Chapitre 6


Le lendemain matin, sur la route pour le restaurant, Bruno chantonne doucement, heureux à l'idée de revoir Abbacchio parmi les autres, de pouvoir l'avoir à ses côtés toute la journée et toutes les journées qui allaient arriver. Alors qu'il descend tranquillement la grand rue, le coeur léger, il entend des voix s'élever dans une des ruelles avoisinantes. Curieux, il ralentit le pas et s'approche de la ruelle d'où venait la dispute. Plus il s'approche, plus il perçoit distinctement les voix de Leone et de Mista. Il décide de s'arrêter et d'écouter leur dispute. Il n'aimait pas l'idée que deux de ses camarades soient en différents et si écouter cette dispute pouvait les aider d'une façon ou d'une autre, il se devait de le faire.


"- … Lâche moi les basques, Abbacchio ! T'es parti ! C'est ma chaise, maintenant ! Tu peux toujours courir pour la récupérer !

- Ca a toujours été ma place et ce n'est pas un idiot comme toi qui va me voler ma place !

- Bordel, tu t'entends ! Ce n'est qu'une chaise !

- Tu sais très bien ce qu'elle représente cette chaise parce que tu penses comme moi ! Je suis là depuis plus longtemps ! J'ai toujours été là pour Bucciarati ! Toi tu viens d'arriver !

- Je te fais tellement peur que tu es parti le jour même de mon arrivée ! Et tu as abandonné Bucciarati ! Tu ne mérites plus ta place ! J'ai été là quand tu ne l'étais pas !

- J'avais besoin… Tu ne me fais pas peur ! Je reprendrai ma place ! Je suis sûr que Bucciarati me choisira !

- Tu as l'air bien sûr de toi… Où est passé le pleurnichard de la dernière fois ? Bucciarati et moi, on s'est beaucoup rapproché depuis ton départ, tu sais~ Il m'aime vraiment bien ! Je suis sûr qu'il préfèrera me choisir à toi !

- C'est ce qu'on verra ! Prépare toi à mordre la poussière, Guido !

- TU vas mordre la poussière, ouais !"

Bruno partit rapidement en remarquant que les deux hommes étaient sur le point de partir. Il savait que la journée allait être géniale ! Il avait très bien compris le sous-entendu de cette dispute, et il en était heureux : Abbacchio ressent bien quelque chose pour lui ! Il se dépêcha de rejoindre le restaurant, voulant arriver avant eux. Il savait que la décision qu'il devait prendre allait blesser un des deux hommes, mais il n'avait pas le choix.

Une fois arrivé, il s'installa à sa place habituelle, attendant l'arrivée des autres membres. Fugo et Narancia arrivèrent peu de temps après lui, et commencèrent à travailler après avoir salué Bucciarati. Cinq minutes après, Mista et Abbacchio entrèrent dans le restaurant. Ils se dirigèrent tous les deux vers le groupe. Les deux plus jeunes furent heureux de voir qu'Abbacchio était enfin de retour. Le blond remarqua le regard déterminé de Leone, et il sourit intérieurement : il allait enfin faire un pas vers Bucciarati. Il observa le manège qui se déroulait devant lui : Mista était parti s'installer à côté de Bruno.

"- Que fais-tu Mista? demanda un Bruno qui essayait de paraître innocent. Ca a toujours été la place d'Abbacchio ici.

- Mais… Tu m'as laissé m'installer pendant qu'il n'était pas là !

- Toute la différence est là : Abbacchio n'était pas là. Maintenant qu'il est de retour, il reprend sa place."

Mista était bouche bée, n'arrivant pas à croire les paroles de Bruno, alors que Fugo se retenait de sourire devant un tel cinéma. Abbacchio afficha un sourire de vainqueur, venant reprendre sa place à côté de Bruno, obligeant Mista à se mettre entre Fugo et Abbacchio, fermant ainsi leur petit cercle.

"- Pourquoi tu fais la tête Mista ? demanda Narancia. C'est normal, ça a toujours été la place d'Abbacchio.
- Laisse Narancia, déclara Fugo. Il y a des choses qu'il ne faut pas chercher à comprendre.

- Si tu le dis, finit le brun en retournant à son exercice."

La discussion s'arrêta là et Mista reconnut amèrement sa défaite, perdant tout espoir pour sa quête de conquérir le cœur de Bruno. Ce dernier semblait battre déloyalement pour Abbacchio, ce qui l'énervait un peu, mais Mista finit par passer à autre chose, après tout il n'était pas du genre à se prendre la tête.


Les mois défilaient rapidement pour le petit groupe qui semblait très à l'aise les uns avec les autres, Fugo avait abandonné son idée d'aider Bruno et Leone à se mettre ensemble. Il avait essayé mille et un stratagèmes pour y arriver et tous avaient échoués lamentablement, plongeant notre pauvre Fugo dans une frustration infinie.

C'était bientôt la période de la fête de la Nativité et toute l'équipe avait décidé de la célébrer chez Bucciarati, après que ce dernier ait bataillé plusieurs heures pour que tout le monde vienne.

Avec l'argent qu'ils gagnent grâce à leur missions, ils ont tous eu les moyens d'acheter un petit quelque chose pour chacun. Fugo avait trouvé des cadeaux utiles, alors que Narancia et Mista n'avaient achetés, respectivement, que des portes-clés et de la nourriture (chocolat pour les deux plus jeunes et alcool pour les autres). Abbacchio avait apporté des cadeaux sobres et classiques, des mugs différents pour chacun et Bruno avait été privé d'offrir des cadeaux vu qu'il leur offrait déjà le gîte et le couvert.

Narancia avait été impatient et a voulu ouvrir les cadeaux dès leur arrivée chez Bucciarati, ce qu'ils ont fait en se pliant au caprice de ce grand enfant. Ce comportement avait fait sourire Bucciarati. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu un comportement si enfantin de la part de Narancia. Il avait ressenti sa joie de vivre, et il en était heureux. Narancia fut donc celui qui ouvrit ses cadeaux en premier. Les autres avaient décidé d'ouvrir leurs cadeaux ensembles. Le cadeau d'Abbacchio donna une idée à Bucciarati. Il avait le temps avant d'attaquer le repas, alors il alla préparer des chocolats chauds pour tout le monde, qu'il verserait dans les mugs de chacun (Abbacchio avait son mug attitré chez Bucciarati qu'il utilisait à chaque fois qu'il venait boire un café). Bruno les servit rapidement et ils burent tous ensemble dans le salon, au coin du feu. Bruno était très heureux d'avoir une équipe si unie et il pouvait passer autant de temps qu'il voulait avec eux. L'idée de passer les fêtes seul une année de plus avait donné des idées noires à Bruno et il voulait être entouré cette année. Il s'était trouvé une famille avec les membres du gang : Fugo et Narancia étaient les enfants à protéger, Mista le frère joueur et gentil avec tout le monde et Abbacchio… Il ressemblait à un autre père pour Narancia, il était proche de l'adolescent et il trouvait toujours les mots justes pour le rassurer. Il était devenu la deuxième figure paternelle du gang, Bucciarati étant la première aux yeux de Narancia. Il soupira : dans une famille unie, les deux parents étaient ensemble, toujours, alors pourquoi… Pourquoi il n'arrivait à rien avec Abbacchio ? Il avait compris que Leone ressentait quelque chose de fort pour lui, mais pourquoi Bucciarati se sentait-il aussi mal ? C'était lui qui avait décidé d'aller au rythme d'Abbacchio, mais cela faisait des mois qu'il attendait. Il n'en pouvait plus… Il voulait tellement être dans les bras de son aimé, à profiter de moments rien qu'à deux, en amoureux… Il l'aimait tellement…

Il se devait d'être patient même s'il mourait d'envie de l'embrasser et de le câliner. Dès qu'il le pourrait, il se promet de montrer tout son amour pour Abbacchio pour que Leone n'ait aucun doute sur ses sentiments.

Fugo avait remarqué le dilemme intérieur du chef du gang, mais il ne fit rien. Il avait abandonné et ils ne devaient plus compter sur lui, il avait assez donné. Il avait tout tenté et rien n'avait marché, il n'en pouvait plus d'eux deux. Il avait même pensé un moment que la situation allait avancer entre eux, mais rien. Leur situation avait fini par complètement le décourager, il s'était fait à l'idée, qu'ils n'arriveront jamais à se mettre ensemble, même si cette réalité lui faisait mal. Il ne pouvait rien faire pour changer ce fait. Même l'arrivée de Mista n'a rien changé, ça avait même empiré la situation. Il allait falloir un plus gros déclencheur que l'arrivée d'un dragueur. Un miracle c'est bien ce qu'il leur fallait pour qu'ils finissent ensemble. Fugo n'avait plus qu'à prier pour que ça arrive.

Mais rapidement, Fugo est rattrapé par la réalité, Narancia vient tirer sur sa chemise pour avoir l'attention du blond, il avait l'air fatigué. Fugo soupire avant de s'excuser auprès des autres et de quitter la maison de Bruno avec Narancia, raccompagnant le grand bébé chez lui. Mista ne tarda pas à les suivre. Ayant un peu trop bu, il préféra partir le temps qu'il était encore lucide. Cette situation laissa Bruno et Abbacchio seuls dans le salon, le gênant un peu du départ soudain des trois autres.

"- Tu veux encore un peu de chocolat chaud, Abbacchio ? J'en ai trop fait tout à l'heure…

- Euh… Oui, pourquoi pas. Il est vraiment bon, en plus !

- Merci… Dis Abbacchio…, commença Bruno après avoir servi le chocolat et s'être installé dans le salon avec Leone. Ca te dit qu'on… fête Noël rien que tous les deux demain…? Je… Je ne veux pas être seul… Et je veux le passer avec quelqu'un qui compte pour moi.

- Pourquoi moi…? Tu aurais pu demander à quelqu'un d'autre du gang… Je suis sûr que quelqu'un aurait accepté…

- Je le sais très bien Abbacchio, mais c'est avec toi que je veux passer cette fête. Tu es la première personne à être entré dans cette famille qu'on a tous créé. Tu es… la personne la plus importante pour moi dans le gang Abbacchio…

- Je… d'accord… Je viendrai demain, déclara Leone en rougissant, alors que Bruno affichait un grand sourire…

- Tu as envie de manger quoi demain ? Je peux cuisiner ce que tu veux ! s'exclame Bruno, enjoué et heureux que Abbacchio aie accepté son invitation.

- Euh… Ce que tu veux, je ne suis pas difficile.

- Oh… tu n'as pas un plat favori ? Des Bucatini au ragoût ? Des Lasagnes ? Et comme dessert des Struffoli de Noël ?
- Ne te surmène pas, un plat c'est largement suffisant, tu sais…
- Mais c'est Noël ! Ce n'est pas n'importe quel jour !

- Fais ce dont tu as envie. Mais ne va pas faire des courses rien que pour ça ! Cuisine avec ce que tu as chez toi."

Bucciarati réfléchit à ce qu'il allait bien préparer le lendemain avec ce qu'il avait sous la main. Il était satisfait, alors il acquiesça avec un sourire. Après avoir terminé son chocolat, Abbacchio se leva et sortit non sans avoir remercié son hôte du soir.

L'un comme l'autre avait passé une nuit agitée, ayant du mal à se rendre compte qu'ils allaient se retrouver seuls à nouveau le lendemain. Ce matin-là, Abbacchio se pressait à se préparer, optant en premier lieu pour une tenue plus correcte que sa tenue habituelle avant d'y renoncer, ne voulant pas paraître bizarre aux yeux de Bruno. Il remit sa tenue habituelle avec un peu de dépit. De son côté, Bruno était occupé en cuisine, préparant un repas complet à l'italienne: l'antipasto, la prima piatti, la secondo piatti, le contorno et le dolce. Dire qu'il y avait passé toute sa matinée était vraiment peu dire. Bruno n'avait plus de jambes, s'asseyant deux secondes sur une chaise pour boire un verre d'eau, s'octroyant une petite pause au lieu de sa cuisine en désordre.

C'est sur les coups de onze heures qu'Abbacchio sonna chez Bucciarati qui alla lui ouvrir rapidement. Leone pouvait sentir les douces odeurs de cuisine qui s'échappaient de la maison de Bruno et devinait qu'il en avait trop fait. Bucciarati l'invita à s'installer dans le salon avant de servir un verre. Ils trinquèrent et ils se mirent à discuter de tout et de rien, comme ils avaient l'habitude de le faire quand Abbacchio avait rejoint son gang. Ils dégustaient les antipasti que Bruno avait préparé avant que Abbacchio ne lui présente un nouveau cadeau, ce qui étonna Bucciarati. Il s'agissait d'une maquette de bateau de pêche miniature dans une bouteille en verre. Bruno remercia Abbacchio avec les larmes aux yeux. Leone ne comprenait pas la réaction de l'autre homme : il ne pensait pas que ce cadeau allait avoir cet effet sur Bucciarati.

" - Bucciarati… ? Ca va ?

- O-Oui, ne t'en fais pas… Ton cadeau me rappelle le bateau de mon père…

- Oh… Je ne savais pas que ton père avait un bateau… Tu n'en parles jamais…

- Tu voudrais que j'en parle…?

- Ca me plairait d'en savoir plus sur toi oui… Il me semble que tu connaisses déjà beaucoup sur mon passé... Après, si tu ne le souhaites pas, c'est ton droit, je ne t'obligerai pas !

- Je le veux Abbacchio… Ca fait un moment que je pense à tout te raconter…"

Abbachio s'installe confortablement dans son siège, attendant patiemment le récit de Bruno, heureux de pouvoir en savoir un peu plus sur son aimé. Le regard de Bucciarati se fit vague alors qu'il tenait la bouteille entre ses mains et il commença son récit. Leone apprit que Bruno était né dans un village de pêcheur et il vivait heureux avec ses parents jusqu'à ses sept ans. Même enfant, il avait ressenti qu'il se passait quelque chose entre ses parents et que ça n'allait plus entre eux. Et il avait raison : peu de temps après, ses parents divorcèrent. Il choisit de rester avec son père, sous la surprise générale. Il avait remarqué que son père était malade et Bruno ne voulait pas qu'il se laisse dépérir. Il tenait énormément à son père. Il était heureux avec son père, et tout se passa bien jusqu'à ce jour fatidique où son père se fit attaquer par des mafieux, qui vendaient de la drogue dans son village, qu'il avait dérangé sans le vouloir. Mais cela, Bucciarati ne le savait pas à ce moment-là. Il l'avait appris plusieurs jours plus tard quand il tua les dits-mafieux qui étaient venus achever le travail en assassinant le père de Bruno. Il avait tout entendu alors qu'il était caché. C'est à ce moment-là qu'il développa son stand. Il quitta par la suite le village pour rentrer dans Passione, qui était le groupe ennemi des mafieux qu'il avait tué. Il ne raconta pas son entrée dans Passione, Abbacchio se doutant de ce qu'il s'est passé.

Après son petit-long récit, il était largement l'heure pour Abbacchio et Bruno de manger le repas que Bucciarati avait préparé, Abbacchio n'en voyait pas la fin et il n'arrivait plus à rien avaler. Malgré la bonne ambiance présente, Leone ne pouvait s'empêcher de repenser à tout ce que Bucciarati lui avait raconté. Tuer à un si jeune âge pour protéger un être cher… C'était si triste…

Bucciarati avait remarqué qu'Abbacchio était de temps en temps dans ses pensées. Il se doutait que Leone ressasserait tout ça après qu'il lui aurait dit. Bruno sourit silencieusement avant de resservir Abbacchio de pâtes fraîches alors qu'il râlait, n'en pouvant vraiment plus. Alors que Bucciarati le taquine en lui rappelant qu'il lui restait encore différents plats à manger et qu'il les avait préparé avec amour.

Noël se termina pour les deux hommes dans la joie et la bonne humeur, même s'ils voulaient plus. Seul l'avenir pourra les combler.