9) Intrusion

Le docteur Rodney McKay fixait avec attention les relevés retransmis par le sonar. Celui ci avait balayé la majeure partie de la falaise. En vain. Aucune trace de cavité. Pourtant le signal existait bien. Mais d'où émettait-il précisément, c'était un mystère. Ils n'avaient pas cherché où il fallait.

Ils avaient filmé les inscriptions gravées sur les roches et expédié le tout sur Atlantis. Là-bas, le docteur Zelenka et ses collègues étaient à l'œuvre afin de découvrir un indice qui permettrait de localiser l'E2PZ où quoi que ce fut.

McKay soupira. Une journée de perdue.

Enfin, pas vraiment. L'installation était terminée. Tout le matériel était opérationnel. Même la foreuse. Kavanaugh n'avait pas ménagé sa peine. Il y travaillait depuis le matin. Et pourtant, c'était loin d'être sa spécialité. Il avait potassé, étudié la question, se penchant sur les mystères des têtes de foreuses, de longueurs des tiges, des forces de poussée et de retrait etc.. Il avait également prélevé des échantillons de roches et pris des renseignements sur les différents types d'explosifs dont ils disposaient.

McKay jeta un coup d'œil du coté de Kavanaugh.Il était obligé de reconnaître que l'autre scientifique avait fait un travail remarquable. Ce dernier parlait peu. Le mois passé avait été difficile pour lui. McKay le savait et il avait fait son possible pour lui faciliter les choses. Lui-même avait de la peine à comprendre pourquoi. Ce n'était pas dans son caractère de se soucier de ce que les autres pouvaient ressentir. Il se savait égoïste et égocentrique. Et ça ne le gênait pas plus que cela. Après tout, il était un génie et les autres n'avaient qu'à le prendre comme il était. Pourtant... il ne savait pas pourquoi mais à quelque part, il se sentait responsable de Kavanaugh. C'était absurde, bien sûr mais Rodney n'avait pas envie d'en chercher au fond de lui les raisons. Le monde des sentiments était trop confus pour l'esprit du docteur McKay. Il faisait avec, un point, c'est tout.

Un soir, Kavanaugh s'était glissé furtivement dans l'infirmerie. Il s'était assis près de Rodney et avait ouvert la bouche pour parler. Mais il était resté bloqué, sans pouvoir articuler un seul mot. McKay qui n'était pourtant pas très perspicace pour ces choses là avait immédiatement compris que Calvin avait préparé un discours qui ne voulait pas sortir. A la place, il avait juste murmuré : « J'ai eu peur » et Rodney avait pardonné.

Il chercha le major du regard. Celui-ci discutait avec ses hommes. Ils prenaient certainement des dispositions pour les tours de garde la nuit. Rodney nota que le militaire jetait de fréquents coups d'œil de son coté. L'agacement le reprit. Puis Sheppard s'avança dans sa direction.

-Dites, McKay, il est temps d'aller faire un gros dodo maintenant.

-Major, vous ne voulez pas me border tant que vous y êtes ?

-Pas de problème, McKay, d'autant plus que nous partageons la même tente.

Ca, le scientifique l'aurait parié. Carson avait dû faire promettre au militaire de le surveiller, de contrôler s'il mangeait bien, s'il dormait bien et tant qu'il y était s'il prenait bien ses médicaments.

-McKay, vous n'avez pas oublié de prendre vos médicaments, hein ?

Le canadien lui lança un regard furibond.

-Major, le jour où j'aurai besoin d'une nounou, je vous appellerai, répliqua t'il sèchement.

Le major sourit mais ne se laissa pas démonter. Il poussa le scientifique jusque dans la tente. Celui-ci, vaincu se laissa faire. Après tout, c'était vrai, il était exténué. Il se déshabilla et se glissa dans son sac de couchage.

Le major Sheppard s'engouffra dans son duvet en espérant que ses rêves ne reviendraient pas cette nuit. Ni les autres nuits d'ailleurs. Ce serait le bouquet s'il se réveillait en jouissant et en criant le prénom de McKay. Cela lui était encore arrivé deux où trois fois depuis la fameuse nuit qui avait précédé les obsèques et à chaque fois, il s'était trouvé une bonne raison pour expliquer ces rêves pour le moins bizarres. En effet, en aucun cas, il n'était porté sur les hommes. Et Rodney McKay était son ami. Il se le répétait d'ailleurs tous les jours, à chaque fois que malgré lui, il ne pouvait empêcher ses yeux de se poser sur le scientifique.

Si cela continuait, il irait peut être voir Heightmeyer. Elle aurait sûrement une explication rationnelle à lui fournir. Certainement en rapport avec PLN991. Il s'en était tellement voulu de n'avoir pas su mieux protéger McKay. Voilà, c'était certainement ça. Oui, il culpabilisait. La réponse était certainement là. D'un coup il se sentit mieux. « Oui, mais et les autres scientifiques que tu n'as pas su protéger, tu bandes pour eux aussi ? », demanda une toute petite voix nichée au fond de son cerveau. Le major Sheppard fit taire l'importune d'un sursaut irrité.

-Ca va major ? demanda Rodney inquiet du brusque mouvement de son ami.

-Oui, oui, dormez McKay. Dormez bien, rajouta t'il en se retournant.

-Vous aussi major, répondit le scientifique dans un bâillement.

Il s'endormit aussitôt.

Au cœur de la nuit une mince silhouette passa sans difficulté entre les sentinelles et se faufila subrepticement dans le camp. Elle fit le tour des installations scientifiques, consulta les notes du docteur McKay et s'arrêta intriguée devant la foreuse. Puis elle fit le tour des personnes présentes. Des militaires surtout et peu de civils. Un mouvement attira son attention. Un homme sortit de sa tente et s'approcha de la falaise. L'intrus se demanda si l'homme avait l'intention de sauter mais celui-ci s'assit sur un rocher et s'abîma dans la contemplation de l'océan qu'éclairaient les rayons d'une énorme lune. Puis il prit sa tête dans ses mains et se mit à pleurer doucement. Au bout d'un moment, il finit par se relever et tourna son visage encore ruisselant de larmes dans la direction de l'intrus. Il ôta machinalement ses lunettes et les essuya contre son tee-shirt. La silhouette sombre, tapie dans le noir retint une exclamation de surprise. Elle venait d'identifier l'atlante. Sans aucun doute, il s'agissait du docteur Calvin Kananaugh.

Le scientifique finit par regagner sa tente. L'intrus se faufila de nouveau entre les sentinelles et repris d'un pas vif et assuré la direction du nord où il était attendu avec impatience. Il ramenait des informations intéressantes.

Très intéressantes.