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Chapitre 25: Crimson Scars Make Bloody Tears
Ça faisait drôle… J'avais l'impression d'être dans une sorte de rêve. Des souvenirs qui n'étaient pas les miens affluaient.
J'avais eu un peu de mal à me faire des amis, notamment à cause de la couleur inhabituelle de mes cheveux et de mes yeux. Ici, presque tout le monde avait les cheveux noirs et les yeux assez foncés, allant de la teinte noisette au noir profond. Moi, j'avais les cheveux d'un roux carmin et les yeux bleu-vert… Néanmoins, je n'étais pas un étranger…
J'ouvris les yeux. J'étais dans une salle d'entraînement typiquement utaienne. Face à moi, il y avait un très jeune garçon aux cheveux d'un noir de jais, me fixant de ses yeux d'une belle couleur noisette. Ce garçon… c'était moi! Quand j'étais enfant! Les yeux à travers lesquels je voyais étaient ceux de Reno. Je ressentais également tous ses sentiments, je recevais chacune de ses pensées…
°
Tseng me plaqua au sol et m'immobilisa un instant avant de lâcher prise et se relever. Je sautai aussitôt sur mes pieds et me retournai, le défiant du regard. Il me fit signe qu'il était prêt et je m'avançai vers lui avec prudence. Voyant que j'optais pour une attitude défensive, il passa à l'attaque, se rapprochant de moi avec rapidité pour attraper mon kimono et exécuter une prise, mais je me baissai juste au dernier moment et ses mains se refermèrent sur l'air. Je profitai aussitôt de la situation pour attraper ses poignets et l'attirer vers le sol en me laissant tomber, dos rond pour ne pas me blesser et poursuivre l'enchaînement en bloquant mes pieds contre son ventre pour le faire basculer et tomber sur le dos. Cela c'était passé en une fraction de seconde… Je me jetai sur Tseng et parvint à l'immobiliser un très court instant au terme duquel il retourna la situation à son avantage.
-J'en ai marre! T'es plus grand que moi, c'est pas juste! gémis-je.
Il m'aida à me relever et nous échangeâmes un salut pour signifier la fin du combat.
-Excuse-moi, Leno… Je n'ai pas l'habitude de me battre contre des plus jeunes que moi, j'aurais dû m'adapter…
Son ton était tout à fait sincère et je ne pouvais franchement pas lui en vouloir de me battre à chaque combat. Après tout, mes défaites m'avaient tout de même fait progresser. Il m'adressa un sourire chaleureux et je lui rendis un sourire rayonnant.
-Tu sais quel jour on est, Leno?
-Oui! Le 3 Juin! C'est mon anniversaire aujourd'hui! J'ai quatre ans!
-Et est-ce que tu sais ce que cela signifie?
J'affichai une mine étonnée. Je ne comprenais pas la question.
-Ce que ça signifie? répétai-je, incrédule.
-Visiblement, tu ne sais pas… Viens, je crois qu'il va bientôt être l'heure…
-L'heure de quoi? Et qu'est-ce que ça signifie que j'ai quatre ans? demandai-je.
-Viens et tu le saura, me répondit-il.
Je le suivit donc hors de la salle d'entraînement. La demeure où je vivais était sans conteste la plus grande d'Inarime… Tseng m'entraîna à travers les couloirs jusqu'au bain où Yokiko nous attendait. C'était une amie d'enfance de mon père et elle était toujours très gentille avec moi. Elle m'adressa un grand sourire et s'accroupit face à moi pour être à ma hauteur.
-Aujourd'hui est un grand jour pour toi, Leno… Alors il va falloir te faire beau.
-Mais qu'est-ce qu'il se passe de si important? demandai-je à nouveau.
-Hahahaha… Tu verras bien, je ne voudrais pas te gâcher la surprise, me répondit Yokiko. Tseng, ferme la porte tu veux?
Il obéit aussitôt et attendit d'autres ordres qui ne tardèrent pas à arriver. Yokiko me déshabilla rapidement et me lava en vitesse tandis que Tseng ôtait lui aussi ses vêtements pour se laver de son côté, puis nous entrâmes tous deux dans le bassin d'eau chaude. Je sentais une sensation étrange naître en moi. Ce n'était pas la première fois que je prenais un bain avec Tseng, nous étions amis depuis assez longtemps… mais là, c'était différent. Il me fixait de son regard félin. C'était appaisant… j'avais l'impression que nous pouvions presque communiquer par le regard… c'était un peu comme une cérémonie sacrée… Pendant ce temps là, Yokiko s'était affairée à allumer un ou deux bâtons d'encens et tout préparer pour la sortie du bain. Elle s'occupa de sécher nos corps ruisselants d'eau, commençant par moi, puis entreprit de m'habiller, aidée par Tseng qui avait passé un paréo autour de sa taille pour cacher sa nudité. Un pantalon assez ample, fait d'une toile noire à la fois souple et résistante, puis un tablier que Yokiko noua dans mon dos, derrière mon cou et de sous mes omoplates à mes reins, à l'aide d'un fin lacet de cuir. Tseng passa ensuite une longue bande de tissu d'une teinte rouge sang autour de ma taille, en guise de ceinture, et Yokiko me fit passer un kimono de soie d'un beau gris foncé à bordures violet sombre, brodé de motifs végétaux violet pourpre et dont l'intérieur était doublé de la même couleur que les bordures. Pour finir, Tseng attacha mes cheveux – plutôt longs pour un gamin de mon âge – en queue de cheval à l'aide d'un fin lacet noir dont les extrémités étaient achevées par une suite de perles de tailles et de couleurs différentes: noire, émeraude et argentée. Nous n'avions pas échangé un mot… Yokiko m'entraîna dans un coin de la pièce et me fit signe de m'asseoir sur un siège en bois avant de retourner auprès de Tseng. Je les voyais tous deux parfaitement. Yokiko s'occupa d'habiller Tseng comme ils l'avaient fait pour moi, lui retirant le paréo qu'il avait mis pour lui en faire passer un autre, magnifique, rouge foncé à motifs végétaux plus sombres encore mais cernés d'un filet d'argent brodé. Il enfila ensuite un tablier en harmonie avec le paréo, Yokiko enserra sa taille d'une ceinture noire, puis le para d'un kimono également noir, brodé des mêmes motifs végétaux argentés que le paréo et le tablier. Enfin, elle attacha ses cheveux de jais comme il l'avait fait pour moi avec un lacet semblable si ce n'était la couleur des perles: noire, rouge, dorée et argentée. Elle attrapa une petite boîte, l'ouvrit et s'affaira un instant à peindre les yeux de Tseng, les cernant de noir et traçant un trait dans leur prolongement de chaque côté de son visage. Elle revint ensuite me chercher, me laissa près de Tseng qui me prit par la main et ouvrit la porte. Je lui lançai un regard et il me rendit un sourire complice signifiant «Fais-moi confiance», puis m'entraîna jusque dans la plus grande salle de la demeure où je vis mon père, somptueusement vêtu, en compagnie de deux hommes tout aussi bien habillés. L'un était Hizashi, le père de Tseng, l'autre Godo Kisaragi, un jeune homme à peine sorti de l'adolescence et qui se retrouvait à la tête d'Utai suite au décès de son père mort d'un cancer foudroyant…
-Je crois qu'à présent, il est temps de te donner quelques explications, Reno…, commença mon père.
Je ne l'avais encore jamais vu aussi radieux…
-Il y a très longtemps, notre famille a déclaré la guerre au clan Arashi, plongeant ainsi les contrées utaiennes dans le chaos et ce durant plusieurs années au terme desquelles les autres clans, excédés, nous obligèrent à arrêter ces tueries. Officiellement, la paix fut déclarée, mais officieusement, la guerre continuait, bien que moins violente… Mon grand-père avait par le passé réussit à mettre un terme aux querelles et sa fille, ta grand-mère, a tenté de poursuivre ses désirs de paix mais a un instant dut s'exiler d'Utai. C'est à cette occasion qu'elle a rencontré ton grand-père qui l'a soutenue et l'a aidée à réinstaurer la paix. Aujourd'hui, c'est nous qui allons achever cela. Tu as quatre ans, Reno, c'est l'âge où les jeunes utaiens reçoivent leurs honneurs, et pour cela, ils doivent être guidés par un proche plus âgé, ayant déjà reçut ses honneurs. C'est Tseng qui jouera ce rôle d'aîné, Tseng du clan Arashi… Vois-tu où je veux en venir…?
-O-oui… Je vois. Si j'étais né il y a très longtemps, Tseng et moi aurions dû être des ennemis, mais là, on est des amis…, tentai-je.
Mon père hocha la tête.
-Oui. Pour recevoir ses honneurs, il faut passer de petites épreuves. Tseng te guidera, et nous, nous t'attendrons…
Tseng me sourit et m'enjoignit à le suivre à nouveau, m'emmenant cette fois dans une aile où je n'avais encore jamais eu le droit d'aller. Nous entrâmes dans la première pièce où Tseng me demanda de choisir une arme parmi celles qui étaient à disposition dans une vitrine. Mon choix se porta sur le plus petit tanto que je put trouver. La lame devait être courte et tranchante pour être facile à manier. Il y avait nombre d'armes de jet tentantes, mais la précision n'était pas mon fort.
-Maintenant, tu vas continuer seul dans la pièce suivante. Aucune lumière ne pourra t'aider. Sache juste qu'un monstre sera présent. Un véritable monstre. Si je peux te donner un conseil… tues-le avant qu'il ne te tue.
Ça avait quelque chose d'effrayant… Mais je pénétrai tout de même dans la pièce. Je restai immobile, respirant le plus calmement possible pour ne pas faire de bruit et localiser le monstre. Il émettait des grognements et se déplaçait à en juger au bruit de ses pattes sur le sol. Je l'entendit renifler et se diriger vers moi. Je crispai mes doigts sur le manche du tanto et frappai comme l'éclair quand la bête passa près de moi. Elle émit un cri de douleur et je l'entendit s'affaler sur le sol. Je frappai à nouveau et elle émit un dernier cri guttural. La porte s'ouvrit derrière moi et Tseng éclaira la pièce. Mon monstre était un loup. Je lui avais entaillé le crâne et coupé la gorge. Tseng se tourna vers moi pour me féliciter.
-Tu t'es débrouillé avec sang froid et adresse pour cette première épreuve… La prochaine créature à battre sera plus maligne, alors méfies-toi…
-Je ne vais faire que ça? me battre?
Il me répondit par un sourire malicieux et me fit entrer dans la salle suivante. Elle était également plongée dans les ténèbres. Et dans le silence. J'entendis soudainement des bruits de pas, puis plus rien. Quelque chose de froid s'enroula autour d'une de mes chevilles et je retint avec peine un cri de terreur, abattant mon sabre sur la chose, mais elle disparut avant de rencontrer la lame. Je sentit ensuite une autre chose me grimper dessus comme une araignée. Je secouai mon bras et la sensation disparut. A nouveau des bruits de pas. Puis une respiration rauque. Des grognements animaux. La sensation d'être agrippé, que des araignées parcouraient mon corps, que des serpents montaient le long de mes jambes, que des bêtes me frôlaient… J'avais peur. Tout cela était perdu entre rêve et réalité et je n'arrivais pas à localiser le véritable ennemi, j'avais l'impression d'être seul dans la pièce… Je compris enfin. J'étais mon propre ennemi. Mon imagination travaillait et créait tous ces monstres. Mon ennemi, c'était la Peur elle-même.
-Tu peux allumer, Tseng. Ou même laisser la pièce dans le noir, j'ai pas peur… Enfin si, mais je sais que mon imagination ne peut pas me blesser. Y'a personne ici, à part moi, et peut-être toi.
Comme pour me contredire, je sentit quelque chose me griffer le bras. La sensation de brûlure et d'humidité me firent comprendre que je saignais. Je ne put réprimer mes frissons de terreur, j'étais tétanisé et je dû prendre de grandes inspirations pour me calmer et pouvoir bouger à nouveau.
-Maintenant, je sais que tu es là, Tseng…, murmurai-je d'une voix chevrotante.
J'attendis qu'il se manifeste à nouveau pour l'attaquer. Il parât chacun de mes coups sans difficulté aucune jusqu'à ce que je perde sa trace.
La pièce s'illumina et Tseng apparut devant moi. Je savais qu'il était capable de se rendre invisible. Il s'était joué de moi pour éveiller mes peurs.
-Encore bravo, Leno… Ta réussite est Honorable… Peu d'enfants comprennent qui est leur ennemi dans cette pièce.
Il ouvrit la porte au fond de la pièce et nous entrâmes dans une petite salle bien éclairée. Au centre, il y avait un siège où Tseng me fit asseoir. Il prit un flacon et un pinceau dans une petite vitrine et s'agenouilla face à moi.
-Surtout, ne bouge pas…, m'ordonna-t-il calmement.
Il ouvrit le flacon et y trempa le pinceau dont les poils devinrent rouges. Il traça deux courbes de chaque côté de mes yeux puis referma le flacon et le rangea avec le pinceau. Il prit un étrange couteau et se plaça derrière moi.
-Ne bouge en aucun cas, ne hurle en aucun cas, je t'en prie…
Je sentis la pression du métal froid contre ma peau. La lame s'enfonça jusqu'à rencontrer l'os et remonta suivant le tracé du pinceau. J'avais peine à retenir mes hurlements de douleur et je ne pouvais m'empêcher de gémir. Tseng écorcha mon autre joue et rangea le couteau pour prendre un linge humide avec lequel il essuya mon sang, et une sorte de potion qui referma à peu près les plaies. Elles cicatrisaient doucement à présent, mais je ne pouvais retenir mes larmes silencieuses et elles me brûlaient en passant sur la plaie, entraînant un peu de sang dans leur sillon. Tseng essuya mes larmes pour repasser à nouveau mes cicatrices avec l'espèce de potion, mais également de l'encre rouge qui resta indélébile dans les entailles qui ne devraient jamais se refermer totalement…
-Ne pleure plus, Leno. Tu peux être fier d'avoir enduré cela et d'avoir résisté… Tu es valeureux, tu mérites bien les Honneurs que tu viens de recevoir. Et tu seras fier plus tard d'avoir supporté le ruissellement sur tes joues de ces larmes de sang.
Ses paroles me réconfortaient mais n'effaçaient pas la douleur lancinante… Il ouvrit la dernière porte et nous passâmes dans une grande salle. Sur le mur du fond, il y avait des cavités contenant chacune une pierre colorée translucide plus ou moins ronde. Il y en avait des bleues, des vertes, des jaunes, des rouges et des violettes. C'était superbe… Un hommes les regardait, les touchant les unes après les autres, en prenant parfois une. Ces cheveux roux… Cet homme, c'était mon père.
-Seigneur Kurai! s'exclama Tseng.
Je sentais que quelque chose n'allait pas. Mon père se retourna.
-Je ne vous attendais pas si tôt… Foudre.
Un éclair frappa Tseng et il s'écroula. Je me jetais sur lui en criant son nom. Il était blessé mais encore en état pour combattre.
-Ne bouge pas, lui murmurai-je. Ou il va te tuer je crois… Fais le mort.
Je me retournai vers mon père.
-Qu'est-ce que t'as fait à Tseng? Pourquoi tu prends ces pierres!
-Du calme, Reno. Viens ici, je vais te faire un cadeau si tu me promets d'être sage.
-Dis-moi ce que t'as fait à Tseng!
-Je lui ai lancé un sort pour qu'il ne tente rien d'idiot, lâcha mon père d'un ton énervé. Viens, Reno.
Je m'approchai avec méfiance. J'avais confiance en mon père, mais quelque chose me disait qu'il y avait vraiment un problème…
-Tiens, je te donne ça si tu reste bien sage, d'accord? Choisis-en une.
Il me tendit ses mains en coupe où s'entassaient des pierres. J'en attrapai une, parfaitement sphérique, d'une belle couleur violine. Deux mots frappèrent mon esprit. «Vitesse Extrême». Je me demandais ce que ce pouvait être…
-Et Tseng?
-Il va faire un petit somme… allez, sois sage et suis-moi, on s'en va.
-On va où? Et Tseng?
-On part en voyage et Tseng reste ici. Tu vas rencontrer ta sœur, elle a hâte de te voir…
Une porte de la salle s'ouvrit avec fracas et Godo Kisaragi entra.
-Ludyald! Traître! C'était donc ça? Tu voulais t'enfuir avec la materia que tes ancêtres ont ramené à la surface de la terre au péril de leur vie… Pauvre fou! Et ton fils? Il faisait partie intégrante de la machination?
Le jeune homme dégaina un sabre et y incrusta une pierre verte et une pierre bleue.
-Les traîtres d'Utai paient très cher leur trahison quand ils tombent aux mains de leur clan. Attend un peu que ton frère arrive, je suis sûr qu'Izutsuki sera enchanté de s'occuper de ton cas. FEU!
Tseng se leva subitement et se jeta sur moi en criant un «NON!» désespéré. Le sort de feu le frappa à ma place et il s'évanouit. Mon père, lui, avait résisté. Godo avait l'air troublé par la réaction de Tseng.
-Un traître, lui aussi…? A élucider plus tard…
-TSENG N'EST PAS UN TRAÎTRE! MOI NON PLUS! hurlai-je. J'y comprend rien! Arrêtez de faire du mal à Tseng! C'est mon ami!
-Tais-toi, Reno, m'ordonna mon père.
-NON! JE ME TAIS PAS!
Mon père me gifla pour essayer de me calmer. Godo lui lança un sort de feu pour tenter de le mettre KO et j'en profitai pour attraper une pierre verte qu'il tenait. Je me sentis envahit par une force étrange et prononçai les mots qui frappèrent mon esprit.
-Maîtrise physique.
Il y eut un éclat de lumière verte et le seigneur d'Utai se retrouva à genoux, les mains jointes derrière le dos. Il était visiblement incapable de bouger ou de parler…
-Bravo, Reno…, souffla mon père. Un sort simple mais efficace, néanmoins très limité dans le temps…
Je m'effondrai, épuisé. Il m'attrapa et fut obligé d'abandonner quelques orbes de materia, et s'enfuit sans tenir compte de mes gémissements et de mes plaintes à l'égard de Tseng qu'on abandonnait. Dehors, c'était le chaos. Mon père utilisa la materia pour décimer les rangs des hommes tentant de l'arrêter et courut jusqu'à un enclos où était enfermé un chocobo harnaché. Il sauta sur le dos du volatile, le talonna et nous nous enfuîmes. Il avait tout prémédité.
Tout prémédité pour trahir Utai juste pour se faire du fric. En volant cette materia. Je ne comprenais pas à l'époque. Mon père m'a dit que tu étais mort, tu sais… J'étais très triste. J'ai voulu tout oublier et j'ai mis mon passé sous scellé au fond de ma mémoire. Gamins, on était les meilleurs amis et je pouvais pas supporter l'idée que tu sois mort. J'ai préféré t'oublier. T'as fait pareil pour moi, hein…?
°
C'était à présent la voix d'adolescent de Reno qui résonnait dans mon esprit. J'étais face à lui, nous étions assis sur les futons de sa chambre, tout semblait bien réel, et pourtant je persistais à croire qu'il s'agissait encore d'un rêve.
-L'ennui avec les rêves, c'est qu'on les oublie quand on se réveille…, soupira le rouquin. Tu vas oublier ce que tu as vu, Tseng?
-Non, je ne pourrais pas oublier ça… Je sais me rappeler de mes rêves quand je le veux.
-C'est une chance pour toi… Je viens de perdre une de mes meilleures cartes… J'ai beaucoup joué sur ta curiosité pour notre passé, et à présent, je ne pourrai plus… A présent, tu n'as plus aucune raison de me protéger, hein?
J'avais du mal à comprendre où il voulait en venir.
-Je suis ton supérieur, ne serait-ce que pour ça, je te dois une certaine protection et vice versa…
-Je peux te dire quelque chose qui me tient à cœur?
Je hochai lentement la tête.
-Tu es le plus bel imbécile que j'aie jamais vu de toute ma vie. Des imbéciles comme toi, y'en a pas deux.
Il m'adressa un sourire moqueur, me tira la langue, puis tout commença à devenir flou.
°°°
J'ouvris lentement les yeux. J'avais une gueule de bois telle que je me demandais si je serais seulement capable de me lancer un sort de Dissipation. Tseng était déjà réveillé et attendait que je le libère de mon étreinte. Quelques souvenirs de la veille me revinrent en mémoire. Ichigo m'avait bourré la gueule, j'avais chastement embrassé Tseng avant de m'évanouir, puis, plus grisé que jamais, je l'avais embrassé et il s'était passé quelque chose d'étrange avec ce drôle de rêve…
Oh Da Chao, faîtes qu'il ne se souvienne de rien!
-Salut Tseng… Ouah… j'ai un de ces mal de crâne… Qu'est-ce qu'il s'est passé hier soir? …C'est le trou noir…
-Dans ce cas, il vaut sans doute mieux que tu ne te souviennes pas…
-Je vous ai fait un strip-tease?
-Non, pas vraiment, non…
-Alors ça doit pas être trop grave.
Je reposai ma tête sur le lit avec lassitude.
-Reno…
-Mmh?
-Tu pourrais me lâcher?
-Hein? Ah, heu, bien sûr...!
Il se leva, je me levai à mon tour et nous passâmes dans le salon. Je m'attendais à trouver plus de bordel, mais non, la pièce était plutôt propre.
-Tu veux qu'on prenne le petit déj' ensemble? lui demandai-je sans réfléchir.
-Pourquoi donc voudrais-je cela?
-Hem… C'est une bonne question…
Je n'avais vraiment rien trouvé de mieux à répondre…
-Allez, je te laisse. On se retrouve au Salon dans moins de deux heures alors tu m'accorderas une pause. Je suis Turk et non garde d'enfant…, se moqua-t-il.
Je restai un instant en arrêt. Il venait de se foutre de ma gueule alors que j'avais été sympa avec lui pour une fois!
-C'est ça, dégage, crétin des îles d'utaien de mes deux! Hors de ma vue, pauvre imbécile!
Il partit en riant de m'avoir énervé de la sorte et referma la porte derrière lui. Je me précipitai aussitôt pour la rouvrir, attrapant au passage un pantalon de fine toile noire.
-Tseng à poil sous son kimono dans l' couloir! hurlai-je en agitant le pantalon.
Il bloqua, se retourna vers moi, les yeux écarquillés, se demandant visiblement quand il avait retiré son pantalon. Héhéhéhé… La veille, après être passé à la salle de bain. Ayame nous avait piqué nos fringues. La porte de l'appart de Rude s'entrebâilla et l'armoire à glace se contenta de sortir un appareil photo, prêt à prendre quelques clichés.
-RENO! TU VEUX ENCORE FAIRE DES HEURES SUP AVEC MOI!
Je sais pas… Y'a rien de plus chiant que de te servir de secrétaire, mais en même temps…
J'échappai un grognement et lui lançai son pantalon dans la figure ainsi qu'un «attrape, tarlouse! tu ressembles à une fille avec tes cheveux longs!». Il eut juste le temps de me rétorquer un «et toi donc?» avant que je ne claque ma porte dans un fracas épouvantable. Je m'appuyai contre elle deux secondes avant de la rouvrir discrètement pour lui crier un dernier «salope!» auquel il n'eut cette fois pas le temps de répondre. Ah, rien n'était plus agréable que d'insulter Tseng de bon matin… (En fait, il y avait beaucoup de choses plus agréables, mais en cet instant précis…).
°°°
Le rouquin ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit avant un moment.
-…Tseng! Tu peux quand même pas m' faire ça!
-«Tseng», répéta l'utaien. C'est marrant, c'est pas comme ça que tu m'appelais tout à l'heure…
-Je déconnais! Tu vas quand même pas me demander de remettre à jour tous nos rapports juste pour ça! On n'était même pas en service!
-J'espère que ça t'apprendra au moins à surveiller ton langage face à tes supérieurs…
C'était sale comme coup. Tseng lança un regard dans ma direction et l'appuya sur le magazine que je tenais. Ils n'étaient absolument pas interdits ce genre de magazines, mais l'utaien ne les approuvait pas vraiment.
-Tu as quelque chose de navrant, Rude…, soupira-t-il.
-Y'a pas de mal à mater les formes des filles…, rétorquai-je.
Une idée me traversa l'esprit. Je pourrais peut-être jouer un petit tour à Tseng. Il avait été dur avec Reno, il méritait bien une petite punition…
°°°
J'étais très satisfait. Reno en avait bavé pour exécuter le boulot que je lui avait donné et le manque de sommeil se lisait encore sur son visage. Néanmoins, en entrant dans le Salon, je le trouvai écroulé de rire en compagnie de Rude.
-Qu'est-ce qu'il a?
L'armoire à glace m'indiqua un magazine enveloppé dans du plastique, posé sur la table basse. Je m'approchai et m'aperçut qu'une étiquette collée dessus portait mon nom et mes coordonnées. Pourtant, je n'étais abonné à aucun magazine… J'ouvris le plastique avec appréhension et me rendit rapidement compte du contenu imagé de l'ouvrage. Je bloquai un instant et il me glissa des mains. Le fou rire de Reno ne fit qu'augmenter en intensité.
-…QUI-A-FAIT-CA ? articulai-je.
-Qui a fait quoi? me demanda Rude. Tu n'as pas à avoir honte tu sais… Si tu préfère les hommes…
-Mais, mais, mais… c'est pas vrai du tout! J'ai jamais passé commande pour m'abonner à ce genre de revues!
-Assume, Tseng! s'esclaffa Reno. …Gay magazine…!
Il explosa à nouveau de rire, s'effondrant sur un canapé. Je lui lançai un regard soupçonneux.
-RENO! C'EST TOI! C'EST TOI QUI M'A FAIT CE COUP!
-Même pas! se défendit-il. Et pourtant, j'aurais aimé! Hahahaha, Gay magazine! HAHAHAHAHAHAHA!
Je ramassai le magazine et y jetai tout de même un coup d'œil. Je le refermai bien vite en détournant les yeux, prenant l'air le plus écœuré possible et le balançai dans la tête du rouquin.
-Tiens, ça te fera de la lecture!
Il ne parvint pas à surmonter son fou rire pour me répondre et fut tout juste capable de m'adresser un doigt d'honneur.
°°°
-C'était vraiment bien joué, Rude! me félicita le rouquin. J'ai cru que j'étais bon pour de nouvelles heures sup. avec lui, mais finalement, on s'en tire plutôt bien… Hahahaha, va falloir du temps pour que je m'en remette.
-Heureux que ma blague t'ai plue…
Il attrapa le magazine et l'ouvrit. Je me penchai par dessus son épaule pour voir et nous ne tardâmes pas à éclater de rire à la vue de certaines photos. Il y avait de tout, des clichés innocents de jeunes hommes beaux à faire pleurer les filles de désespoir aux clichés d'hommes nus dans des poses parfois étranges. Reno finit par jeter le magazine au loin en secouant la tête.
-Y'a des trucs qui font peur là-dedans! Je sais pas si c'est pire que ce que tu matte, mais bon… Il est abonné pour combien de temps, l'utaien?
-Six mois. Ça fait six numéros.
-Hahahaha… super. Manque plus qu'on arrive à le piéger sous la douche et qu'on envoie les photos à la rédaction!
-Là, ça deviendrait méchant. Et puis vas-y pour arriver à prendre Tseng sous la douche!
°°°
Je barrai une nouvelle croix dans mon calendrier. Plus que trois jours avant le nouvel an. J'avais pas envie de le passer simplement avec Siam. J'inviterai aussi Aya, Ichigo, et si possible, Rude et Tseng, qui sait même Rufus, James et Elena. Ça ferait une super fête, ça… Je remontai mes lunettes de soleil plus haut sur mon front et retirai de ma bouche le crayon que je mâchonnais depuis quelques minutes pour écrire la liste des personnes à inviter. J'étais vraiment heureux que Sephiroth soit à Utai et qu'il ne puisse donc pas participer à la fête, il me faisait vraiment trop peur ce type.
NdVixen: Et voilà, l'histoire de Reno et Tseng est dévoilée. Et vous avez ma version des cicatrices jumelles-tatouages du rouquin. Alors, qu'est-ce que vous en pensez? (entre parenthèse, note spéciale: merci à tous les lecteurs/trices, et surtout à ceux (celles) qui prennent le temps de reviewer! et les autres – et je sais qu'il y en a! je peux le voir! …eh bien ce serait sympa de prendre deux minutes même pas pour laisser ne serait-ce qu'un petit mot! c'est pas grand-chose mais ça fait toujours plaisir!)
