Notes : Oyez, oyez, fanfictionniens de tous pays et de tous horizons ! Comme quoi, tout arrive un jour, n'est-ce pas ? Mieux vaut tard que jamais, blabla… Non, c'est bon, vous pouvez ranger les tomates, je me tais. XD Je dois dire qu'il est temps que cette fic se termine, je suis plus ou moins en perte de vitesse, ici. Du coup, j'ignore totalement si j'en viendrai un jour à écrire la séquelle qui me tourne dans la tête, surtout qu'il s'agirait d'un projet au moins trois fois plus gros que celui-là. A peu près de la taille de ma fic 'Harry Potter', pour ceux qui connaissent, c'est pour vous dire… O.o Mais je finirai 'Le Kit', c'est définitif ! Il ne me reste qu'un chapitre à boucler, et j'ai bien l'intention d'y parvenir avant Noël prochain. N'êtes-vous pas rassurés par cette déclaration dévoilant toute la profondeur de la confiance en elle-même de l'auteur ? XD Mais allez, trêve de bavardages : pour pallier à l'attente, vous avez droit à un chapitre ultra-long, bande de petits veinards ! (c'est surtout que je me voyais mal couper à un autre endroit, et qu'autrement il était beaucoup trop court, mais passons…)

R.A.R : Ah, tiens ? Ce cliff-hanger ci a suscité moins de réactions. N'est-ce pas étrange ? XD Bon, allez, très bien, puisqu'il y en a qui ont trouvé le moyen de râler (n'est-ce pas, Wynzar ? ;) ) je réponds aux reviews. Et donc nous adressons (oui, c'est un 'nous' majestatif. Y a un problème ?) une nouvelle fois nos plus sincères remerciements à iza, onarluca, luluflo4, Flore Risa, Shinia Marina, Flore Jade, Neo-Alphonse Elric, Jamesie-cass, Deathwings01, hororen987, ladynarutochan, jenni944, yune-chan66, yaminohoshi, LECONTE Raphaèle, Tiffany Shin, Jalexa Uchiwa, dragonise, xylo, coralie, Nadramon, henna-himitsu, Wynzar (mais pourquoi je te remercie, au juste ? ;P), Sara, bigzapper, Thealie, mana59, Sacham Dragon Priestess, Maeve, Blackangel, gotika, coralie et finalement Kyoko super girl. Ouf !

Wilam : Inutile d'aller te pendre, je préfère mes lecteurs entiers et en état de lire, et mes revieweurs entiers et en état de taper sur un clavier. XD Enfin, effectivement, ne rêve pas trop quant à ta fameuse scène Naruto-Sasuke, il n'y a quasiment aucune chance que ça arrive ici, désolée. Peut-être dans une suite, si j'arrive un jour à l'écrire… :)

Ookami : Lol, tu es la deuxième personne à me demander ce qu'est un cliff-hanger. C'est un terme régulièrement utilisé par les auteurs de fic, mais c'est sûr que la signification n'en est pas forcément évidente : cela désigne essentiellement une fin de chapitre relativement sadique. Ce qui semble devenir ma spécialité, quoi… En tout cas, merci pour ta review !

Tenshimizu : Merci infiniment pour tes commentaires. Loin de trouver cela stupide, cela me touche vraiment que tu puisses t'identifier aux persos de cette manière. Ca prouve que je fais bien mon boulot, et j'en suis heureuse !


Chapire 9 : Le spécialiste des sceaux

Naruto écarquilla les yeux alors que la structure de l'univers alentour commençait soudainement à se désagréger : l'âme de Sasuke se révoltait brutalement contre la forme qu'elle avait passivement adoptée sous les injonctions de Sai. Aveuglé par la lumière blanche éblouissante qui emplissait à présent son champ de vision, il lui fallut quelques secondes pour se rendre compte que cette luminosité ne provenait de nul autre que de lui-même.

Sonné par les implications de ce phénomène, incrédule, il plongea aussitôt dans un examen frénétique du peu de réalité qui s'offrait encore à lui, alors que tous repères d'espace et de matérialité s'effaçaient. L'espoir ténu qui n'osait grandir en lui sembla soudain exploser dans sa poitrine lorsque le subconscient de Sasuke réagit favorablement à sa tentative et le laissa sereinement faire comme bon lui semblait.

Il n'avait pas de corps, pas de visage, ni yeux pour pleurer ni lèvres pour sourire, mais son âme chanta pour lui.


Lentement, Sasuke sentit le néant se dissoudre autour de lui. Les sensations lui revinrent peu à peu alors que son âme reprenait une apparence physique. D'abord, le chant de quelques oiseaux, loin au-dessus de lui, puis le contact caressant du vent sur ses bras nus. Le parfum du printemps, mille senteurs symboles de renouveau. Et enfin, alors qu'il ouvrait les yeux, la vue d'un ciel bleu à en pleurer au-dessus d'un lac scintillant sous le soleil, au bas d'une longue pente douce couverte d'herbe. Une nouvelle brise vint jouer avec les herbes hautes à ses pieds et il les sentit frôler ses jambes avec un bruissement doux. Un long moment, il resta simplement immobile.

« Sasukeee ! »

Reconnaissant sans mal la voix de Sakura, Sasuke se retourna vivement. La jeune femme se précipitait vers lui à travers les longues herbes, un immense sourire soulagé aux lèvres, Kiyoshi et Lee à ses trousses. Non loin derrière eux, Kakashi, Neji, Tsunade, Shikamaru et Ino suivaient à un rythme plus modéré, scrutant les alentours avec quelque chose qui ressemblait plus à de perplexité qu'à de la méfiance. Répondant faiblement au sourire de son amie, Sasuke amorça quelques pas dans leur direction, mais s'immobilisa brutalement en sentant une présence apparaître derrière lui.

Réagissant par réflexe, il bondit aussitôt sur le côté et roula à terre pour s'éloigner de la silhouette de Sai qui se matérialisait à peine. Le jeune shinobi lui jeta un coup d'œil presque affolé avant de dégainer précipitamment un kunai, se mettant automatiquement en position de défense avant même de réaliser la présence des autres. Du coin de l'œil, Sasuke vit Sakura retenir Kiyoshi avant que l'enfant ne puisse continuer sa route vers son père malgré tout. L'Anbu resta ramassé sur lui-même et étendit la main vers ses propres armes, se préparant déjà au combat, mais une violente bourrasque de vent se leva soudain. Le frôlant avec légereté, elle vint percuter Sai de plein fouet, l'obligeant à abandonner sa posture agressive ainsi que son kunai, qui effectua un arc gracieux avant d'aller se planter dans le sol bien plus loin.

Délaissant le ninja déséquilibré, Sasuke pivota vivement dans la direction d'où était venue la rafale.

Au-dessus du champ d'herbes bruissantes glissant vers le lac, une forme indistincte luisant d'une douce lumière dorée commençait à apparaître à quelques mètres du sol. Fasciné, Sasuke l'observa alors qu'elle se condensait progressivement en une forme humanoïde recroquevillée sur elle-même, presque enfantine. Il lui sembla brièvement distinguer des cheveux blonds et quelque chose de familièrement orange avant que l'être ne commence à se redresser. A mesure qu'il dépliait son corps, Sasuke eut l'impression distincte que ses membres s'allongeaient légèrement et que son apparence changeait. Peu de temps après, la silhouette glissa finalement vers le sol, sa gangue de lumière ne le laissant s'échapper qu'avec une réticence manifeste.

Un pied botté entra enfin en contact avec l'herbe haute. Deux yeux bleus animés d'une sauvage lueur de triomphe croisèrent ceux de Sasuke. Naruto se réceptionna nonchalamment et passa une main dans ses cheveux blonds en bataille, dégageant les mèches un peu trop longues de son visage d'un geste vaguement arrogant. Son T-shirt noir s'ajustait parfaitement à son torse, mettant en valeur les muscles qu'il avait acquis au cours des années, et une ceinture orange à la boucle en forme de spirale était passée à sa taille, retenant le jean sombre qui couvrait ses jambes avant de s'enfoncer dans des bottes souples. Sur chacun de ses bras était noué un bandeau protecteur : les deux arboraient le symbole de Konoha, mais tandis que l'un, bien qu'ayant manifestement vu des jours meilleurs, était intact, l'autre présentait une longue éraflure en travers de la feuille.

Etrangement, nota Sasuke, la balafre semblait bien moins large que ce dont il se rappelait.

Naruto posa une main sur sa hanche avec assurance et adressa à son public un large sourire éclatant.

« Yop ! Alors, qu'est-ce que vous pensez du décor ? Je devrais me reconvertir en décorateur d'intérieur, vous croyez pas ? » lança-t-il d'une voix vibrant d'énergie et de bonne humeur.

Il y eut un petit instant de latence avant que ne fusent de derrière Sasuke deux cris jumeaux, l'un véritablement ravi, l'autre… positivement furieux.

« Naruto ! »

L'interpellé pâlit quelque peu et déglutit difficilement en avisant l'expression de Tsunade qui se précipitait justement vers lui, ayant grillé la priorité à une Sakura trop surprise par sa réaction pour songer à s'en offusquer. Fort heureusement — ou pas, dépendant du point de vue — une armée de corbeaux choisit ce moment précis pour se matérialiser de nulle part et se ruer sur lui avec des cris rageurs. Naruto tourna à peine la tête, haussa un sourcil perplexe, puis agita vaguement la main en direction des piafs braillards. Leur vol s'arrêta net dans une position très peu naturelle, alors qu'ils étaient si proches qu'il lui aurait suffi de tendre le bras pour les toucher, puis ils parurent commencer à se désagréger. Un instant plus tard, toute trace de l'attaque avait disparu.

Point positif : apparemment, cela avait suffi pour que Tsunade s'immobilise avec une expression presque boudeuse, manifestement décidée à attendre que la situation soit plus propice pour lui demander des comptes.

« Tu t'obstines, gamin ? » demanda Naruto d'un ton qui suggérait qu'il posait la question par pure politesse, la réponse ne l'intéressant guère. « Ca ne va pas te donner grand-chose, tu sais… »

Sai serra les dents et devint un peu plus livide, mais il paraissait plus déterminé que jamais.

« C'est moi qui ai ouvert ce monde ! » cracha-t-il en réponse.

« J'en ai rien à foutre, bordel ! » répliqua vertement Naruto, prouvant par la même occasion qu'il lui en fallait toujours aussi peu pour perdre patience. « Tu l'as ouvert, ok, t'es content, maintenant ? Tu ne peux plus rien faire ici, abruti ! Je te bloquerai sans même avoir à bouger le petit doigt ! »

Sai esquissa un rictus.

« Tu pourrais me tuer que cela ne changerait rien à la situation » lança-t-il narquoisement. « Même si mon âme s'éteint ici, ce monde ne se refermera pas tant que je ne l'aurais pas décidé ! Si je meurs, vous resterez tous bloqués ici pour l'éternité ! »

Naruto laissa échapper un grondement d'agacement et se tourna totalement vers lui, les poings serrés. Un cri d'avertissement de Sakura l'interrompit et il pivota vivement sur sa gauche, écartant les bras juste à temps pour intercepter une colonne de pierre à l'extrémité aiguisée toute prête à l'embrocher. La roche s'effrita entre ses deux mains levées et retomba au sol dont elle était issue, à l'instant précis où Naruto sentit la terre trembler infimement sous ses pieds. Avant qu'il ne puisse réagir, une longue racine surgit à ses pieds et s'enroula autour de lui avec vivacité, plaquant ses bras contre son corps et le soulevant de terre avant de venir enserrer son cou.

« Non ! » cria Kakashi, alors que près de lui Ino poussait une exclamation d'horreur.

Le tentacule brun se contracta pour lui briser la nuque et Naruto serra les dents. Un instant plus tard, une vive sensation de chaleur prit naissance contre sa peau et il se sentit tomber. Incrédule, il se rétablit au milieu d'une pluie de cendres et de fragments de racine enflammés. Ce n'est qu'en relevant les yeux vers l'expression choquée de Sai qu'il comprit, et un sourire vint naître sur ses lèvres.

« Toi… » commença le jeune ninja rénégat. « Qu'est-ce que tu… »

Naruto laissa échapper une exclamation moqueuse en se relevant.

« Moi ? Je n'ai rien fait. »

Ne sachant plus que croire, Sai suivit son regard.

Sa respiration était irrégulière et il était couvert de sueur, mais il se tenait très droit, les poings serrés à ses côtés. Les yeux de Sasuke croisèrent les siens avec défi.

« Comment… »

« Apparemment, ta copine poilue n'a pas pris la peine de te mettre au courant de toutes les règles en t'offrant ce pouvoir » commenta nonchalamment Naruto.

Sai se retourna vers lui, furieux de son manque de respect envers sa défunte Makkura, mais le ninja errant continuait déjà.

« Quoiqu'il arrive, quelque soit la puissance de celui qui l'ouvre, le Monde Spirituel est né de l'esprit de l'humain qu'il cherche à soumettre, et en tant que tel, cet humain gardera toujours une certaine influence sur les évènements qui s'y réalisent » dit-il en époussetant distraitement les cendres de son T-shirt. « Bien sûr, si l'humain en question ne connaît rien au Monde Spirituel, cette influence restera minime, et ce d'autant plus qu'elle dépend essentiellement de son état d'esprit. Si on s'y prend correctement, il n'y a donc aucune raison que la domination de celui qui a ouvert le Monde vacille, mais étant donné la situation… »

Il décocha à son adversaire un large sourire satisfait.

« Une chance que je sois là, non ? »

« Ne te flatte pas trop, usuratonkachi » vint la réponse d'une source inattendue.

Naruto adressa un regard boudeur à Sasuke qui sortait enfin de son mutisme.

« Qui est-ce que tu traites d'imbécile ? Tu pourrais être un peu plus reconnaissant, enfoiré ! » râla-t-il.

« "Reconnaissant" ? Rappelle-moi lequel de nous deux vient tout juste de sauver la peau de l'autre ? » rétorqua l'Uchiwa d'un ton indifférent. « Dobe. »

« Argh ! C'est toujours pareil ! » tempêta aussitôt Naruto en se mettant à taper du pied par terre dans un réflexe parfaitement puéril. « On ne m'y reprendra plus à céder à mon exceptionnelle bonté pour venir sauver tes fesses, Sasuke ! Espèce d'ingrat ! »

Le dit ingrat émit un reniflement qui en disait long sur ce qu'il pensait de la bonté de son interlocuteur.

« Comme si j'avais besoin de ton aide, crétin… »

« Si tu ne voulais pas que je vienne, t'avais qu'à me laisser crever en paix, bâtard ! C'est entièrement ta faute ! Egoïste ! »

« Qu'est-ce que tu racontes, maintenant ? » murmura Sasuke en haussant un sourcil stoïquement perplexe. « Baka » ajouta-t-il comme après-coup.

Naruto se hérissa et refusa tout net de répondre, trop offusqué pour parler. A quelques mètres de là, Sakura chercha en vain à retenir un gloussement impromptu. A sa gauche, Kakashi n'éprouvait visiblement pas sa retenue et étalait un large sourire clairement perceptible dans la courbe de son seul œil visible. Shikamaru poussa un profond soupir et marmonna quelque chose à propos de combien tout cela était incroyablement fatiguant. Tsunade arborait une expression de fatalité découragée tandis qu'Ino paraissait simplement perplexe. Et quant à Kiyoshi, ses yeux écarquillés résumaient à eux seuls son opinion sur la question.

Un raclement de gorge insistant finit par interrompre la dispute et Naruto jeta un coup d'œil surpris à Sai, comme s'il l'avait momentanément oublié — ce qui n'aurait pas été surprenant quand on savait à qui l'on avait affaire.

« Il faut le dire si je dérange… » lança Sai d'un air sombre.

Naruto cligna des yeux d'un air perplexe.

« C'est une question ? Parce que, personnellement, la réponse me semble plutôt évidente… »

Un léger coup asséné sur son crâne lui arracha un vague juron et il écarta la main de Sasuke d'un geste excédé.

« Dobe… » lâcha l'Anbu en lui adressant un regard torve.

Naruto lui jeta un regard de ressentiment et lui tira la langue, s'attirant pour seule réponse un grognement impatient. Finalement, il reporta toute son attention sur Sai, soudain redevenu parfaitement sérieux. Le rénégat parut un instant déstabilisé par le changement, mais se reprit très vite.

« Tu es convaincu, à présent ? » reprit calmement le ninja errant. « Je dois reconnaître que tu es plutôt doué, pour quelqu'un qui a eu aussi peu d'entraînement, mais il me paraît évident que tu ne pourras plus faire quoique ce soit ici. »

« Alors nous sommes bloqués » répondit gravement Sai. « Tu n'as donc plus qu'à trouver un moyen de me forcer à fermer l'accès. »

Il glissa automatiquement en position défensive, tendu et prêt à l'action. Cependant, Naruto ne bougea pas et se contenta de sourire.

« Je crois plutôt que je vais t'accorder une faveur. »

Sai ne baissa pas sa garde, mais parut pris de cours.

« Toi qui te targues de connaître si bien les démons, » reprit Naruto, « que dirais-tu d'en rencontrer un ? Un vrai ? »

« Naruto… » murmura Tsunade, interloquée.

Sasuke lui jeta un regard en coin, incapable de cacher sa surprise. Le sourire de Naruto s'agrandit un peu plus, satisfait comme il l'était de son petit effet.

« Je crois que nous avons assez traîné dans le coin, vous n'êtes pas d'accord ? » lança-t-il jovialement en joignant les mains dans la position habituelle de malaxage de chakra. « Veillez à ne laisser aucun détritus derrière vous, mes amis, ni papiers d'emballages, ni sacs plastiques ! Ce serait dommage de polluer une âme aussi vierge et… »

« Naruto ! »

Le jeune ninja se baissa vivement pour éviter la taloche que Sasuke lui destinait, avant de s'écarter de son ami d'un bond. Sasuke lui jeta un coup d'œil alarmé auquel il ne répondit que par un large sourire. Toutes les personnes présentes sursautèrent brutalement lorsqu'ils sentirent la texture du monde autour d'eux changer à nouveau, cette fois de manière facilement perceptible. Derrière Naruto, droit au-dessus de la berge du lac près duquel il se tenait, l'espace sembla se modifier, se tordant en une ouverture sombre et béante qui, pivotant d'abord lentement sur elle-même, puis de plus en plus vite, commença à aspirer ce qui se trouvait à sa proximité.

Naruto perçut la lueur de panique dans le regard de Sasuke lorsqu'il s'aperçut que le jeune ninja blond serait le premier à disparaître, et nota avec surprise qu'il n'hésita pas à se jeter spontanément en avant en criant son nom, la main tendue vers lui. Mais il perçut également le moment très précis où Sai réalisa finalement ce qu'il était en train d'accomplir.

Et à l'instant exact où il complétait l'ouverture du passage et transférait le Monde Spirituel vers sa propre âme, alors que le lac, les herbes hautes, le ciel bleu, tout disparaissait et se fondait dans l'obscurité autour de ceux qu'il entraînait avec lui, il eut un mouvement de recul et son sourire rassurant se transforma en grimace de douleur lorsque l'offensive de Sai l'atteignit de plein fouet.

'Décidément… Dire que je m'étais promis de ne plus te sous-estimer…'

« Naruto ! »

La voix paniquée de Sasuke l'atteignit comme à travers un voile alors que l'autre luttait encore pour le rejoindre. Naruto rouvrit les yeux et les plissa de détermination. Sai n'était pas assez puissant et entraîné pour le battre sur ce terrain et le savait très bien, mais en attaquant par surprise de cette manière, il était parvenu à acquérir un précieux avantage et le pressait autant qu'il le pouvait, s'efforçant de remodeler la situation à sa convenance. Il était trop tard pour que Naruto puisse reprendre totalement le contrôle. Mais après tout, qu'il soit damné s'il allait le laisser se promener à sa guise dans son âme à lui

Si quelqu'un enfonçait la porte de chez vous, rien n'interdisait de le perdre dans les couloirs.


Le sang atteignit le sol avec un petit bruit mouillé, répété encore et encore. Le jeune garçon pressa sa main intacte contre son flanc dans l'espoir de ralentir l'hémorragie. Ses griffes s'enfoncèrent brièvement dans sa veste lorsqu'il dut lutter contre une nouvelle quinte de toux sous l'effet de la vive douleur qui émanait de son poumon gauche. Sa respiration était irrégulière et trop rapide, sifflante dans sa gorge écorchée. Lentement, péniblement, il se hissa à nouveau debout sur ses membres tremblants.

Un petit rire malsain salua ses efforts, méprisant.

« Ah, Naruto-kun… » vint la voix rauque, moqueuse. « Que de courage, que de courage… Que de stupidité. »

Deux yeux rouges aux pupilles verticales se levèrent sous une frange de cheveux blonds maculés de sang, à peine retenue par un bandeau en piteux état. Dans ce visage couvert de coupures, ces yeux étaient la seule chose qui paraissait encore vivante, brûlants de détermination et de haine.

« Ta gueule… »

La rebuffade avait été voulue comme un cri, elle ne fut que murmure. L'homme éclata d'un rire plus corrosif encore que le premier. En comparaison à son adversaire, il ne paraissait souffrir d'aucun dégât, et seule une marque vaguement rouge sur son visage laissait suggérer qu'un coup avait pu porter à cet endroit. Quiconque connaissait cet homme aurait reconnu que cette simple marque faisait déjà de son jeune opposant un combattant redoutable : assez puissant pour exciter la colère d'Orochimaru, mais malheureusement pas assez pour y survivre.

Autour d'eux, le sol était jonché de débris, et par endroit des pans de murs entiers se dressaient encore, délimitant ce qui avait autrefois été un bâtiment. Non loin de là, le plateau sur lequel ils se trouvaient s'interrompait et plongeait abruptement vers la vallée en contrebas et la ville qui y était nichée. De lointains cris et bruits d'explosion parlaient des combats qui se livraient en bordure d'Oto no Kuni.

Orochimaru tourna la tête dans cette direction et, pour un bref instant, son sourire méprisant fit place à une expression de contrariété.

« J'imagine qu'à l'heure qu'il est, Sasuke-kun doit être entre les mains de cette chère Tsunade » dit-il.

Il eut un haussement d'épaules et son sourire suffisant réapparut.

« Cela devrait rendre l'expérience intéressante » susurra-t-il en tournant les talons.

« Pas… pas si vite ! » vint la protestation haletante.

Orochimaru évita sans mal le kunai maladroitement lancé dans sa direction et jeta un regard désintéressé au jeune homme par-dessus son épaule, alors que celui-ci s'écroulait à nouveau à genoux et se pliait en deux pour cracher son sang.

« Tu auras été distrayant, Naruto-kun… » dit-il nonchalamment. « Quelques instants. Mais tu m'as assez gêné, maintenant. Contente-toi de crever, et ne te mets plus en travers de mon chemin. Sasuke-kun est à moi. »

Ses yeux dorés brillèrent brièvement d'une lueur malsaine alors qu'il prononçait ces derniers mots, puis il se détourna et se dirigea vers le bord de la falaise.

Derrière lui, Naruto parvint tant bien que mal à cesser de tousser et s'efforça péniblement de reprendre sa respiration. L'air faisait un étrange bruit lorsqu'il entrait dans son corps, et il savait que son poumon était probablement percé. Son bras trembla lorsqu'il tenta de le lever pour essuyer le sang qui coulait le long de son menton, et il dut y renoncer, trop faible. De même, ses jambes refusèrent tout net de lui obéir lorsqu'il tenta à nouveau de se relever. Pire, son champ de vision se brouilla sous l'effort et une myriade de points lumineux l'envahit, lui cachant la vue de son adversaire s'éloignant. Il sentit un vertige le saisir et s'écroula sur le flanc avec un hoquet, incapable de distinguer le haut du bas tant sa tête tournait.

Il se sentait malade. Pas physiquement malade, bien que cela aurait été plus que justifié. Non, il se sentait malade, intensément malade, malade au-delà des mots, parce qu'il savait qu'il allait crever ici et que tout ce qu'il avait accompli jusqu'à présent n'aurait servi à rien. A quoi bon avoir aidé Tsunade à organiser cette attaque surprise sur Oto, à quoi bon être parvenu à pénétrer au cœur du village en profitant de la confusion, à quoi bon avoir localisé Sasuke et l'avoir convaincu de revenir ? Si Orochimaru ne pouvait être stoppé, si même Tsunade ne pouvait pas l'affronter, à quoi bon ?…

Sa respiration n'était plus qu'un râle dans sa poitrine, et il ne voyait plus rien, sa vue comme obscurcie par un voile noir.

D'ici à la fin de la journée, Sasuke serait de retour entre les mains d'Orochimaru, et avant la fin de la semaine il disparaîtrait, pour ne plus rien être d'autre qu'un corps de plus pour le Sennin. Cela, plus sûrement qu'aucune de ses blessures, plus sûrement que son poumon percé, la plaie béante dans son flanc droit, son bras cassé, le coup sévère qu'il avait reçu à la tête, les dizaines de coupures qu'il arborait et tout ce sang qu'il avait perdu… Plus sûrement que tout cela réuni, c'était savoir que malgré tout il avait échoué qui le tuait.

Une boule de rage et de haine s'était nichée dans sa poitrine, et bientôt ce fut tout ce qu'il put encore ressentir. Alors que son esprit sombrait progressivement dans le néant, au rythme de ses battements de cœur qui ralentissaient, une voix en lui, solitaire, isolée, continuait de hurler sa rage de vivre et son envie de sang. Personne n'aurait dû l'entendre, cette voix. Et pourtant, deux immenses yeux rouges aux pupilles de chat surgirent des ténèbres.

Après ça, il n'y eut plus rien.


Lorsqu'il revint à lui, la première chose qui le frappa fut l'odeur du sang. Péniblement, il ouvrit les yeux : au-dessus de lui, la nuit était tombée. Loin de là, les bruits de bataille commençaient à peine à s'essouffler. Et pourtant, autour de lui, le silence. Il ne se souvenait pas s'être allongé sur le dos. Naruto tenta de basculer sur le côté et étouffa un hoquet de douleur. Tout son être le faisait souffrir, une douleur vive qui venait de ses muscles, de sa peau, et jusqu'à ses caneaux de chakra. Pourtant, sa respiration, bien qu'haletante, ne sifflait plus dans sa poitrine, et son bras droit ne semblait pas plus douloureux que le gauche.

Avec un effort de volonté, serrant les dents, il se retourna et se hissa lentement à genoux. Enfin, épuisé, il releva les yeux. Ses iris bleus disparurent presque entièrement autour de ses pupilles.

Sang.

Du sang, du sang, du sang, à perte de vue, du sang.

Eclaboussé sur les murs à présent presque rasés, absorbé par la terre, incrusté entre les fragments de dalles. Ça et là, un lambeau de tissu difficilement reconnaissable et gorgé du précieux liquide rouge s'agitait faiblement sous le vent. Une mèche de longs cheveux sombres s'éparpillait parmi l'herbe clairsemée. Près d'un rocher, une forme indistincte, encore enveloppée dans quelque chose de blanc, tâché de rouge.

C'était un bras.

Distraitement, Naruto sentit qu'il se relevait à mouvements saccadés, gauches, comme si quelqu'un d'autre, quelqu'un qui ne savait pas vraiment comment s'y prendre, avait pris le contrôle de son corps et que lui se contentait d'observer la scène de loin. Lentement, à pas hésitants et incertains, il se dirigea vers le rocher et en fit le tour, puis s'arrêta net. Il se jeta à genoux.

Et il vomit.

Il vomit tout ce qu'il avait, tournant le dos à ce qui avait auparavant été un être humain, il vomit son dégoût et sa haine, sa haine de ce qui dormait en lui, sa haine de ce qu'il avait fait, sa haine de lui-même et de ce qu'il n'avait pas su empêcher. Et les larmes vinrent couler le long de son visage et tombèrent au sol, mêlant son chagrin à son dégoût.

Immobile, Sasuke n'arracha pas son regard fixe de l'adolescent devant lui. Il avait su qu'Orochimaru était mort, il avait su que son corps avait été ramené à Konoha. Personne ne lui avait jamais dit dans quel état. Personne, en dehors de Tsunade, n'avait su dans quel état. Personne d'autre qu'elle n'avait su que celui qui l'avait tué n'avait pas été Naruto, mais Kyûbi.

Une faible voix résonna à ses oreilles et Sasuke se retourna par réflexe pour en chercher la provenance, en vain. Il ne tarda pas à la reconnaître comme celle du Naruto qu'il venait juste de quitter, dans un champ de hautes herbes, près d'un lac.

« Savez-vous à quel point il est terrifiant, vraiment terrifiant, de pouvoir imaginer se réveiller un matin pour se demander où l'on se trouve, et pourquoi tous ces corps se trouvent autour de vous, pourquoi vos mains sont tâchées de leur sang, alors que vous ne vous rappelez d'absolument rien ? Que vous ne vous rappelez même pas de leurs yeux lorsque vos propres mains leur ont ouvert les entrailles, ou de leurs cris lorsqu'elles leur ont arraché le cœur ? Savez-vous à quel point il est paralysant de se dire qu'un jour, vous reprendrez peut-être conscience pour vous rendre compte que vous aurez tué toutes les personnes qui vous sont les plus chères au monde, qu'elles auront vu votre visage au moment de leur mort et vous auront maudit ? Vous rendre compte que ce corps avec lequel vous marchez et respirez a peut-être rayé un village entier de la carte, parce que vous avez su marquer un seul infime moment de faiblesse ? »

Le jeune homme à genoux laissa encore échapper un dernier haut-le-corps, un dernier sanglot, puis se redressa lentement, péniblement, et resta longuement immobile ainsi, appuyé contre le rocher, le regard vide.

« Savez-vous ce que c'est de réaliser que vous ne pourrez plus jamais vous regarder dans une glace sans craindre de voir votre reflet porter une main tâchée de sang à son visage et vous sourire ? Comprendre que vous n'êtes rien d'autre qu'un réceptacle pour quelque chose qui vous dépasse, quelque chose de bien plus grand, bien plus immense que vous… Quelque chose qui réduira votre monde en cendres à la moindre faille de votre part…

« Avez-vous déjà pensé qu'il vaudrait mieux pour tout le monde que vous mouriez, l'avez-vous déjà sincèrement pensé ? Et vous est-il venu à l'esprit alors, à ce moment, que peut-être, en mourant, vous ne feriez qu'offrir votre corps sur un plateau à une créature qui ne devait plus jamais revoir la lumière du soleil ? Vous est-il déjà arrivé de réaliser que vous étiez la seule chose qui se tenait encore entre ce monde et quelque chose qui avait le pouvoir de distribuer en un instant plus de mort que vous n'en pourriez en toute une vie ? »

Naruto parut fixer le kunai qu'il avait machinalement tiré de son étui un long, très long moment. Finalement, sa main se mit à trembler frénétiquement et il l'éloigna précipitamment de son poignet contre lequel il avait posé la lame. Ses yeux s'emplirent à nouveau de larmes, lui qui ne pleurait jamais, des larmes non plus de chagrin et de dégoût, mais de terreur. Il jeta le kunai comme si il craignait qu'il le brûle.

« Avez-vous un jour compris que même si on ne vous avait jamais donné le choix, même si c'était injuste, vous ne prendriez jamais le risque de vous retourner pour combattre, mais qu'au contraire non seulement vous accepteriez le rôle que l'on vous avait ordonné de suivre, mais que vous choisiriez de tout laisser derrière vous, malgré la douleur, pour vous élancer en courant sur ce chemin, parce que vous savez que cela doit être fait, et que vous êtes le seul à pouvoir le faire ?

« Avez-vous un jour choisi de tourner le dos à vos amis, à votre famille, au seul monde que vous connaissiez, parce que vous étiez le réceptacle maudit d'un démon, et que vous vous étiez juré que jamais, plus jamais il n'aurait l'opportunité de tuer à travers vous ? »

Le jeune ninja s'était tourné vers la falaise, et son regard hanté s'était perdu dans le lointain en direction de la frontière. Avait-il senti, alors, que le regard de Sasuke, au loin, était également tourné vers lui ? Avait-il su que, déjà, Tsunade se débarrassait de ses derniers assaillants pour se précipiter à son aide, espérant de tout son cœur ne pas arriver trop tard ? Peu importait ce qu'il avait ressenti en cet instant, semblait-il.

Lentement, Naruto fit quelques pas en arrière sans détourner le regard. Puis, au prix de ce qui sembla être un immense effort, il arracha ses yeux à la scène en contrebas et tourna les talons. Il marqua encore une pause, brièvement, et ses yeux s'emplirent de larmes avant qu'en quelques enjambées il ne s'élance et ne disparaisse dans la forêt avoisinante.

Sasuke baissa le bras qu'il avait tendu vers lui par réflexe et fixa muettement les arbres derrière lesquels sa silhouette s'était perdue.

« Vous demandez tous pourquoi… » reprit la voix dans un murmure. « Mais y en a-t-il un seul parmi vous qui puisse prétendre pleinement comprendre la réponse à cette question ? »


Le bruissement d'un ruisseau contre les pierres de son lit courait à travers le sous-bois. S'agenouillant sur la berge du cours d'eau, le jeune homme s'aspergea le visage et l'essuya rapidement avec sa manche avant de se détourner pour reprendre son ouvrage. La température était étouffante, malgré l'ombre des frondaisons au-dessus de sa tête et l'eau près de lui, et il devait régulièrement s'interrompre pour se débarrasser de la sueur qui coulait dans ses yeux. Si les étés de Konoha se révèlaient parfois pénibles à supporter, les saisons n'en étaient pas plus clémentes à la frontière sud du Pays du Feu, loin de là.

Malgré tout, il ne relâcha pas son attention de sa tâche, braquant toute l'acuité de ses yeux incroyablement bleus sur l'objet entre ses mains. Il portait un bandeau frontal aux couleurs de Konoha, mais celui-ci avait été remonté et ne tenait sur le sommet de son front qu'en équilibre précaire. La posture manquait d'élégance, mais elle avait au moins l'avantage d'éloigner ses cheveux blonds de plus en plus longs de son visage.

Finalement, il mit la dernière main à son ouvrage et sourit, ravi. Apparemment fier de lui-même, il leva les bras au-dessus de sa tête pour pouvoir mieux admirer l'objet.

Par-dessus son épaule, Sasuke croisa le regard fixe de deux fentes opaques au centre d'un masque de céramique aux couleurs flamboyantes.


A perte de vue, le panorama gigantesque et écrasant d'une chaîne de montagnes dont les pieds se perdaient dans les brumes, loin en contrebas. Perché sur un rocher sur les contreforts de l'un de ces géants, un homme était assis, les jambes pendant dans le vide avec assurance. La capuche de son long manteau était rejetée en arrière et ses cheveux blonds suivaient paresseusement le mouvement du vent persistant qui l'assaillait et tentait vainement de le pousser dans le vide. Un masque rouge pâle était posé près de sa cuisse et il y appuyait sa main pour s'assurer qu'il ne tomberait pas.

Un pli boudeur s'étalait sur ses lèvres alors que son regard morose se perdait dans les nimbes des nuages bas, entre les deux pics montagneux qui lui faisaient face.

« Qu'est-ce que tu veux ? » lança-t-il dans le vide. « C'est rare que tu m'adresses la parole, et d'autant plus quand je suis conscient. »

Il se tut quelques instants, paraissant attendre la réponse d'un interlocuteur invisible.

« Un avertissement ? » reprit-il en haussant un sourcil dubitatif. « De ta part ? Tu ne crois pas que c'est un peu gros ? »

Ses yeux bleus balayaient l'espace en contrebas avec nonchalance, mais il ne paraissait pas prêter d'attention particulière à son environnement.

« Oui, bien sûr… Effectivement, la seule raison que tu aurais de me tenir au courant serait parce que cela t'apporterait quelque chose. Tu es un démon, après tout. Si tu me disais de quoi tu parles, au juste ? » grogna-t-il avec reluctance.

Un nouveau petit silence s'écoula, au terme duquel il fronça les sourcils, vaguement confus.

« Un danger ? Tu sens que quelque chose va arriver à Konoha ? Je suppose que c'est loin d'être rare, mais comment pourrais-tu être au courant ? Et surtout, qu'est-ce que tu gagnes à me mettre en garde ? »

Il repoussa ses cheveux blonds d'un geste impatient lorsque le vent changea de direction et les souffla devant son visage. Il plissa les yeux et son regard se fit brutalement plus perçant.

« Une énergie démoniaque ? » laissa-t-il échapper dans un quasi-murmure, cette fois plus pour lui-même qu'autre chose. « Comment… Je ne comprends pas… »

Il s'interrompit à nouveau, mais manifestement pas pour attendre de quelconque réponse. Bien au contraire, il se releva d'un mouvement vif, attrapant son masque au passage, et se dressa sur le rocher, tendu comme si prêt au combat. Ses yeux parcoururent à nouveau l'horizon et on aurait presque pu croire qu'il cherchait une menace, si ce n'était qu'il tentait simplement de s'orienter.

« Et je suppose que maintenant, il vaudrait mieux que je rentre pour mettre la vieille au courant… » gronda-t-il avec une mauvaise volonté évidente. « Bon sang, Kyûbi, même quand tu parais me rendre un service, au fond, c'est toujours autant une malédiction de te savoir incrusté dans mon superbe corps. »

Esquissant un rictus à ces derniers mots, Sasuke s'approcha du bord lorsque l'homme sauta nonchalamment de son rocher pour s'élancer librement dans le vide. Il le suivit longuement des yeux alors que sa silhouette semblait glisser dans les airs, les bras en croix, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans les brumes en contrebas.


Il y eut un rire bas et moqueur, puis la voix désincarnée qu'il avait entendu plus tôt narguant ouvertement :

« Déjà ? C'est donc vraiment tout ce que tu peux faire, gamin ? »

Puis il y eut comme une secousse, et Sasuke se réceptionna difficilement, à genoux dans plusieurs centimètres d'une eau glacée. Secouant violemment la tête pour s'éclaircir les idées, il releva les yeux en percevant des mouvements près de lui. Le lieu dans lequel il se trouvait était extrêmement sombre et on y voyait à peine à quelques mètres, malgré tout il parvint sans peine à reconnaître ses compagnons, qui semblaient tous à peu près aussi sonnés que lui. Un peu à l'écart, la silhouette indistincte de Sai était debout, mais lourdement appuyé contre un mur, et Sasuke pouvait percevoir le rythme précipité de ses respirations.

Ino fut la première à pouvoir se relever, avec un aplomb qui le prit légèrement de cours, tant lui-même se méfiait de la stabilité de ses propres jambes. La jeune femme entreprit aussitôt d'aider Shikamaru. Non loin du couple, deux autres silhouettes se redressaient tant bien que mal, et Sasuke reconnut Sakura et Kiyoshi. A peine l'enfant l'avait-il aperçu qu'il se dirigeait aussitôt vers lui, mi-rampant, mi-trébuchant dans sa précipitation. Sasuke se releva précautionneusement et réceptionna son fils avec empressement. Kiyoshi se serra immédiatement contre lui, heureux de l'avoir finalement retrouvé, et Sakura ne tarda pas à les rejoindre.

Avant qu'aucune conversation n'ait pu être débutée pour couper court au silence lourd et angoissant autour d'eux, cependant, un son inédit se chargea de tous les faire sursauter. Comme un seul homme, ils tournèrent la tête dans une même direction, Sai y compris. Le sifflotement gai s'accompagna bientôt d'une vague lueur qui délimita le pourtour d'un couloir que l'obscurité avait caché jusqu'à présent, et la lumière et l'air enjoué se firent plus forts à mesure que ce qui les produisait se rapprochait.

Naruto finit par émerger du corridor, les mains nonchalamment fourrées dans les poches tandis qu'il pataugeait dans l'eau omniprésente sans en sembler particulièrement affecté. Sasuke comprit à cet instant la raison d'être des bottes qu'il portait en lieu et place des habituelles sandales : le ninja errant avait de toute évidence considéré le caractère pratique de la chose pour son émanation spirituelle. La faible lumière qu'il semblait dégager fit légèrement reculer les ténèbres environnantes tandis qu'il s'avançait sans marquer un instant d'hésitation ni paraître les remarquer, pas même Sai qui s'était raidi à son arrivée. Il les dépassa tous sans un regard, alors qu'aucun d'eux ne paraissait décidé à lui adresser la parole, avant de finalement se camper sur ses jambes à quelques mètres de là.

A la faible lueur qui émergeait de sa peau, Sasuke crut un instant distinguer un éclat métallique devant lui. Naruto leva un bras au-dessus de sa tête en un salut décontracté et s'arrêta de siffler pour lancer joyeusement :

« Yo, Kyû-kyû ! »

Il y eut soudain comme un tourbillon d'agitation en face de lui, puis le son assourdissant d'un très large corps rencontrant un objet métallique d'autant plus énorme, et quelque chose de Très grand et de Très menaçant surgit brutalement de l'obscurité pour s'immobiliser juste devant le visage de Naruto, lequel n'avait pas bougé, un sourire moqueur aux lèvres. Joueur, il alla jusqu'à donner quelques petites tapes presque affectueuses sur la griffe monstrueuse qui avait manqué le décapiter. Un grondement de rage s'éleva, faisant trembler le sol de la salle et causant des remous dans l'eau.

« Tu devrais cesser de me sous-estimer… » vint le sifflement bas et rauque, plein d'une intention maligne.

Naruto éclata d'un rire bref.

« Oh, mais s'il est bien une chose que je ne sous-estime pas sur cette terre, c'est bien toi, Kyûbi. Tu devrais le savoir, depuis le temps. »

Un nouveau grondement s'éleva, cette fois plus spéculateur qu'autre chose. Les gigantesques griffes se retirèrent, bientôt remplacées par d'immenses yeux d'un rouge bestial. Kiyoshi eut un sursaut de terreur et Sasuke le serra un peu plus contre lui, sans pour autant lâcher du regard la créature qu'il commençait à peine à distinguer dans la pénombre, tapie derrière la prison de fer qui paraissait presque trop petite pour la retenir. Les orbes écarlates n'accordèrent aucune attention au ninja blond qui se tenait là, mais se posèrent plutôt avec une curiosité malsaine sur les minuscules humains derrière lui.

« De la visite, petit ?… Voilà qui est rare. »

Sasuke s'efforça de ne pas reculer lorsque les yeux du démon se posèrent soudain sur lui avec une lueur d'avidité.

« Oooh… N'est-ce pas là l'humain grâce auquel j'ai pu sortir autrefois ? Puis-je dévorer son âme ? »

Sasuke tiqua légèrement mais ne bougea pas, les petits bras de Kiyoshi resserrant un peu plus leur prise sur lui. En revanche, un grondement s'éleva dans l'espace humide de la prison du démon, bien qu'il pâlisse de la comparaison avec ceux de l'habitant des lieux au point d'en paraître dérisoire. Loin de s'en offusquer, cependant, la créature laissa échapper un ricanement et accorda un regard au sauvage rictus d'avertissement de Naruto.

« Tu es mignon, petit » nargua-t-elle ouvertement. « Quel dévouement admirable pour ta meute… Un vrai louveteau. »

Le grondement cessa abruptement tandis que Naruto fronçait un sourcil contemplateur, tentant de déterminer si ce dernier commentaire était une insulte. Le démon avait parfois des rancunes ou des préjugés qui paraissaient si étranges qu'il était souvent difficile de juger de ce genre de choses. Faisant peu de cas de sa perplexité, les yeux rouges parcoururent à nouveau le groupe d'humains rassemblé devant les portes de sa prison. Sai tressaillit visiblement lorsque l'attention de la créature se porta sur lui, mais ne bougea pas.

« Hum… Voilà qui est intéressant… »

Sortant finalement de son intense réflexion, Naruto suivit son regard avec désinvolture. Un sourire narquois apparut sur son visage lorsqu'il avisa l'expression presque hypnotisée du chuunin, qui semblait incapable de détacher ses yeux de l'ombre imposante de cette créature qu'il devinait à peine.

« Ah ! Oui, je me doutais que celui-ci t'intéresserait aussi » répondit-il simplement. « Son âme est assez sombre pour ça. »

Les yeux rouges s'approchèrent un peu plus des barreaux qui les retenaient, fixés avec attention sur leur nouvelle cible.

« Il y a comme une trace démoniaque en lui… Mais tellement faible que cela vaut difficilement la peine d'être souligné » conclut la voix avec un grondement méprisant.

« Il s'était allié avec des démons mineurs » chantonna Naruto avec un large sourire, apparemment ravi de diffuser cette information.

La réaction de la créature fut si inattendue qu'aucun d'entre eux ne put retenir un large sursaut, dû autant à la surprise qu'à la terreur, lorsque le murmure bas et pernicieux se changea brutalement en hurlement de rage et de dégoût.

« Des démons mineurs ? »

Par réflexe, Sai s'aplatit contre le mur comme s'il cherchait à s'y encastrer, ses yeux soudain agrandis par la terreur.

« Ces contrefaçons rachitiques, ces faibles excuses d'êtres démoniaques, ces raclures indignes se sont encore alliés à un humain ? Je les éventrerai de mes propres griffes, je plongerai mes crocs dans leurs corps insignifiants torturés par l'agonie, je me délecterai de leurs hurlements de souffrance et me baignerai dans leur sang ! Ils ramperont devant moi et me supplieront pour leurs misérables ersatz de vies, tandis que j'arracherai leurs yeux suppliants de leurs orbites pour en mêler la pulpe à leurs entrailles pourrissantes… ! (Pour le confort digestif de nos plus jeunes lecteurs, la suite de ce texte a été censurée. Merci de votre compréhension.) »

Si le début de ces menaces de mort ô ! combien enrichissantes avait hautement intéressé Naruto, somme toute remarquablement satisfait de son petit effet, les thèmes (égorgements dans une mare de sang, piétinement d'entrailles encore chaudes et autres joyeusetés) en devinrent rapidement assez répétitifs pour qu'il se détourne finalement avec un faible froncement de nez.

Derrière lui, les ninjas de Konoha paraissaient tous vaguement remués, bien que la contenance de cette diatribe sanglante y jouait probablement un aussi grand rôle que la créature qui la débitait avec tant de hargne, tournant frénétiquement sur elle-même au sein de sa cage, crocs au clair et yeux rouges dardant des éclairs de haine alentour. Ino et Tsunade esquissèrent une vague mimique dégoûtée lors d'un passage particulièrement croustillant, tandis que Sakura s'appliquait avec concentration à boucher les oreilles de Kiyoshi qui n'avait pas l'air spécialement dans son assiette.

Naruto ne se préoccupa pourtant d'aucun d'entre eux, pas même de Sasuke qui posait sur lui un regard insistant, et se dirigea sans un mot vers Sai. Le chuunin ne donna aucun signe d'avoir remarqué sa présence, ses yeux écarquillés fixés par-dessus son épaule sur la silhouette terrifiante du démon fou furieux. Naruto ne tarda pas à découvrir pourquoi, même dans la pénombre du lieu, sa peau paraissait luire étrangement : elle était inondée de sueur.

« Eh bien ? »

Les yeux sombres se posèrent brièvement sur son rictus narquois avant de se reporter aussitôt derrière lui, comme attirés par un aimant.

« Qu'est-ce qu'il y a, tu ne défends plus ta chère Makkura-chan ? » continua Naruto, impitoyable, par-dessus les grondements enragés. « Qu'est-ce que tu disais, déjà ? Que je ne connaissais rien aux démons, que je n'étais pas en position de parler ? Que je n'avais aucune preuve que les démons étaient maléfiques ? »

Un rugissement assourdissant résonna brutalement, l'obligeant à se boucher précipitamment les oreilles pour ne pas finir sourd alors que le sol frémissait sous ses pieds, l'eau clapotant violemment contre ses chevilles.

« Pas maléfiques ? Pas maléfiques ? » hurla le renard, une lueur fanatique dans ses immenses yeux rouges.

Naruto l'ignora pourtant et se redressa, dardant à nouveau ses yeux trop bleus sur la forme à présent terrifiée de Sai.

« Tu croyais savoir tout ce qu'il y avait à savoir sur les démons, tu te glorifiais de leur puissance » cracha-t-il. « Tu n'as jamais pu ne serait-ce qu'effleurer du doigt la véritable puissance démoniaque. Et maintenant que tu lui fais face, tu n'es rien d'autre qu'un pantin désarticulé, une chose molle et flasque, sans consistance, mû uniquement par la terreur et la lâcheté. Tu n'es rien… »

« DONNE-LE-MOI ! »

Naruto dut lutter pour conserver son équilibre alors que la salle toute entière frémissait une nouvelle fois autour de lui sous la force du rugissement inhumain. Avec un faible cri de surprise qui passa presque totalement inaperçu, Lee tomba à genoux dans l'eau froide, sa cheville encore fragile ne résistant pas à l'effort. Sakura fut immédiatement près de lui, laissant Sasuke s'agenouiller à son tour pour mieux pouvoir protéger Kiyoshi des vibrations. Neji se rapprocha par réflexe de son coéquipier tandis qu'Ino s'accrochait encore un peu plus à Shikamaru. Sans vraiment s'en apercevoir, Tsunade et Kakashi haletaient tous deux sous la puissance écrasante du chakra qui émanait de derrière les barreaux soudain si dérisoires.

Naruto laissa Sai s'affaler à terre en un tas informe et se retourna vivement. Son regard n'exprimait ni choc, ni terreur, mais un profond agacement face à cette interruption.

« Dis donc… ! »

« DONNE-LE-MOI ! » réitéra le démon, folie et fureur se mêlant dans son hurlement. « Laisse-moi dévorer son âme, je le veux, JE NE PEUX TOLERER UN TEL AFFRONT ! »

Naruto serra les dents et attendit que la nouvelle secousse passe avant de répliquer vertement.

« Qui crois-tu être pour me donner des ordres, grosse peluche mouillée ? De quel droit… »

« DONNE-LE-MOI ! »

Pour la quatrième fois, les murs, le sol, le plafond, tout trembla avec ce rugissement assourdissant, et des fragments de plâtre se détachèrent des parois pour se précipiter dans l'eau glaciale qui tourbillonnait à leurs pieds. Un instant plus tard, les barreaux métalliques émirent une plainte déchirante lorsque le démon jeta toute la masse de son corps gigantesque contre eux en une charge furieuse. Ino et Kiyoshi ne purent réprimer deux exclamations jumelles d'horreur. Comme un seul homme, Tsunade et Kakashi jetèrent un regard terrifié à la mince bande de parchemin qui semblait, seule, s'opposer à l'échappée du monstre.

Pourtant, à leur grande surprise, alors que le sceau semblait sur le point de se rompre, il se mit à luire. Et comme en réponse à son appel, huit autres bandes de lumière percèrent soudain les ténèbres, soigneusement alignées sur la jointure des deux portes de la prison, quatre en-dessous du sceau original, et quatre au-dessus. Les barreaux retombèrent à leur place légitime, mais loin de se décourager, le démon laissa échapper un autre hurlement avant de prendre une nouvelle fois son élan.

« TRES BIEN ! »

Par réflexe, les ninjas pivotèrent à l'unisson. Sous l'effet de la surprise, leurs yeux s'écarquillèrent.

« Non ! Arrête, Naruto ! » hurla Sakura alors que le jeune ninja blond se jetait sur Sai.

Avant qu'elle n'ait pu faire autre chose qu'amorcer un mouvement pour le stopper, Naruto avait déjà hissé le chuunin sur ses pieds. Un bref regard passa entre eux, de deux yeux noirs terrifiés à un regard trop bleu, dépourvu de toute hésitation, qui n'exprimait plus qu'un agacement profond et le désir implacable d'en finir une bonne fois pour toutes. Et puis, en un mouvement presque trop rapide pour être suivi à l'œil nu, Naruto pivota sur sa jambe porteuse et fut soudain derrière Sai. D'un seul puissant coup de pied, le corps du traître paralysé par la peur fut propulsé en un arc parfait, droit vers l'interstice entre deux barreaux.

Il y eut des cris d'horreur promptement noyé par un rugissement de satisfaction perverse. Sai sentit son cœur s'arrêter de battre alors qu'il passait de la pénombre de l'esprit de Naruto à la noirceur totale de la prison de la créature, et son regard incrédule croisa une dernière fois l'éclat rougeoyant, fou furieux, des yeux du plus grand démon à avoir jamais foulé cette terre, Kyûbi no Yohko, le démon renard à neuf queues. Presque comme si quelqu'un d'autre avait pris le contrôle de son corps, il sentit avec détachement ses mains se rassembler en un ultime signe.

Et puis tout devint noir et immobile, et il n'y eut plus qu'un dernier hurlement rageur et dépité. Et lorsque celui-ci finit enfin par s'éteindre, un ricanement bien connu.

« Si tu savais à quel point tu es prévisible, gamin… »


Sasuke eut l'impression déconcertante de s'écrouler lourdement au sol tout en restant parfaitement immobile. Se sentant vaguement sonné et bizarrement comateux, il ouvrit péniblement les yeux. La lueur aveuglante d'un soleil de milieu de matinée dardant ses rayons sur Konoha et ses alentours accueillit son retour au monde réel. Quelque part près de lui, quelqu'un émit un hoquet de surprise.

« On est sortis ?… » fit la voix incertaine d'Ino.

Un faible bruit amena Sasuke à s'arracher à sa surprise pour se tourner tant bien que mal vers le centre de la clairière. Pantelant, Sai rencontra son regard avec la rage que seule l'humiliation pouvait apporter. Le chuunin se releva d'un mouvement lent, mais souple, apparemment près à reprendre ses petites affaires là où il les avait laissées. Par réflexe, Sasuke entreprit aussitôt de se redresser.

Ou plutôt, essaya.

Sai émit un ricanement moqueur en le voyant retomber au sol avec un grognement de douleur, lui et une bonne partie des ninjas de Konoha, qui avaient instinctivement cherché à se lever pour lui faire face.

« Inutile » lança-t-il d'un ton rauque, mais généreusement railleur. « Vous n'êtes que des humains pour ainsi dire 'basiques'. Le Monde Spirituel vous est étranger, et en tant que tel, vous n'êtes pas disposés à y rester aussi longtemps sans en garder les cicatrices. Vos âmes ne sont pas faites pour être séparées de vos corps durant une aussi longue période de temps, et vous en avez indéniablement souffert : il faudra sans doute encore plusieurs heures avant que vos membres ne puissent à nouveau vous obéir de façon satisfaisante. »

Il laissa un rictus satisfait fleurir sur ses lèvres en retirant un kunai de l'étui sanglé à sa cuisse. Kiyoshi, étalé à terre sous le bras de Sakura, poussa un faible gémissement de frayeur en le voyant s'avancer vers son père d'une démarche décontractée.

« Peu importe ce que vous faites, au bout du compte, vous êtes toujours perdants… »

« Tu vas m'ôter cette grimace suffisante de ton visage, fiston, et tout de suite. Et si tu fais un seul pas de plus, je jure sur les neuf queues de Kyûbi que tu vas le regretter ! »

Sai s'immobilisa effectivement et jeta un coup d'œil sincèrement surpris à la forme encore lourdement encapuchonnée qui se relevait tant bien que mal, à quelques mètres à sa droite. Ses jambes tremblaient sous son poids, mais ce n'était pas du contre-coup de l'Arène : la plaie béante à sa poitrine offrait un spectacle sanglant et morbide, et sa voix hachée sifflait dans sa gorge, conséquence d'un poumon transpercé de part en part. Sai renifla, plus amusé qu'autre chose par une telle obstination.

« Avec une telle blessure, tu devrais déjà être mort. Je m'étonne vraiment que tu aies tenu jusque-là, mais je doute que cela dure encore très longtemps… Uzumaki. »

Il n'y eut guère que Kiyoshi et Ino pour sursauter et écarquiller les yeux à l'utilisation de ce nom, tous les autres ayant déjà réussi à déterrer les liens étroits qui unissaient le jeune ninja blond braillard au fameux shinobi errant. Sous l'étreinte immobile de Sakura, Kiyoshi sentit quelque chose d'humide glisser sur ses joues, tandis que son regard incrédule ne semblait pas vouloir se détacher de cet homme qu'il avait si longtemps admiré.

« Kit-san ? » murmura-t-il, si bas que Sakura fut la seule à l'entendre.

Sai émit un reniflement hautement amusé.

« Finalement, on dirait que je n'aurais même pas besoin de voir ton visage pour te mettre dans l'embarras, Kit-san. »

« Je te l'ai déjà dit, connard » grogna laborieusement l'autre en se hissant sur ses pieds. « Ca n'a aucune importance, puisque ce soir, l'un de nous deux sera mort ! »

Le chuunin parut vaguement lassé par cette réponse.

« Toi d'abord, Uzumaki » lança-t-il distraitement par-dessus son épaule, se détournant déjà. « Tu peux crever dans ton coin pendant que je m'occupe de ton précieux 'meilleur ami'. »

Il n'avait pas fait deux pas vers sa victime tant convoitée qu'un mouvement rapide apparut dans sa vision périphérique, et soudain le ninja masqué se trouvait là, fermement planté sur ses deux jambes entre lui et l'Uchiwa. Une large fissure traversait son masque de céramique sur toute sa hauteur, sa poitrine se soulevait par à-coups irréguliers et douloureux, mais il était là. Sous le coup de la surprise, Sai s'immobilisa, lui offrant sans le savoir le temps qui lui manquait.

« Ino, bouge ! » gueula-t-il.

L'héritière des Yamanaka sursauta, comme piquée par un taon, brusquement tirée de la torpeur incrédule dans laquelle elle avait plongé depuis leur retour dans le monde réel. Ses grands yeux écarquillés se posèrent sur le dos du ninja masqué.

« Ecarte-les de , je ne peux RIEN faire avec vous dans mes pattes ! J'ai besoin que tu te BOUGES, bordel, Yamanaka ! »

Un sourire d'amusement perplexe se peignit sur le visage de Sai.

« Mais tu es stupide, ou quoi ? Qu'est-ce que tu crois fai… »

Sa voix s'éteignit aussi brutalement qu'elle s'était élevé lorsqu'il aperçut, incrédule, la jeune fille qui se relevait soudain d'un bond, comme galvanisée par la harangue. Vive comme une anguille, elle se jeta promptement sur Sasuke et eut tôt fait de hisser l'Anbu stupéfait sur ses épaules. En une fraction de seconde, elle disparut dans la forêt.

L'incrédulité se mua en rage sur le visage de Sai et il fit un pas en avant en la voyant reparaître promptement dans la clairière, cette fois pour se charger de son Hokage.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? » s'exclama-t-il en levant son kunai.

Naruto s'interposa à nouveau, un bras étendu devant son adversaire.

« Tu habites à Konoha depuis six ans, et tu ne sais même pas ça ? Réveille-toi un peu, gamin » nargua-t-il ouvertement. « Les Yamanaka quittent leurs corps quasiment tous les jours, c'est comme une promenade de santé, pour eux ! Tu croyais sincèrement qu'elle souffrirait des conséquences du Monde Spirituel ? »

Sai serra les dents, fou de rage et d'exaspération, et son poing trembla autour du kunai.

« Tu t'es assez mêlé de mes affaires, pauvre ninja de pacotille » cracha-t-il. « Si tu es si pressé de mourir, je peux aisément arranger ça ! »

Sakura poussa un cri d'avertissement au moment où Ino ôtait Kiyoshi de son étreinte, ses grands yeux verts fixés sur les deux hommes qui se faisaient face. D'un bond, Sai fut sur son adversaire. Trop faible pour esquiver le coup, l'autre ne put que dévier la lame qui fondait vers son cœur en un geste désespéré. En un seul mouvement souple et sans failles, Sai changea son corps d'orientation et le cueillit d'un puissant coup de pied.

Le corps du ninja traversa la clairière avant d'aller s'abattre contre un tronc d'arbre que la violence du choc fit trembler jusqu'aux racines.

Incapable de se contenir, Sasuke poussa un cri d'horreur depuis la branche sur laquelle Ino l'avait déposé, lui laissant une vue dégagée du champ de bataille.

« Naruto ! »

Par un miracle que personne ne s'expliquait vraiment, le ninja se réceptionna sur ses deux jambes, parut un instant sur le point de s'écrouler tant ses genoux tremblaient, mais resta debout. Sous l'impact, cependant, l'infime flux de chakra qu'il aurait pu maintenir les yeux fermés avait cédé, et sa capuche bascula définitivement en arrière, révélant une masse de cheveux blonds en bataille à quiconque aurait pu douter de son identité.

Cela n'avait aucune importance.

Parce qu'avec un petit bruit sec comme celui qu'aurait produit la corde d'un violoncelle malmené, un fil se brisa. Comme si le temps avait soudain ralenti, Naruto sentit le masque se désassujettir et glisser de son visage, révélant deux yeux bleus écarquillés. Il n'avait plus assez de force pour tendre le bras et rattraper l'objet avant qu'il ne tombe. C'était fini, maintenant, trop tard.

Trop tard.

Personne dans la clairière n'accorda beaucoup d'importance au visage de céramique à ce moment, chacun tentant plutôt d'évaluer les dégâts que venaient de subir le ninja déjà gravement blessé. Mais quand ils aperçurent ces deux grands yeux submergés par l'horreur, quand ils virent son regard fixe, il n'y en eut pas un qui ne ressentit pas soudain un profond sentiment de malaise. Un bref instant, il sembla à Sai percevoir à l'intérieur du masque tournoyant dans sa chute un motif rouge sombre. Son cœur rata un battement.

C'était un sceau.

Avec un son de porcelaine brisée, l'objet atteignit le sol et s'y fracassa, mille éclats se dispersant aux pieds d'un shinobi paralysé. Pendant un moment, il sembla que rien ne se passerait. Et puis soudain, une masse de chakra invisible mais écrasante dans son immensité sembla envahir la clairière, et un cri s'éleva.

Ce n'était pas le rugissement d'un démon assoiffé de sang, mais le hurlement de douleur d'un être humain.

Les tentacules d'énergie sombre qui avaient brutalement jailli des fragments du masque s'étaient refermées avec une vivacité vorace sur le jeune ninja blond et l'enserraient dans une étreinte mortelle. Hurlant sa douleur à pleine voix, Naruto tomba à genoux et se recroquevilla sur lui-même.

Ce jour-là, pour la deuxième fois de sa vie, Sasuke se sentit réellement, indéniablement et intensément terrifié pour cet homme qui souffrait devant lui. Il chercha à se lever, à se battre, à faire quelque chose, n'importe quoi, mais ses jambes ne répondaient pas, et à ce stade il n'était même plus tout à fait sûr qu'il s'agisse uniquement des traces que son exposition au Monde Spirituel avait laissé en lui. Ino atterrit maladroitement sur la branche près de lui et y déposa Kakashi, le dernier à avoir été ramené en terrain couvert. La jeune fille était pâle et son visage ruisselait de sueur.

Cela ne dura que quelques secondes, mais cela sembla prendre une éternité.

Et puis, finalement, le hurlement se tut, et parut emporter avec lui les dernières traces de ce chakra monumental. Les tentacules d'énergie disparurent, comme absorbées par le corps du ninja. Haletant, Naruto prit encore quelques secondes avant de relever la tête, quelques secondes d'un silence lourd.

Lorsqu'il posa enfin ses yeux trop bleus sur lui, Sai ne put retenir un hoquet de surprise : sur le front du ninja, une marque noire avait fait son apparition, étrange assemblage de pleins et de déliés, comme posée là par un calligraphiste fou.

« Qu'est-ce que tu es ? » souffla le chuunin.

Sans répondre, Naruto se releva lentement. Sa blessure béait toujours, hideuse, mais un faible filet de vapeur semblait s'en élever. D'un geste, il déboucla l'attache de sa cape et la laissa glisser jusqu'à ses pieds. Puis, esquissant une vague grimace de douleur, il ôta précautionneusement sa veste, qui ne tarda pas à suivre le même chemin.

Sur ses bras, sous les deux hitai-ate quasi-jumeaux qu'il portait, il arborait deux marques identiques à celles de son front, s'enroulant autour de ses biceps en un flux de lignes courbes formant d'étranges vagues. Le bandage sur sa jambe droite semblait avoir été brûlé par la masse d'énergie, laissant là aussi voir une marque sombre, tandis que le tissu sombre de son pantalon cachait quasiment celle qui figurait sur sa cuisse gauche. De la même manière, son T-shirt montrait des signes de brûlures sur les deux côtés de son cou ainsi que dans le creux de son dos, marquant trois nouveaux symboles. Enfin, sur son ventre, le sceau du Kyûbi no Yohko, œuvre du Yondaime, s'étalait dans toute sa gloire sous les bords racornis du tissu.

Voyant l'ébahissement dans les yeux de son adversaire, Naruto ne put retenir un sourire presque doux-amer.

« Je suis Naruto Uzumaki » répondit-il. « Spécialiste des sceaux de Konoha. »


Bon, ben, à dans trois mois pour la suite ? Je suis singulièrement méchante, là. Je ferais ce que je peux pour pouvoir enfin vous offrir la fin dans un délai respectable ! (insérer ici un regard fanatique) En attendant, review ?