Chapitre 4 : Le 'programme' de Rogue
Quand je me suis réveillée, une couverture en laine me tenait chaud, et une délicieuse odeur de café et de chocolat flottait dans l'air. Il m'a fallut une dizaine secondes pour réaliser que je ne me trouvais pas dans mon lit, ni même à Poudlard. Une autre dizaine pour comprendre que j'étais bel et bien dans le manoir des Rogue. Pour l'amour de Dieux, qu'est ce que je fiche ici? A oui, Rogue, les cours de potion avancé. Prenant mon courage à deux mains, j'émerge des contrées brumeuses dans lesquelles je nageais quelques secondes plus tôt, me lève en frottant mes yeux brouillé par le sommeil, et plie la douce couverture sur le fauteuil.
Les elfes de maisons sont vraiment des anges, je ne comprends vraiment pas comment les gens peuvent leur donner du travail alors qu'ils couvrent les jeunes filles endormies pour pas qu'elles n'aient froid, et qu'ils préparent des petits déjeuner aux parfums plus alléchants qu'une montagne de chocolat fondu. Sans plus me poser de questions sur l'incompréhensible, je rejoins sa sérénissime seigneurie déjà installée entre le porridge et les saucisses fumantes.
- Bonjour, bien dormi?
J'ai pris le ton le plus enjoué possible, mais ça n'a à priori aucune incidence sur le regard acéré qu'il me jette.
- Pas dormi. Et vous? La pièce mise à votre disposition n'était pas assez confortable à votre goût pour que vous dormiez dans un fauteuil ?
- Comme c'est gentil à vous de vous soucier du bien-être de votre élève! Vos appartements sont parfait, je vous rassure, mais je n'ai malheureusement pas eu assez de force pour aller jusque là-bas. J'espère que vous me pardonnerez?
Sa lèvre frémit, et je le soupçonne de retenir un sourire. De bonne humeur ce matin! Je suis en progrès...
- Je dois m'occuper de remettre le manoir en fonctionnement. Je vous attendrais ici dans une heure, pour le début de vos cours. Le reste du temps, nous travaillerons dans cette pièce de huit heure à midi jusqu'à ce que la salle d'entraînement soit fonctionnelle. L'après-midi, vous préparerez les potions que je vous indiquerais. J'attends de vous une grande rigueur et un travail sans faille. Vous avez une heure de libre de cinq à sept, nous dînerons chaque jour ici-même, puis deux heures de lecture vous sera imposée. Vous avez quartier libre pour le reste de la soirée. Il est bien évident qu'il vous est interdit de sortir en dehors des propriétés du manoir.
- Les propriétés du manoir?
-Oui, la maison et le jardin.
Je jette un coup d'oeil par la fenêtre et remarque qu'effectivement, le paysage alentours est désert. Pas une
maison, pas une route ou même un sorcier. D'accord, en fait Rogue s'appelle Cresus.
- Si vous avez tout abandonné ici, pourquoi ne l'avoir pas vendu? Tout cela doit coûter cher, non?
- Assez pour vivre sept vie de luxe oui. Mais je ne peux pas le vendre. Ma famille a bien fait les choses.
Des petites rides apparaissent au coin de ses yeux.
- La famille, c'est sacré, c'est ça ?
Je sais déjà que ce n'est pas la bonne réponse, mais c'est la seule que j'ai trouvée pour le faire parler.
- Les avocats de la famille sont sacrés.
Et c'est sur cette réponse énigmatique qu'il se lève et s'en va dans son habituel claquement de cape. Je finis rapidement mon déjeuner, récupère le livre que j'ai honteusement abandonné la veille, puis retourne prendre une douche et me changer dans mes appartements. J'enfile un jean confortable et le pull le plus chaud que je trouve (ils ne connaissent pas le chauffage ici ?) puis part me balader dehors. Enfin, cherche la sortie pour aller me balader dehors serait plus adapté à la situation. Après m'être perdue une bonne demi-douzine de fois, j'abandonne l'idée de la sortie, afin de chercher désespérément la grande salle. Je serai jamais à l'heure. Et zut! En désespoir de cause, je tente d'appeler Totsy qui heureusement, apparaît en un pop sonore.
- Totsy, tu pourrais me montrer le chemin de la grande salle s'il-te-plaît ? Je... Euh, je me suis perdue je crois.
- Bien sur madame, suivez Totsy, elle connaît le chemin.
- Appelles moi Hermione s'il te plaît, je ne suis tout de même pas si vieille que ça !
Elle me regarde de ses grands yeux globuleux, comme si je venais de dire une énormité.
- Bien sur madame Hermione, tout ce qui peut vous faire plaisir.
Mouais. C'est pas encore ça, mais je m'en contenterai. En trottinant devant moi, elle me mène finalement devant la grande salle, avant de faire une autre de ses courbettes stylées et de disparaître.
- Vous êtes en retard.
- Désolée, je me suis perdue... C'est vraiment trop grand chez vous.
- Écoutez, j'accepte de vous superviser, de vous consacrer du temps, alors j'attends de vous que vous
soyez à l'heure, est-ce clair pour votre petit cerveau attrofié miss Granger ?
Aucune de mes réparties cinglantes ne me viennent à l'esprit, et je baisse les yeux comme une petite fille prise en faute.
-Très clair monsieur.
Mais quelle idiote, limite si je bafouille pas! Pourquoi est-ce qu'il me fait toujours perdre tous mes moyens?
- Que ça ne se reproduise plus. Combien de sorts d'attaque connaissez-vous miss Granger ?
- Euh...
-Arrêtez de commencer vos phases comme ça, c'est agaçant. Dites ce que vous avez à dire et pour le reste, taisez-vous.
Zen. Ce n'est que le début alors zen. Je réprime à la dernière seconde un autre 'euh...' hésitant, puis réfléchis avant de lui répondre:
- Je crois que j'en connais autour de trente, et en maîtrise une quinzaine.
- Banissez aussi le mot 'croire' et 'autour de' de votre vocabulaire. Précision Granger est synonyme d'efficacité. Pour ma part, j'en connais cent cinquante-sept, et en maîtrise quarante-huit. Nous allons donc remédier à cette lamentable lacune. Commençons par le plus utile: l'avada kedavra.
-Non!
Rien pu faire, c'est parti tout seul.
- Et pourquoi donc miss?
Son regard se fait clairement menaçant, alors que sa voix, mielleuse à souhait me donne des frissons.
- Hors de question que je tue mes semblables. C'est contraire à mon étique.
- Votre étique? Vous vous fichez de moi?
Sa voix se fait clairement menaçante. Il avance un peu vers moi, et je me recule, terrifiée. Des flash me reviennent. Une odeur de whisky mêlée à un parfum probablement hors de prix... Des cheveux blond etlisses rendus collant par la transpiration. Un souffle chaud... Une pierre de glace gèle mes entrailles et ma respiration se bloque dans ma gorge nouée.
- Granger ?
Je reprend conscience et remarque que mon corps est agité de tremblements incontrôlables. Il tente de
pénétrer dans mon esprit, mais je me suis automatiquement mise en occlumentie dès qu'il s'est approché. Réflexe.
- Ca... Ca va. Je ne supporte pas vraiment que l'on m'approche.
Il ne relève même pas mon bégaiement et me scrute avec attention. Ma respiration se calme, mon coeur ralentit enfin et je me reprends.
- Je vous prierai de ne pas tenter d'entrer dans mon esprit sans permission, c'est extrêmement impoli et définitivement désagréable.
Il reprend son expression menaçante, et me toise à nouveau alors que j'évite son regard.
- Je disais donc, avant que vous ne vous transformiez en Londubat tremblant, que je comptais vous apprendre l'avada et que vous n'aviez pas le choix. Je n'ai pas de temps à perdre avec l'étique miss, nous sommes en guerre.
Je réfléchis quelques secondes avant d'aquiecer. Je me sens un peu perdue sur mes jambes encore flageolantes, et de toute manière, le connaître ne m'oblige pas à l'utiliser, non?
- L'avada est un sortilège qui déclenche une décharge magique dans le corps de la victime, le but étant d'atteindre le coeur pour l'arrêter. Sur des petits animaux, cette spécificité n'est pas importante, puisque la moindre petite décharge sera mortelle, même si la décharge est faible, et il y a de forte chance pour qu'elle atteigne directement les parties vitales de l'animal. Nous commenceront donc sur des araignées... Le plus facile à trouver dans cette maison... ajoute-t-il non sans une certaine ironie. La difficulté est dans ce cas-là réduite au maximum.
De ses grands pas raides mais néanmoins gracieux, il ouvre une boite en verre que je n'avais pas remarqué jusqu'alors. Sur la grande table, il pose une espèce de tarentule à peine plus grande que l'ongle de mon pouce, et l'immobilise, puis s'assoit.
- Restez debout, et concentrez-vous. Vous devez trouver ce qu'il y a de plus mauvais en vous, et vouloir la mort de cette araignée. Essayez.
Je m'avance, un peu gauche, regarde la pauvre petite araignée qui doit être terrifiée, puis prononce la formule d'une voix faible mais néanmoins ferme. Une sorte de fumée informe et verte foncée sort du bout de ma baguette. Je lève un regard désolé vers Rogue, qui m'intime de recommencer. 'La partie la plus mauvaise de mon être' ? Mensonges, envie de me venger de ma vie volée, mes rancoeurs. Cette fois-ci, la fumée est un peu plus verte, et un peu plus dense.
- Vous vous y prenez mal.
Non, pas possible!
- Vous devez vouloir la mort de cette animal. Pas tenter pitoyablement de mettre fin à ses souffrances.
D'accord. Le vouloir mort. Mais je veux pas tuer cette araignée moi! Son regard glacial me convainc rapidement de faire tout mon possible.
- Donnez-moi d'autres indices.
- C'est à vous de les trouver. Concentrez-vous. Pensez que cet insecte est la cause de tout vos maux. Votre chien est mort? c'est sa faute. Potter est fâché avec vous? C'est sa faute. Vous ne servez à rien et n'êtes qu'un poids pour tous? C'est sa faute. Vous...
- Ca va, ça va ! J'ai compris le principe!
Ma voix est un peu plus sèche que je ne l'aurai voulu, et à voir son sourire sarcastique, ça lui fait extrêmement plaisir. Connard ! Très bien petite araignée, à nous deux! Cette fois-ci, je ne prononce pas le sortilège tout de suite, et repense à tout ce qui est capable de me mettre en colère. Je sens toute la haine accumulée me donner envie de mordre et de frapper, et mon esprit est à la limite de ne plus pouvoir contenir les pensées à propos de Lucius. D'une voix qui me surprend moi-même par sa froideur, je prononce le sortilège, et l'araignée cesse de se débattre.
- Elle est plus morte de terreur que de votre sort, mais je suppose que je dois considérer ça comme une réussite?
Un mot gentil ou d'encouragement, ça le tuerai?
- Vous supposez bien.
- Taisez-vous. Recommencez, jusqu'à ce que ça vienne naturellement, sans besoin de vous concentrer.
J'ai passé les deux heures suivante à tuer les araignées qu'il m'avait auparavant immobilisé. Et, bien malgré moi, ça commence à me plaire. Tuer donne une impression de pouvoir grisante. Et dire que ce n'est que des petits insectes... Se perdre dans sa propre noirceur, son envie d'imposer sa volonté... C'est indescriptible. C'est mal, je le sais mais... D'un côté, je comprend un peu mieux mes ennemis. Mais encore plus que ça, le fait de devoir me maîtriser, de comprendre un nouveau sort, d'apprendre, tout simplement... J'adore ça. Rogue m'observe, sans rien dire, alors, que petit à petit, mon sort se fait plus précis, plus dense et plus vert. Je dois être à ma vingtième araignée, quand je m'écroule sur un fauteuil, étrangement fébrile.
- Je crois que vous avez compris la première leçon. Le sortilège de mort épuise votre capacité magique, parce que vos sentiments vindicatif et haineux ne sont pas les plus forts en vous. Pour Voldemort, cela crée un plaisir sans limite... La magie naît des sentiments des sorciers. Bien sur, les araignée, ce n'est rien. Vous tenteriez ce sort sur moi que je n'aurai même pas une petite brûlure.
La difficulté croit avec la taille et la complexité du sujet: le flux doit parvenir jusqu'à un point vital. Avec beaucoup d'entraînement, vous arriverez en pleine action à toucher un sorcier loin du coeur et à le tuer quand même, mais vous en êtes encore loin. Vous sentez ce pouvoir n'est-ce pas? Cette envie de faire du mal. C'est ce que vous devez utiliser et aimer pour y parvenir. Il va sans dire que les sorts de magie noire décuplent cette impression, et pervertissent un sorcier sans peine. Continuez: conjurez des petits mammifères, et entraînez-vous, vous n'avez plus besoin de moi.
- Mais... Je suis épuisée! Je ne suis même pas sûre d'être capable de lancer un simple lumos!
- Dans une bataille, votre adversaire ne vous laissera pas la temps de faire une pause. Arrêtez de faire votre chochotte, et travaillez! Vous n'êtes pas en vacances miss, ajoute-t-il d'une voix méprisante, avant de quitter la pièce.
oooOOOo0oOOOooo
Ca fait deux semaines. Deux semaines que je trime à travailler sans relâche ma magie, le sortilège de mort, et les innombrables potions que Rogue me fait faire. Inutile de dire que je suis exténuée. Le matin, il me donne deux ou trois instructions, et me laisse la plupart du temps travailler seule, allant je-ne-sais-où. Il est toujours aussi cassant et cinglant, mais si je dois lui accorder une chose, c'est bien ça : c'est un excellent professeur.
Pas pédagogue pour un sou, mais toujours efficace, clair et concis. Disons juste que sa manière de travailler me convient parfaitement: pas de paroles en trop, une froideur sans pareil, et du travail à longueur de temps.
L'après-midi est mon moment préféré: en silence, il m'apprend des potions que, pour la plupart, je ne connaissais pas. Mes mains tremblent à chaque fois, encore fatiguées de la séance de la matinée. Je tente tant bien que mal de le cacher, mais ça m'a valu quelques erreurs et remarques acides de sa part. Dire qu'après deux heures de pause j'ai encore les mains qui tremblent! A la fin de la séance, je souffle comme après avoir couru un marathon, je suis toute tremblante et courbatue, mais je tiens toujours jusqu'à la fin. En fait, après les deux premières heures, je me demande comment je fais pour continuer: je n'ai pas menti lorsque je lui ai avoué ne plus être capable de produire un lumos sans efforts surhumains. Mais je continue. Encore et encore.
Au départ, je pensais que mon corps s'habituerait à ce rythme, mais rien du tout! Plus les jours avancent, plus je suis exténuée. J'arrive maintenant à tuer des mammifères de la taille d'un gros chien, mais je ne maîtrise pas vraiment tous les sentiments nécessaire pour produire le sort. Je ne pensais pas qu'un jour il me faudrai autant de temps pour apprendre un simple sort !
Bref. Après avoir mangé, je retrouve Rogue en bas. Son laboratoire est impressionnant. Presque la moitié de la salle de bal (et c'est pas peu dire, croyez-moi !), il est recouvert de placard contenant un nombre incalculable de fioles diverses et variées. Certaines sont mises sous clef, d'autres brillent étrangement, et d'autres encore sont recouvertes d'une couche de poussière si épaisses, qu'elles me semblent être là depuis la nuit des temps. Je ne préfère même pas savoir qu'est-ce qu'elle contiennent... Malgré tout ce que j'ai lu à ce sujet, je n'en connais pas le quart de la moitié. Ici, j'ai l'impression d'avoir encore onze ans, où tout m'émerveillait dans ce monde nouveau, où je me sentais comme perdue au milieu de toutes ces choses que je ne connaissais ni ne comprenais.
Le reste du laboratoire est constitué d'instruments qui, je ne l'ai appris que récemment, servent à couper, trancher, isoler certaines propriétés des différents ingrédients, et de plantes, crins, insectes, constituants de potions encore plus innombrables. Il y a même un endroit où est apposé un sortilège de froid perpétuel, pour conserver certains éléments! Et au milieu des tables de préparation, des cheminées et des registres magiques décrivant tous les objets ou ingrédients de cette pièce par ordre alphabétique, se trouve les chaudrons. De toutes les tailles, de toutes les formes, il y a ceux en argent, en or, en bois, en liège, en acier... Il y en a même un où trois personnes pourraient facilement tenir à l'aise! C'est une vrai caverne d'ali-baba. D'ailleurs, c'est la seule pièce de la maison qui est tenue impécablement.
Ces après-midi là, Rogue a l'air de meilleur humeur que jamais. Toujours grognon et antipathique, mais la lueur triste se fait moindre. Il semble comme... Apaisé par les volutes chaudes s'échappant des chaudrons sur lesquels on travaille. Ca se voit que c'est son élément. De nombreux livres parlent de l'art des potions dans l'arrière-fond de la pièce, mais pas une fois il a eu besoin de les consulter alors que je passe mon temps à aller y faire des vérifications.
C'est sur, ces potions ne doivent pas être très compliquée, après tout je ne suis que débutante, mais je ne le pensais pas aussi doué. C'est comme si les indications ne lui étaient pas utiles, puisqu'il comprend intuitivement comment chaque interaction fonctionne. D'une vitesse, d'une précision et d'un savoir-faire hors du commun, il concocte avec des gestes sur et même gracieux les potions les plus dangereuses ou difficiles, sans une once d'hésitation.
Je me souviens d'une après-midi ou je le lui ai fait remarquer:
oooOOOo0oOOOooo
Quelques jours plus tôt
Un de mes chaudrons doit cuire deux heures en ajoutant une goutte de potion de ratatinage toutes les vingt minutes, et il me suffit de tourner l'autre dans le sens inverse des aiguilles d'une montre durant une demi-heure. J'en profite pour lever la tête et l'observer travailler en silence. Ca fait longtemps que j'ai envie de lui poser la question, mais je suis incapable de faire deux choses à la fois, les potions requièrent toute mon attention. Mais puisque j'ai du temps devant moi.
- Pourquoi enseignez-vous à Poudlard ?
Il me regarde de son habituel air revêche, mais néanmoins étonné par ma question. Les émotions sont quasiment toujours illisibles sur son visage, mais étant donné que je passe mon temps à l'observer, je commence à discerner quelques-unes des subtilités de ses expressions.
- Occupez-vous de ce qui vous regarde. Vous êtes suffisamment nulle pour avoir besoin de toute votre attention.
- Écoutez, si vous devez m'enseigner quelque chose, autant que s'on s'entende, non? Ca fait deux semaine que je suis ici, et vous ne m'avez encore jamais parlé d'autres chose que de potion ou d'avada... soyez un peu poli et aimable! Je vous assure, même vous finirez par trouver ça agréable! C'est pas comme si je vous demandais de me traiter comme une princesse non?
Il se retourne en m'observant quelques secondes de ses yeux d'oiseaux de proie, alors que ses mains continuent la préparation sans même avoir à regarder ce qu'il fait. Il soupire d'un air fataliste, puis reprend:
- Peut-être ne l'avez-vous pas remarqué, mais mon domaine, c'est les potions. Albus m'a offert un travail, pourquoi J'aurais-je refusé?
- Oui, bien sur, mais ce n'est pas ce que je voulais dire. Que vous travailliez là-bas durant la première guerre, je peux le comprendre... L'Ordre, tout ça... Mais aujourd'hui? Tout ça a l'air si simple pour vous... Pourquoi ne pas travailler dans la recherche pour le ministère, ou enseigner dans le supérieur?
- Le ministère ne me porte pas dans son coeur.
- Mais... Pourquoi? C'est ridicule! Vous êtes le meilleur maître de potion que je connaisse... Un sourire amer apparaît sur son visage.
- Auriez-vous oublié que je suis un mangemort ?
- Oh... Mais, vous avez été espion, et officiellement levé de toutes charges et si vous êtes bon, ils devraient s'en contenter, non?
- Officiellement, vous l'avez dit. Et je ne suis pas seulement bon, je suis Le meilleur, tout court. Pourquoi m'avoir choisi comme maître si vous l'ignoriez?
Je rigole doucement face à son manque de modestie évident et décide de ne pas répondre à sa question. Il le prendrait sûrement très mal, et je suis incapable de mentir correctement, surtout à quelqu'un comme lui.
- J'ai dépassé le septième niveau à vingt-quatre ans, et j'ai un doctorat en potions d'attaque, de défense, de soin, de transformation, de potion moléculaire, de magie noire, d'histoire des potion, de potion antique et oubliée, de potion étrangère et de potion expérimentales. Je suis arrivé premier partout.
J'en reste bouche-bée quelques secondes. Heureusement que ma main continue de tourner machinalement ou j'aurai du tout recommencer.
- Mais... Mais c'est impossible! Il faut 5 ans d'étude, plus deux ans pour chaque spécialisation! Et c'est des études difficiles et il n'y a qu'une petite cinquantaine de sorcier ayant atteint le septième niveau aujourd'hui... Vous devez être le plus jeune depuis... Depuis...
- Depuis deux cent ans oui. Et cessez donc de bégayer, je vous l'ai déjà dit plusieurs fois, c'est agaçant.
Je ne tiens pas compte de sa remarque et calcule mentalement le nombre d'année d'étude qu'il lui aurait fallu.
- C'est impossible. Vous auriez eu 43 ans à la fin de vos études, si l'on ajoute les années où vous avez enseigné à Poudlard, vous auriez plus de cinquante ans...
Il hausse les épaules.
- J'ai appris la plupart de ce que je sais de façon autodidacte.
Je reste silencieuse quelques temps, histoire d'assimiler ce qu'il vient de me dire. Ce type est un putain de
génie!
- Mais vous ne m'avez toujours pas répondu: pourquoi ne pas vendre vos services de façon autonome? En habitant ici, vous seriez bien mieux payé qu'à Poudlard... Vous pourriez être plus riche que Malefoy !
- Les Malefoy possèdent des investissements et des placements dont vous n'avez même pas idée, et ce, dans le monde entier. Même si Gringotts faisait faillite, ils resteraient la plus grosse fortune d'Angleterre et peut-être du monde sorcier.
- Et bien, peut-être pas aussi riche, mais avouez que vous seriez tout de même...
- Ceci, ne vous concerne en aucune façon miss Granger, et je considère avoir été suffisamment poli et aimable avec vous pour le reste de la semaine. Ne me posez plus de questions inutiles et travaillez.
Après ça, il n'a plus voulu répondre à aucune de mes interrogations, et, de toute manières, les vingt minutes étaient passées et mes potions me réclamaient.
oooOOOo0oOOOooo
Finalement, mon seul regret, c'est de ne pas avoir réussi à le faire parler. Oh bien sur, comme ce jour-là, nous avons de petites discussions où il n'est pas vraiment désagréable, mais impossible de le faire parler de lui. A chaque fois que le sujet devient trop personnel, il détourne la conversation (à ma grande honte, il y a même des fois où il est parvenu à me faire changer de sujet sans même que je m'en rende compte) ou bien il me fait clairement comprendre de me taire si je compte rester ici plus de deux semaines. Mais je ne laisse pas tomber pour autant. Je suppose qu'il faut un peu plus de temps pour qu'il s'ouvre un peu à moi, et qu'il cesse de me considérer comme une gamine sans interet, un devoir imposé par Dumbledore.
Quand je ne travaille pas sur les potions, c'est sur l'avada et le reste du temps, je suis trop épuisée pour tenter de lui faire la conversation. Surtout qu'il ne m'aide pas vraiment de ce côté là. Chaque fois que nous discutons, en dehors du strict nécessaire, ça ressemble plus à un combat, à un interrogatoire, qu'à une discussion civilisée. Et la plupart du temps, je parle sans même savoir de ce que je dis, et lui rappelle de mauvais souvenir. Je le vois à son expression. Dans ces moment-là, il se referme aussi vite qu'une huître, et mieux vaut que tout ce que je fasse soit parfait si je ne veux pas attirer sa colère.
Enfin, il y a tout de même des côtés positifs: en le choisissant comme maître, je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il soit aussi doué ni intéressant. Chacun de ses cours est une mine d'informations précieuses et toutes plus captivantes les unes que les autres. Je crois que personne d'autre que lui n'aurai pu me comprendre et me satisfaire à ce point. J'ai toujours aimé apprendre, je crois d'ailleurs que ma curiosité est ce qui l'agace et lui plaît suivant les situations... Ca, c'est sur qu'il n'a pas du avoir beaucoup d'élèves comme moi!
Je ne fais même plus attention à ses sarcasmes, ne tiens plus compte de ses allures d'ours mal léché pour me contenter de suivre à la lettre tout me qu'il me dit. En fait, cet homme est encore plus complexe que ce que je n'avais imaginé. J'ai souvent du mal à le comprendre, mais je parviens de mieux en mieux à l'appréhender et à savoir comment réagir. Une de mes plus grandes fierté!
En fait, je crois qu'il est dangereux. Entre ses connaissances en potion, sa faculté à mentir et à dissimuler des informations, sa capacité à toujours surprendre et agir différemment font de lui un homme imprévisible. Et ça me plaît, il faut bien l'avouer. Si la curiosité est une de mes qualités, elle peut aussi s'avérer être un de
mes plus gros défauts: je suis incapable de rester de glace devant ce mystère vivant. Il me fascine autant qu'il m'exaspère.
Avant, je voulais l'aider parce que je détestais cet éclat de tristesse qu'il laisse si rarement transparaître. Maintenant... Maintenant je ne sais plus. Le soir, je mange trois fois rien, et me contente de l'observer. Je
n'avais jamais remarqué, mais c'est vrai qu'il a des manières d'aristocrates. Depuis cet été, j'ai du maigrir de quinze kilos. Mais c'est plus fort que moi, même les délicieux plats de Poudlard me dégoûtaient...
Autre avantage d'étudier ici : il me fait tellement travailler que je parviens à ne plus penser à ce qu'il m'est arrivé... Tout ce qui est autre que Rogue ou les potion est banni de mon cerveau! Même la nuit jè ne fais plus de cauchemars. Je ne rêve plus tout court d'ailleurs: à mon avis, mon corps est tellement exténué en fin de journée qu'il n'est plus capable de faire autre chose que de reconstituer mes réserves magique. Chaque soir, je m'endors durant les deux heures de lectures qu'il m'a imposé. D'ailleurs c'est étrange, il ne m'a jamais fait de remarque là-dessus... Mais il est vrai que j'arrive toujours à ses cours en sachant ce qui est nécessaire.
Par contre, il ne se gêne pas en ce qui concerne mes bâillements intempestifs à longueur de journée... C'est pas ma faute si il m'épuise! Bref, chaque soir je m'endors dans ce que je me suis mise à appeler mon fauteuil, et chaque matin je me réveille recouverte de la même couverture bien chaude. Je crois même que je n'ai encore jamais dormi dans ma chambre! Pas qu'elle soit inconfortable, mais... Je ne m'y sens pas à l'aise. La vérité, c'est que j'ai peur. Dans ce grand salon, il y a toujours de la lumière, un feu de cheminé ronronnant et rassurant, et surtout, il est là.
Je ne lui fait pas confiance. il est trop imprévisible. Je suis bien incapable de dire à quoi il peut bien penser! Mais je m'endors plus facilement dans la salle de bal, parce que je sais qu'il veille une bonne partie de la nuit et qu'il est là.
oooOOOo0oOOOOooo
- Bien, puisque vous maîtrisez à peu près le sortilège de mort, nous allons passer à l'étape suivante.
Il conjure un espèce de poulet muet, puis me regarde quelques secondes, réfléchissant.
- Tenez, prenez ma baguette.
- Pourquoi?
-Est-ce que pour une fois, vous pourriez faire ce que je vous dis sans poser de question?
- Et bien, étant donné que je serais beaucoup plus efficace si je comprend... Non.
- Vous êtes un cas désespéré miss Granger.
- Pas du tout, je suis une personne logique.
- Et bien, faites marcher vos cellules grises, et prenez ma baguette.
Il détache sa cape, et recouvre la poule, poulet ou quoi que ce soit d'autre. Pas qu'elle soit raté, non!
Disons juste qu'il est beaucoup plus doué en potion qu'en métamorphose.
- Bien, maintenant, tuez-la.
D'un geste fluide et naturel (Comment le sortilège mortel à pu me devenir naturel? Enfin bref) je me concentre et jette le sort, le tout ne me prenant à présent moins de trois secondes. La sensation est vraiment étrange... Comparé à ma baguette, celle-ci semble beaucoup plus froide, difficile à manier. Mais la lumière verte habituelle jailli en un faisceau vert électrique, parfait. Et c'est bien ce qui m'inquiète. La cape est toute brûlée, mais la... chose est intacte, et se dandine tranquillement, bien qu'un peu sonné quand même.
- Ceci, est du au fait que votre sort ne dépasse pas les protections magiques du vêtement. Votre flux magique est dévié, parce que vous ne vous concentrez pas assez sur la totalité du coq. Vous pensez trop à ce que vous voyez, et pas assez à la nature de ce que vous voulez tuer.
Ah ? C'était un coq? Hum... Me concentrer sur la totalité du coq. Je recommence, mais le résultat est le même. Bien que sa pauvre cape soit dans un piètre état à présent.
- Vous devez faire abstraction du vêtement. Ce sort est un sort fixe: quelque soit la puissance que vous y mettez, l'effet sera toujours le même. Si vous ne voulez pas finir épuisée, réduisez sa puissance au maximum. Quand vous l'aurez fait, la cape restera intacte et le sort passera à travers.
Je recommence, et cette fois-ci, la brûlure est nettement plus petite. Mais le coq n'a rien. C'est quoi qu'il m'a conjuré là ? Un coq nucléaire ou quoi! Quant à Rogue, il se contente de sourire sarcastiquement, limite content que je me plante. Non mais quelle enflure!
- Vous ne savez décidément rien faire miss!
- Dites, c'est votre façon de m'inciter à réussir de me descendre tout le temps, quoi que je fasse ? Si je n'y arrive pas, c'est votre faute! C'est vous le professeur!
- Oh non! Vous ne pouvez vous en prendre qu'à votre incompétence, j'en ai bien peur! Bien, je vous laisse vous entraîner... Vous avez encore beaucoup de travail à ce que je vois!
- Attendez! Où allez-vous comme ça chaque jour? Vous n'avez pas cours à Poudlard ! J'ai besoin que vous m'indiquiez quoi faire moi!
- Je crois être un adulte responsable miss Granger, allant et faisant ce que bon me semble... Quant à mes conseils, si vous écoutiez ceux que je vous donne en début d'heure, vous y arriveriez. Mais bien sur, vous êtes au-dessus de ça n'est-ce pas? Vous pensez arriver à tous faire toute seule, en bonne miss-je-sais-tout.. .
- Vous êtes méchant et de mauvaise foi. Je n'ai jamais prétendu y arriver seule, et j'écoute toujours ce que vous me dites, mais si je n'y arrive pas, je n'y arrive pas!
- Qui vous a dit que j'étais gentil? Et si vous ne parvenez pas à faire quelque chose d'aussi facile, alors il est inutile de continuer, vous arriverez encore moins à faire le reste.
- Écoutez, ça fait des jours et des jours que je m'entraîne à ce sortilège, je suis littéralement épuisée... Je peux pas faire... Je sais pas moi, une pause? Ou alors apprenez-moi autre chose, et je continuerai cet entraînement plus tard...
Apparemment, ce n'était pas la bonne chose à dire. Flûte.
- Continuez miss Granger. Si quand je reviens, vous n'y êtes pas parvenu, je considérerai votre cas comme un échec.
- Et alors? Vous me considérez déjà comme un échec ! Ca fait des jours qu'on se côtoie, et des jours que vous m'ignorez superbement!
Résigné, il se retourne, pose la poudre de cheminette et reviens vers moi. cette fois-ci, je ne me recule pas.
- Effectivement, vous êtes une raté, je ne le nie pas. Et je ne vois pas du tout en quoi je vous ignore. Je vous donne des cours particulier, et, croyez-moi, beaucoup tuerai pour avoir cette chance. Maintenant, il est temps que vous grandissiez et que vous preniez conscience que vous n'êtes pas une priorité dans ma vie. Est-ce suffisamment clair pour vous, ou avez-vous besoin que je le répète ? Des éclaircissements peut-être ? Vous devriez être contente, nous communiquons! Puis-je partir maintenant?
- Vous savez que c'est une des phrases les plus longues que vous m'ayez dite? Je vous félicite, vous êtes en grand progrès! C'est pas encore ça niveau gentillesse, mais on avance, on avance !
Il reste interdit quelques seconde. Sûrement par mon culot. Ca fait des semaines que je ne m'étais pas emportée... Mais aujourd'hui, je suis particulièrement fatiguée, mes cauchemars sont revenus, et j'ai envie de taper sur tout ce qui bouge. Et puis, son indifférence mêlée à du mépris me vexe plus que je ne saurai le dire.
- Mais je vous en prie, allez-y! Allez faire toutes ces choses si importantes!
Il me regarde d'un air furieux, et comme toujours, je baisse les yeux. Il me lâche juste avant de partir:
- Vous avez de la chance que je sois en retard. Nous en reparlerons.
Et il s'en va après un regard furieux. J'ai bien peur d'avoir fait ce que je m'étais juré de ne jamais faire: je
me suis laissée emporter par mes nerfs et ma fatigue. Bon, et bien, je n'ai plus qu'une chose à faire pour me rattraper je crois: m'entraîner.
Et c'est ce que je fais. Je transpire et tremble de tous mes membres, mais je continue. Il ne reste plus qu'une petite partie de la grande cape, mais je compte bien aller jusqu'au bout. Il m'a fallu environ deux heure pour tuer le coq. Mais je ne m'arrête pas là, hors de question! Il me prend pour une incapable, il va voir ce qu'il va voir! Accélérant le rythme, je conjure puis tue des coqs à travers la cape, en modérant au
maximum mon flux magique, et en tentant de passer au travers du vêtement sans même qu'il ne bouge d'un millimètre. Je ne fais plus attention à ma main qui tremble, à mon dos ruisselant de sueur, à mes courbatures et à mes yeux qui ne voient plus très clair, et je continue, encore plus vite, encore plus difficile.
Si Lucius m'a appris une chose, c'est bien ça : résister à la douleur. Je vais lui montrer ma détermination, et en finir avec ce sort de malheur! Je me met à conjurer des animaux de plus en plus gros, et parviens à les tuer à travers la cape, un à un. Le temps n'a plus d'importance, ni la fatigue, je conjure et je tue. Mes animaux sont beaucoup moins précis qu'au début, mais je n'y fait pas attention. Je ne prend même plus la
peine de les effacer après les avoir tué, et petit à petit les carcasses s'entassent. Je n'en ai que faire et je continue, imperturbable. Enfin, je conjure un cheval, bien plus grand et massif qu'un homme et lance le sort sur son sabot (là où c'est le plus difficile) recouvert du dernier minuscule bout de cape. Il s'écroule. Parfait. Je m'écroule à mon tour, évanouie, mais enfin satisfaite.
oooOOOooo fin du chapitre 4 oooOOOooo
