Chapitre 3

Jour 68 depuis la fin du monde…

Enfin plutôt de notre monde.

Cela fait deux mois que le monde est tombé dans le chaos. Si nous pensions que X.A.N.A était la plus grande menace pour l'espèce humaine, nous nous sommes bien trompés. Il semblerait que les humains n'aient pas besoin d'une intelligence artificielle super développé pour détruire la planète. Suite à des essais nucléaires ratés, les plus grandes villes du monde ont activé leur dernier plan de secours, celui de protéger la ville sous un dôme électromagnétique censé protéger toutes les personnes, infrastructure, vie, qui se trouvait en dessous. Au moins nous sommes en vie…

Nous avons réussi a nous réfugier dans un immeuble, anciennement un hôtel, avec assez de chambre pour que les survivants que nous avons rencontré ainsi que nous-même puissions avoir notre propre chambre. La salle de restaurant nous sert de cafeteria, et les salles de réunion du rez-de-chaussée nous servent de salle de soin.

Les tremblements de terres ont détruit une grande partie de la ville. Nous avons eu de la chance avec cet hôtel. Les autorités en place au moment de la fin du monde se sont réfugiés dans les beaux bâtiments, protégés par des barrières similaires à celle au-dessus de notre tête. Il n'y a presque plus de mouvement dans la ville si ce n'est le passage du vent et les passages des escadrilles de « block ». Jérémie n'aime pas trop ce terme mais c'est celui qui me vient toujours en tête quand je vois ces engins robotiques qui traversent la ville à la recherche du moindre morceau de vie pour s'en saisir et l'emporter on ne sait où. Les quelques personnes qui s'y sont frottée se sont vues assommées par ce qui ressemble à un tir de… de block en fait.

Jérémie a mis du temps à s'en remettre. Il recommence enfin à manger, je pense que lui donner des choses à faire est le meilleur moyen de le faire sortir de sa léthargie. Au début, il fallait essayer de remettre du courant dans l'hôtel, ce qu'il a réussi en se branchant discrètement sur le secteur de la présidence. Il s'est ensuite lancé dans l'idée de réussir à se connecter à ce qu'il reste des caméras de surveillance de la ville pour surveiller les brigades robotiques afin que nous puissions sortir chercher des vives sans risquer de disparaitre. Il s'en sort bien, mais il parle à peine. Nous avons essayé de retrouver les autres après l'accident, mais il est si difficile de se déplacer que nous avons à peine pu sortir du quartier de l'hôtel. Nous avons quelques survivant qui vivent avec nous à l'hôtel, beaucoup de jeunes, sans doutes parce que ce sont ceux qui ont le plus de mal à l'idée de se faire embarquer pour se faire amener aux dirigeants. Il existe une véritable résistance contre ceux qui ont réussi à détruire le monde sans devoir faire face aux conséquences.

Le plus dur est l'idée que nous n'avons pas retrouvé les autres. Jérémie a voulu partir à leur recherche dès le lendemain de l'attaque, mais tout était tellement détruit qu'il a failli tomber dans une crevasse sans fond, si un des survivants ne l'avait pas rattrapé. Il est rentré avec tellement d'égratignures qu'on aurait dit qu'il était en sang. Rien de grave, mais ses espoirs de retrouver les autres rapidement se sont cognés à un mur en béton armé. Et plus le temps passe, plus les miens semblent prêts à les rejoindre au fond du trou.

La jeune femme garda son stylo suspendu quelques instant au-dessus de la feuille avant de refermer son carnet et de le ranger dans son sac. Elle poussa un long soupire avant de relever la tête pour regarder droit devant elle. La vue était quelques peu dégagée lorsque l'on se trouvait au sommet d'un des seuls bâtiments encore debout. D'ici, elle pouvait voir l'hôtel qui leur servait de quartier général. Elle distinguait au loin les grandes allées qui traversaient la capitale, maintenant complétement défoncées, semblable à des vagues de pierres et de goudron brisé. Si un rayon de soleil perçait, elle aurait pu le voir se refléter dans ce qu'elle devinait être le canal de la Seine droit devant elle. Mais cela faisait un peu plus de deux mois que personne n'avait pas vu le soleil. Un voile nuageux continuel se déplaçait par-dessus le dôme. On pourrait croire qu'il passait à travers et s'installait dans la ville mais ce n'était que les effets du vent qui soulevait la poussière omniprésente depuis les écroulements des bâtiments.

Yumi se rapprocha doucement du bord de l'immeuble de trois étages au sommet duquel elle trouvait un peu de paix. Elle observa en contre-bas pour s'assurer qu'aucune escadrille de patrouille ne se trouvait ici, même si aucune n'était encore venue aussi loin dans le quartier, il fallait être prudent. En descendant les marches, elle remit la capuche de son sweat noir sur le dessus de sa tête et remonta le bandana noir qu'elle utilisait pour couvrir le bas de son visage. Elle ne savait pas à quel point ces robots étaient équipés et elle ne voulait pas prendre de risque. Elle referma sa veste en cuir avant de vérifier que son sac était bien fermé. Elle je ta un dernier regard à l'extérieur et s'engagea le plus discrètement dans la rue. Elle avait appris à se déplacer rapidement et discrètement, même si sa souplesse naturelle aidait beaucoup à se déplacer à travers les débris. Elle rejoignit la bouche d'égout qu'elle utilisait pour retourner à l'hôtel.

Elle remonta l'échelle qui lui permit d'émerger juste devant la bâtisse qui s'apparentait à sa nouvelle maison. Elle l'observa à la dérobé, huit étages, presque caché derrière les ruines d'un gratte-ciel écroulé, le bâtiment était la cachette parfaite. Personne qui passait par là pour la première fois ne pouvait se douter qu'une vingtaine de personnes vivaient ensemble, avec éléctricité et eau courante, en luxe après la fin du monde.

Elle escalada rapidement un morceau de mur pour se glisser contre l'hôtel et y entrer en passant par ce qui servait d'entrée du personnel. Elle arriva directement dans les cuisines, où deux personnes se trouvaient déjà. Ils regardaient les étagères avec un grand intérêt. L'un était un homme d'une trentaine d'année, avec une chemise de cuisinier, souvenir de sa vie passée derrière les fourneaux des plus grands restaurants parisien. Il aurait sans doute pu devenir le nouveau grand chef de la capitale si tout cela ne s'était pas produit. Il avait été retrouvé dans les dédalles d'un ancien supermarché, à la recherche de vives. Cela faisait à peine plus d'un mois qu'il était là, et pourtant il avait réussi à s'organiser pour que tout le monde puisse manger au moins deux fois par jour, malgré les faibles réserves. A sa droite se tenait une jeune femme, proche de la trentaine elle aussi, aux long cheveux blonds qu'elle attachait toujours en un chignon strict lorsqu'elle se trouvait en cuisine. Elle travaillait dans un magasin de chaussure avant l'attaque, mais depuis, elle se donnait comme mission de seconder le chef.

Yumi s'approcha d'eux, baissa son bandana et ouvrit son sac pour en sortir les quelques boites de conserves qu'elle avait trouvé dans une ancienne épicerie.

« Je ne sais pas si c'est vraiment le meilleur mais c'est tout ce que j'ai trouvé près d'ici.

Ne t'inquiète pas Yumi, lui sourit la jeune femme. C'est déjà génial d'avoir ramené ça.

On va bien réussir à rendre ça mangeable d'une manière ou d'une autre. »

Ils lui sourire alors qu'elle sortait de la cuisine. Elle passa dans le grand hall qui servait de réception lorsque des clients du monde entier venaient encore en voyage à Paris. Elle passa derrière le comptoir et ouvrit une porte presque dissimilée. Elle s'engagea dans un fin couloir qui menait sur deux portes identique. Celle de gauche contenait toutes les machines nécessaire au fonctionnement de l'hôtel, en particulier les disjoncteurs et chaudières.

La femme aux cheveux de jais toqua doucement contre le bois de la porte de droite et attendit quelques secondes. Lorsqu'elle distingua ce qui se rapprochait plus d'un grognement que d'une réponse, elle baissa la poignée et entra dans ce qu'elle avait surnommé la salle de contrôle. Devant elle se trouvait trois écrans allumés sur des images de vidéos surveillances, autant de l'hôtel que de la ville. Un quatrième faisait défiler des lignes de codes qui s'apparentaient à des hiéroglyphes égyptiens aux yeux de la jeune femme. Enfin, devant un cinquième écran, sur lequel de nombreuses pages étaient ouvertes, se trouvait le jeune homme blond avec lequel elle avait traversé l'enfer.

Elle s'approcha de lui. Il avait les yeux rivés sur l'écran. Elle l'observa un peu plus attentivement en prenant place sur le fauteuil à côté du sien. Il avait perdu du poids, même s'il était déjà assez fin deux mois auparavant. Un léger début de barbe couvrait ses joues, cachant combien elles étaient creuses. N'importe qui ne verrait pas ces détails. Mais Yumi connaissait Jérémie mieux que personne, avoir un passé en commun n'était rien comparé à survivre à la fin du monde ensemble.

Il ne faisait toujours pas attention à elle, mais qui d'autre pouvait venir le voir ? C'était la seule qui prenait le temps de s'assurer qu'il soit sorti du lit, qu'il ait bu au moins deux verres d'eau et mangé quelque chose dans la journée. C'était la seule qui ne se détournait pas alors qu'il ne parlait pas, n'essayait pas d'être gentil, ne cherchait pas à s'en sortir.

« Il faudra que je te coupe encore, j'en ai oublié. »

Il s'arrêta un instant au son de la voix féminine à ses côtés. Il fronça les sourcils en lui lançant un regard interrogateur.

« Tes cheveux. J'ai oublié quelques mèches, je pourrais m'en occuper plus tard si tu veux.

Ah… ok. »

Ce n'était que deux mots mais c'était déjà plus que ce qu'elle n'avait pu recevoir cette dernière semaine. Elle avait appris à se contenter des hochements de tête discrets et aux monosyllabes. Voyant qu'elle n'arriverait pas à en obtenir plus de la part du jeune homme, Yumi se leva et lui sera l'épaule en passant derrière lui.

« Je vais dans le gymnase, si jamais tu as besoin. Pense à te reposer. »

Elle n'attendit pas de réponse et sortit dans le couloir à peine éclairé. Une fois de retour dans le hall d'entrée, elle se dirigea vers les escaliers et descendit au sous-sol. Une fois dans la salle de sport, elle lâcha un nouveau soupire en allumant la lumière. Le vieux néon grésilla quelques secondes avant de se stabiliser. Il inondait la salle d'une lumière directe désagréable, mais ça se prêtait bien à l'atmosphère souterraine. De fines fenêtres au haut d'un mur laissaient passer quelques lueurs de lumières naturelles, mais vraiment pas assez pour se passer du néon. Au moins elle avait un lien avec la surface et n'avait pas l'impression d'être enfermée sous terre.

Yumi se déplaça vers un banc sur lequel elle déposa son sac, sa veste et son pull. Elle défit le nœud qui tenait son bandana autour de son coup et le posa au-dessus de la pile d'affaire. Elle prit un élastique qui lui pendait au poignet pour s'attacher les cheveux et dégager sa vue. Elle se dirigea vers le centre de la pièce, là où l'espace était le plus dégagé et lui permettait d'avoir une grande liberté de mouvement. Elle se lança dans un enchainement de mouvements de penchak silat dont son corps avait tellement l'habitude qu'il les réalisait avec le plus grand naturel. Elle s'efforça de répéter ces mouvements jusqu'à ce que ses muscles soient chauds. Elle préférait se concentrer sur la légère douleur de l'effort que sur les idées qu'elle associait à ses entrainements. Elle ne voulait pas penser aux moments sur Lyoko où ces enchainements lui avaient sauvé la mise contre les monstres, mais elle ne voulait surtout pas penser à lui. A celui contre lequel elle se battait, s'entrainait, s'entraidait. Celui qui lui avait permis de s'améliorer.

Une boule de chagrin lui agrippa la gorge, l'empêchant de reprendre son souffle correctement. Elle se dirigea vers le punchingball suspendu un peu plus loin et lui asséna des coups de pieds et de poing jusqu'à ce que les larmes qui lui brouillaient la vue lui fassent manquer sa cible. Elle se rattrapa de justesse contre le mur d'en face. Elle se laissa glisser au sol, essoufflée, couverte de sueurs. Ce n'est que lorsqu'elle essuya rageusement les larmes de ses joues qu'elle remarqua qu'elle s'était ouvert les phalanges. Elle jura dans sa barde, se reprochant de ne pas s'être bander les mains avant de frapper. Elle resta un long moment sur le sol, à essayer de retrouver une respiration, sans se laisser submerger par les sanglots. Elle se sentait si seule face à tout ce qui se passait. Elle profita d'être physiquement seule dans la pièce pour laisser cours à son chagrin.

Tout comme la jeune femme aux cheveux noirs, une autre âme laissait place à sa peine. En observant son amie effondrée de cette manière à travers les caméras de surveillance, Jérémie ne put détourner les yeux de son écran. Il finit par remarquer son propre reflet et essuya ses propres larmes. Et demain tout recommencerait.