19) Au cœur de la falaise
C'était une salle immense et rectangulaire. Elle devait bien mesurer trente mètres de largeur sur vingt de long. Le plafond était haut et de partout irradiait cette curieuse lueur verte qui les avait accompagné une partie du chemin. Une console émergeait comme une excroissance d'un mur et sur un écran des symboles clignotaient. Mais ce qui retenait surtout l'attention, c'était le centre de la pièce. Un large socle s'y élevait soutenant une énorme sphère. Elle reposait là comme une perle monstrueuse sur son écrin, vibrante, animée d'une incroyable énergie. Elle rayonnait littéralement dans l'espace de la pièce où elle était confinée depuis des milliers d'années. A la fois belle et fascinante dans la perfection de sa forme et répugnante dans ce qu'elle suggérait.
-Enfermée, emprisonnée. Les mots venaient de traverser l'esprit de John, des mots âpres, durs, comme si quelque chose tentait d'entrer en contact avec lui. Quelque chose de mauvais qui essayait de s'infiltrer dans son esprit, des doigts glacés qui agrippaient son cerveau.
Sur la surface de la sphère couraient des éclairs sinueux comme une multitude de vers grouillants. C'était dangereux, malveillant .Rien de bon ne pouvait en sortir. John fut accablé par des visions de haine, de rage et de cruautés pures qui ne se traduisaient non pas par des images mais par des flashs de couleurs violentes et de sensations agressives.
La sphère diffusait une aura violette qui semblait lui être propre dans un rayon de trois mètres environ autour d'elle, un rayon malsain, écoeurant qui semblait bien être une extension de son corps.
La chose là sur son socle était une entité à la fois vivante (Le major n'en douta pas une seconde), organique et artificielle.Un mélange de chair et de technologie. Une intelligence avait manifestement contribué à sa conception. Comme si quelqu'un avait voulu créer undéversoir pour y stocker le mal.
-Rodney, chuchota John en tirant la manche du scientifique.
Mais Rodney restait pétrifié à la fois révulsé et fasciné par l'entité. La curiosité, le besoin irrépressible de savoir, de comprendre, annihilait tout sentiment de danger. La sphère l'attirait comme un aimant. Il entendit une voix à la fois douce et grinçante qui l'incitait à s'approcher plus près, toujours plus près. Curieusement il associa la voix à quelque chose de rance, de pourri, à de la chair en décomposition.
-Viens, susurrait la voix, viens, tu sauras tout..
-Non ! hurla le major. Rodney venait d'entrer dans le rayon lumineux.
John n'hésita pas une seconde. Il se précipita à sa suite. Les yeux du scientifique brillaient étrangement. Il sourit et saisit son amant à la gorge en le regardant fixement et se mit à serrer. Le major tenta de desserrer l'étau des doigts en se débattant mais Rodney semblait animer d'une force supérieure.
Le poing de John partit. Il atteignit Rodney à l'estomac. Sous le coup de la douleur celui ci desserra les doigts et fut projeté hors du rayon violet. Il resta prostré sur le sol, plié en deux.
-Rodney, Rodney, ça va ? John fou d'angoisse saisit le visage de son amoureux et le couvrit de baisers.
Le scientifique reprit progressivement ses esprits.
-John , c'était quoi ? Des larmes coulaient le long de ses joues. Je ne voulais pas te faire du mal, je te l'assure. C'était horrible !
-Je sais, c'est fini Rodney, là, ça va, murmura John en essuyant tendrement les larmes. Il s'allongea près de son amoureux et le prit dans ses bras.
Rodney découvrit épouvanté les marques noires sur le cou du major.
-C'est moi qui ait fait ça !
-Ce n'est pas de ta faute, c'est cette chose.
Le scientifique posa ses lèvres sur les ecchymoses, provoquant une série de frissons chez son amant. Celui-ci gémit et captura la bouche de Rodney cherchant sa langue avec avidité alors que sa main s'égarait entre les jambes de son amant. Il n'avait pas l'intention de faire l'amour à proximité de cette chose mais ils ressentaient tous les deux un besoin impérieux de chaleur et de tendresse.
-Messieurs, désolé de vous interrompre dans un moment aussi… intense !
Les deux hommes se relevèrent d'un bond, stupéfaits.
-Kolya ! s'exclamèrent-ils d'une seule voix.
