« Ca ne peut pas continuer, kappa. » Dit Sanzo avec difficulté. Ca faisait une semaine depuis l'arrivée de Gojyo, depuis que Gojyo avait partagé les dernières nouvelles des jumeaux d'Hakkaï. Ils étaient assis dans la cour du temple, et le lieu tout entier était silencieux, les moines étant allés se coucher des heures plus tôt. Ils étaient seulement tous les deux, buvant encore tard dans la nuit. Le cendrier entre-eux avait depuis longtemps débordé. Ils en étaient à leur septième bouteille de saké. Une lune pareille à un fossile suspendue dans le ciel.
« Nani ? » Gojyo prit une voix languissante en retour, s'allumant une autre cigarette. « Ne me dis pas que tu es prêt à abandonner ! » Tortura-il gentiment. « Tu deviens mou… allez, c'est ton tour. Maintenant bois ! » Articula-t-il péniblement, versant une autre mesure de liqueur dans la coupe de Sanzo.
Sanzo fit un signe de la main, montrant qu'il démissionnait. Il se leva de manière mal assurée avant de reprendre le contrôle de lui-même, et s'éloigna pour se placer dans l'ombre sous les arbres. Le visage sans défaut fut brièvement illuminé par la lueur du briquet de Sanzo comme il s'allumait une nouvelle Marlboro avant de répondre à Gojyo. « Je veux dire, tu ne peux pas gaspiller ta vie comme ça… Tu ne peux pas passer ton temps à errer pour toujours. » Attendant pour rien. Attendant pour ce que je ne peux pas donner.
« Urusai. » Maugréa Gojyo, se levant également pour tisser son chemin jusqu'à Sanzo. Il s'arrêta un pied plus loin, et lança un regard noir. « Ce ne sont pas tes affaires ce que je choisis de faire de ma vie. » Je t'ai choisi. Peu importe la façon dont je peux t'avoir. Je t'ai choisi.
Les sourcils d'or se levèrent moqueusement. « C'est ma réplique, baka erokappa… » Rétorqua lentement Sanzo, mais les yeux violets brillaient d'une peine tacite et fulgurante.
Et inévitablement, Gojyo réduit la distance les séparant, leur self-contrôle se dissolvant devant l'indéniable profond désir qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Inévitablement, les lèvres fusionnèrent furieusement, désespérément, avec avidité, tous-deux incapables de résister plus longtemps. De renier : le bonheur presque douloureux d'être dans les bras de l'autre, les sons enivrants des murmures passionnés et implorants s'échappant de leurs lèvres brûlantes et avides, la pure torture de boire de manière ravageuse la provenance de l'autre bouche, d'avaler les gémissements bas et sournois et de plaisir intense et fou de jubilation de l'autre.
Inévitablement, avec les bras de Sanzo autour de lui, avec les fins doigts de porcelaine emmêlés dans ses cheveux et caressant son cuir chevelu, avec les lèvres fermes et soyeuses ravageant sa bouche, avec des grondements légers de besoin désespéré contre sa poitrine, avec son moine corrompu frissonnant dans ses bras… Inévitablement, Gojyo perdit la tête, gémissant contre les lèvres de son bien-aimé. « Mon dieu, Sanzo… Mon dieu, Comme je t'- »
Inévitablement, Sanzo rompit le baiser, poussant Gojyo brutalement, tournant son dos et marchant au loin sans plus un mot, laissant le kappa trembler maladivement, jurant doucement, une douleur dans sa gorge et des larmes retenues scintillant dans les éloquents yeux carmins.
Inévitablement, le jour suivant Gojyo était parti sans un mot, sans dire au-revoir. Et Sanzo était laissé à la fenêtre, regardant la route avec des yeux maussades.
C'est ainsi que ça doit être.
