yeux gravement fixés sur le jeune homme.
« Pourquoi vouloir attaquer Konoha ? » s'exclama Ino avec force, visiblement furieuse. « Nous t'avons accueilli et accepté comme l'un des nôtres, et tu veux nous trahir ? »
« Je n'ai que faire de traîtres, d'assassins et d'hypocrites » répondit simplement Sai, sans changer d'expression, comme s'il annonçait une vérité universelle.
Sur le coup, Ino se tut brutalement, les yeux agrandis d'incompréhension. Une nouvelle fois, ce fut Kiyoshi qui reprit la parole, entre deux sanglots étouffés.
« Il a dit… que Papa… »
Un étrange son lui échappa en même temps que son dernier spasme, puis il releva peu à peu la tête et essuya lentement ses yeux contre sa manche.
« Il a dit que Papa et Orochimaru avaient tué ses parents » murmura-t-il, presque inaudible.
Les bras de Sakura se tendirent aussitôt autour de lui, et la jeune medic-nin se tourna vers son ancien coéquipier. Sasuke n'avait pas bougé depuis leur arrivée dans la clairière. De même que Neji et Tsunade, il demeurait immobile, mais contrairement à eux qui semblaient suivre la discussion comme à travers un voile, il ne paraissait toujours pas pouvoir arracher son regard du corps du Kit. Son visage était baissé de telle manière qu'il était impossible de lire son expression derrière ses cheveux.
Si Sakura avait eu le temps de s'y attarder, elle aurait aimé pouvoir comprendre pourquoi le regard de Neji semblait plus lointain que jamais, et son visage si pâle. Elle aurait aimé pouvoir comprendre la raison de l'expression d'horreur muette et incrédule qui figeait les traits de Tsunade-hime.
Pour le moment, seul Sasuke comptait. Sasuke, dont elle redoutait plus que jamais la réaction…
Finalement, après un long instant de silence, l'Anbu leva lentement la tête. Ses yeux noirs émergèrent de derrière la barrière de ses longues mèches, presque impassibles, et vinrent se planter directement dans ceux de Sai. Un long moment passa dans leur duel muet, avant que l'Uchiwa ne détourne posément le regard vers le corps du ninja masqué, encore une fois.
« Alors… C'est à nouveau ma faute ? » murmura-t-il simplement.
Sakura déglutit et resserra convulsivement sa prise contre Kiyoshi.
'Non… Sasuke, non !'
Sasuke releva simplement les yeux vers Sai, comme s'il attendait sa réponse. Le jeune chuunin n'interrompit pas le passage continue de sa main dans la fourrure poisseuse de sang du démon, mais ne détourna pas non plus le regard.
« Il est inévitable que, des meurtriers, naissent les meurtres » dit-il calmement.
Sasuke baissa le regard, semblant accepter sans un mot ce jugement. Ino réagit beaucoup moins calmement.
« Comment oses-tu appeler Sasuke-kun un meurtrier ? » s'écria-t-elle, livide de rage. « Le seul assassin que je vois dans cette clairière, c'est toi ! »
Sai lui jeta un rapide coup d'œil et haussa les épaules, toujours aussi calme.
« Je suis un Vengeur » répondit-il laconiquement.
Sasuke parut se redresser à ses mots et fixa un regard intense sur lui. Ino s'en aperçut et retint la réplique furieuse qu'elle préparait déjà, le laissant à la place prendre la parole.
« Je suis désolé, Sai » murmura-t-il lentement.
Le jeune chuunin fixa vivement ses yeux sur lui, manifestement choqué.
« Je suis désolé pour ce que je t'ai fait endurer » répéta Sasuke, le regard soudain douloureux. « J'ai pris de nombreuses vies au cours des années, et je regrette chacune d'entre ces morts, mais aucune autant que celles que j'ai données sous les ordres d'Orochimaru. Ces meurtres-ci… rien d'autre que ma soif de pouvoir ne pourra jamais les justifier, et je m'en sentirai toujours coupable. Rien de ce que je pourrais désormais accomplir au service de Konoha ne pourra me les faire expier. Je suis désolé… »
« Tais-toi ! »
Sasuke sursauta à peine et releva lentement la tête. Sai s'était redressé d'un bond et son calme apparemment inébranlable avait totalement disparu, remplacé par une expression de rage sans pareil. Ses poings étaient serrés à en faire blanchir les jointures et ses épaules tremblaient sous l'effet de la colère.
« Tu es un meurtrier ! » hurla-t-il. « Rien ne pourra remplacer ce que tu as détruit ! Les monstres comme toi n'ont pas le droit au pardon, et encore moins au regret ! Tu n'es rien d'autre qu'un monstre, Uchiwa ! »
Sakura tressaillit comme si on l'avait frappé et Kiyoshi se crispa dans ses bras, mais Sasuke ne réagit pas. Il resta immobile, debout, son regard amer fixé sur le jeune homme en face de lui, qui inspirait et expirait violemment dans un effort visible pour se calmer. Leur attention à tous fut soudain captée par un mouvement à la périphérie de leur vision et ils tournèrent unaniment la tête.
Tsunade s'était relevée et marchait à présent lentement vers le corps inanimé du Kit, manifestement indifférente à leur présence à tous, son regard exclusivement fixé sur le ninja étendu.
« Tsunade-sama… » murmura faiblement Sakura, un étrange sentiment la prenant brutalement à la gorge.
Sai fronça brièvement les sourcils puis, son masque de calme à nouveau en place, fit silencieusement quelques pas sur le côté, se plaçant entre la Godaime et le shinobi inerte.
« C'est inutile, Hokage-sama. »
Tsunade s'immobilisa et leva lentement les yeux vers lui, croisant son regard sans un mot. Sai retint un frisson devant l'intensité de son expression, mais ne bougea pas.
« Il est mort, Hokage-sama. Peu importe l'étendue de vos talents de medic-nin, vous ne pourrez plus rien faire pour lui, à présent. »
La Godaime baissa à nouveau les yeux vers le corps masqué et fit un pas de plus.
« Je pourrais… » commença-t-elle dans un murmure presque inaudible.
« Tsunade-sama ! » s'écria Sakura d'une voix plus angoissée que jamais, sentant que son ancien professeur ne se comportait pas normalement.
Elle ignorait ce que la femme avait en tête, mais son expression ne présageait rien de bon… pour sa propre santé. Fort heureusement, Sai résolut la question en levant un kunai à hauteur de son visage.
« Ne m'obligez pas à en venir là, Hokage-sama » prévint-il calmement. « Si vous faites un pas de plus, je devrais… »
Il s'interrompit à cet instant, pris de court par la vivacité avec laquelle Tsunade venait de relever la tête. Ses traits s'étaient soudain transformés sous l'effet de la fureur, et c'est d'un regard flamboyant qu'elle fixa celui qui osait lui faire obstacle.
« Ne te fous pas de moi ! » hurla-t-elle. « Puisque tu veux tant détruire Konoha, commence donc par son Hokage ! »
Et avant que quiconque ne puisse prononcer un mot de plus, leur laissant tout juste le temps d'écarquiller les yeux, Tsunade se jeta sur lui avec un cri de rage déchirant. Sai bondit aussitôt en arrière, mais seul le Sharingan de Kakashi lui permit de suivre ses mouvements alors qu'il joignait vivement les mains.
« Vous ne me laissez donc pas le choix… »
Ce murmure atteignit faiblement les oreilles de toutes les personnes présentes, portant étrangement au-dessus du hurlement de l'Hokage. Il y eut un éclair de lumière, et puis, plus rien.
Dans une clairière isolée, au milieu de la forêt de Konoha, le silence s'abattit sur l'herbe en piteux état et la terre éventrée par de larges balafres. La lumière du soleil tomba sur la masse imposante du corps ensanglanté d'une panthère décapitée, puis se refléta brièvement sur un masque de céramique à l'éclat rougeâtre.
Eparpillés alentour, dix corps inanimés.
Sasuke sursauta et cligna vivement des yeux.
La scène autour de lui ne changea pas : la même étendue d'obscurité insondable, à perte de vue. Ce n'était pas comme s'il était soudain devenu aveugle, ou qu'un jutsu quelconque était venu gêner sa vue, non, il sentait que quelque chose de bien plus complexe venait de se passer. Le vent, qui un instant encore auparavant caressait faiblement sa peau, avait totalement disparu, et l'air était anormalement lourd. De même, le chant des oiseaux s'était tu et plus aucun bruit ne régnait.
Sasuke déplaça légèrement son pied, presque surpris de sentir un sol sous sa semelle. Il ne produisit cependant aucun bruit et ne sentit ni caillou, ni herbe sous sa sandale.
Un sentiment d'angoisse sourde vint le prendre à la gorge et il étrécit les yeux contre la pénombre omniprésente, tournant la tête en tous sens dans l'espoir d'échapper à la monotonie oppressante du lieu. Cette sensation lui rappelait définitivement quelque chose, et certainement pas l'un de ses meilleurs souvenirs.
'Une attaque mentale ?'
Les Arcanes Lunaires de son frère, auxquels il avait déjà été soumis des années auparavant, lui revinrent en mémoire avec vivacité et il se força à respirer calmement. Sai ne possédait pas le Mangekyou Sharingan. Quelque soit le jutsu qu'il avait utilisé, Genjutsu ou non, cela n'avait probablement rien à voir avec le Tsukuyomi d'Itachi.
« Sasuke. »
La voix qui s'éleva enfin derrière lui ne produisit aucun écho. Sasuke pivota vivement sur lui-même, s'attendant à tout et n'importe quoi. Malgré tout, il ne put réprimer un léger sursaut lorsque ses yeux se posèrent sur un masque bien connu. Le rouge pâle de la céramique prenait un éclat plus sanglant que jamais sous l'ombre de la capuche. Comme attiré par une fascination morbide, Sasuke laissa son regard glisser jusqu'à la poitrine du ninja errant, où une large plaie béante et sanguinolente s'ouvrait. Lorsque le Kit reprit la parole, sa voix était emplie de mépris et de déception.
« J'en attendais plus de vous, Sasuke. Mais vous étiez trop faible pour pouvoir m'aider, après tout… »
Sasuke ne bougea pas. La longue cape noire imbibée de sang claqua devant lui avec majesté alors que le shinobi masqué lui tournait le dos, puis s'éloignait de lui sans un regard en arrière, ne tardant pas à disparaître de sa vue, absorbé par les ténèbres environnantes.
Sasuke s'efforça de desserrer ses poings et de détendre ses muscles noués. Cela paraissait être un simple Genjutsu, après tout. Ignorant délibérément la boule de chagrin qui grandissait à nouveau dans sa poitrine et semblait vouloir l'étouffer, il s'efforça de se concentrer pour pouvoir réguler le flot de chakra dans son corps et briser l'illusion. S'il pouvait juste se sortir de là… Il pourrait toujours faire son deuil plus tard, à un moment plus approprié…
Malgré tout, quelque chose continuait de le troubler, laissant un étrange arrière-goût amer sur sa langue. Quelque chose dans ce qui venait de se passer le titillait, sans qu'il puisse déterminer quoi.
« Sasuke. »
Sous l'effet du choc, Sasuke sentit tout son être se tendre à l'extrême. Sa bouche se fit soudain sèche et ses yeux largement écarquillés devinrent fixes.
« Tu me déçois, Sasuke. »
Lentement, contre sa propre volonté qui lui criait de ne pas regarder, d'ignorer cette voix, de faire comme si elle n'existait pas… Sasuke sentit qu'il se retournait. Il avait l'impression d'observer la scène comme de très loin, laissant son corps agir par lui-même. Son esprit regagna finalement sa place légitime avec brutalité, comme le retour d'une fronde étirée à l'extrême, lorsque ses yeux croisèrent deux iris d'un bleu surnaturel.
Naruto fronça les sourcils sous son hitai-ate et lui adressa un regard furieux, un regard brûlant de relents de trahison et de ressentiment.
« Je pensais que tu valais mieux que ça, Sasuke. Mais après tout, ça ne t'aurait pas gêné de tuer ton meilleur ami, pas vrai ? Alors, pourquoi est-ce que tu m'aurais sauvé, hein ? Tu n'es rien d'autre qu'un traître, après tout… »
Naruto amorça un pas en arrière et lui jeta un nouveau coup d'œil de rage et de rancune, avant de finalement tourner les talons pour s'élancer en courant dans la direction qu'avait empruntée le Kit avant lui, disparaissant à son tour dans les ténèbres sans autre son que celui de ses pas s'éteignant au loin.
Sasuke demeura un long instant immobile, puis glissa doucement à genoux, heurtant le sol immatériel avec un petit bruit sourd.
Bien sûr qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Aucun Genjutsu ne pouvait puiser dans les souvenirs de sa victime, c'était tout simplement impossible.
Et tandis que les yeux noirs de Sasuke demeuraient fixés sur l'endroit où s'était tenu quelques instants auparavant l'image d'un jeune garçon de 17 ans qu'il aurait donné sa vie pour revoir, ne serait-ce que quelques secondes, il réalisa qu'après tout il était sans doute réellement faible, pour ne pas avoir réalisé que toutes ces années durant, il avait vécu, combattu et vaincu sans jamais se rendre compte de la plaie béante qui s'ouvrait encore et toujours dans sa garde. Le Kit avait essayé de le mettre en garde, vraiment.
Mais à présent, il était trop tard pour y remédier, puisque quelqu'un avait finalement trouvé l'ouverture. Et qu'il s'y était engouffré.
Sakura frappa de toutes ses forces l'étrange paroi transparente qui semblait faire office de mur au non moins étrange endroit dans lequel elle se trouvait. Malgré son incroyable puissance physique, la surface demeura lisse et impertubable, sans une éraflure pour témoigner de sa tentative. Sakura recula de quelques pas et retint à grand-peine un juron de frustration. Elle savait que même à la chiche lumière du lieu, Kiyoshi pouvait toujours percevoir les larmes d'impuissance qui perlaient à ses yeux, mais l'enfant ne fit aucun commentaire. Tout comme elle, il gardait son regard fixé sur la scène de l'autre côté de la paroi, sur la silhouette prostrée de son père.
Sakura s'avança à nouveau et posa ses avant-bras contre la vitre qui n'en était pas vraiment une, les poings serrés et la tête baissée. Elle avait vu ces deux apparitions fantomatiques qui étaient venues tourmenter son ami et n'avait pu retenir un rugissement de rage en reconnaissant l'image de son ancien coéquipier.
Kiyoshi et elle étaient seuls à cet endroit, pour autant qu'elle puisse en juger, mais elle ne se faisait guère d'illusions : les autres se trouvaient probablement dans des situations semblables à la leur, peut-être même pouvaient-ils également voir Sasuke, sans pouvoir jamais intervenir. Elle avait cru que c'était un Genjutsu, au début. Elle avait souri, à ce moment-là, d'un sourire froid et presque méprisant, parce qu'elle savait qu'elle pouvait briser presque n'importe quelle illusion. Mais elle avait essayé, essayé et essayé, et elle avait dû se rendre à l'évidence : ce n'était pas un Genjutsu, et elle ne pouvait strictement rien faire pour Sasuke.
Kiyoshi bougea faiblement près d'elle et s'avança à son tour, plaquant les paumes de ses mains contre la paroi. Son regard était grave et tendu, et Sakura sut qu'il comprenait, peut-être même mieux qu'elle, ce qui était en train d'arriver à son père.
'Sasuke, s'il te plaît… Je t'en supplie, tiens bon !'
Sai ne retint pas le rictus satisfait qui lui venait aux lèvres.
Tout autour de lui, parmi la pénombre omniprésente du Monde Spirituel qu'il avait conjuré, s'ouvraient comme d'étranges fenêtres immatérielles donnant directement sur les cellules dans lesquelles il avait enfermé les ninjas de Konoha. A sa droite, la Godaime fulminait silencieusement, ayant renoncé depuis un moment déjà à briser ce qui n'était de toute évidence pas un Genjutsu. Un peu plus loin, il pouvait apercevoir le célèbre Ninja Copieur qui s'efforçait d'utiliser son Sharingan pour se tirer de cette situation.
Et devant lui, à la place de choix, se trouvait bien évidemment l'ouverture qui donnait directement sur sa victime principale, Sasuke Uchiwa.
Qui aurait cru que les protections mentales du génie de Konoha seraient aussi faibles ? En ouvrant le Monde Spirituel, Sai n'avait eu aucun mal à pénétrer sa psyché et à y établir l'Arène des Ombres. Il avait toujours rêvé de pouvoir utiliser cette attaque spirituelle contre l'assassin de sa famille, écoeuré par le traitement hypocrite des habitants du village de la Feuille envers lui. Il avait voulu pouvoir le briser de l'intérieur, tout en lui laissant savoir que personne ne viendrait à son secours. Il avait voulu que tous ces imbéciles obséquieux qui l'avaient à nouveau accueilli parmi eux malgré sa trahison comprennent à quel point il était faible, en réalité, qu'ils assistent de leurs propres yeux à la chute de leur Prodige.
Son alliance aux démons mineurs lui avait donné cette opportunité et plus encore. Même s'il n'avait pu s'attirer les faveurs que de sept d'entre eux en leur offrant une porte ouverte sur les terres de Konoha, ces sept là s'étaient révélés de précieux alliés, toujours prêts à porter secours à leur invocateur ou à le soutenir dans sa quête de revanche. Il n'avait pas été rare, ces derniers mois, qu'il s'isole dans la forêt lorsque la vie au village le dégoûtait au-delà du supportable. Les démons l'avaient toujours accueilli sans rechigner, le laissant passer de longues minutes de silence à simplement les contempler. Et maintenant, ils étaient morts. Tous, jusqu'au dernier.
Le fin visage de Sai se peignit d'amertume et de ressentiment.
Makkura avait été sa préférée. De loin la plus intelligente et la plus affectueuse envers lui, c'était même elle qui avait ajouté un terme à leur pacte en offrant à Sai la possibilité d'accéder au Monde Spirituel. Cette offre s'était avérée sans prix pour lui, et qu'importe si tout cela n'était pas gratuit ? Sai n'aspirait qu'à la vengeance et à l'accomplissement de sa justice, rien d'autre n'avait d'importance.
Aujourd'hui, enfin, il tenait l'Assassin dans ses filets, totalement à sa merci. Mieux encore ! En plongeant avec ravissement dans ses souvenirs et ses émotions, il avait trouvé ce qu'il n'aurait jamais osé espérer, même dans ses rêves les plus fous : une ouverture gigantesque, une plaie béante qui n'avait jamais vraiment guéri et qui continuait encore et encore à suppurer.
Il avait trouvé un jeune garçon aux yeux incroyablement bleus, aux cheveux blonds comme le soleil et au sourire éclatant. Il avait trouvé l'arme qui lui permettrait en ce jour d'arracher le cœur de Sasuke Uchiwa, comme lui avait arraché le sien des années auparavant.
Avec délectation, il entama la longue descente aux enfers de l'Assassin.
Ce furent les trilles aériennes d'un oiseau s'élançant au-dessus de lui qui sortirent finalement Sasuke de sa torpeur hébétée. Son retour à la réalité s'accompagna d'un sursaut et d'une brève inspiration de surprise tandis que ses yeux parcouraient la terrasse aux dalles inondées de soleil. Par-delà la rambarde grillagée, le ciel était d'un bleu pur à peine troublé par la course paresseuse de quelques nuages cotonneux. Un drap claqua près de son bras sous l'effet d'une bouffée de vent capricieuse, et Sasuke jeta un coup d'œil au filin auquel il était suspendu.
L'incompréhension fut peu à peu remplacée par une appréhension grandissante au creux de son estomac, tandis que son inconscient tentait de lui souffler quelque chose qu'il était sûr de ne pas vouloir entendre.
« Finissons-en. »
Cette nouvelle voix retentit sans mal au-dessus des bruissements que le vent produisait à travers le linge propre de l'hôpital. Déglutissant péniblement, Sasuke se releva lentement.
« Mets ton hitai-ate d'abord ! Je t'attends ici. »
Un frisson parcourut sa colonne vertébrale alors qu'il se retournait peu à peu, tournant la tête pour apercevoir les propriétaires des voix derrière lui. Son alter ego de douze ans amorça un rictus sarcastique et leva la main, totalement indifférent à sa présence.
« Je n'en ai pas besoin. Tu n'arriveras même pas à poser le petit doigt sur mon front » rétorqua-t-il avec arrogance en désignant son front découvert du pouce.
Face à lui, Naruto laissa échapper un bruit d'exaspération et secoua vivement la tête.
« Il ne s'agit pas de ça ! » s'exclama-t-il. « Tu dois le mettre pour prouver que nous nous battons entre ninjas de Konoha de même niveau ! »
Sasuke ferma les yeux et serra les poings contre l'obstination de son autre lui, sentant la douleur sourde de l'amertume et du regret lui transpercer une nouvelle fois le cœur, plus vivace que jamais. Bien vite, les bruits de combat s'élevèrent dans l'air tranquille de Konoha. Le souffle brûlant de son propre Katon vint se briser contre sa peau, mais il refusa de relever la tête.
Finalement le son aigu du Chidori atteignit ses tympans, corrosif, et il ne put faire autrement que de tomber à nouveau à genoux, plaquant les mains sur ses oreilles dans un effort désespéré pour ne pas entendre les cris jumeaux qui retentirent alors que les deux enfants se jetaient l'un sur l'autre, et la supplication implorante de Sakura qui leur hurlait de s'arrêter.
Ses battements de cœur s'affolaient, résonnant avec force dans sa poitrine en une mélodie de chagrin et de regret qui emplissait ses tympans, convoyant la plainte silencieuse qui refusait de quitter ses lèvres.
'Naruto !'
Un rayon de soleil se refléta brièvement sur le pendentif de cristal.
Loin de là tout autant que proche, quelque chose se mit à son tour à battre au son d'un rythme qui traversait les mondes. C'était à peine audible, vraiment, et il n'y avait après tout personne pour l'entendre. Personne d'autre qu'un guerrier tombé au combat, son masque fêlé parcouru par les jeux d'ombre et de lumière d'un début de matinée serein.
Et puis un nouveau son vint s'ajouter au battement imperceptible, un simple crissement aigu. Quelques fragments de céramique minuscules se détachèrent du masque alors que la fêlure semblait se faire infimement plus large.
Et enfin, une lueur prit naissance dans le creux de la fissure, rougeoyant et s'intensifiant à mesure que chaque seconde s'écoulait, et un second battement retentit, plus puissant que le premier, différent, alors qu'une poitrine auparavant inerte se soulevait finalement dans une brusque saccade.
Un hoquet déchirant traversa Naruto alors que ses poumons acceptaient à nouveau l'air salvateur et que son cœur se remettait à battre et à pomper le sang dans tout son corps. La douleur était agonisante et irradiait tout son être, alors que ce qui aurait dû être un cadavre se remettait à vivre après un délai presque insupportable. Confusément, il sentit le faible flux de chakra du Kyûbi qui l'avait éveillé s'efforcer d'arrêter l'hémorragie qui menaçait de reprendre dans sa poitrine. Epuisé et abruti par la souffrance, il referma les yeux et s'apprêta à replonger dans l'inconscience.
Une nouvelle pulsation choisit ce moment pour retentir contre son épaule, pressante et insistante, comme pour le réprimander d'oser ne serait-ce que penser à se laisser à nouveau aller.
Naruto rouvrit brutalement les yeux, haletant mais soudain parfaitement conscient. Péniblement, il bascula sur le flanc en s'efforçant d'ignorer la douleur brûlante dans sa poitrine. La scène qui l'accueillit lorsqu'il parvint enfin à poser son regard sur la clairière silencieuse le laissa sans voix.
Sai était allongé de tout son long contre le corps décapité de Makkura, semblant dormir. En face de lui et jusqu'à l'orée de la forêt, une petite dizaine de corps bien connus étaient également étendus au sol, ramassés dans diverses positions suggérant l'inconscience. Tsunade était étalée sur le ventre à mi-chemin de Sai, et Naruto aperçut un peu plus loin Kiyoshi, serré dans les bras d'une Sakura recroquevillée autour de lui. Alentour étaient visibles les silhouettes de plusieurs de ses camarades ninjas.
Naruto serra les dents lorsque ses yeux se posèrent enfin sur le corps prostré de celui qui l'appelait. Sasuke était allongé sur le flanc, presque tourné vers lui, son visage habituellement froid exceptionnellement orné d'une faible expression de trouble et de… détresse ?
« 'Tain, Sasuke… » marmonna péniblement Naruto, jetant un regard de reproche au jeune homme qui ne sembla guère s'en soucier — comme s'il avait pu en être autrement.
Lentement, Naruto dégagea son bras droit de sous son flanc et le leva avec difficulté jusqu'à pouvoir poser la main sur son épaule gauche. L'objet qui était attaché là continuait de battre sous sa paume, comme pour l'inciter à se hâter.
« T'as vraiment rien d'autre à faire que de m'empêcher de crever tranquillement, pas vrai, enfoiré ? » murmura-t-il d'une voix rauque.
Il n'y eut aucune réponse, mais il n'en attendait pas vraiment. Poussant un profond soupir — du moins, aussi profond que possible lorsque l'on arbore un poumon perforé, merci bien — Naruto tourna un regard grave et calculateur vers la silhouette inconsciente de Sai.
« Monde Spirituel, huh ? On dirait… que je t'ai sous-estimé » articula-t-il à voix basse.
Il resta quelques instants songeur, puis un sourire narquois naquit sous son masque.
« Ca ne… se reproduira pas de sitôt, tu as ma parole. J'arrive… » termina-t-il dans un souffle.
Ses yeux se firent soudain brumeux, puis se fermèrent à demi, et sa main retomba mollement au sol.
Ino s'y connaissait pas mal en attaques mentales. Oui, forcément, ça faisait souvent cet effet-là d'être l'héritière des Yamanaka, pas vrai ? Oui mais voilà, une attaque mentale de ce type, même elle, cela la laissait impuissante. Plus encore peut-être que les autres, parce qu'elle avait compris dès les premiers instants que ce n'était pas un Genjutsu, et que ça la dépassait de très, très loin.
Shikamaru lui jeta un regard de côté lorsqu'elle se pressa sans y penser contre lui, frissonnant de quelque chose qui n'était pas le froid. Sans faire de commentaire, il se contenta de passer un bras autour de sa taille, silencieux. Ino accepta le contact sans y penser et se laissa encore un peu plus aller contre sa présence réconfortante. Elle sentait les pensées négatives et les intentions meurtrières qui imprégnaient l'atmosphère tout autour, la haine, la rage, la douleur, le chagrin…
Tant bien que mal, désespérément, elle repoussait l'influence pernicieuse que ce lieu cherchait à exercer sur son esprit, intensément consciente qu'elle pouvait à peine se défendre elle-même, sans parler des autres. De l'autre côté de la paroi devant elle, Sasuke luttait contre ses démons, et elle ne pouvait absolument rien faire.
Alors qu'une énième scène de dispute entre le jeune Sasuke et son coéquipier aux yeux bleus, plus intense encore que les autres, prenait fin, elle ne put retenir un gémissement de désespoir en voyant le jeune Anbu enfouir plus profondément encore sa tête entre ses mains. Les épaules de Sasuke tremblaient, et il ne s'était pas relevé depuis de longues minutes, maintenant. N'y tenant plus, Ino se retourna et plongea le visage contre la veste de Shikamaru, au bord des larmes.
Et puis, soudain, quelque chose.
« Ino ? »
Ino ne répondit rien, à peine consciente qu'elle venait de relever vivement la tête. Il y avait eu quelque chose, elle en était sûre. L'espace d'un instant, une présence rassurante qui avait tranché net à travers le réseau de désespoir et de douleur, et avait pénétré sans hésiter au cœur de ce monde.
'Je vous en prie… Qui que vous soyez, quoi que vous soyez, sauvez Sasuke !'
Sai fronça brièvement les sourcils, déconcerté. Qu'était-ce ? Cette étrange impression, soudain, comme si quelque chose d'étranger avait pénétré le Monde Spirituel…
Il resta quelques instants indécis, alerte et attentif, puis finit par hausser les épaules et s'autorisa à se détendre. Non, il ne sentait plus rien, à présent. Et après tout, qui pourrait entrer dans l'Arène sans sa permission ? C'était tout bonnement impossible, à supposer que quiconque soit seulement capable de reconnaître l'ouverture du Monde Spirituel dans la clairière. Ses sens lui avaient simplement joué un tour.
Revenant à la tâche qui l'attendait, il laissa un nouveau rictus prendre place sur ses lèvres. Il était temps de passer à l'étape suivante.
Peut-être n'aurait-il même pas besoin de se salir les mains avec le sang de l'Uchiwa, après tout…
« Va crever, Sasuke ! »
Naruto ponctua son hurlement d'un long regard furieux, avant de brutalement tourner les talons pour s'élancer hors des terrains d'entraînement. Le jeune garçon le regarda faire d'un air désintéressé, puis haussa simplement les épaules et retourna sans un mot à ses exercices.
La scène se fondit bientôt dans l'obscurité, comme toutes celles qui l'avaient précédée, et Sasuke resta seul avec le son de sa propre respiration précipitée.
Quand une bonne minute s'écoula sans autre apparition, il releva lentement la tête et baissa les bras, reposant ses poings sur ses genoux, continuant de les serrer en une tentative futile de contrôler les tremblements qui le parcouraient. Confusément, il sentit une présence derrière lui. L'autre resta immobile et ne produisit aucun son, jusqu'à ce que Sasuke consente à tourner la tête vers lui. Ses yeux étaient vides.
Naruto lui répondit d'un long regard morne d'attentes déçues et de trahison amère.
« Qu'est-ce que tu fais encore là, Sasuke ? »
Le shinobi resta quelques instants interdit, puis comprit le véritable sens de cette phrase. Il détourna à nouveau les yeux vers ses poings serrés, la tête baissée, muet. Les pas quasi-inaudibles de l'apparition le contournèrent avec désinvolture, avant de s'arrêter devant lui.
« Qu'est-ce que tu fais encore là, Sasuke ? » répéta la voix. « Pourquoi… n'es-tu pas encore mort ? »
Sakura hoqueta de stupeur et ses yeux s'écarquillèrent brutalement.
'Non ! Non, il n'a pas le droit ! Pas ça !'
« Sasuke ! » hurla-t-elle de toute la force de ses poumons.
Derrière la vitre immatérielle, son ami ne montra aucun signe de ce qu'il l'avait entendu. Serrant les dents, elle se retourna abruptement.
« Sai ! Je sais que tu m'entends, tu m'entends forcément ! » cria-t-elle à l'obscurité autour d'elle. « Arrête ça, Sai ! Ne fais pas ça, tu m'entends ? Tu n'as pas le droit de faire ça ! »
Seul le silence lui répondit.
Kiyoshi fouilla un instant la pénombre du regard, jeta un bref coup d'œil à sa tante, puis se tourna à nouveau vers son père. Malgré tous ces efforts, son visage se tordit brièvement en une expression d'angoisse.
'Papa…'
« Tu sais que tu le mérites, pourtant. Tu le sais, pas vrai Sasuke ? Alors, qu'est-ce que tu fais encore là ? »
Sasuke ne répondit rien, sentant avec acuité la boule de chagrin qui obstruait sa gorge et l'empêchait de respirer correctement. Il perçut un faible bruit de froissement de tissu et consentit finalement à relever les yeux. Accroupi face à lui, Naruto lui adressa un regard de ressentiment.
« Eh bien, Sasuke ? » répéta-t-il. « Tu mérites autant que moi d'être là-bas. Si tu as ne serait-ce qu'un peu d'honneur, qu'est-ce que tu fais encore ici ? »
Sasuke détourna une nouvelle fois les yeux, incapable de soutenir ce regard trop bleu. Un soupir lui échappa, et il déglutit douloureusement.
« Je ne peux pas » répondit-il enfin, dans un mince filet de voix.
Il sentit que l'autre se penchait vers lui pour mieux l'entendre.
« Pourquoi pas ? »
La voix était pleine de défiance, et les yeux, lorsqu'il leur fit de nouveau face, plissés de colère contenue.
« Je ne peux pas » répéta-t-il un peu plus fort. « Je suis désolé, Naruto, je ne peux pas. Je ne peux pas te rejoindre. »
La colère se mua en furie dans ses iris, Naruto se jeta à genoux et l'empoigna brutalement par le col, rapprochant violemment leurs visages.
« Pourquoi pas ? » hurla-t-il. « Tu mérites bien plus que moi d'être mort, Sasuke ! Pourquoi est-ce que tu devrais continuer à vivre alors que je suis mort à cause de toi ? »
Sasuke se laissa simplement faire, ne cherchant en aucun cas à se dégager. Son regard n'était plus vide, mais empli d'une sorte de détermination morbide.
« Je suis désolé, Naruto » dit-il une nouvelle fois. « Je ne peux pas mourir. Quelqu'un compte sur moi, maintenant. »
Un grondement surgit de la gorge du garçon, mais Sasuke l'ignora.
« J'ai un fils. »
Le grondement cessa brutalement. Les yeux bleus s'écarquillèrent d'incompréhension.
« J'ai un fils. Et je ne peux pas mourir, pas alors qu'il dépend de moi » poursuivit Sasuke, imperturbable. « Je veux l'élever, Naruto. Je refuse de le laisser grandir comme moi, seul au milieu de tout ce monde, seul contre le monde. Je refuse qu'il grandisse comme toi. Je ne veux pas qu'il grandisse comme nous. Je ne peux pas mourir, pas maintenant. Pardonne-moi, Naruto. »
Kiyoshi se figea, immobilisé par la surprise. Est-ce qu'il avait bien entendu ? Son père ne voulait pas le quitter, même si Naruto Uzumaki le lui demandait ? Est-ce que c'était vraiment vrai ? Il l'aimait donc vraiment assez pour refuser de suivre son meilleur ami ?
Il s'aperçut avec un temps de retard que ses épaules s'étaient mises à trembler. Un petit bruit étranglé émergea de sa gorge, et sa vision devint trouble. Un bras vint l'attirer contre le corps chaud de sa tante, et il laissa finalement un nouveau sanglot lui échapper.
« Papa… » murmura-t-il. « Papa… »
Deux larmes s'écrasèrent contre le sol immatériel.
Le coup partit sans avertissement, mais Sasuke aurait tout de même pu le contrer sans difficulté. Il ne le fit pas. Le poing de Naruto s'écrasa contre sa joue et il vacilla un instant sous l'impact.
« Tu es lâche, Sasuke ! » cracha la voix d'une familiarité lancinante. « Tu es d'une lâcheté dégoûtante ! Je ne peux pas croire que tu sois lâche à ce point, espèce d'enflure ! »
Le bras qui le tenait encore par le col de son T-shirt tremblait sous le coup de la colère et l'autre se leva pour frapper une nouvelle fois. Cette fois-ci, cependant, Sasuke intercepta. Le poing produisit un bruit mat en rencontrant la paume de sa main. Sasuke referma solidement ses doigts dessus et leva un regard calme vers les yeux bleus qui lui faisaient face. Brièvement, l'autre sembla déconcerté par sa soudaine assurance.
« Je sais ce que tu essaies de faire, Sai. »
Une nouvelle fois, la poigne sur son col trembla. Sasuke posa sa main libre sur son bras et l'en détacha avec fermeté. Sur le visage trop ouvert de son vis-à-vis, il pouvait faiblement lire le choc.
« Oui, je sais que c'est toi » poursuivit posément Sasuke. « Parce que Naruto aurait compris. Il aurait accepté mon choix. »
L'expression de l'autre se ferma brutalement et ses sourcils se froncèrent.
« Tu crois ça, Uchiwa ? » jeta-t-il, méprisant. « Tu crois peut-être qu'il t'a pardonné ? Je ne te crois pas. Je ne vois pas comment quiconque aurait pu pardonner ce que tu as fait. Il t'a haï jusqu'à la fin, Uchiwa, et où qu'il se trouve, il te hait probablement encore aujourd'hui ! »
Sasuke relâcha sa prise sur les deux bras de l'autre et se releva.
« Je sais qu'il me hait » acquiesça-t-il sans temps mort.
L'enfant devant lui haussa un sourcil, pris de court. Sasuke croisa son regard sans vaciller.
« Ca n'a pas d'importance. Il comprendrait. Un jour, je mourrai et il obtiendra sa vengeance, mais je sais qu'il comprendrait que je ne puisse pas le rejoindre maintenant. »
« Et comment est-ce que tu pourrais savoir ça ? » railla l'autre. « Combien de temps as-tu passé avec lui, en réalité ? Un an ? Moins, même ! Tu l'appelles ton meilleur ami, mais que connais-tu de lui ? »
Sans préavis, le regard de Sasuke se fit brutalement glacial et sa voix se chargea de colère.
« Ne parle pas comme si tu y connaissais quoique ce soit ! » cracha-t-il avec venin. « Tu n'as aucune chance de pouvoir un jour comprendre ce lien entre lui et moi ! »
« Qu'est-ce qu'il y a à comprendre ? Tu le méprisais et le raillais en permanence ! Il a toujours voulu te surpasser et te faire mordre la poussière. Et tu appelles ça un lien ? »
Le Sharingan prit brutalement vie dans deux yeux noirs, rouge furie, et Sasuke se jeta en avant avec un cri de rage.
« Comment oses-tu prétendre y comprendre quoique ce soit ? »
Bien que pris de court, le corps qui se voulait celui de Naruto bondit immédiatement sur le côté, exceptionnellement vif. En temps normal, il aurait été facile pour Sasuke de contrer cette esquive d'un coup de pied bien placé, mais il sentit avec stupeur une chape de plomb s'abattre violemment sur ses membres, et ses forces semblèrent le quitter à un rythme alarmant. Haletant, il retomba à genoux à terre et dut lutter pour ne pas s'écrouler de tout son long. L'autre laissait échapper un ricanement moqueur, quelque part sur sa gauche.
« Tu es vraiment trop stupide, Uchiwa… »
Sasuke se retourna difficilement, à temps pour anticiper le coup que l'autre préparait déjà, mais incapable d'y faire quoique ce soit. Il se crispa par réflexe et tenta de lever le bras pour se protéger le visage, tout en sachant à quel point c'était futile.
Et puis un mouvement presque imperceptible traversa son champ de vision, un claquement acerbe retentit, et le poing de l'être s'immobilisa abruptement à quelques centimètres de son visage. Comme hypnotisé, Sasuke remonta son regard jusqu'à la main qui s'était refermée sur le bras de l'autre et assurait sa prise avec une fermeté sans nulle doute douloureuse, puis plus haut, où deux paires d'yeux bleus s'affrontaient silencieusement, l'une médusée, l'autre emplie d'une fureur dévastatrice.
Sans autre préambule, un second poing partit, autrement plus rapide que le précédent, et vint s'écraser dans le creux de l'estomac de l'être que Sai avait invoqué. Les yeux bleus s'écarquillèrent sous le coup de la surprise, la bouche s'ouvrit muettement, et soudain le corps s'envolait, projeté plusieurs mètres plus loin par la puissance du choc.
Le nouveau venu ramena son bras d'un mouvement vif et retroussa les lèvres. Un grondement rageur s'éleva de sa gorge, enfla, prit de l'ampleur, avant de finalement se muer en véritable rugissement.
« Touche-le encore une fois, une seule fois, et je jure que tu connaîtras l'Enfer, raclure ! »
Deux yeux d'un bleu trop bleu prirent brièvement un éclat carmin au-dessus de six étranges cicatrices en forme de moustaches, et les canines trop longues produisirent un léger crissement lorsque les mâchoires se serrèrent sous le coup de la rage. Sous la vieille veste de survêtement orange et noire ouverte sur son T-shirt sombre, le pendentif de cristal brillait d'un éclat de mauvais augure dans la pénombre. Une masse de cheveux blonds s'étalait en bataille, à peine retenue par l'hitai-ate de Konoha.
Naruto Uzumaki, dix-sept ans, futur Hokage.
« Un deuxième ? » s'exclama Shikamaru. « Qu'est-ce que ça veut dire ? »
Ino sortit brutalement de sa stupeur et poussa un glapissement de pur ravissement.
« C'est lui ! C'est lui ! » cria-t-elle, le regard soudain brillant.
Tsunade se redressa et se jeta quasiment contre la paroi, le regard écarquillé.
« Non… Impossible ! »
Kakashi se releva de sa position accroupie et rabattit lentement son bandeau sur son Sharingan d'un mouvement machinal, son second œil révélant à lui seul son incrédulité.
Sakura relâcha abruptement son étreinte sur Kiyoshi et plaqua ses mains contre la vitre.
« Qu'est-ce que ça signifie ? » s'écria-t-elle. « A quoi Sai joue-t-il ? A moins que… »
Ses yeux verts s'agrandirent démesurément, et sa voix ne devint plus qu'un murmure.
« … Non… »
'Naruto ?'
L'autre émit un vague grognement en se relevant, et l'espace d'un instant, l'éclat noir des yeux de Sai perça dans son regard écarquillé par l'incompréhension.
« Qui es-tu ? » jeta-t-il d'une voix coupante, qui ne couvrait pas tout à fait une pointe de panique.
Le nouveau venu laissa échapper une exclamation moqueuse.
« Ha ! Toi, tu ne saurais pas qui je suis ? Regarde-toi dans une glace, enfoiré ! » railla-t-il en pointant un index narquois sur lui.
« Impossible ! Naruto Uzumaki est mort !… »
Il s'interrompit brutalement, comme frappé par quelque chose qui lui aurait échappé jusque-là, puis se reprit et laissa échapper un grognement agacé.
« Bien sûr… Tu es un esprit » conclut-il d'un air contrarié.
Le second Naruto ouvrit de grands yeux perplexes.
« De quoi ? »
« Nous sommes dans le Monde Spirituel » reprit l'autre d'un air condescendant. « Le Monde des Esprits. Je ne savais pas que c'était possible, mais les esprits des morts doivent également avoir un certain accès à ce lieu, ce qui explique ta présence… C'est ennuyeux. »
« Ennuy… »
Le soi-disant esprit sembla brièvement s'étrangler de rage et prit une jolie teinte pourpre.
« Tu veux que je te dises ce qui est vraiment ennuyeux ? Voir un type que tu ne connais ni d'Eve ni d'Adam s'approprier ton apparence sous prétexte que tu n'auras rien à y redire parce que tu es censé être mort ! »
Ses yeux se plissèrent sous le coup de la colère et il étendit violemment le bras vers sa copie conforme. Avant que l'autre n'ait pu esquisser le moindre mouvement, il se trouva soudain projeté en l'air par une bourrasque qui n'avait aucune raison d'être. Lorsqu'il atterrit à nouveau brutalement sur ses deux pieds, il avait radicalement changé d'aspect. Sai baissa les bras qu'il avait levé par réflexe devant son visage, et ne put retenir un sursaut stupéfait. Que faisait-il dans l'arène ? Et à la place du clone, qui plus est ?
Sasuke laissa échapper un hoquet de surprise. Au même moment, le poids incroyable qui semblait s'être abattu sur ses membres disparut totalement et il put se relever, ce qu'il fit lentement en tournant la tête pour poser sur l'être près de lui un regard fixe.
« C'est beaucoup mieux » lança celui-ci d'un ton d'un très satisfait de lui-même. « Je commençais à craindre le dédoublement de personnalité. »
« Qu'est-ce que tu as fait ? »
Sai s'était campé sur ses jambes dans une position défensive et le considérait d'un œil menaçant.
« C'est moi qui est ouvert ce monde… Je devrais être le seul à pouvoir y apporter des changements ! Un esprit n'est qu'une âme sans corps, sans chakra, sans aucune énergie. Pourquoi as-tu pu intervenir ici ? »
Un rictus narquois naquit à nouveau sur les lèvres de Naruto.
« Tu es vraiment stupide… Quelle preuve as-tu que je suis un esprit ? »
Sai étrécit les yeux.
« Tu es mort. »
« Qu'est-ce que tu en sais ? »
« Lui, le sait ! »
Sasuke jeta un coup d'œil à l'index accusateur pointé sur lui, puis revint à son sujet d'attention précédent. Deux yeux bleus agacés soutinrent cette fois son regard inquisiteur, le jeune homme s'étant finalement tourné vers lui. Naruto produisit une moue dédaigneuse, avant de lever la main. Pris par surprise, Sasuke fut forcé de reculer d'un pas lorsqu'un doigt pressa contre son front dans un geste universel de désapprobation amicalement moqueuse.
« Fais-moi plaisir, évite de croire tout ce qui se passe dans cette jolie tête, gamin. Ca t'évitera bien des tracas. »
'Gamin ?'
Sai écarquilla brièvement les yeux sous cette appellation, mais se reprit bien vite.
« En supposant même que tu sois encore vivant, » répondit-il sans relever, « pourquoi arborer cette apparence ? Il n'y a que les morts qui ne vieillissent pas. »
Naruto equissa une grimace contrariée.
« Les morts, et ceux que l'on croit morts, tu veux dire ! Si je prenais mon véritable aspect, l'esprit de ce crétin… »
Un mouvement du pouce par-dessus son épaule en direction de Sasuke identifia sans mal le crétin en question.
« … m'assimilerait automatiquement à un étranger, tout simplement parce que lui aussi est persuadé que les morts ne changent pas. »
« … C'est pour cela que tu as été capable d'agir ici. »
« Oooh, mais c'est qu'il est intelligent ! » s'émerveilla soudain Naruto avec un large sourire satisfait. « Eh oui, p'tite tête, c'est bien ça. Comme tu l'as toi-même à peu près remarqué, puisque Monsieur se complait dans le mélodramatique, il se trouve que, sous cet aspect, je possède sur son esprit une certaine influence… Largement assez pour contrecarrer la tienne, et ce, malgré le fait que tu sois celui qui ait ouvert le passage ! Dommage, non ? »
« Tout à l'heure… » tenta de s'insurger Sai.
« Même si tu avais cette apparence, tu m'imitais comme un pied, mon vieux. Mais c'est excusable, après tout, je suis assez unique dans mon genre ! » répliqua aussitôt Naruto en prenant soin d'assortir son sourire éblouissant d'une large dose de la fameuse "pose du mec cool".
Sai étrécit les yeux, furieux.
« Ca n'explique pas ta présence ici ! » reprit-il. « Comment pourrais-tu être là ? Comment as-tu pu entrer ? »
Naruto haussa nonchalamment les épaules.
« Je connais probablement le Monde Spirituel mieux que toi, tu sais… En fait, tu t'y prends tellement mal que ce n'était pas difficile de trouver une porte d'entrée, si l'on savait quoi chercher. »
« Impossible… Il existe très peu d'humains qui ne serait-ce que connaissent l'existence de ce Monde, sans parler d'être capable d'y évoluer à leur guise ! » rétorqua aussitôt Sai. « Ceux-là sont très rares, et le seul moyen que je connaisse est de… »
« … Faire un pacte avec un démon ? »
Sasuke jeta un coup d'œil au petit sourire tranquille que le jeune shinobi près de lui arborait à présent, avant de se concentrer à nouveau sur ses yeux. Il ne savait plus quoi penser. Un avatar de Naruto hypertrophié du vocabulaire ? Parce qu'il doutait que son imbécile de coéquipier ait jamais connu le sens du terme "dédoublement de personnalité". C'était un peu trop poussé pour son cerveau limité… Alors, une nouvelle imposture ? Mais pourtant, ce comportement, cette grande gueule… Les gestes étaient différents, le maintien aussi, et il y avait quelque chose de différent dans ces yeux. Mais le reste…
En réalité, et Sasuke cligna brièvement des yeux en s'en rendant compte, ce qui le stupéfiait le plus, c'est que l'autre ne cherchait pas à cacher quoique ce soit. Il n'essayait pas de jouer un rôle, encore moins celui d'un jeune ninja de dix-sept ans. Il était là, un point c'est tout. Que les autres s'adaptent à sa place, il n'allait certainement pas s'en donner la peine pour leur plaire ! Voilà ce que réfletait sa conduite. C'était à prendre, ou à laisser…
« Admettons ! » jeta finalement Sai, mettant fin au court silence qui venait de passer.
Le shinobi avait l'air excédé, furieux de ne pas pouvoir résoudre cette énigme.
« Admettons que tu ais ce pouvoir, admettons que tu ne sois pas mort ! Malgré ça, qu'est-ce qui t'aurait permis d'intervenir à temps ? Tu n'avais aucun moyen de savoir ce qui arrivait à l'Uchiwa, tu n'étais plus là depuis des années ! »
« Aaah… En voilà une question qu'elle est bonne. »
Sasuke haussa un sourcil interrogateur lorsque le sourire de Naruto se fit décidément canaille.
« Disons juste… que j'avais placé un "mouchard" sur lui. »
Puis, il éclata bruyamment de rire.
« Si vous voyiez vos têtes ! »
« Un… un mouchard ? » articula Sai, stupéfait.
Pour toute réponse, le jeune homme porta la main à sa poitrine et souleva nonchalamment le pendentif qui y reposait. Par réflexe, Sasuke mima vivement son geste et referma le poing sur l'original qu'il portait.
« Comment… Quand… » bafouilla-t-il, tiré de son mutisme précédent par le choc.
Naruto se tourna vers lui, apparemment ravi de son petit effet.
« Oh ! Ce n'est pas grand-chose, bien sûr » reprit-il. « Juste un petit jutsu, basé sur un principe de synchronisation de résonance… »
« Synchronisation de… Je ne suis même pas sûr de comprendre de quoi tu parles » lâcha Sai, incrédule. « Mais… ça supposerait deux objets. Et si l'Uchiwa porte cet objet que tu désignes, tu ne peux pas posséder le même actuellement ! »
« Très juste. »
D'un geste vif, Naruto fit glisser sa veste de ses épaules. Sur son biceps gauche, quelque chose de métallique refléta la faible lumière du lieu.
« Un… hitai-ate ? » murmura Sai. « Un hitai-ate barré ? »
« On pourrait dire que c'est un échange » répondit joyeusement Naruto. « Il porte un objet qui m'a appartenu, et vice-versa. Ca en rend même le jutsu plus facile ! »
Sasuke ne dit rien. Contre sa paume, il pouvait maintenant sentir la présence quasi-indétectable d'une minuscule quantité de chakra étrangère logée dans le cristal, comme une infime boule de chaleur et de lumière. Son regard restait fixé sur le bandeau frontal qu'il n'avait jamais cru revoir, mais son esprit était à cent lieues de là. Lorsqu'il était entré en possession du pendentif, longtemps, il avait cherché à croire qu'il le reverrait. Il se souvenait encore des nuits sans sommeil qu'il avait passé à fixer l'amulette, à la retourner entre ses doigts, à l'examiner sous toutes ses coutures, sans relâche, comme si elle avait le pouvoir d'apporter des réponses à ses questions, comme si elle pouvait lui ramener son ami.
A la fin, il n'avait rien trouvé, et il avait abandonné. Et s'il y avait une chose dont il était à présent sûr, c'est que cette petite lueur, cette infime énergie… Elle n'était pas là, à ce moment précis. Il l'aurait senti, sinon, il aurait compris, compris qu'il y avait encore un espoir.
Alors son esprit tournait et tournait, et il cherchait, cherchait à savoir. Combien de personnes, durant toutes ces années, combien d'autres que lui avaient pu tenir ce cristal entre leurs mains ? Il y avait Tsunade, bien sûr, mais elle ne l'aurait pas fait, il en était certain. Il y avait Kiyoshi, aussi, de temps en temps, rarement, mais il n'avait pas le niveau, et de loin. Et puis il y avait…
L'éclat du soleil couchant sur la surface lisse d'un peu de céramique, le son d'une cape claquant au vent, l'air qui se vidait de ses poumons alors qu'il se faisait plaquer au sol.
« Je ne veux plus y croire, c'est trop douloureux. »
« Le moins que vous puissiez faire, c'est de respecter son choix ! »
« Il n'y a que les morts qui ne changent pas. »
Une larme glissa sur sa joue.
« Tu as changé… Naruto. »
Quelque part à l'intérieur de sa poitrine, quelque chose explosa. Et devant lui, une lumière blanche éblouissante déchira l'obscurité d'un monde qui n'était plus le sien.
Hum ? Où ça, un nouveau cliff-hanger ? Ah… Tiens, oui, dis donc, on dirait bien qu'il m'a échappé. XD
