Ecrit dans le cadre de l'échange de l'été 2020 organisé par andersandrew sur LiveJournal, pour andersandrew.

– AAAAAAAAAAH !

Spirou leva brusquement la tête, alerté par les cris épouvantés de son meilleur ami qui ne tardèrent pas à cesser. Il commença à s'approcher de ce dernier, bien qu'il ne fût pas habitué à la température de l'eau ; il en était encore à tremper les pieds. Il faillit reculer sous sa fraicheur mais l'attitude agitée de son ami l'en dissuada. Elle l'intriguait plus qu'elle ne l'inquiétait ; Fantasio alternait les tours sur lui-même et les brassages d'eau, comme s'il était à la recherche d'une chose qui échappait à son regard. S'il ne s'était pas précipité sur la plage, Spirou en déduisait qu'il n'avait pas été attaqué par une méduse ou par autre chose. Par ailleurs, Fantasio faisait d'énormes efforts pour que ses hanches ne dépassassent pas la surface de l'eau, pliant les genoux pour cela. Il se demanda pourquoi.

– Qu'as-tu perdu ? fit-il une fois arrivé à sa hauteur.

Fantasio se retourna vers lui, les yeux écarquillés. Rouge, il hésita à répondre, gêné, avant de céder :

– Je… j'ai perdu mon maillot !

Spirou se figea un instant, incrédule, alors que Fantasio s'était détourné de lui pour reprendre sa quête du vêtement fugueur, à moitié plié. Puis le rouquin se mordit les lèvres pour éviter de glousser, au risque que son ami le prît mal. Sérieusement, comment avait-il réussi un tel exploit ? Son short de bain était assez large mais quand même, ce n'était pas censé se faire la malle comme ça !

– O-ok. Je vais t'aider à le retrouver.

Fantasio hocha la tête pour le remercier d'un geste distrait. Refusant de sortir ses hanches de l'eau, il avança de quelques pas en marchant en crabe. Spirou le considéra avec surprise avant de se figer une seconde fois. Il venait de mesurer ce que la perte du maillot signifiait. Fantasio était nu. Ses lèvres s'entrouvrirent sans qu'aucun son n'en sortît. Fantasio. Etait. Nu. Bien contre sa volonté, des images des parties intimes de son ami fleurirent dans son esprit. Spirou rougit violemment avant de se mettre en quête du vêtement pour tenter d'y échapper. Il s'horrifiait lui-même d'avoir de telles pensées, surtout après avoir jeté un coup d'œil à son ami. Ce dernier continuait de bougonner, buste penché en avant et sourcils froncés, avec sa peau pâle exposée au soleil et perlée de gouttes d'eau, sans aucune idée de la perversité de son meilleur ami et du regard qu'il lui portait. A la honte s'ajouta un sentiment de culpabilité amère.

La gorge nouée, il riva son regard vers l'eau et fouilla l'eau avec plus d'attention, pressé de mettre la main sur le tissu et de clore l'incident. Fantasio était totalement innocent et ignorait tout de ce que ressentait Spirou à son égard et de ce qu'il désirait faire avec lui. Pour lui, ils étaient juste amis. Comment le prendrait-il s'il savait comment le rouquin le considérait ? S'il savait comment, presque chaque nuit et parfois en plein jour – comme maintenant –, il se mettait à fantasmer sur lui et à rêver de choses dont il n'oserait jamais lui parler à voix haute ? Mal, assurément. Fantasio n'était pas attiré par les hommes, sans aucun doute, et penser que son meilleur ami le voyait ainsi… C'était presque une forme de trahison ! Leur amitié s'en trouverait ébranlée, sa confiance fissurée, et peut-être même qu'il ne lui pardonnerait jamais et qu'il ne voudrait plus jamais le revoir. Ce n'était pas la première fois que cette perspective lui venait à l'esprit et comme à chaque fois, elle lui serra le cœur.

Pense à autre chose, pense à autre chose…, se répéta-t-il dans l'espoir de l'écarter. N'importe quoi ferait l'affaire. Cependant, ni l'eau et ses remous ni les conversations, cris et autres bruitages émis par les baigneurs n'eurent raison de cette image, et la présence de son ami à proximité n'aidait pas. Il tenta un objet quelconque, sans succès. Qui, alors ? Il avait beau fouiller sa mémoire et son répertoire de connaissances, il ne –

Quelque chose de mou passa contre sa main droite qu'il tenait un peu écartée sur le côté, puis il sentit quelqu'un le bousculer.

– Désolé ! s'excusa aussitôt Fantasio, rouge. J'ai cru voir passer mon short !

– Que –

Spirou n'eut pas le temps de répliquer que le reporter était déjà parti. Il leva sa main pour la fixer, perplexe. Est-ce moi ou bien c'était… ? Il s'arrêta là dans ses réflexions et baissa sa main. Nul besoin de confirmer ou non son hypothèse. Il devait juste oublier cela.

Alors qu'il se forçait à se relancer dans les recherches, réfléchissant au passage à la couleur dudit short, il entendit Fantasio crier :

– Ca y est, je l'ai trouvé !

Spirou tourna la tête pour observer son ami victorieux, mais son sourire disparut bien vite lorsqu'il constata que ce dernier avait oublié sa nudité qu'il affichait avec entrain. Son malaise reprit aussitôt en même temps que fleurit une certaine satisfaction involontaire qu'il s'efforça d'écarter.

Idiot !