Warning : violence très mineure

Chapitre 20 : Footsteps of Desire? – War of Wutai

Tseng m'avait sourit. Ça m'avait fait une drôle de sensation… C'était tout juste si j'avais pas rougi. Décidément, il avait bien quelque chose de… charmeur en lui. Ses yeux noisette au regard calme et posé, plein de douceur, son sourire emprunt de malice… C'était un homme mystérieux à bien des égards. Tout du moins, c'était l'impression que j'avais de lui.

Nous quittâmes la Shin-Ra pour le Secteur 3 où j'habitais. La porte était mal fermée et j'hésitai à la pousser.

-Quand tu es parti avec mon père…, commençai-je en tournant mon regard vers Rude.

-J'ai claqué la porte, coupa-t-il.

-Alors quelqu'un est venu entre temps et peut-être même est-il encore là, conclu-je.

-Bonne déduction, commenta Tseng. Gardez vos armes à disposition.

Tseng m'enjoignit à pousser la porte et nous entrâmes. Tout paraissait parfaitement calme, tout à fait normal. Je guidai les Turks sans néanmoins relâcher la crosse de mon Outsider. D'abord le salon. Rude y resta pour faire le gué. Puis le couloir de droite… Je m'arrêtai face à la dernière porte de gauche au bout du couloir. Elle avait l'air tout à fait anodine à première vue, mais si on prêtait plus attention à la poignée, on pouvait remarquer qu'elle avait quelque chose d'étrange. En fait, quiconque essaierai d'ouvrir la porte se ferait électrocuter sans préambule à moins de désactiver le système de sécurité. Mais ça, James me l'avait appris.

-On a un problème, murmura Reno.

Une dizaine d'hommes venaient de sortir des pièces du début du couloir. Les coups de feu ne tardèrent pas à fuser. Tseng nous lança à tous les trois un sort de Barrière et Reno administra de puissants sorts de Foudre aux hommes. Rude se lança à l'attaque, les prenant par l'arrière. Surpris, nos ennemis se retournèrent vers lui et j'en profitai pour abattre un homme ou deux à l'aide de mon Outsider. Les choses commencèrent à devenir un peu plus chaotiques quand une légère panique s'empara peu à peu des hommes. Ils n'avaient sans doute pas prévus que nous serions si nombreux… Néanmoins, nous arrivions à garder nos positions. La panique atteint son apogée quand la supériorité numérique changea de camp. Là, Tseng ordonna à Reno d'immobiliser les hommes, ce que le rouquin fit sans problème à l'aide de sorts de Stop. Puis l'utaien s'avança vers l'un des hommes.

-Toute résistance est inutile, vous n'avez pas la moindre chance face à nous, alors je vous propose un choix : ou vous coopérez et répondez à nos questions et aurez ainsi la vie sauve, ou vous continuez à vous battre et serez alors voués à une mort plus que certaine.

Il indiqua à Rude de ceinturer l'homme puis à Reno de mettre un terme à son altération d'état.

-Je me rend ! Ne me tuez pas ! implora aussitôt l'homme.

-C'est une bonne chose. Alors, qui êtes-vous ?

-Les derniers membres du CAT…, avoua l'homme. Notre chef nous a appelé mais quand nous sommes arrivés, il s'est fait embarqué par le grand baraqué. Il nous a laissé un message comme quoi nous recevrions une bonne prime de la part de Kathy McMiller si nous vous éliminions…

-C'est dommage, se moqua Reno. Parce que Kate, je l'ai tuée il y a quelques jours à Junon.

Il remonta ses lunettes un peu plus haut sur son front, un sourire railleur sur les lèvres.

-Mais alors…

-Alors rien, coupa Tseng. A présent, vous ne nous êtes plus d'aucune utilité.

Il me lança un coup d'œil avenant avant d'ordonner un bref « tuez-les ». Rude brisa la nuque de l'homme qu'il tenait, Reno en électrocuta mortellement un deuxième et j'achevai le dernier d'une balle entre les deux yeux.

-Joli tir, Elena…, souffla-t-il. Tu sais donc parfaitement tuer de sang froid…

Je me sentis rougir un peu. Reno nous regardait alternativement, moi et lui, tentant visiblement de comprendre pourquoi Tseng me faisait ce genre de remarque.

-Ouvre la porte, m'ordonna Tseng.

Je m'activai un instant à désactiver le système de sécurité puis appuyai sur la clinche. Rien ne se produisit. Je poussai la porte et nous pénétrâmes dans la pièce coffre-fort de la maison. Une bonne quantité de matériel informatique High-Tech y était entreposée. Je me dirigeai tout de suite vers un petit coffret –d'apparence anodine lui aussi– et l'examinai pour en déceler les pièges. C'était le même genre de système que pour la porte et je n'eu aucun mal à le contourner pour ouvrir le coffret en toute sécurité. Il contenait un bon nombre de liasses de billets de banque, une somme de gils assez impressionnante.

-Et bien, c'est du bon travail…

-Merci…

D'habitude je n'étais pas timide comme ça pourtant… Les premières fois que j'avais vu Tseng, je n'avais pas rougi, je ne m'étais pas senti maladroite non plus… C'était étrange…

Nous retournâmes à la Shin-Ra et je restai un moment au Salon en compagnie de Reno et Rude pendant que Tseng s'occupait de rendre son rapport à Heidegger.

-Alors, qu'est-ce que Heidegger pourrait trouver à lui reprocher ? lança Reno.

-Nous n'aurions pas dû emmener Elena et encore moins la laisser armée, répondit Rude.

-Oui, mais on ne pouvait pas l'éliminer compte tenu de ses relations, rappela le rouquin.

-Et sur ce, Heidegger prendra comme prétexte le fait que Tseng lui aie répondu…

-C'est quoi ces pronostics ? demandai-je.

-Tu connais la réputation de Heidegger, soupira Reno. Et bien, presque à chaque fois que Tseng entre dans son bureau, il en ressort en sale état. T'as bien vu tout à l'heure les cicatrices qu'il a…

Je ne pu m'empêcher de porter une main à ma bouche.

-Mais… Vous faites pourtant du bon travail, non ?

-Heidegger est juste sadique, répondit Rude.

Reno baissa les yeux et l'expression de son visage devint soudainement… honteuse…!

-En fait, je fais souvent des conneries en mission juste pour énerver Tseng et j'en oublie les conséquences face à Heidegger, avoua-t-il. Alors maintenant, j'essaye de faire un peu plus attention…

Il y eut un moment de silence puis Rude échappa un léger éclat de rire.

-Qu'est-ce qui te fais rire ? demanda Reno.

-Rien. Tu fais attention à la santé de Tseng, maintenant ?

-Oh non… non, surtout pas… Qu'il crève ce chacal, ça me ferra du bien…

-Seph a faillit le tuer tout à l'heure, lui rappelai-je. Mais c'est TOI qui t'es interposé…

Il secoua la tête.

-Pas pareil. J'ai toujours dit que s'il devait crever un jour, je préférerais que ce soit de mes propres mains. Alors en attendant ce jour, il a pas intérêt à clamser.

Il disait ça avec un naturel emprunt de lassitude comme s'il l'avait répété déjà une bonne vingtaine de fois depuis ce matin. Il se leva pour mettre un peu de musique et j'en profitai pour me lever à mon tour et examiner un peu plus les lieux. La majorité de l'espace était occupée par des canapés de des fauteuils et on trouvait quelques plantes vertes et même un ou deux bouquets de fleurs. J'avais déjà noté la présence d'un ordinateur entouré de quelques périphériques (imprimante, scanner…). Dans un coin de la pièce, une table avec la machine à café, un petit évier, une armoire avec quelques tasses et divers pots de chicorée, de sucre, de thé etc.… Dans un autre coin, la chaîne stéréo et une petite bibliothèque avec toutes sortes de livres. Certains étaient rédigés en utaien en je devinai qu'ils avaient été apportés par Tseng. J'attrapai un livre au passage et le feuilletai rapidement. Il s'agissait d'une pièce de théâtre traitant d'un amour impossible entre un voleur et une princesse… Je le replaçai rapidement parmi ses semblables et retournai m'asseoir. Tseng finit par arriver et commença par lancer une materia verte à Rude.

-Pas le temps de passer à l'infirmerie et plus la force pour me lancer des sorts de Soin, enchaîne, lui ordonna-t-il d'un ton las.

-C'était pour quoi cette fois ? demanda Reno.

-Je lui ai répondu en parlant des relations d'Elena avec Rufus et Seph…

Rude et Reno se tapèrent la main.

-Qu'est-ce que c'est encore ? soupira Tseng.

-On avait fait des pronostics…, résuma Reno. Il t'a cassé quoi cette fois ?

-Une ou deux côtes et il m'a démit une épaule, la routine quoi… Rude, t'arrêtes pas…

J'hésitai un instant puis me lançai.

-Tout de même, il serait mieux de passer par l'infirmerie au moins… Pour remettre un peu mieux les choses en place…

-C'est gentil, Elena, mais j'ai l'habitude… Enfin, si je t'ai demandé de rester, ce n'était pas juste pour que tu me voies dans un sale état mais pour te faire une proposition.

Ç'avait eu l'effet d'un sort de Stop. Nous avions tous levé les yeux vers Tseng.

-Rude, continues ! …Écoute, tu as un certain charisme, tu es une fille intelligente et assez maligne, et tu sais te battre pour te défendre et pour tuer… Alors je me suis dit qu'on pouvait peut-être te mettre à l'essai pour devenir Turk.

Je restai un instant interdite le temps de réaliser.

-Moi ? Devenir une Turk ! m'écriai-je tandis que Reno s'écriait en écho « Elle ? Devenir une Turk ! »

Tseng hocha la tête.

-Oui, toi.

-Oh, je… J'avoue que j'aimerais vraiment accepter mais… Il y a mes études… Je voudrais les poursuivre encore un peu. Et puis je suis toujours engagée avec Rufus comme garde du corps et je voudrais pas le laisser tomber maintenant…

Tseng hocha à nouveau la tête.

-Je vois. De toute façon, c'est à toi de décider, mais sache qu'on ne te perdra pas de vue.

J'esquissai un léger sourire. L'expression de Tseng à mon égard était plutôt bienveillante, Rude était impassible, et Reno me fixai avec curiosité, semblant essayer de retrouver les qualités qu'avait énoncé Tseng. L'utaien annonça que nous pouvions tous disposer et je me levai pour quitter la pièce, aussitôt imitée par Reno. Nous sortîmes et il me suivit. Je finis pas me retourner vers lui.

-Qu'est-ce que tu veux ? soupirai-je d'un ton légèrement exaspéré.

-Mmh, pas grand chose. C'est juste que je me demandais si t'étais seule en ce moment…

-Je vois. Tu veux coucher avec moi, c'est ça ?

-Pourquoi pas…?

Au moins, il n'y allait pas par quatre chemins.

-Je ne te connais pas assez pour sortir avec un type de ton espèce.

-C'est pourtant bien toi qui voulait me sauter à Kalm…

-J'étais droguée…

Il roula des yeux vers le ciel.

-Alors refaisons une soirée Makô…

-Reno !

-Je blaguais…! Mais sache une chose : c'est pas facile de séduire Tseng.

-Quoi !

-Allons, depuis que tu l'as vu tu le trouves mignon et maintenant tu commences à te laisser séduire. Mais moi aussi je peux jouer les séducteurs…

Il m'adressa un sourire enjôleur accompagné d'un regard malicieux, passa une main sur ma joue et déposa ses lèvres sur les miennes. Ce n'était pas désagréable, mais je le repoussai tout de même.

-Belle tentative, mais ce n'est toujours pas ça.

Sur ce, je le plantai là et m'éloignai pour aller retrouver James.

°°°

Cela devait faire une semaine que nous étions de retour à Midgar. J'allais devoir annoncer la nouvelle à Reno et je n'étais qu'à moitié enthousiasmé.

-Reno…

Il se retourna vers moi avec l'air de dire « mmh ? ».

-On part pour Utai.

Son regard s'éclaira aussitôt.

-Dans quelle région ? Dans combien de temps ? Pour combien de temps ?

-On part dans un peu plus d'une semaine dans le coin d'Asangyô et pour une semaine environ. Pour le retour, on verra suivant les évènements…

Reno me lança un regard malicieux accompagné d'un rictus quelque peu moqueur.

-La région d'Asangyô, tu dis ? Mmh, faudra faire attention à ne pas te perdre… J'ai entendu dire que les traîtres d'Utai payaient cher s'ils venaient à tomber aux mains des membres de leur clan… J'espère que ça ne t'arriveras pas…

-Qu'est-ce que tu insinues, Reno ? Que je suis un traître ?

-Si tu ne l'es pas encore, tu le deviendras forcément. Reste à voir qui tu trahiras. Utai. La Shin-Ra. Ou les deux. Peut-être même te trahiras-tu toi-même…

Je ne savais pas quoi répondre à cela. Comment avait-il pu tout comprendre si vite ? Comment avait-il pu deviner…?

-Je ne suis pas un traître, Reno… Je ne suis pas comme certains.

-Si tu veux faire allusion à mon père, fais-le clairement ou ne le fais pas, siffla-t-il. Cet homme était un traître, mais il a tout de même été mon père et il a assumé cela à la perfection durant les quatre premières années de ma vie. Après, ça a un peu changé mais il a tout de même su s'occuper de moi avec l'aide de Siam… C'est pas facile à expliquer comme ça mais peut-être qu'un jour tu comprendras le genre de liens qu'on avait dans cette famille de fous…

Je ne savais pas si j'avais réellement envie de comprendre…

-Mais toi, Tseng… Elle était comment ton enfance ? Tu as eu droit à l'amour de tes parents ? Tu avais des frères et sœurs ? Tu te souviens de ta jeunesse ?

Vaguement. Très. Mais alors très. Vaguement…

-J'ai été élevé avec rigueur et douceur à la fois… Surtout par mes parents, ma tante et par ma grande sœur. Mitsuko. Elle était très belle et encore bien plus douée au combat que moi. Je n'ai pas eu de photo d'elle depuis très longtemps, mais je crois qu'elle a dut devenir une très jolie femme. Voilà…

Son regard bascula dans le vide un moment puis il revint à la réalité.

-Mouais, ça doit être une jolie fille… J'aimerais bien la rencontrer, tiens…

-Te fais pas d'illusions, Reno. Elle est déjà mariée et mère d'une fillette.

Il bloqua un instant.

-Quoi ! Mais elle a quel âge !

-Vingt quatre ans.

°°°

Les pals de l'hélicoptères s'arrêtèrent de tourner petit à petit et nous pûmes descendre. Je sautai à terre le premier, suivi de près par Tseng et le rouquin, et me dirigeai vers un homme de grande taille aux traits secs, au regard vif et perçant et vêtu un uniforme de maréchal.

-Général Sephiroth ?

-Lui-même, répondis-je.

-Enchanté de faire votre connaissance. Je suis le maréchal McLoyd. Oliver McLoyd. Je serai votre supérieur direct. J'espère pouvoir vous apprendre encore quelques choses… J'ai eu vent de votre réputation et de votre ascension fulgurante. Vous êtes le plus jeune général qu'aie connu la Shin-Ra il me semble…

Je hochai la tête. J'entendis Reno chuchoter quelque chose à Tseng ressemblant assez à « il est vraiment si fort que ça…! ». Oui. Et même plus, j'en était convaincu. Mais cette force tapie au fond de moi… Était-elle réellement mienne ?

-Vous avez emmené deux Turks avec vous… L'un d'entre eux est utaien d'origine si je ne me trompe…

Tseng s'avança calmement pour faire face à McLoyd.

-Je suis Tseng des Turks. Le chef des Turks. Je ne peux nier mes origines, mais vous pouvez me faire confiance. Il y a longtemps que je suis dans le camp de la Shin-Ra.

-C'est bien, commenta McLoyd. Nous avons des prisonniers utaiens mais ils ont réussi à se débarrasser de notre traducteur et il nous est pour le moment impossible de tirer quoi que ce soit d'eux. Si vous pouviez jouer à l'interprète, vous nous seriez de bon secours.

Tseng hocha la tête et fit signe à Reno de s'avancer.

-Alors vous tombez bien. L'utaien est ma langue maternelle et mon collègue est lui, en mesure de le comprendre.

-Je ne peux que traduire… Parler, c'est autre chose…! rectifia Reno dans un murmure.

-Avec un peu de temps, ça reviendra, même pour un crétin comme toi, lui répondit Tseng en lui donnant une petite tape sur la tête.

Je savais parfaitement ce que l'utaien avait en tête. Et je n'oubliais pas les menaces qu'il m'avait faites après que j'aie manqué de le tuer dans les sous-sols de la prison… A présent, s'il voulait que je le couvre, ça allait se monnayer. Nous avions autant d'atout dans nos jeux.

McLoyd donna les appartements du traducteurs aux Turks puis me conduisit aux quartiers réservés aux haut gradés. C'était sans nul doute les plus… luxueux. Depuis sept ans que la guerre durait, cet avant-poste avait été de plus en plus renforcé, passant du simple campement à, à présent, un véritable petit camp militaire en béton armé. Je sentais que j'allais me plaire ici…

°°°

-On en a un bon nombre… Mais ce n'est pas toujours facile de deviner lesquels détiennent des informations importantes…

Je hochai la tête.

-Vous pensez pouvoir tirer quelque chose d'eux ? me demanda McLoyd.

-Assurément. Envoyez-moi ceux qui possèdent le même tatouage frontal que moi et je verrais…

-Il y en a pas mal…

-Prenez-en quelques uns au hasard alors, soupirai-je. Je veux juste me faire une idée de ce qu'il se passe. Et emmenez le rouquin faire le tour des prisonniers, je suis sûr qu'il saura repérer quelques éléments intéressants parmi eux…

-A propos de lui, me coupa McLoyd. Il possède les mêmes tatouages que certains de nos prisonniers… il n'est pourtant pas d'Utai… non ?

-Mmh, vous avez l'œil. Mais je ne sais pas vraiment quel rapport le lie à Utai… Son père, sans doute… Enfin, je découvrirai bien tout cela un jour…

-Bien… Je vais envoyer un de mes hommes chercher quelques prisonniers en compagnie de votre rouquin.

« mon rouquin » ? s'il avait entendu ça !

°°°

Je contemplai la liste des prisonniers. Leurs noms étaient rarement complets, mais celui de leur clan était souvent mentionné, accompagné de petits symboles entre parenthèse pour indiquer à quoi ressemblaient les tatouages des prisonniers s'ils en avaient. Les utaiens n'avaient pas tous leurs Honneurs… C'était donc quelque chose de privilégié…?

-Tu peux me montrer la cellule 46 ? lançai-je au soldat m'accompagnant.

-Les escaliers par ici s'il vous plaît…

Nous descendîmes plusieurs volées de marches et l'atmosphère changea radicalement. La tristesse de ces lieux déteignait lentement sur ceux qui y vivotaient, devenant chaque jour un peu plus l'ombre d'eux-mêmes, irrémédiablement happés par le désespoir ambiant. Le soldat me guida dans les couloirs sombres et suintants d'humidité jusqu'à s'arrêter devant la grille d'une des nombreuses cellules. Pour seul meuble, une planche de bois était fixée à l'un des murs à l'aide de chaînes. Je jetai un œil aux quatre occupants. Un jeune homme, une jeune femme, un petit garçon et une petite fille. Ils portaient tous l'uniforme des ninjas d'Utai, noir et sobre, et la fillette avait de surcroît un ruban dans les cheveux qui donnait l'impression de deux oreilles félines dressées sur sa tête, et un pan démesurément long de la ceinture nouée dans son dos traînait nonchalamment, semblable à une queue de chat. Les prisonniers levèrent les yeux vers nous et j'eu peine à y déceler une quelconque lueur de cette vivacité surprenante qu'on la plupart des utaiens.

-Méfiez-vous d'eux, ils sont pas méchants mais très dangereux…, me prévint le soldat en ouvrant la grille.

-T'inquiète… Ils me feront pas de mal, lui assurai-je.

Il ne répondit pas et referma la grille derrière moi avant de s'éloigner en me lançant un bref « t'auras qu'à m'appeler dès que t'auras terminé ». Mon regard se posa tout de suite sur la jeune femme. Elle était bien plus âgée que moi, cela se lisait sur son visage fatigué, mais je songeais qu'hors d'ici, elle devait rajeunir de plusieurs années avec une facilité effarante… Elle était si jolie avec ses yeux noisette et le teint mielleux de sa peau harmonisé par ses cheveux d'ébène… Elle était assise sur la planche en bois faisant office de lit, serrant la fillette dans ses bras comme de peur que je ne lui enlève. Le petit garçon avait imité son aîné qui s'était levé à mon entrée et me toisait d'un air soupçonneux. Il ne pouvait dissimuler comme les autres le clan auquel il appartenait à l'aide de son bandeau frontal, ses Honneurs flamboyants étant comme les miens placés de chaque côté de ses yeux. Je rencontrai un instant ses prunelles sombre voilées par quelques mèches de jais aux reflets rougeâtres avant de détourner les yeux.

-A qui a-t-on l'honneur ? me demanda-t-il froidement.

-A Reno des Turks…, répondis-je simplement.

Je posai à nouveau mon regard sur la jeune femme, un sourire sincère aux lèvres.

-Mitsuko Arashi… Tu es… encore plus belle et mignonne que ton frère…, murmurai-je.

Elle n'avait pu dissimuler sa surprise et je contemplai ses yeux écarquillés, attendant la suite de sa réaction.

-Tseng…? Vous… connaissez Tseng…?

Le jeune homme fronça les sourcils et ne me laissa pas le temps de répondre, posant à son tour une question.

-Qui es-tu ?

-Je vous l'ai déjà dit, je suis Reno des Turks. Tseng est mon supérieur, il est le chef des Turks…

-Il y a encore beaucoup de traîtres comme ça, à la Shin-Ra ? cracha le jeune homme.

-Azu ! siffla Mitsuko. Mon frère n'est pas un traître !

Il la défia du regard.

-Alors… que fait-il à la Shin-Ra ? prononça-t-il lentement.

-Il dirige notre service, répondis-je. C'est un jeune homme dominateur, un peu tyrannique envers moi, honnête, calme et réfléchit. Mais ce n'est pas un traître pour Utai, je vous l'assure… En fait, je crois qu'il risque plutôt de trahir la Shin-Ra…

Azu semblait toujours sceptique. Comme je le comprenais…

-Tu te demande pourquoi je possède les Honneurs du clan Kurai, hein ? lançai-je dans un murmure.

Il me répondit par un silence en disant plus long que tous les mots du monde.

-J'ai vécu à Inarime jusqu'à recevoir mes Honneurs. Mon père était à demi utaien, mais surtout, c'était un traître. Il a trahi Utai, il a vendu ses secrets à la Shin-Ra contre un emploi haut placé, ce qui lui a permis d'amasser pas mal de fric sur le dos de la Shin-Ra qu'il a également trahie. Ce n'était qu'un traître, un traître, jusqu'aux tréfonds les plus obscurs de son âme. Même moi il m'a trahi… Alors j'ai fait comme lui, je l'ai laissé tombé pour un emploi de Turk…

-Il devrait payer pour ses crimes…, déclara le petit garçon de sa voix fluette.

-Je l'ai tué, avouai-je d'un ton désintéressé. Personnellement, je ne suis pas vraiment en position pour compatir à votre situation. Je ne peux même pas prétendre être dégoûté par toutes les morts inutiles engendrées par la guerre puisque je passe mon temps à tuer… Mais… j'aimerais quand même qu'il y ait quelque chose d'un peu plus gai dans tout ça… Et je voudrais que des jeunes comme vous ne finissiez pas vos jours ici.

-Développe…! m'intima la fillette.

-Vous savez jouer de la musique ? Vous savez chanter ? demandai-je avec malice.

-Ouais, pourquoi ? répondit-elle.

-Si les soldats de la Shin-Ra se mettaient à chanter des chants révolutionnaires utaiens, ça pourrait être considéré comme un acte de rébellion, commençai-je. Je peux vous fournir de petits instruments de musique grâce auxquels vous pourrez mettre les airs dans la tête des soldats. Après, vous n'aurez plus qu'à ajouter les paroles et ils suivront sans même se soucier d'en comprendre le sens…

Je fourrai ma main dans la poche intérieure de ma veste et en sorti une guimbarde métallique, une petite flûte à six trous et deux paires bâtons de bois et de métal, et donnai le tout à Azu.

-Au fait, je connais toujours pas vos noms à part Mitsuko et Azu…

-En fait c'est Azumemo, mais Azu ça va plus vite à dire, expliqua le susnommé.

-Je suis Jinshiteki, déclara le garçon. On m'appelle Jin.

-Moi c'est Iko, lança joyeusement la fillette.

-« Iko »…, répétai-je. Ça te va très bien, ça veut dire « chat » si je ne me trompe…

-Tu parles notre dialecte utaien ? s'étonna Iko.

-En fait, je le comprend mieux que je ne le parle, les mots ne me viennent pas toujours facilement mais je les comprend quand je les entends. « Azumemo » c'est l'éclair, « Mitsuko », un flocon de neige et « Jinshiteki», le fil acéré d'une lame…

Mitsuko eut un léger sourire.

-« Reno »… c'est Kitsune, le renard, soupira-t-elle. Est-ce qu'on peut vraiment faire confiance à quelqu'un portant ce nom ?

-Hé, je suis honnête ! J'ai les mains couvertes de sang, mais je suis honnête ! Si vous réussissez à faire chanter les soldats, Utai pourra en rire longtemps. De plus, vous savez qui je suis, je prends pas mal de risques en faisant ça… vous pourriez me dénoncer et Tseng serait forcé de me virer. Il dit toujours qu'il se demande pourquoi il ne l'a pas déjà fait vu que je passe mon temps à tout faire pour l'énerver… mais au fond, il sait que si j'étais pas là il s'ennuierait…

-Attends deux secondes ! me coupa Azu.

-Tu arrives à énerver Tseng ! poursuivit Mitsuko.

Je me passai une main dans les cheveux d'un air un peu crâne.

-Ouais, je me débrouille pas mal, j'arrive même à le rendre complètement fou parfois…

Les prisonniers se concertèrent du regard, visiblement choqués.

-Personne n'a jamais réussi à énerver Tseng excepté une fille de son âge, avoua Mitsuko. Même moi je n'y suis jamais parvenue.

-Et c'est qui cette fille ? m'intéressai-je.

-Izako Samanosaki, répondit Jin. C'est une cousine à moi, elle est promise à Tseng…

« elle est promise à Tseng ». Est-ce que ça voulait dire que Tseng allait se marier ? Tseng… se marier… avec une fille… J'avais du mal à enregistrer, j'étais comme… bloqué.

-Reno…? Hé, ça va ? s'inquiéta Iko.

-Je… ça fait un choc…, murmurai-je. Et… Tseng aime cette fille ?

Ils hochèrent la tête de haut en bas en signe d'approbation.

-Ou tout du moins il l'aimait, précisa Azu. T'es étrange comme type…

-T'arrives à énerver Tseng et puis… tu m'as dit en entrant que j'étais « encore plus belle et mignonne » que lui. Ça sous-entend que…

-Que rien du tout ! coupai-je. Tseng n'est pas mal dans son genre, je peux pas le nier, mais c'est tout !

Enfer et damnation ! Cette rumeur me suivra donc jusqu'au bout du monde, jusqu'à la fin de mes jours !

-Je pourrais vous arranger une entrevue avec Tseng, mais ce ne sera pas gratuit. Je veux que vous chantiez. D'ailleurs… Azumemo et Izako… ces prénoms me font penser à un chant utaien que Tseng nous avait chanté… ça faisait… Iashi... aku aku… Sesao… naminaku… Itaama de izako, takeama de niako… Izaeto otodane eoeko otodane…. Shiotchio ya azumemo doishiku… Vous connaissez, non ?

Ils acquiescèrent.

-Si j'entends chanter, vous pouvez êtres sûrs que vous verrez Tseng.

Sur ce, j'appelai le garde qui ne tarda pas à rappliquer. J'observai les prisonniers et constatai qu'ils gardaient presque tous leur bandeau sur le front pour qu'on ne puisse pas connaître leur clan. Il me fallut de gros efforts de mémoire et arriver à en faire parler quelques uns pour que les mots me reviennent petit à petit.

-Isama zene de totoko na otsuaku, finis-je par ordonner à un des prisonniers.

J'étais parvenu à former la phrase « enlève ton bandeau frontal ». Un exploit pour moi. Néanmoins, pour l'accent, c'était pas encore ça. Les utaiens dans la cellule restèrent un instant interdits puis éclatèrent de rire.

-Isama zene de totoko na otsuaku, répétai-je. Otchi sunaku idayo !

« Ou crève »…

-Isama ? zene de asama na sunaku ? répéta l'utaien sur le ton de la moquerie.

Il ne me croyait pas.

-Fais-le sortir, ordonnai-je au soldat.

Il eut un moment d'hésitation mais obéit tout de même et fit sortir l'homme de la cellule. Je pointai un Mercure sous son nez.

-Zene de totoko na otsuaku …

Voyant que je ne plaisantais pas, il entreprit enfin de retirer son bandeau. J'avais bien fait de rester sur mes gardes car il tenta au passage de prendre le soldat comme bouclier humain. Je passai derrière lui en un éclair et lui logeai une balle dans le crâne. L'écho du coup de feu résonna un moment dans les couloirs. A présent, les prisonniers savaient ce qui les attendaient s'ils ne se montraient pas plus coopératifs.

NdVixen : Et voilà, on est dans la partie sur Utai ! La scène entre Reno et les prisonniers (Mitsuko, Azu, Iko et Jin) était prévue de longue date et je l'avais même déjà écrite. Le dialogue en utaien ça a été l'horreur à écrire… Fallait que ça reste cohérent par rapport aux règles de grammaire, conjugaison etc que je me suis fixé. Je hais la grammaire. A part ça, est-ce que les soldats de la Shin-Ra vont se mettre à chanter les chants révolutionnaires d'Utai…? Héhéhéhé… suite au prochain épisode ! Encore une chose. Le titre de ce chapitre… Quelqu'un sait d'où il vient…? Une récompense à celui ou celle qui trouvera… Indice : Final Fantasy. Je posterai le prochain chapitre quand j'aurai quelques reviews pour celui-ci.