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Chapitre 22: Feel my Blade

J'étais incapable de pleurer. Je restais juste là, à prier devant le petit autel. Des bruits de pas légers me parvinrent et je relevai les yeux. Mon regard se posa un instant sur les volutes de l'encens se consumant doucement, embaumant l'air de son parfum.

-Vas-y…, murmurai-je.

Izutsuki s'assit derrière moi. Je l'entendit sortir son tanto de son fourreau puis je sentis ses mains passer sur mes épaules et remonter les long de ma nuque, regroupant mes cheveux avec soin. Je fermai les yeux jusqu'à ce qu'Izutsuki m'annonce «c'est fini». Je ramassai les mèches noires éparses sur le sol pour les déposer dans un bol de céramique émaillé que je posai ensuite sur l'autel. J'ajoutai un peu d'encens et enflammai le tout en formulant mes dernières prières, implorant le pardon de ma mère pour n'être pas venu plus tôt avec l'espoir qu'elle ne revienne pas me hanter. Cela fait, je quittai le petit temple en compagnie d'Izutsuki. Dehors, il y avait un homme et une femme avec une fillette de deux semaines environ dans les bras. Je les connaissais fort bien…

-Izumy, Yokiko…, les saluai-je en m'inclinant.

-Laisse tomber les formalités, Tseng, m'enjoignit Izumy.

-Comment s'appelle votre fille? demandai-je avec l'ombre d'un sourire sur les lèvres.

-Shizuka, répondit Yokiko.

Ils avaient tout deux l'air assez grave et je ne pouvais pas ne pas remarquer qu'ils avaient eux aussi raccourci leurs cheveux.

-C'est Ichirô? demandai-je.

-Oui…, souffla Yokiko. Des soldats de la Shin-Ra se sont égarés dans la région et se sont trouvés aux abords du village. Des gosses étaient en train de laver du linge sous la garde d'Ichirô et de la vieille Hana… Ils ont tous été tués avant qu'on aie le temps d'éliminer les soldats…

C'était un coup dur…

-J'ai honte…, murmurai-je. Cette guerre n'a même pas lieu d'être… Je ne sais même plus pourquoi elle a débuté… mais depuis des années elle entraîne des centaines d'innocents dans la mort… J'ai honte de faire partie de la Shin-Ra… et en même temps, je n'ai plus de vie ici…

-Tseng… Ils ont capturé Mitsuko, lâcha Izumy.

-Quoi!

-C'était il n'y a pas deux semaines, développa Izutsuki. Ils l'ont eue en même temps que mon fils, Azumemo, et deux gamins. Je ne voulais pas te troubler plus que tu ne l'es déjà.

Il avait raison, j'étais beaucoup plus nerveux que d'habitude. Maintenant que j'avais salué ma mère, ça allait mieux, mais tout n'était pas fini, il me restait encore beaucoup à faire…

-Sa fille est en sécurité à Utai, tu devrais peut-être t'occuper d'elle…, tenta Yokiko.

-Le père est vivant? demandai-je.

Elle hocha la tête.

-Alors c'est non, je n'irai pas là-bas. Elle n'a pas besoin de moi. J'ai plusieurs choses à achever… Je ne ferai rien pour aider qui que ce soit, dans quel camp qu'il soit… Je ne veux pas devenir un traître.

Izutsuki eut un léger sourire, un peu moqueur me sembla-t-il…

°°°

Le sang commençait à me monter à la tête. Je parvint enfin à attraper cette maudite corde et à me redresser en l'enroulant autour de mon pied pour en faire un appui. Je pus enfin tirer mon kunai de ma ceinture et sectionner la corde qui me coupait la circulation sanguine de la cheville gauche depuis un moment déjà. Je me laissai tomber par terre et ramassai les deux trois choses qui s'étaient échappées de mes poches avant de m'asseoir un instant pour me masser la cheville. J'en avais plus que marre de ces conneries de pièges… Après quelques minutes, je pus reprendre mon chemin. Je commençais peu à peu à me faire une idée de l'endroit où je me trouvais sur la carte et ma progression s'en trouvait largement facilitée. J'espérais arriver au camp dans la soirée et ne plus avoir à passer une nuit à la belle étoile dans l'angoisse d'être surpris pas un monstre. Mais mon problème majeur était tout de même la question de la faim. Je n'avais rien à manger et j'étais bien incapable d'attraper une quelconque bestiole. Quand aux baies dans les buissons alentours, je préférais ne pas m'y risquer… Le mieux était de continuer à avancer.

°°°

Cela faisait trois jours que Reno et Tseng avaient disparu. Je me demandais ce qui avait bien pu advenir d'eux… On toqua à ma porte, je donnai l'autorisation d'entrer et un soldat m'apporta une tasse de thé. Il sifflotait distraitement un petit air plutôt enjoué.

-Qu'est-ce que vous sifflotez? m'intéressai-je.

-Hum? Je ne sais pas… J'ai cet air dans la tête depuis un moment… je l'ai peut-être entendu à la radio… C'est sans doute un des nouveaux hits du moment… il y a d'autres soldats qui le chantonnent…

-C'est bien… ça mettra un peu de gaieté dans le camp… Vous pouvez disposer.

Il s'inclina et sortit. Je commençai à siroter ma tasse de thé en gardant un œil sur les cartes d'Utai. Les notes de cet air se répétaient dans mon esprit… je n'arrivais pas à les chasser. Je n'en avais pas réellement envie non plus, cet il n'était pas désagréable… On toqua à nouveau à ma porte et McLoyd entra.

-Général Sephiroth…

-Qu'y a-t-il?

-Les gardes ont trouvé un drôle d'utaien à l'entrée du camp…

-Et alors?

-Alors il a demandé à vous voir et je crois que vous devriez venir, ça vaut le détour…

Je me levai et il m'emmena à l'infirmerie. L'utaien en question me regarda venir avec un léger sourire sur les lèvres. Je connaissais ce sourire…

-Tseng est toujours prisonnier, Général Seph… Mais j'ai des infos… On va être attaqués, je crois…

Il y avait quelque chose de moqueur dans son ton.

-Reno?

-Ouais… C'est bien moi, Reno des Turks…

-Qu'est-ce qu'il t'es arrivé? Qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux!

-Je t'expliquerai plus tard. Juste: il risque d'y avoir une grosse offensive des utaiens contre le camp. Ils vont faire une diversion pour permettre à leurs meilleurs éléments d'entrer, et s'ils y arrivent, je crois qu'on est fichus… Je te donnerai plus de détails après, je voudrais tout de même prendre une douche et manger un repas digne de ce nom…

-C'est compréhensible, tu schlingues.

-Quand je te raconterai ce qui m'est arrivé, tu comprendras…

Il se passa une main dans les cheveux et lança un regard soupçonneux à ses doigts à présent légèrement enduits de quelque chose d'aspect graisseux et d'un noir profond.

-Mmh… ça fait gel et teinture en même temps mais c'est un peu poisseux ce truc…, marmonna-t-il pour lui-même.

Je quittai l'infirmerie avec Oliver. Il riait légèrement.

-Vous aviez raison, Sephiroth, il a sut se débrouiller… C'est vraiment un bon élément…

-Moi-même j'ai du mal à l'admettre parfois. Reno n'est encore qu'un gosse, il n'a même pas seize ans et demi… je me demande ce que ce sera dans les années à venir…

°°°

-Tu as bien le plan en tête?

J'acquiesçai. J'étais relativement doué comme voleur, mais la lame de deux mètre serait sans doute encombrante et c'était ce qui m'inquiétait le plus. Nous laissâmes Chico en compagnie des chocobos et entrâmes dans la ville. Izutsuki se rendit dans l'une des plus grandes demeures d'Inarime tandis que je prenais la direction du temple où il devait me rejoindre plus tard. J'entrai sans faire de bruit et lançai un coup d'œil au lieu. J'avais l'impression de connaître l'endroit. A gauche et à droite il y avait des statues représentant diverses divinités présidées par une sorte de dieu Renard. C'était le protecteur de la ville. Je m'avançai vers le fond de la pièce où se trouvait un passage pour emprunter l'escalier menant aux étages supérieurs. Je montai jusqu'au deuxième étage, le plus haut, et entrai prudemment dans la pièce. Il y régnait une obscurité impossible à dissiper. Et c'était là que se trouvait la Masamune. Quelque part dans le noir… J'avançai à pas mesurés, tâtant le vide avec appréhension. Enfin, mes mains se refermèrent sur quelque chose de fin, froid, à peine tranchant. Une lame émoussée. Je la parcourut du bout des doigts sur toute sa longueur, partant de la pointe pour arriver au manche que j'empoignai avec une assurance fébrile. Le sabre était plus léger que je ne l'imaginais… Je ressortis de la pièce et contemplai enfin la lame. Elle avait dut être magnifique autrefois… Autrefois. Je me concentrai de toute mon âme pour me rendre invisible et redescendit l'escalier. Izutsuki était en train de prier le dieu Renard. Quand il sentit ma présence, il se leva et se dirigea calmement vers la porte, moi sur ses talons. Je sortis en même temps que lui, évitant ainsi de me faire remarquer en ouvrant moi-même la porte alors que j'étais invisible. Je restai à proximité d'Izu de peur d'être repéré par quelqu'un. Je me sentis soulagé comme jamais quand nous atteignîmes la sortie de la ville.

-Izutsuki Kurai?

Je sentis mon sang se figer quand un des ninjas montant la garde s'approcha de nous.

-C'est bien vous?

-Oui…

Izu me fit le signe signifiant attendre. Je ne pourrais pourtant pas rester invisible éternellement…

-Vous ici, c'est un événement! s'exclama le ninja. On ne vous a plus vu depuis plus de douze ans!

-J'avais des affaires de familles à régler…, répondit Izu.

-Vous avez un peu de temps? ça fait si longtemps…

-Désolé mais je suis quelque peu pressé…

Le ninja le retint encore un peu. Je n'en pouvais plus. Je tentai de m'éclipser en douce.

-Vous sentez? demanda soudainement le shinobi. Je sens la présence de quelqu'un, pas vous?

-Je ne sens rien… et je suis pressé, soupira Izutsuki. Si vous me le permettez…

Et voilà, j'arrivais au bout de mes capacités. Je réapparut soudainement, la Masamune en main. Le ninja écarquilla les yeux sous le coup de la surprise. Je profitai qu'il reste un instant paralysé par ce qu'il voyait pour m'enfuir.

-Merde, il y avait bien quelqu'un, vous aviez raison! Je m'en occupe!

-Je viens avec!

-Non, va prévenir les autres, on pourrait avoir besoin d'aide! ordonna Izutsuki.

Il se lança à ma poursuite et nous gagnâmes rapidement l'endroit où nous avions laissé Chico. Nous sautâmes prestement sur nos chocobos et prîmes la fuite. Le soir, nous installâmes notre campement dans une des nombreuses grottes que recelait la montagne et Izutsuki put enfin s'intéresser davantage à la Masamune.

-Elle est vraiment belle…

-A mes yeux ce n'est qu'un vieux bout de ferraille qui n'a jamais apporté que des malheurs…

-Tseng, tes yeux ne sont pas ceux d'un forgeron. Cette lame a été forgée par un grand maître, ça se ressent… Elle ne coupe pour ainsi dire plus, elle est en mauvais état et impossible à manier, mais quelque chose en elle vibre encore. Il y a une âme là-dedans…

Je lançai un regard dubitatif à Izutsuki mais il ne le releva même pas. Il reposa le sabre et vérifia que Chico était assez loin pour ne pas nous entendre et afin d'être bien sûr que l'éleveur ne puisse pas saisir un traître mot de la conversation que nous allions avoir, il décida de parler en utaien.

-Tu ne te souviens donc réellement pas de ton passé, c'est ça? me demanda-t-il.

-Je t'ai déjà répondu, je ne me souviens que de très peu de choses. Et je ne me souviens pas d'avoir connu Reno.

-C'était il y a plus de douze ans. Je ne suis plus jamais retourné à Inarime depuis… Je viens de te donner un premier indice, Tseng…

C'était il y a plus de douze ans… J'avais donc environ six ans. Et Reno devait en avoir…

-Le rouquin avait quatre ans, c'est ça? C'est en rapport avec les Honneurs?

-Tu me fais pitié, Tseng. Tu ne te souvenais même pas de ça. Pourtant, ça aurait dû te marquer. Pour te répondre, oui, c'est en rapport avec les Honneurs. On ne va pas continuer ce petit jeu éternellement… Je voudrais conclure un marché avec toi.

-Quoi? Un marché! Qu'est-ce qu'on me veut encore?

-Je t'offre toute la vérité de la bouche de celui qui la détient contre… un service.

-Quel genre de service?

-…Je. J'aimerais tenter de rendre vie à la Masamune, mais cela prendra un peu de temps…

-Je vais donc devoir encore reculer la date de mon retour…

Je réfléchis un instant à cette proposition. Si Izutsuki arrivait à redonner vie à la Masamune, cela pourrait tourner à mon avantage quant au marché conclut avec Sephiroth…

-Bien, j'accepte. Mais la vérité…?

Il sortit une fiole d'une de ses poches et me la tendit.

-C'est ce que je suis passé chercher dans la demeure Kurai. C'est une sorte d'élixir un peu «magique» qui délie toutes les langues. Il faudra juste poser la bonne question à la bonne personne…

-Reno?

-Lui seul sait exactement ce qui s'est passé, même moi je ne connais pas tous les détails de l'histoire… Celui qui boit cet élixir peut replonger dans ses souvenirs les plus profonds… Je te conseille d'y goûter ce jour là, et de te souvenir de la question…

Il parlait de façon quelque peu énigmatique, laissant flotter les sous-entendus et l'incertitude…

°°°

Je rangeai mon katana dans son fourreau et saluai le maréchal.

-Je crois que c'est moi qui dois te remercier pour cette leçon, Sephiroth…

-Ne sois pas si modeste, je recommence à faire des progrès grâce à toi. Tu es un adversaire de bon niveau, Oliver…

-Hahahaha… Tu vas me faire rougir…, se moqua-t-il.

Nous quittâmes la salle d'entraînement et je posai la question qui me brûlait les lèvres depuis quelques temps déjà.

-Oliver, est-ce que tu connais la véritable raison qui a motivé cette guerre?

-Mmh… Elle a commencé il y a longtemps alors que la Shin-Ra était une manufacture spécialisée dans l'armement. Elle a commencé par se doter de sa propre armée puis a demandé la participation d'Utai pour lui fournir des métaux précieux. Utai a refusé, prétextant que l'extraction devenait de plus en plus complexe car les filons s'épuisaient et qu'il fallait creuser toujours plus profond. La Shin-Ra ne voulut rien entendre et commença à menacer Utai et ça a aboutit au conflit ouvert. La guerre a commencé, et la Shin-Ra a continué à se développer… Puis la Makô a fait son apparition en tant que source d'énergie… et la Shin-Ra a décidé d'en faire sa source de revenu principale. Utai est une terre extrêmement fertile, mais le plus impressionnant serait les entrailles des montagnes. Elles ont été minées par les utaiens cherchant des métaux, mais il paraît qu'ils ont décidé de ne jamais dépasser un certain seuil dans leurs forages car ils auraient remarqué quelque chose d'étrange dans la roche. A partir d'une certaine profondeur, l'air devient impur, les hommes tombent malades, les animaux s'effraient… C'est pour cela qu'ils refusaient le marché de la Shin-Ra. Au début, on a pensé qu'il s'agissait de gaz, mais la théorie de la Makô est vite venue sur la tapis et a été vérifiée. Il y aurait un impressionnant gisement, principalement dans le sud. La Shin-Ra a aussitôt proposé à Utai de faire la paix contre l'autorisation d'implanter un réacteur, mais la réputation de Midgar n'étant plus à refaire, Utai a vivement refusé. Et voilà où nous en sommes…

-Cette guerre n'a pas lieu d'être…, murmurai-je. J'aimerais qu'elle s'achève et que les malheureux qui croupissent dans nos geôles sordides puissent enfin revoir la lumière du soleil…

-Moi aussi… Et puis, j'ai toujours été attiré par l'exotisme de ce continent… Je voudrais qu'il ne soit pas davantage abîmé…

Un soldat passa près de nous en sifflotant cet air entêtant.

-Hum… Tu ne trouvez pas ça louche? me demanda Oliver.

-Le fait que tout le monde chantonne cet air?

-Oui… J'ai même entendu des soldats chanter les paroles. Elles sont en utaien et je serais bien incapable de les traduire, ce n'est pas de mon niveau… Il faut que je demande à Reno.

-Vous avez sans doute raison, c'est ce qu'il y a de mieux à faire…

Je me demandais ce que pouvaient bien être ces paroles. Quelque chose me disait que ça sentait les ennuis pour la Shin-Ra.

°°°

-Alors, Reno?

-C'est assez complexe, répondis-je. Mais d'après ce que je comprends, ça ressemble assez à une chanson d'amour… «amour d'une femme», «sourire d'un enfant», «pour les cœurs»… «dans la nuit», «au clair de Lune un chant s'élève» «l'Oxalis refleurira», «à la pâle aurore», «l'Oxalis s'épanouira»… Il doit s'agir de sous-entendus pour… cueillir la fleur… Vous voyez ce que j'insinues, pas besoin de faire de dessin…?

-Non, ça ira, je vois, je vois… Vous pensez qu'il n'y a aucun danger à chanter ça?

-Ce n'est qu'une chanson d'amour, on en trouve dans toutes les langues. Je ne pense pas qu'il y ait le moindre danger…

-Très bien alors. Je n'aimerais pas avoir à envoyer tout un régiment en cour martiale… surtout pour une connerie pareille.

Je hochai la tête en signe d'approbation et McLoyd ne tarda plus à me congédier. Mon plan fonctionnait parfaitement. Je me demandais jusqu'où cela irait…

°°°

Une fois les portes de l'ascenseur fermé, je m'abandonnai au fou rire qui me menaçait depuis un bon moment. Plus précisément, depuis que Heidegger m'avait frappé. L'ennui pour lui, c'était que je n'étais ni Tseng, ni Reno. J'étais Rude, l'armoire à glace. Et il avait manqué de se casser le poignet sur moi. J'avais hâte de raconter ça aux autres histoire de rire un peu avec eux. Et je songeai aussitôt à ce que m'avait appris Heidegger. On était sans nouvelles de Tseng. Et puis il semblait se passer quelque chose d'étrange dans le camp. Des enregistrements audio vidéos montrant les soldats en train de chanter quelque chose en utaien avaient été envoyés, ainsi que les paroles et la traduction. Et il s'agissait du chant révolutionnaire que Tseng avait chanté à Junon. Ça sentait les ennuis. Les «ennuis»… Ce mot me faisait penser à Reno. …Non… Il n'aurait pas…

°°°

J'étais harassé. Faire tout ce trajet en trimbalant un sabre de deux mètres…

-On arrive bientôt, lançai-je à Chico.

-J'aimerais vraiment me faire virer de l'armée pour retourner chez moi…, murmura-t-il. La guerre n'est pas mon truc… J'ai horreur du sang et de la violence.

-Pourquoi t'es-tu engagé dans ce cas?

-On m'a recruté. Je n'ai pas eu le choix. J'ai eu quelques problèmes de fric à Midgar: on m'a passé à tabac dans les Taudis. Du coup, j'ai été obligé de voler pour subsister parce que les flics se foutaient royalement de ma gueule. Enfin, tout ça s'est mal terminé, je suis tombé au mauvais endroit au mauvais moment et on m'a accusé d'un vol bien plus grand que celui que j'avais commis. Entre quelques années de taule et quelques mois au front, j'ai préféré le front…

-Tu devrais déjà être rentré?

Il acquiesça d'un hochement de tête.

-Alors tu vas rentrer…

-Tant mieux… Il y a une femme qui m'attend. J'espère qu'elle ne m'a pas oublié…

Je l'imaginais bien dans sa ferme en compagnie de toute sa famille. Ses vieux, sa femmes, ses enfants… et puis un beau petit élevage de chocobos. Il aurait une vie paisible, tranquille au possible… Je quittai ma rêverie quand mon regard se posa sur les portes du camp militaire. Pour tout le monde, nous revenions d'entre les morts… Reno et Sephiroth ne tardèrent pas à arriver pour constater d'eux-mêmes mon retour.

-En privé! Ne me posez pas de questions ici! leur lançai-je en les voyant.

Une fraction de seconde plus tard, Reno se jetai sur moi. Je cru d'abord qu'il allait me plaquer au sol et me frapper pour je ne savais quelle raison, mais il se contenta de me serrer dans ses bras.

-Pauvre crétin des îles! Je commençais à croire que tu ne reviendrais plus!

-Lâche-moi, Reno! Laisse-moi un peu respirer, bordel!

Il eut un léger sourire et je réalisai que j'avais haussé le ton pour lui parler comme si j'étais énervé. Pourtant, j'étais très calme… C'était l'habitude. Nous passâmes dans le bureau de Sephiroth pour quelques explications et j'en profitai aussitôt pour me délester de la Masamune.

-Elle est vraiment superbe, dis-moi… Je ne pensais pas me retrouver face à un sabre au fil si tranchant…

-Un ami l'a reforgée, avouai-je. Il m'a dit que ce bout de ferraille avait une âme et qu'il voulait lui rendre vie… Ce sont de très belles paroles, mais pour moi, c'est tout ce que c'est, le sens est trop abstrait à mes yeux…

Je lançai un coup d'œil vers Reno. Il avait l'air nerveux comme jamais.

-Tseng… Des prisonniers utaiens vont peut-être être exécutés, lâcha-t-il. Tout le régiment chante des chants révolutionnaires utaiens et McLoyd a commencé à avoir des doutes quant à mes traductions…

-Qu'est-ce que tu as encore manigancé, toi…?

Je n'aimais pas la lueur de culpabilité dans son regard.

-Je crois que… j'ai quelques aveux à faire…, murmura-t-il.

Et il commença à nous raconter comment il avait convaincu des prisonniers de se débrouiller pour faire chanter les soldats, quel genre de traduction il avait donné au maréchal, comment il avait envoyé des enregistrements compromettants à Midgar, et quelle décision McLoyd avait prise quand il avait appris que Midgar était au courant…

-Il a fait une enquête pour savoir qui étaient les prisonniers qui étaient la source de tout ça et a décidé de les faire exécuter. Ils sont quatre, Iko, une fillette, Jinshiteki, un petit garçon, Azumemo, un jeune homme, et… une jeune femme… …Mitsuko…

Mon cœur s'arrêta de battre un instant. Mitsuko? Ma sœur? Ma grande sœur? Non, ce devait être une autre…

-…Mitsuko Arashi, précisa-t-il d'un air profondément désolé.

-Tu… déconnes… hein?

-Je pensais pas que ça puisse tourner comme ça…

Ma main partit toute seule et il se retrouva à terre, une joue en feu. J'étais prêt à l'écorcher vif, et en même temps… il y avait quelque chose en moi. De la déception. Il m'avait déçu. Trahi. Je lui faisait confiance et il avait outrepassé cela… Il… …Il avait juste été dépassé par les conséquences de ses actes, ce n'était qu'un enfant encore inconscient de certains engrenages de la vie… Le désir de violence qui m'avait possédé me quitta pour faire place au calme. Une haine calme… Nos regards se rencontrèrent un instant. Pour la première fois, je laissai mes sentiments apparaître de façon volontaire.

Regarde, Reno. Regarde tout le mal que tu m'as fait. Regarde et n'oublie jamais ce que tu vois. Ici se réunissent la détresse, le désespoir, le désarrois, la désillusion et la tristesse… Des sentiments de douleur intenses et absolus.

Dans son regard, je rencontrai une tristesse différente, implorante. La peine. Il était bien conscient de ce mal qu'il me faisait, et pour une fois, il ne l'avait pas voulu. Ici allaient se jouer des vies innocentes alors qu'il n'avait jamais voulu mêler qui que se soit à notre querelle continue…

-Ils sont bien trop jeunes pour mourir…, murmurai-je.

Je sortit en claquant la porte. Mes yeux piquaient et je sentais que les larmes ne tarderaient plus. J'étais… hors de moi.

°°°

-Tseng!

La porte claqua et je me retrouvai seul avec Sephiroth. Je n'avais pas le courage d'affronter son regard.

-Je ne voulais pas… J'ai jamais imaginé que les choses tourneraient ainsi…

J'étais presque sur le point de hurler et de pleurer de rage… Quelle horreur…

-Sephiroth… Si je me dénonçais…?

-Quoi!

Je me relevai d'un bond et me précipitai à mon tour vers la porte sans tenir compte du «non, attends!» de l'argenté. Je courus en direction du bureau de McLoyd et retrouvai Tseng en chemin.

-Qu'est-ce que tu fais là!

-Tseng… Je suis… non… «désolé» c'est pas suffisant… C'est bien plus que ça… Je… Je vais aller me dénoncer, je ne veux pas qu'ils soient tués par ma faute.

Si ç'avaient été d'autres personnes, leur sort m'aurait pourtant laissé froid… Pour qui est-ce que je risquais ma peau…? Pour…

-Je t'interdit de faire ça, Reno. Ça ferait cinq morts au lieu de quatre.

-Je peux toujours essayer!

-NON!

Je voulus continuer à avancer vers le bureau de McLoyd, mais il me barra la route.

-Je t'ai dit «non», Reno.

Je reçut un coup sur la nuque et tout devint flou. Quand je rouvris les yeux, j'étais sur mon lit et Tseng s'apprêtait à quitter la chambre.

-Tseng…

-Reste là, Reno…

Je me redressai et fixai mon regard sur lui. Je m'en voulais. J'avais fait une connerie sans en mesurer les conséquences…

-J'irai voir McLoyd à la première heure, demain, pour négocier les vies des prisonniers, m'annonça-t-il. Il est trop tard pour ce soir…

Je m'attendais à ce qu'il ne m'adresse même plus la parole. J'étais soulagé que ce ne soit pas le cas. Le reste de la soirée fut assez tranquille bien que fort peu animée sur le plan conversation…

NdVixen: L'écriture de ce chapitre s'est faite sans trop de problèmes bien que j'aurais aimé qu'il y ait un peu plus d'action et de sang. En y réfléchissant bien, je me dis qu'il vaudrait mieux que les scènes de violences interviennent juste quand elles ont un intérêt crucial, faudrait pas que ça devienne banal quand même! (De plus, j'ai peur que ces scènes commencent à trop se ressembler). Voilà, je crois que c'est tout ce que j'avais à dire. Ah, non ! Récompense à qui me dira d'où vient le titre du chapitre ! R&R pour avoir le prochain chap…