Chapitre 4

Cela ne se reproduisit jamais. Depuis ce jour dix ans auparavant, quand Gojyo ramena Sanzo sans explication, et avec Hakkaï et Goku n'en demandant heureusement aucune, ils étaient revenus à leur ancienne et bourrue relation amicale. Ils n'ont jamais reparlé de ça. Le reste de leur voyage de retour, si par moment les yeux rouges étaient attrapés à regarder leur leader, Hakkaï et Goku l'attribuèrent à la fierté du kappa qui avait réussi à le ramener. Si par moment les yeux violets s'attardaient trop longtemps sur le kappa, ils l'attribuèrent à une gratitude accordée à contre cœur.

Et ils firent leur fête de célébration dans l'appartement de Gojyo et d'Hakkaï, juste comme ils l'avaient planifié. Ils ne discutèrent pas du fait que Gojyo avait choisi de s'asseoir à côté de Sanzo, comme il l'avait fait durant pratiquement tout le chemin de retour ; ni stoppèrent de s'étonner que Sanzo le tolérait. Ils étaient simplement content d'être tous ensembles.

Comme les années passaient, avec le naturel écoulement du temps, ils finirent par prendre leurs propres chemins, et le ikkou fut éparpillé comme laissé au vent. Hakkaï rencontra une jolie humaine et finalement, se permit de tomber amoureux de nouveau. Goku, toujours hyperactive et ne pouvant pas tenir bien longtemps assis, s'ennuya rapidement de la vie à Kinzan, et choisit de « voir le monde », revenant toujours pour gratifier Sanzo de ses dernières aventures. Sanzo, n'ayant pas de choix, s'installa pour mener sa vie au temple ; et personne n'opposèrent au moine non-conformiste ses Marlboro et le saké occasionnel toujours présents. L'homme était une légende vivante, bien qu'il méprisait secrètement et riait dérisoirement à la crainte mêlée de respect et aux révérences que les gens lui tenaient.

Et Gojyo… Gojyo reprit son ancienne vie de vagabond, se laissant toujours porter par les évènements ; bien qu'à présent sa réputation le précédait et il n'avait pas de soucis à trouver un lieu ou rester, de la nourriture à manger… ou une fervente compagnie la nuit. Cependant, il se livrait rarement à ce passe-temps temporaire, offrant uniquement à son corps ses envies naturelles quand il avait extrêmement bu ou qu'il était extrêmement mélancolique. Invariablement, c'était les deux à la fois.

Pour la plupart, il était devenu un gitan ; errant de villages en village, de ville en ville, de cité en cité, à la recherche de distractions vides pour remplir le vide, jusqu'à ce qu'il se trouvait incapable de rester loin plus longtemps. Et alors, il cédait à son désir ardent toujours présent, le rongeant sans pitié. Et

prenait le chemin des montagnes pour rendre visite à Sanzo… Pour apporter à son moine corrompu ses cigarettes et ses spiritueux, pour remplir de nouveau son âme, pour boire à la vue, à l'odeur et au son de la voix de l'arrogante et magnifique créature qui possédait son cœur, qui le possédait, corps et âme.


Longing, Matthew Arnold

Viens à moi dans mes rêves, ainsi

Durant le jour j'irai mieux.

Alors la nuit fera plus que payer

Le profond désir désespéré du jour.

Viens, comme tu es venu des milliers de fois,

Un messager en provenance de montagnes resplendissantes,

Et souris au nouveau monde, et sois

Aussi bon avec les autres qu'avec moi.

Ou, si tu ne viens pas bientôt,

Viens maintenant, et laisses-moi rêver que c'est réel.

Et sépares mes cheveux, et embrasses mon front,

Et dis Mon amour ! Pourquoi souffres-tu ?

Viens à moi dans mes rêves, ainsi

Durant le jour j'irai mieux.

Alors la nuit fera plus que payer

Le profond désir désespéré du jour.


Parfois il restait seulement une semaine, parfois plusieurs jours, parfois un moi. S'il arrivait qu'il venait quand Sanzo se trouvait loin pour l'un de ses voyages officiels, il s'installait honteusement dans les appartements de Goku, et attendait. Une fois, il était resté trois mois, et immédiatement après ne se montra pas durant une année et demie ; ne se faisant pas confiance de ne pas simplement faire disparaître Sanzo loin dans un endroit déserté choisi au hasard et de se réserver Sanzo pour lui-même tel un avare jaloux et possessif. Tout dépendait de son self-contrôle.

Sanzo était à présent un vrai bouddhiste. Il avait canalisé toute la forte détermination, l'arrogance et le contrôle supérieur en se disciplinant lui-même et faisait le plus de la voix que la vie avait choisie pour lui. Sanzo n'avait pas de choix ; et il s'exerçait à accepter son destin avec la même manière de ne rien vouloir y faire qui les avait conduit au travers de leur mission.

Alors que Gojyo avait un choix – Il avait tous les choix du monde, et il avait choisi de ne pas choisir. Il choisit le profond désir insatisfait ; il choisit la douce et amer peine d'être fidèle à Genjyo Sanzo.

Ils en avaient discuté une fois, d'une certaine manière, environs cinq ans plus tôt, durant l'une de ses visites régulières de l'époque. Ils avaient tous-deux beaucoup bu, comme d'habitude. Et Sanzo avait soudainement laissé échapper à l'improviste, « Pourquoi tu ne te poses pas aussi, erokappa ? » Ils venaient de discuter du récent mariage d'Hakkaï, auquel tout le ikkou avait assisté. « Trouves-toi une jolie jeune chose, comme Hakkaï l'a fait. »

Gojyo avait éclaté de rire à l' idée saugrenue. « Moi, un homme de famille ? » Il leva les yeux au ciel. « Ouai, c'est ça… »

« Sérieusement, » insista Sanzo. « Tu ne peux pas juste vivre cette vie de vagabond pour toujours. » Tu dois aller de l'avant. Tu dois vivre ta vie. Il n'y a pas d'espoir pour nous. Il n'y a pas de discussion possible.

« Eh… urusai, kono hage bouzu ! Gojyo avec les longues jambes fait ce qu'il veut » Ce n'est pas la peine de me faire un sermon. Je ne peux rien y faire. Ne penses-tu pas que j'ai essayé ? Ne sais-tu pas que je suis fatigué, si fatigué de ça… Mais je reviens, encore et toujours. Parce que j'ai besoin de toi. Aussi vrai que j'ai besoin d'air pour respirer. J'ai besoin de toi.

« Je parie que tu le fais. » Se moqua Sanzo. « Tu ne peux simplement pas abandonner tes manières de play-boy, le peux-tu ? » Il ricana de manière insultante, juste comme dans les anciens jours. Je me souviens… Je me souviens de la moindre chose concernant cette nuit… Comment mon corps chantait sous le tien, autour du tien, à l'intérieur du tien. Tout ce que je fais, c'est me souvenir.

« Hé, » Cracha Gojyo « Bien sûr. Tu ne penses sûrement pas que je suis célibataire… » Je pourrais aussi bien l'être, la façon dont j'ai déniché la superbe blonde aux yeux bleus une fois… Ce qui est vraiment rare en fait. Je pourrais aussi bien glousser ton nom quand je me retrouve dans des bras d'étrangers froids et vides ; Parce-que c'est toujours toi dans ma tête, dans mon cœur, dans mon âme. Toujours toi. Personne d'autre que toi.

Et ça finissait toujours comme ça, le dialogue hésitant délibérément exprimé avec des mots légers ; pendant que leurs yeux parlaient avec ferveur et confessaient ce qu'ils voulaient vraiment dire.

Et quand d'être ensembles sans vraiment l'être devenait trop douloureux à supporter ; quand ils étaient tous-deux si fortement enchaînés que chaque mot de l'autre, chaque regard, chaque souffle devenait une pure torture, quand ils se sentaient tous-deux au point de non-retour, et qu'ils se raccrochaient à leur self-contrôle par les plus fragiles des files – Gojyo partait. Avec une étreinte maladroite, s'ils étaient capables d'endurer ce peu ; ou une poignée de main, ou encore juste un sourire douloureux à peine visible.