6) L'infirmerie

Rodney McKay émergea lentement du brouillard cotonneux qui lui obscurcissait l'esprit. Il perçut immédiatement la douleur qui lui comprimait la poitrine. Il tenta de ne pas paniquer et ouvrit les yeux sur les lampes du plafond. Il savait ce que c'était, à quoi ça servait mais n'arrivait pas un mettre un nom dessus Il resta perplexe quelques secondes puis tout reprit sa place. Son cerveau se remit à fonctionner normalement.

Il était dans un hôpital. Non, il était plus précisément à l'infirmerie d'Atlantis, un endroit qu'il connaissait bien pour l'avoir souvent fréquenté.

Il fit l'inventaire, bougeant les pieds. O.K, tout fonctionnait bien de ce coté là. Les mains ? C'était O.K là aussi. Seulement cette douleur et quelque chose qui lui obstruait la gorge. Il s'exhorta au calme. Il était à l'infirmerie, donc entre de bonnes mains. On s'occupait de lui et s'il avait quelque chose dans la gorge, il n'y avait pas de quoi paniquer. C'était pour une bonne raison.

Mais comment était-il arrivé là ? Il fit un effort de mémoire et tout lui revint : PLN991, l'expédition, la sérénité du petit matin et l'attaque, les hurlements de Kavannaugh, le P90 enrayé. Dans un éclair, il revit le canon de l'arme pointé sur lui, les longues mains décharnées du wraith. Il avait crié. Il s'en souvenait. Dans un dernier moment de révolte contre la mort si proche. Il avait hurlé « Non ! » puis avait sombré dans l'inconscience. Mais il n'était vraiment sûr de rien.

Et il venait de se réveiller.

Vivant.

Il entendit un bruit de voix et un regard chaleureux se pencha sur lui. Le docteur Beckett lui souriait.

-Alors Rodney, vous êtes de retour ? Bienvenue parmi nous.

Le scientifique s'agita.

-Chut, Rodney, restez tranquille. Tout va bien, murmura t'il d'une voix apaisante. Je vais vous ôter le tube qui obstrue votre gorge. Le médecin se saisit d'une paire de pincette. Nous avons dû vous intuber. Quand je vous le dirais, vous tousserez très fort. Allez, à trois. Un..deux.. et trois ! et voilà. C'est normal si vous sentez votre gorge irritée.

-Heu ! heu ! Toussota le scientifique en émettant un bruit guttural.

-Ne cherchez pas à parler, Rodney. Vous souffrez d'une blessure par balle à la poitrine. Vous avez été opéré avec succès.

Le docteur Beckett passa sous silence l'arrêt cardiaque et la réanimation dans le jumper. Il serait bien temps d'y revenir plus tard.

-Morts ? Articula le canadien

Le médecin hésita.

-Oui Rodney, il y a des morts. Quatre décès et trois disparus. Oui, autant dire sept morts au total. Cinq scientifiques et deux militaires.

McKay ferma les yeux et détourna la tête. Il avait envie de pleurer. Mon dieu, tant que ça !

-Rodney, reposez-vous. Atlantis a besoin de vous. Nous avons tous besoin de vous.

Mais Rodney McKay n'entendait plus rien. Il avait de nouveau sombré dans une bienheureuse inconscience.

Ooooooooooooooooo

Dans une petite salle isolée de l'infirmerie, Calvin Kavannaugh se reposait. Le docteur Beckett lui avait administré un tranquillisant.

Elisabeth Weir ouvrit la porte et entra dans la pièce.

-Bonjour docteur Kavannaugh. J'ai frappé mais vous n'avez pas répondu alors..

Elle s'approcha du lit et Kavannaugh se tourna contre le mur. Il voulait qu'elle s'en aille. Tout de suite. Surtout ne voir personne. Bien sur, il s'était attendu à cette visite. C'était elle le chef même s'il avait si souvent mis en doute ses compétences.

-Docteur Kavannaugh, je voudrais que nous parlions de ce qui s'est passé sur PLN991. Vous savez à quoi je fais allusion et nous devons avoir une discussion à ce sujet.

Silence. Kavannaugh fixait toujours obstinément le mur blanc devant lui..

-Bon, et bien, docteur, je vois que vous n'êtes pas disposé à parler pour l'instant. Je repasserai plus tard, annonça la diplomate en se dirigeant vers la porte.

L'homme sortit de son silence :

-N'avez-vous jamais eu peur, docteur Weir ? Peur ? Paniquer à en perdre la raison ? Au point de perdre tout contrôle. Bien sur, vous, vous ne l'auriez pas fait, n'est ce pas, dit-il faisant allusion à son geste. Les gens comme vous se sacrifient pour les autres. Ce sont des héros, ajouta t'il d'une voix amère.

-Docteur Kavannaugh, personne ne peut dire comment il aurait réagi à votre place.

-Toujours mieux que moi. McKay, lui n'a pas paniqué. Je suis lâche. Vous le pensez, je le pense et tout le monde le sait à présent. Et c'est vrai.

-Calvin, je ne vous juge pas.

-Docteur Weir, je suis coupable. Quand on comment un acte répréhensible on est coupable, n'est-ce pas ? Laissez-moi maintenant.

-Calvin, je ne vais pas discuter plus longtemps avec vous mais sachez que si vous éprouvez le besoin de parler, vous pouvez toujours venir me voir. Mais en attendant, je vous enjoins, je vous ordonne même d'avoir un entretien le plus rapidement possible avec le docteur Heightmeyer.

D'autre part, écoutez-moi bien : Ici, sur Atlantis, tout le monde a sa place. Nous ne pouvons nous passer des compétences de personne, surtout après les pertes que nous venons de subir chez vos collègues scientifiques. Alors, même si vous me trouvez dure, je vous demande de reprendre votre travail au plus vite. J'espère que vous me comprenez.

Le docteur Kavannaugh se tourna finalement vers elle. Elle nota les bleus et les contusions sur les lèvres et la mâchoire.

-Je ne sais pas si je le peux, docteur Weir.

-C'est dans l'intérêt de tous, Calvin.

Elisabeth Weir sortit de l'infirmerie et se trouva nez à nez avec John Sheppard.

-Elisabeth, vous êtes venue prendre des nouvelles de McKay ? Vous l'avez vu ?questionna le major avec empressement.

-Rodney est sortit du coma, John mais je viens d'avoir une discussion avec le docteur Kavannaugh.

John eut un petit reniflement de mépris.

-Vous perdez votre temps avec lui, Elisabeth, cette ordure n'en vaut pas la peine.

Elisabeth Weir, dirigeante d'Atlantis se mettait rarement en colère. Elle ne mâchait généralement pas ses mots et disait ce qu'elle avait à dire, même si cela ne faisait pas toujours plaisir à son interlocuteur. Mais là, c'était trop, elle attrapa le major par la manche !

-Et qui êtes vous donc pour juger les gens ? Dieu tout puissant ? Saint Sheppard qui décide qui vaut la peine d'exister ?

-Elisabeth, que vous arrive t'il, je ne vous avait jamais vu ainsi, s'étonna le major éberlué.

-Ah oui ? Et bien croyez-moi ça fait du bien.

-Ecoutez, vous êtes manifestement fatiguée et…

Elisabeth Weir éclata d'un rire ironique. Fatiguée ? On lui faisait remarquer qu'elle était fatiguée ? Depuis deux jours, elle devait gérer une situation de crise. Elle avait fait face à la colère des scientifiques puis à celle des militaires.

Tout le monde était sur les nerfs. Quelques bagarres avaient éclaté ça et là. La tension était à son comble. Il lui semblait que la cité se trouvait soudain sur une poudrière prête à exploser. Le massacre de PLN991 avait mis le feu aux poudres, dévoilant au grand jour des peurs et des terreurs qui étaient jusque là restées calfeutrées au fond des consciences.

Elle espérait que les esprits se calmeraient au moment des obsèques. Elisabeth savait d'expérience que ces moments de recueillement et d'émotions pouvaient faire des miracles. Ils fallait qu'ils redeviennent tous soudés afin de faire face à l'avenir.

En attendant, elle était sous tension.

-Elisabeth, reprit le major, vous devez garder votre sang-froid…

-Garder mon sang-froid ? Le coupa froidement la diplomate, c'est vous qui me dites cela, John ? N'est-ce pas vous qui avez perdu le votre au point de passer à tabac un homme choqué dans une situation de crise ?

-Vous n'y étiez pas.

-Pourquoi avez-vous perdu votre contrôle, John ?

-Je ne comprends pas où vous voulez en venir, Elisabeth, s'impatienta le major.

-Alors, John, je vais être claire. Si cela n'avait pas été McKay, si cela avait été Zelenka ou un autre, auriez-vous eu la même réaction ?

John Sheppard ouvrit la bouche pour protester mais aucun son n'en sortit.

Elisabeth Weir tourna les talons et reprit la direction de son bureau.