Chapitre 2 : Pendant.
Le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers lui faisait du bien. Elle se sentait dur comme la mer. Forte et sans limite. Elle avait choisi ce coin perdu de Cornouailles à dessein. Elle s'y sentait bien. Personne ne la dérangeait. Elle avait ouvert une petite échoppe d'apothicairerie… Elle avait voyagé longtemps, pour les semer. Elle avait parcouru le monde et en avait profité pour collecter bon nombre de plantes. Elle était célèbre. De fameux sorciers venaient des quatre coins de la planète pour la qualité de ses produits. Elle n'avait pas eu à craindre la visite d'un des leurs, elle fournissait aussi la boutique du Chemin de traverse. Personne ne pouvait savoir qui elle était. Elle avait changé de nom et jeté plusieurs sorts pour ne pas être localisée. Elle avait même brisé son ancienne baguette qu'elle avait brûlée ainsi que toutes les affaires qu'elle portait sur elle ce jour-là en quittant l'hôpital plus d'un an auparavant.
Et maintenant, assise sur les rochers surplombant la mer, elle profitait du soleil printanier, jamais elle n'en aurait assez. C'est ce qui lui avait le plus manqué pendant son enfermement comme elle se plaisait à l'appeler. Ses cheveux balayés par le vent lui revenaient dans les yeux. Elle ne se les attachait pas. Elle se fichait complètement de leur apparence. Elle n'en avait que faire. Elle n'avait pas d'amis, elle avait trop souffert de ceux qu'elle avait pu avoir autrefois.
Elle ferma les yeux pour s'immerger dans la paix des lieux. Comme elle aurait aimé être un animagus, profiter du vent et planer vers l'infini. Mais non, pour cela il aurait fallu qu'elle aille à Poudlard auprès d'eux.
Soudainement, elle sentit une ombre sur son visage.
Elle plaça sa main sur sa baguette prête à lancer un sort.
Personne au village ne venait la déranger. Tout le monde savait que sa conversation n'était pas des plus agréables, d'ailleurs elle passait un peu pour étrange… à sa plus grande satisfaction. Et puis la dame en gris leur faisait un peu peur. Elle avait d'étranges visiteurs. Ah ces moldus… Un rictus se forma sur ses lèvres. La gentille Hermione Granger n'était plus. Ses clients ? Ils venaient qu'aux heures d'ouverture, ce qui n'était pas présentement le cas.
Elle ouvrit brutalement les yeux
Lui.
Il ne disait rien, il ne la regardait pas, il se tenait simplement devant elle et de dos de surcroît.
Le fou.
Elle aurait facilement pu l'attaquer, le blesser. Pourtant elle baissa sa baguette. Elle n'allait pas perdre son temps pour quelqu'un comme lui.
Elle resta pourtant un instant à l'observer.
Il était toujours aussi grand. Ses cheveux souples et noirs tombaient en harmonie sur ses épaules malgré leur aspect graisseux. Ses robes noires tourbillonnant sous l'effet du vent.
Elle prit un pas dans sa direction, leva le bras pour le toucher puis secoua la tête et s'en retourna vers sa boutique.
Il revint jour après jour lors de son moment de détente sur les rochers. Elle acceptait sa présence.
Ils ne se parlaient pas.
Ils ne se regardaient pas.
Il représentait le seul contact humain prolongé qu'elle avait eu depuis des mois, des années.
Personne n'était resté auprès d'elle comme cela.
Un jour après plusieurs semaines, des mois peut-être, elle ne savait pas, elle avait perdu la notion du temps, il se retourna.
Elle ne le regarda pas dans les yeux. Sciemment.
Ce qu'elle vit cependant lui glaça le sang.
Une copie d'elle-même, la peau plus blanche que jamais, d'une pâleur maladive. L'homme semblait avoir vieilli de dix ans depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu.
Et puis la mémoire lui revint, elle avait passé six ans dans le coma, il n'était pas venu la voir non plus… il était normal qu'il ait vieilli.
Une larme coula le long de sa joue.
Elle ferma les yeux et transplana dans sa boutique. Elle savait qu'il ne la suivrait pas.
Le lendemain, il ne serait pas au rendez-vous. Elle le savait.
Le langage du corps avait parlé. C'est fou ce qu'une seule larme pouvait signifier.
Elle savait aussi qu'il reviendrait en temps utile.
Plus tard, ce soir là, elle reçut un hibou.
Un hibou qu'elle ne connaissait que trop bien.
Elle s'y attendait.
Le premier depuis des mois qui n'apportait pas de commande. Il contenait juste un petit paquet. Elle ne l'ouvrit pas. Elle savait ce que c'était. Elle donna un morceau de biscuit à l'oiseau qui remporta aussitôt vers son maître son fardeau. Il n'y avait pas besoin de réponse. Elle espérait qu'il comprendrait.
Les semaines s'écoulèrent comme si l'étrange échange ne s'était jamais produit. Il ne revint pas. Elle ne le chercha pas.
Une fois un de leurs hiboux chercha à lui remettre un message. Elle le refusa. Et puis il en vint un autre et encore un autre et encore un.
L'un après l'autre, elle les refusait.
Traîtres, ils étaient, traîtres ils resteraient.
Ils se lasseraient avant elle.
Elle plaça un sort anti-hibou sur sa maison. Ils ne pourraient rien faire contre cela. Seuls les hiboux portant ses bons de commande pouvaient passer les barrières qu'elle avait aménagées.
Les saisons passèrent, l'hiver arriva apporta son lot de tempête. Elle passait ses journées sur la grève à contempler la mer démontée. Elle se sentait plus libre que jamais. Sa vie s'organisait bien entre l'apothicairerie et ses promenades.
Lors d'une tempête particulièrement forte elle changea son poste d'observation et se rendit sur la falaise la plus avancée dans la mer. L'écume retombait comme des flocons de neige autour d'elle. Le vent devenait de plus en plus fort.
Elle eut l'idée de se laisser porter par le vent et de tomber dans les vagues déchaînées.
Au même instant une main se posa sur son épaule l'empêchant d'avancer, la retenant, l'agrippant presque. La douleur ? Elle ne la ressentait plus depuis longtemps.
Il était derrière elle.
Elle sourit et se retourna.
Pour la première fois depuis longtemps, elle plongea son regard dans le sien.
Elle n'y vit rien, il la bloquait. Elle s'y attendait.
Il lui tendit le paquet qu'elle n'avait pas accepté.
Elle se mit à rire…
Elle le prit et le lança dans les flots déchaînés. Pour elle il n'y avait pas de retour possible.
Elle le blessa. Elle le savait. Et quelque part, au fond de son cœur vide, elle eut mal. Elle chercha à réprimer cette sensation. Il ne le méritait pas.
Pour la première fois depuis longtemps il lui parla. Avec douceur.
« Laisse-moi t'aider. »
Vaine tentative.
« Je n'ai pas besoin d'aide Snape. Je vais très bien. Le passé est le passé comme on dit. Vous êtes dans le passé, restez-y et allez au diable avec eux. » Sa voix tremblait légèrement mais la colère dominait.
Il ferma juste les yeux.
Cette fois, elle ne transplana pas. Elle le contourna et prit la direction du village.
Et puis elle l'entendit. Cette voix. Sa voix brisée, portée par le vent.
« Hermione »
Elle s'arrêta. Comment osait-il l'appeler par son prénom ? Lui le bâtard des cachots. L'insupportable directeur de Serpentard. Elle serra les poings.
« Ne vous adressez pas à moi de cette façon. » lui cracha-t-elle au visage.
Il la regarda les yeux plus brillants que jamais. Elle savait qu'elle venait de commettre une erreur.
« Comment alors ? » murmura-t-il.
Elle ne répondit pas. Elle savait qu'elle ne pouvait pas répondre à cette question. Elle ne voulait pas y répondre.
Comme les autres, il l'avait trahie.
Elle s'approcha de lui. Si près qu'elle put voir le dommage des ans. Elle leva la main et le gifla si fort que sa tête vacilla. Elle y avait mis toute sa haine.
Haine.
Non.
Impossible.
Elle regarda sa main. Et la vit trembler. C'en était trop. Elle transplana chez elle, elle ne voulait plus le voir.
